samedi 20 octobre 2018

UNE PRIORITÉ?

Au Canada, cette semaine, nos médias et nos conversations ont beaucoup tourné autour de cette nouvelle réalité : la légalisation du cannabis. Depuis le temps qu'on en entendait parler, notre gouvernement fédéral a jugé bon qu'il fallait respecter la promesse qu'il avait faite lors de sa campagne électorale qui l'a porté au pouvoir, et surtout, parce qu'il est déjà en campagne électorale pour espérer se faire réélire l'an prochain. 

Mais moi, je m'intéresse plus à l'impact social, humain, sociologique qu'à l'analyse politique de cette nouvelle réalité et je ne peux m'empêcher de me demander si cet amendement légal méritait tellement d'être… 

UNE PRIORITÉ?

Pour être honnête, ce n'est pas aux gens de mon âge que je pense le plus quant à l'application de cette nouvelle loi mais plutôt aux générations des plus jeunes qui vivront avec ces substances à l'avenir. 


Le pot médical était déjà accessible dans notre société  et j'imagine que ceux et celles qui étaient aux prises avec des ennuis de santé auxquels le pot pouvait remédier en tout ou en partie devaient bien savoir où se procurer le remède qui leur apportait un peu de confort ou de réconfort. 


En prenant un peu de recul pour considérer la chose en essayant de ne pas avoir de parti pris, mon premier réflexe a été de me demander si nos jeunes allaient encourir plus ou moins de risques maintenant qu'ils vont pouvoir se procurer légalement cette substance dans un magasin autorisé. Oui, je le sais, pas avant d'avoir 18 ans, c'est ce que la loi dit mais comme pour l'alcool ou la cigarette, ce sera très facile de faire faire ses commissions par les autres… qui ont des cartes d'identité démontrant un âge légal. (t'sais, j'ai déjà été ado!...) 


D'un côté, il y a le soulagement de savoir que la substance achetée dans une boutique spécialisée aura des normes de qualité strictes et prévisibles mais d'un autre côté, on serait bien naïf de croire que le marché noir disparaîtra et qu'il n'y aura plus de cochonnerie qui circulera dans nos rues. (ben voyons donc, ont-ils vraiment légalisé le pot dans le but de nous protéger?... )



Je l'avoue, j'ai le vertige quand je pense que de fumer du pot trop jeune déclenche chez beaucoup d'individus des épisodes de psychose et les premiers symptômes d'une maladie mentale avec laquelle ils devront vivre et s'auto-médiquer dans la rue avec ce qu'ils y trouveront. (Et ça, je l'ai vu en masse autour de moi, il y a des gens à qui le pot ne convient pas du tout comme il y a des gens à qui l'alcool ne convient pas, c'est comme une forme d'allergie, je dirais) 


On pourra me dire que l'alcool et le tabac sont des substances qui sont offertes aux plus de 18 ans dans notre société et que, pourtant, mal gérées ou mal utilisées, elles se sont révélées très nocives pour la santé, qu'elles ont fait augmenter les taux de criminalité, de violence, d'hospitalisation, de décès et qu'en ce sens, le pot ne sera pas pire… N'empêche que je me demande encore pourquoi c'était si pressant de légaliser le cannabis alors qu'on n'est visiblement pas encore prêts sociologiquement à en assumer toutes les conséquences qui en découleront. Et ce, à tous les niveaux. 


J'en parlais avec un ami cette semaine et je lui demandais son avis, lui qui a travaillé toute sa vie auprès de la jeunesse. Il a fini sa carrière comme juge au Tribunal de la jeunesse d'ailleurs. Sa réponse, je me la suis appropriée tellement elle faisait mon affaire. Il m'a dit que légalement, on aurait pu commencer par décriminaliser le pot au lieu de le légaliser. Et ça, m'a-t-il dit, ça aurait fait toute la différence du monde au quotidien. 

Décriminaliser le pot pendant quelques années d'abord, voir ce qui se passe dans notre société autour de cette nouvelle réalité, prendre le temps et ne rien bâcler pour organiser  la prévention, les soins, les services, la commercialisation et empêcher surtout la banalisation (ça doit être correct, mes parents et mes grands-parents en fument et en mettent dans leurs muffins...) et dans un deuxième temps, disons un prochain mandat de 4 ans (!) procéder à la légalisation et la mise en marché. 

Voilà où j'en suis dans mes réflexions. Et vous?

(Mes photos ont été prises lors d'une randonnée pédestre dans le parc d'Aiguebelle en septembre dernier). 

6 commentaires:

Pierre Forest a dit…

Vaste question...et longue réponse :)

C'est sur que décriminaliser devenait une priorité pour plus de 20,000 Canadiens qui chaque années se retrouvent avec un dossier criminel qui peut limiter leurs déplacements dans certains pays, mais surtout les empêcher de se trouver un emploi, parce que les employeurs qui font la vérification des antécédents ne cherchent pas très souvent à connaître le pourquoi du dossier criminel et rejette purement et simplement la candidature.

