vendredi 28 septembre 2012

Si j'avais été une artiste








Photos 1 à 7 : Variations sur un même thème, le 23 juillet 2012, en début de soirée, peu après une pluie douce et chaude. Les rivières Darlens et des Outaouais se mariaient sous un ciel plus haut qu'ailleurs. 

Si j'avais été une artiste

L'approche de la fin de mes 40 années pas toujours faciles sur le marché du travail m'invite à faire ces temps-ci toutes sortes de liens et de constatations alors que les événements qui prennent place dans ma vie ou celle de mes proches s'arriment de manière à ce que je doive faire la part des choses, certains deuils et que je tire mes propres conclusions pour continuer d'avancer. 

J'ai longtemps oeuvré dans le secteur culturel de ma région. J'ai aussi pratiqué des métiers ou occupé des fonctions qui étaient à cheval entre la création et l'administration, les communications et la diffusion. Chaque fois qu'on m'a traitée d'artiste, je ne savais jamais quoi répondre alors je ne m'en défendais pas mais j'étais consciente que je n'avais pas ce qu'il fallait pour en être une. Oh j'admets que je peux être créative parfois mais assumer d'être une artiste, ça veut dire s'exposer à la critique de tout un chacun et ça, je dois l'avouer, c'était au-dessus de mes forces ou de ma sensibilité! Ou de mon orgueil peut-être... Ce que je vais vous raconter en est une preuve indéniable... 

Je n'oublierai jamais ce moment, le 8 mars 2004. Si je me souviens de la date aussi précisément, c'est parce que le huit mars est aussi « la huite marse », Journée internationale de la femme, et que l'année 2004 m'a fait vivre bien des tourments, mon père venait d'avoir le diagnostic d'une récidive de son cancer qu'on savait désormais inopérable et incurable. Il en mourra d'ailleurs 11 mois plus tard. 

Quelques syndicats s'étaient affiliés au ministère de la Condition féminine pour organiser une journée bien spéciale pour toutes ces femmes syndiquées de la fonction publique et para-publique qui étaient invitées à un déjeuner conférence qui leur était offert pour célébrer l'événement, mesurer les progrès réalisés et ceux qui restaient encore à faire. 

On m'avait approchée pour donner cette conférence et avant d'accepter, j'avais assisté à quelques réunions d'équipe pour bien cerner le sujet, les enjeux et les objectifs à atteindre, tant par les syndicats impliqués que par le ministère de la Condition féminine. Je me demandais pourquoi moi mais comme j'avais la tête ailleurs à cause de tout ce que je vivais, je m'étais dit que j'allais livrer la marchandise, je ne savais pas encore comment mais comme je livrais toujours la marchandise, à force de travail, de retroussage de manches, de recherche et de créativité, j'avais encore l'innocence de celle qui fait confiance sans trop se poser de questions. Après tout, si on m'avait demandé ça, c'est qu'on m'en croyait capable... 

On attendait à ce déjeuner conférence des femmes de partout dans notre région. Le Centre des Congrès de Rouyn-Noranda était une salle magnifique, parfaitement conçue pour ce genre d'événements, avec la technique de l'audio visuel, le confort, les tables en rond, les déjeuners 5 services et toute la logistique qui se conjuguait pour que tout se passe bien. La première année, on avait invité une petite troupe d'un théâtre forum de la région et l'initiative n'avait pas fait fureur chez les syndiquées. La deuxième année laissait la place à une ventriloque « de Montréal » et là, le divertissement avait beaucoup plu, d'après les sondages recueillis à la fin du déjeuner. Moi, j'étais la conférencière invitée de cette troisième année. 

Dans les réunions préparatoires, j'avais proposé comme titre, « S'allier et s'enrichir de nos différences », ce qui avait été accepté à l'unanimité et avec beaucoup d'enthousiasme par ceux qui m'avaient embauchée. Ce titre me permettait de construire mon propos autour des thèmes chers à toutes ces femmes de tous les horizons : la solidarité, la collaboration, l'entraide et ces différences qui nous rendent efficaces et complémentaires dans toutes ces micro sociétés que sont nos lieux de travail et de vie. 

Et j'ai travaillé fort pour bien préparer ma conférence, je ne laissais rien au hasard. J'étais jour et nuit là-dedans, à visualiser la salle et les convives, l'éclairage et la disposition des tables, à faire des recherches, à tenter d'innover, d'intéresser, de réfléchir, d'analyser, structurer de manière intéressante, peaufinant chaque fiche avec soin, en y mettant un peu de moi, mais pas trop, juste assez pour faire partie d'elles, moi qui avait déjà été fonctionnaire, en cherchant des exemples évocateurs, convaincants, concrets, en y mettant des touches d'humour, de fantaisie et de sensibilité, encore là, pas trop, juste assez.

La veille, j'étais ultra prête, mes fiches aide-mémoire étaient complètes et ça coulait de source. Avec des couleurs, j'avais surligné des expressions, titres et sous-titres qui me serviraient de repères discrets à déposer sur le lutrin mais surtout, je possédais mon sujet, mon texte était gravé dans ma tête et dans mon coeur, je n'aurais qu'à tourner les pages au fur et à mesure. J'avais même prévu de les relier toutes ensemble, ces fiches, au cas où il m'arriverait d'échapper le paquet par terre en montant sur la tribune! (Non mais c'est vrai, ce sont des choses qui peuvent arriver, en tout cas qu'il vaut mieux prévoir!...) 

Et, comme il fallait s'y attendre, j'ai très peu dormi cette nuit-là! 

Le matin du 8 mars... Je me présente à l'avance au Centre des Congrès. Plusieurs femmes sont arrivées et prennent place autour des tables. La salle se remplit à vue d'oeil. J'en salue quelques-unes au passage et je vais leur faire la bise, à celles qui ont déjà été des collègues, ou que j'ai croisées dans les ministères où j'ai déjà travaillé. On me demande : « Qu'est-ce que tu fais ici, à quel ministère t'es rendue? » et je répondais simplement que je ne travaillais plus dans la fonction publique mais que j'avais apprécié de travailler avec elles dans le temps... Plus la salle se remplissait, plus j'avais un sentiment d'angoisse profonde que je m'efforçais de cacher derrière un sourire détendu. J'ai toujours su « bluffer »... Mais je ne me sentais vraiment pas bien... 

La petite équipe avec laquelle j'avais eu plusieurs réunions était assise en avant, près de la tribune. Elles m'avaient gardé une place pour que je n'aie que quelques pas à faire quand on allait me présenter. On a commencé à servir les déjeuners. J'ai juste pu avaler mon jus d'orange et pas au complet. J'ai peut-être goûté à mon café aussi, je ne me souviens plus. Je picorais dans mon assiette pour me donner une contenance mais j'étais pas là, pas vraiment là. J'essayais juste d'avoir l'air d'être « normale » et lorsqu'on m'adressait la parole à ma table, j'avais une écoute encore plus grande que d'habitude, tout simplement parce que je n'étais capable que de sourire et d'écouter! J'étais dos au monde, ça adonnait bien, j'aimais mieux ne pas voir la foule. 

Le moment arrive où la directrice régionale du ministère de la Condition féminine me fait un clin d'oeil, se lève et s'en va au micro pour me présenter. Ah c'était tellement beau ce qu'elle disait que je ne me reconnaissais même pas mais c'était bien de moi qu'elle parlait, ça aurait dû m'aider mais c'était la fois dans ma vie où je vivais le plus douloureusement et le plus intensément le syndrome de l'imposteur! 

Les secondes qui ont suivi, encore aujourd'hui, je me les remémore comme dans un film au ralenti ou un mauvais rêve. Pendant qu'elles applaudissaient, je me suis levée et j'ai marché d'un pas assuré jusqu'à la tribune, avec mes fiches dans les mains que j'ai déposées sur le lutrin. J'ai levé les yeux pour apercevoir la salle, j'ai dit bonjour et j'ai souri. Trois cent cinquante femmes. Trois cent cinquante... On m'en avait informée juste avant mais de les voir là, devant moi, toutes ensemble, autour de ces 40 tables rondes... Ça fessait comme un dix roues!