Je ne sais pas, par contre, comment aurait réagit la population si on passait une loi pour décriminaliser la possession et que le lendemain, les gens reçoivent une amende pour avoir été arrêtés avec du canabis. Ça signifie que les autorités policières doivent continuer à faire de la répression. Et puis, de façon générale, on comprend bien ce qu'on veut comprendre. J'ai quelques exemples en tête...La société distincte de Bourassa à l'époque, la "distinct society" en anglais, était reçue dans le reste du Canada comme si le Québec voulait être identifié dans la Constitution comme une "société distinguée". Dans la perception, ça fait toute une différente. Ou encore, cette commission que voulait faire les Libéraux sur le "racisme systémique". Alors qu'on parlait ici essentiellement du "racisme des systèmes", ce fut interprété comme si les Québécois étaient systématiquement racistes. Question de perception, encore une fois...bon, je m'égare un peu.

Ma position sur le sujet est que de rendre légal l'usage et la vente de canabis, qui a probablement été déjà consommé par une assez bonne proportion de la population, particulièrement les Boomers, devrait être considéré à même titre que la cigarette ou l'alcool. Ce sont des produits nuisibles à la santé, mais pas interdits et ce sont des produits pour lesquels on doit éduquer la population, sans dramatiser, sur leurs effets et sur les risques qu'ils comportent et faire ensuite confiance au jugement des gens. C'est le risque de la liberté de choix.

La génération de mes enfants sont beaucoup plus responsables, par exemple, sur la question de l'alcool au volant, que ma génération l'était à l'époque. Ils fument moins que ma génération également et je pense aussi qu'ils boivent moins. Ça s'est fait par l'éducation, encore et encore et je pense qu'il est difficile d'éduquer les gens à l'usage de substances interdites.

Pour ma part, je souhaite que les jeunes évitent le canabis, parce que j'ai vu les effets qu'il peut provoquer. J'ai un ami d'enfance qui souffre de schizophrénie aujourd'hui et je pense que c'est lié à sa consommation de l'époque. Ce fut probablement un déclencheur. Je sais aussi que c'est une sorte d'éteignoir de motivation, alors que c'est tellement important dans la vie de se sentir motivé pour passer à l'action. Mes enfants consomment très peu d'alcool, pas de tabac et à ma connaissance, pas de canabis non plus. Ils sont heureux, bien dans leur peau et c'est tout ce qui compte pour moi. Je ne pense pas que ça mettra leur vie ou choix de vie en péril, parce que la substance devient légale.

Je ne suis pas sur que la société est entièrement prête à ce changement, mais on s'y fera. Je me rappelle de tout le débat et de la levée de bouclier concernant la possibilité de virer à droite à la lumière rouge. Aujourd'hui, on se pose très peu la question.

Zoreilles a dit…

@ Pierre : Je suis contente de te lire, ton point de vue m'intéresse beaucoup comme celui des autres amis(es) qui viennent parfois ici. Que c'est bon de pouvoir en discuter en étirant mon café du dimanche matin!

On est d'accord là-dessus, il était temps de décriminaliser, la répression n'a jamais rien donné, les policiers et enquêteurs doivent se concentrer sur les vrais criminels, pas sur les petits consommateurs qui ont quelques plants de pot dans leur sous-sol.

Mais l'éducation sera nécessaire pour les jeunes, comme elle l'est aussi au sujet de la sexualité, la prévention des agressions, l'alcool, la cigarette, la cyberdépendance, etc. Là encore on est d'accord. Et c'est la famille d'abord qui est responsable de le faire, supportée qu'elle devrait l'être par l'école et la communauté. Mais est-ce qu'on est prêt? C'est là, je trouve, qu'on aurait pu s'outiller comme du monde entre le moment de la décriminalisation et celui de la légalisation.

Quand on est ado, on est en pleine transformation de notre corps, de notre personnalité, on cherche beaucoup à se confondre dans la masse, faire comme les autres, on va parfois au-delà de ce qu'on est à l'aise pour ne pas être ostracisé. Et puis, on se sent quelqu'un quand nos amis nous trouvent cool, drôle, « game », on peut alors vivre dans une certaine illusion. Je le sais, j'ai beaucoup fumé de pot et de hash entre l'âge de 14 et 16 ans. J'allais à l'école et j'avais 3 jobs, j'étais très cool!