J'ai souri une demi-seconde. Pas plus. Mais la terre a arrêté de tourner et mon coeur a cessé de battre pendant cette demi-seconde. Une vision d'horreur.  Trois cent cinquante femmes...
J'avais tout prévu sauf ça, un public homogène... Exclusivement féminin. Toutes des fonctionnaires, syndiquées, à qui l'on offrait un déjeuner conférence et qui trouveraient le tour de ne pas apprécier ce qu'elles avaient la chance d'avoir dans cet avant-midi de congé. Me revenaient à l'esprit toutes les critiques injustes et injustifiées que j'avais souvent eu l'occasion d'entendre quand j'étais fonctionnaire et qu'on se rassemblait à la salle à café, pour une pause de 15 minutes que j'aurais volontiers laissé tomber pour ne pas entendre leurs sempiternelles jérémiades contre l'une ou l'autre ou l'institution ou le patron ou le syndicat... Et moi, je m'en allais leur parler de « S'allier et s'enrichir de nos différences ». 

À cet instant précis, pendant cette demi-seconde où je les sentais réceptives à ma petite personne qu'elles allaient juger très sévèrement, je me demandais si j'allais partir à courir en pleurant vers les toilettes, vomir mon jus d'orange ou carrément perdre connaissance. Vraiment, j'aurais préféré perdre connaissance, c'est plus joli. Mais non, je voyais embrouillé mais je tenais sur mes jambes, et je me suis encore demandé pourquoi moi, pourquoi on m'avait demandé ça, à moi... Et pourquoi j'avais dit oui. Toujours pas de réponse et je n'avais pas le temps de chercher... Ma demi-seconde de sourire et de bonjour étant passée, j'ai pensé à mon petit Papa Léo, qu'on avait condamné la veille, lui qui était le plus grand communicateur que je connaissais, lui qui avait un charisme incroyable, et je me suis demandé ce qu'il aurait fait à ma place, là, tout de suite. 

En faisant semblant de placer mes fiches, je me tenais après le lutrin en ne quittant pas des yeux la salle mais je regardais au-dessus, c'est un vieux truc, et j'ai commencé avec une première phrase, entrecoupée d'un sourire et d'un clin d'oeil en avouant candidement que c'était impressionnant de voir autant de femmes réunies autour d'un café pour « S'allier et s'enrichir de nos différences ». C'est ce qu'aurait fait Papa, il me semblait. 

Heureusement que je possédais mon sujet, c'est ainsi que j'ai livré la marchandise. Le premier rire m'a ramenée sur terre. Ouf, que je l'avais échappé belle. Il me restait juste à continuer. À mesure que je sentais la salle à l'écoute, c'était le métier qui prenait le dessus, je réintégrais mon corps et quelques facultés intellectuelles. Quelques yeux souriants que j'avais repérés au fil des premières secondes m'encourageaient à saupoudrer çà et là un peu d'humour, un peu de complicité et je me suis rendue au bout de ma conférence sans pleurer ni vomir ni perdre connaissance.
Sous les applaudissements, j'ai réintégré ma place. On avait enlevé mon assiette évidemment et les autres filles étaient rendues à la salade de fruits frais et au quatrième réchaud de café au moins. J'ai pris mon café froid, trop gênée pour en demander un autre, c'était le dernier de mes soucis. On me félicitait à la table mais je n'y croyais pas du tout. Il était de bon ton de le faire en pareilles circonstances et c'est tout, je disais merci poliment mais je savais tout ce que j'avais risqué et que j'avais réussi à cacher à tout le monde apparemment mais moi, je n'étais pas dupe. 

Pendant qu'on terminait notre déjeuner, les femmes commençaient à mettre leur manteau et s'en aller, en laissant à la sortie les feuilles de sondage, parfois remplies, parfois pas. En rangeant mes fiches dans ma valise, je me suis aperçue que je ne m'étais servie d'aucune, elles étaient restées bien en ordre et toutes reliées... à la deuxième page!

J'avais hâte que l'équipe récupère les feuilles de sondage pour savoir si les femmes avaient apprécié ou pas le déjeuner, la salle, l'ambiance, le choix d'une conférencière, etc. Évidemment, ce qui m'intéressait, c'était uniquement de savoir ce qu'on avait pensé de ma performance et comment on m'avait jugée. Le reste, c'était de la régie interne des syndicats et du ministère de la Condition féminine.

Les filles de l'équipe ont vite fait la lecture des feuilles de sondage, la plupart n'ayant pas rempli le questionnaire et l'ayant remis intact. Sur une cinquantaine de feuilles, on avait coché des cases ou mis des commentaires, la plupart élogieux en ce qui concernait ma conférence, je pouvais même reconnaître le phrasé et l'écriture de certaines filles avec lesquelles j'avais déjà travaillé. Mais deux sondages ont émis des critiques au sujet du choix de la conférencière, on a essayé de les soustraire à mon regard mais j'ai insisté pour les lire. Et ça m'a fait mal. Je trouvais ces critiques très injustes et je ne pouvais pas me défendre ni m'expliquer. 

Les filles de l'équipe m'ont dit qu'il y avait eu moins de négatif que les années précédentes, que deux petites critiques négatives sur trois cent cinquante femmes, c'était le gros lot. Mais moi, je ne me souviens que de ces deux critiques-là, même pas signées, et j'ai oublié toutes les autres. 

Si j'avais été une artiste, il aurait fallu que j'apprenne à composer avec les critiques, les frustrations du monde et les commentaires négatifs et gratuits de ceux qui ne font jamais rien et qui se permettent de juger ce qu'ils ne comprennent pas. Je n'aurais pas su m'y faire, j'en suis convaincue. Et j'ai beaucoup d'admiration pour tous les artistes, quels qu'ils soient, parce qu'ils savent se livrer, corps et âme, en donnant le meilleur d'eux-mêmes pour leur art, en n'ayant pour tout bagage que leur passion et leur créativité. 


jeudi 13 septembre 2012

À force de manquer de tout...









Photo 1 : Le 28 juillet 2012. Nous étions en vacances à Rapide Deux. Avec nos amis, Réjeanne et Gérald, on a l'habitude de faire une expédition par été dans un secteur qu'on veut découvrir, à partir de la rivière des Outaouais. Cette année, on avait le goût d'aller au Lost Lake, qui porte bien son nom d'ailleurs, c'est vraiment un lac perdu au bout du monde! Il faut y aller à deux bateaux, parce que si l'un des deux fait défaut, on peut toujours se réchapper avec l'autre. Notre itinéraire : De Rapide Deux à Rapide Trois, Quatre, Cinq et Six. On prend ensuite le petit bras de rivière étroit et sinueux où sont deux camps abandonnés appartenant à une famille autochtone (des Algonquins qui vivent de chasse et de pêche) pour 10 km et on aboutit au Lost Lake. Il paraît qu'il y a de belles pêches à faire là et une petite plage magnifique où pique-niquer. 

Photo 2 : Après environ 1 km de cette petite rivière sinueuse, on arrive sur un ancien pont de la CIP (Canadian International Paper) qui témoigne d'un passé révolu, à l'époque où l'on coupait des forêts sans les détruire complètement, afin que la nature puisse reprendre ses droits, tranquillement pas vite. 

Photo 3 : Arrivés au Lost Lake, on a vite fait de repérer la magnifique petite plage dont on avait entendu parler. Ce qu'on y a découvert et qui nous a émerveillés, ce sont tous ces petits poissons qui nageaient en bancs et qui s'appellent, selon ce que Gérald nous disait, « de la ouitouche ».  Il n'en fallait pas plus pour que les gars commencent à vouloir en pêcher quelques-uns pour servir d'appâts et s'en pêcher des plus gros qu'on dégusterait au souper! Ici, on dirait qu'ils jouent au hockey mais ils font équipe pour les prendre dans l'épuisette, ce qui n'a pas fonctionné beaucoup mais c'était quand même un match enlevant! 

Photo 4 : On s'est patenté des cannes à pêche de fortune avec des branches, du fil à pêche et des petits hameçons auxquels on accrochait n'importe quoi. Mais vraiment n'importe quoi. Et ça mordait tant qu'on voulait. L'abondance! Voici de quoi ont l'air ces petits poissons qui nous ont servi d'appâts. À droite, en bas,  c'est un gros, je ne sais pas lequel de nous quatre l'a pris celui-là...

Photo 5 : Crocodile Dundee est content, il vient d'en prendre un gros! Gérald prépare sa ligne pour la remettre à l'eau au plus vite et Réjeanne essaie de calmer Frimousse, leur petite chienne adorable, qui assiste à toute cette frénésie sans rien y comprendre! 

Photo 6 : Moi, j'en revenais pas, j'étais devenue une bonne pêcheuse, je voulais une photo de ça!

Photo 7 : Avec ces ouitouches comme appâts, la pêche a été bonne au retour, on a pris 7 dorés qu'on a mangés chez Gérald et Réjeanne, à leur camp sur le bord de la rivière des Outaouais, à 5 minutes du nôtre. Ils ont un jardin, eux,  les légumes et fines herbes y poussent en abondance (décidément j'aime ce mot aujourd'hui). Réjeanne est une si bonne cuisinière et Gérald voulait absolument nous faire des frites maison. Comme de raison, on avait du vin aussi. 