Un soir, après mon shift au dépanneur qui se terminait à 21 heures, j'ai fumé je sais pas quoi avec je me souviens plus trop qui en m'en allant à la maison. J'étais gelée comme une balle plus que d'habitude. J'étais pas bien, j'essayais que ça paraisse pas. Papa s'en est aperçu et il n'a pas dit un mot mais il m'a invitée le lendemain matin à l'accompagner « à la Caisse » en insistant beaucoup. J'ai compris qu'il voulait avoir une conversation privée avec moi. La suite est une si belle histoire de tendresse, d'amour et de complicité entre mon père et moi. Je ne l'oublierai jamais. Je n'ai plus jamais touché à ça depuis ce jour-là et je me demande ce qui aurait pu se passer dans ma vie si je n'avais pas eu le père que j'ai eu?

Je vois que comme moi, tu n'es pas alarmiste toi non plus. Tu as beaucoup réfléchi à la question, tu mesures bien et en connaissance de cause auprès de tes proches le peu de changement que cela amènera dans leur quotidien. Tu me rassures!

Anonyme a dit…

Bonjour,
Chez nous aussi c'est un problème récurent mais pour le moment rien de change.
D'après ce que l'on lit dans les journaux ou ce que l'on entend, dans les pays Européens où la légalisation a été faîte il y a déjà quelques temps la consommation n'a pas explosée et est plus sécurisée. Il y a le problème des trafiquants, c'est toute une activité lucrative qui explose et ça les politiques en ont peur, enfin c'est mon avis, ne pas légaliser c'est maintenir le calme dans une population redoutée.
Privée d'internet, toujours pas de connexion depuis le 27 septembre, j'ai enfin obtenu une clé 4G donc j'ai pu venir te faire un petit coucou.
Bonne journée à toutes et tous
Geneviève du sud

Zoreilles a dit…

@ Geneviève du Sud : Je te remercie pour ton commentaire, en plus qu'il n'est pas facile pour toi, privée d'une connexion Internet fiable, de venir jusqu'ici!

C'est rassurant de « t'entendre » dire que la consommation, particulièrement chez les jeunes, n'a pas explosé, qu'elle est maintenant plus sécurisée. Vous avez un peu plus de recul que nous sur la situation de la légalisation du cannabis dans quelques pays d'Europe, vous pouvez déjà faire des constats.

Et parlant des politiques en tout genre sur notre si petite planète, hier j'étais à la bibliothèque en fin d'après-midi avec la plus grande de mes petites-filles qui s'est choisi comme d'habitude une bonne dizaine de livres pour que je lui en fasse la lecture (c'est son choix même si elle lit très bien) et parmi ses choix, il y avait ce livre qu'on a tellement trouvé génial toutes les deux. Le titre est : « Cher monsieur Donald Trump » et le mot monsieur est rayé, donc le vrai titre, c'est « Cher Donald Trump ».

J'ai de la misère à te le résumer mais j'insiste, ce livre est génial. C'est un petit garçon qui a un grand frère qui lui tombe sur les nerfs et en entendant que Donald Trump veut construire un mur aux frontières d'un autre pays (le Mexique) pour empêcher les envahisseurs, décide qu'il va construire un mur dans leur chambre entre lui et son frère. Chaque jour, il écrit une lettre à Donald Trump pour s'en faire un allié dans leur projet de mur. Mais le jeune, on voit évoluer son projet fou, en dernier, il donne une belle leçon d'humanité, d'ouverture et de fraternité à Donald Trump.

Je n'ai pas retenu le nom des auteurs/illustrateurs mais ça a été publié très récemment, en 2018, aux éditions 400 coups. Un livre qui plaira aux adultes autant qu'aux enfants.

Le factotum a dit…

Durant les vingt dernières années où j’ai travaillé à l’administration de la justice, j’en connais un bout sur la problématique de la consommation.

Je suis tout à fait d’accord de fermer tous les dossiers de possession simple et ainsi permettre à plusieurs citoyens de se retrouver avec un dossier vierge.

Pour cela, le gouvernement devra simplifier la procédure permettant d’effacer cette infraction au code pénal.

Pour ce qui est de la suite, il n’y a qu’un mot qui me vient à l’esprit : éducation.
Une société ne s’épanouit que par l’éducation de ses citoyens fasse aux importants changements qu’elle veut apporter.

Personnellement, je n’ai jamais consommé, mais cela n’a pas empêché mes enfants de l’utiliser sans en abuser.

Zoreilles a dit…

@ Le factotum : Moi aussi je suis d'accord que ça pressait de décriminaliser ces dossiers de possession simple qui empêchaient des gens de voyager, de faire certains métiers, etc. Bref, il restera maintenant à simplifier la procédure, comme tu le dis si bien.

L'éducation est la clé de tout dans notre société : moins d'ignorance et plus d'éducation égalent moins de pauvreté, de consommation, de violence, de pollution, de misère, de haine, de racisme, de guerres et de conflits, etc. L'éducation est la solution à tout.

Tu es rassurant toi aussi… Salut Facto!