Photo 8 : Après souper, on a étiré la soirée doucement, autour du feu, en admirant le coucher de soleil. Nos amis nous disaient : « Restez encore un peu, la lune est belle et les étoiles vous éclaireront jusque chez vous » et c'est ce qu'on a fait. 

À force de manquer de tout... 

Je complète la marotte de Crocodile Dundee : « À force de manquer de toutttttt, on manque de rien! ». Il dit ça de plus en plus souvent d'ailleurs. Quand on était un tout jeune couple, il disait plutôt : « Si le Bon Dieu donne à manger aux p'tits oiseaux, y aura sûrement quelque chose pour nous autres ». Disons qu'il ne parle plus le même langage qu'autrefois mais que ça signifie la même chose. Faire confiance à la Vie. 

Ces temps-ci, j'ai besoin de m'entourer d'abondance et de confiance en la Vie. J'ai toujours pratiqué la simplicité volontaire, non pas comme une restriction ou une limite, mais plutôt comme une liberté qui me permettait d'apprécier plus et de consommer moins. La vraie richesse, pour moi, a toujours été le temps,  pas l'argent. Mais j'ai beaucoup manqué des deux dans ma vie. Depuis que j'ai eu mes 55 ans, toute une suite d'événements m'ont fait réaliser que j'ai de plus en plus de mal à me passer du temps, celui qui file plus vite que tout, celui qui nous est compté, celui qui nous reste, qu'on en soit conscient ou non. 

Je cesserai toutes activités professionnelles à la fin de l'année 2012. La consultante en communication ferme la shop, c'est décidé. Mon client est avisé depuis mardi de cette semaine. On pourrait penser que je prends ma retraite. Pourtant non, je ne peux pas dire ça de cette manière. Je n'ai ni fonds de pension ni REER. Mais après 40 ans sur le marché du travail, je tire ma révérence. 

Ma décision est incomprise par pas mal de monde. (Encore une fois, « Vaut mieux mourir incomprise que de passer ma vie à m'expliquer »...). J'en reviens pas. Tous ceux qui projettent sur moi leur propre insécurité ont la plupart du temps tout ce qu'il faut pour envisager une vraie retraite. Pourtant, je les plains puisqu'ils n'auront jamais assez de sécurité devant eux pour changer de vie. Ils ont peur de s'ennuyer, de changer leur routine, de ne pas trouver leur valorisation ou leur utilité dans la vie, hors du travail. Je ne sais pas de quoi ils ont peur exactement mais quand ils disent qu'ils ont peur pour moi, je ne les crois pas, ils ont peur pour eux et c'est tout. 

Il me reste quelques mois à travailler toute seule dans mon bureau, à écouter les différentes stations de radio, de telle heure à telle heure, le matin et en fin de journée, les bulletins de nouvelles, les actualités régionales télévisées tous les soirs, surveiller les hebdos régionaux du mardi, du mercredi, du vendredi, me taper des lectures obligatoires qui me sont imposées, rédiger des textes dans lesquels je ne crois plus, être constamment prisonnière du téléphone et du courriel pour répondre aux urgences du travail. Bref, le jeu n'en vaut plus la chandelle et j'ai pris ma décision en toute connaissance de cause, mesurant les risques... mais aussi la liberté et le temps que je vais retrouver, en 2013.

Ce billet n'aura pas de conclusion. Parce que je ne la connais pas, la conclusion. Je verrai à mesure. Je fais confiance à la Vie. Jusqu'ici, ça ne m'a pas rendue riche mais ça m'a rendue heureuse. Alors, je prends la chance...  qu'à force de manquer de touttttt, je manquerai de rien. 


mardi 4 septembre 2012

Au-delà du vote







Photo 1 : Dimanche matin, le 2 septembre dernier, 8 heures. Noémie et Hubert s'en retournaient poursuivre leurs études en agronomie à l'Université Laval, après s'être accordés quelques jours de vacances bien méritées dans l'Abitibi natale de Noémie, qu'elle a su faire aimer à Hubert, un fier Québécois de Rimouski. Voilà deux belles jeunesses qui me donnent le goût de ne jamais baisser les bras. Cette jeunesse informée, allumée, vibrante, consciente, pleine de rêves, de projets et de courage, ouverte sur le monde et profondément enracinée. Je veux pour eux une société meilleure où ils pourrons s'aimer, semer et construire ce Québec d'aujourd'hui et de demain.

Photos 2-3-4 : C'est la saison des champignons. Je les ai photographiés dimanche matin, à quelques pas du camp à Rapide Deux. Chaque année, en septembre, je me promets qu'un jour, je pourrai les connaître, les identifier de façon certaine sans prendre de risques, pour les récolter, les déguster, les partager. Pour le moment, je reste ignorante en ce domaine. 

Photo 6 : Ça, par exemple, ce sont des cadeaux de la nature que je peux identifier et dont je peux profiter. Ce que je tiens dans ma main, ce sont des tiges à feuilles rondes minuscules (délicieuses) qu'on appelle du « ti thé » parce qu'on en fait... un petit thé qui goûte le ciel... Avec Félixe, dimanche avant-midi, on en a cueilli une bonne quantité. Elle était tellement contente et moi aussi! Tant qu'à être dans la « talle », on a aussi cueilli des feuilles de thé du Labrador, les deux plantes étaient toutes près l'une de l'autre, à proximité des champignons d'ailleurs, dans la forêt de pin gris. 

Photo 7 : Sur le chemin du retour, dimanche après-midi, à 3 km de Rapide Deux, on a vu un gros nounours (on peut cliquer sur les photos pour voir de plus près). Si la nature nous fait cadeau de toutes sortes de plantes, de feuilles et de fruits en cette saison, les nounours, eux, n'ont pas eu de chance cet été avec les bleuets qui se sont fait rares, ayant subi un redoux en mars, du gel pendant la floraison, suivi d'une sécheresse en juillet. 

Au-delà du vote 

Jour de vote aujourd'hui au Québec. J'avais hâte. Cette campagne électorale de 35 jours m'aura entraînée dans un tourbillon que je n'avais pas cru au départ aussi exigeant. Pourtant, ce n'était pas une première pour moi, j'avais déjà fait le même travail de coulisses en 2007. Cette fois, liée par mes convictions politiques personnelles comme par le travail que j'avais accepté de faire aux communications (stratégies, revues de presse et vigie médiatique) j'ai l'impression d'avoir tout vu, tout lu, tout entendu, tout analysé et tout intégré dans nos médias régionaux et nationaux, radio, télé, journaux, web, comme les élucubrations de tout un chacun dans les médias sociaux. J'en ressors donc avec des convictions plus profondes encore qui ont été maintes fois mises à l'épreuve par une attention soutenue, une écoute active, une analyse toujours à refaire, selon ma propre grille et c'est pourquoi j'avais si hâte de voter. Qu'on en finisse!

Les chroniqueurs, experts et analystes avaient prévu que cette fois, la popularité des réseaux sociaux allaient influencer le cours et le résultat de cette campagne électorale. Moi, ce que j'ai trouvé, c'est plutôt que les gérants d'estrade se multipliaient de façon exponentielle et j'ai bien plus vu des gens qui allaient voter contre quelqu'un que pour quelqu'un. Il me semble qu'on aurait mérité de voter librement pour des idées auxquelles on croyait, un projet de société dans lequel on se reconnaissait. Mais on a surtout fait la promotion de la peur et du mépris jusqu'à aujourd'hui, 4 septembre 2012. 

Dans tout ce tapage émotif, je suis tombée sur une perle qui a représenté pour moi quand j'en avais le plus besoin une sorte d'oasis, un espoir que je fais mien, une vérité que j'avais oubliée et qui me soutient à l'année longue, en dehors de toutes ces campagnes de peur et de salissage qu'on dit « électorales ». Je ne connais pas personnellement la personne qui a écrit ça, mais je sais qu'elle est des Îles de la Madeleine, à cause de son nom de famille et de l'endroit où j'ai lu ça. Elle s'appelle Yvonne Langford et elle est enseignante, je crois : 

« Je me félicite d'avoir dit aux étudiants de ne pas mettre toutes leurs attentes dans cette élection. Parce qu'une société, ça ne se change pas seulement avec une élection ou avec des politiciens. Ça se construit avec des citoyens qui, au jour le jour, s'informent, discutent, s'impliquent de toutes sortes de manières à tous les niveaux de la société ».