dimanche 28 novembre 2010

Tiens, Martin!


C'est l'affiche du film « Voir Ali » dont je vous avais déjà parlé dans mon billet du jeudi 28 octobre dernier et le billet suivant.

Tiens, Martin!

Au sujet de ce documentaire qui avait été présenté en grande première au Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue, j'ai le goût de répéter le slogan qu'on entendait dans le temps, dans les publicités de la soupe Habitant : « Y a un p'tit peu de nous autres là-dedans! ».

Le réalisateur, Martin Guérin, y raconte une histoire très belle, très vraie, qui était un peu passée sous silence en 1983 pour des raisons qu'on comprend au fil des 52 minutes de Voir Ali. Ce que ce film raconte, au-delà de l'anecdote, c'est surtout de quel bois se chauffe la population d'une région comme la nôtre quand de merveilleux fous se mettent à croire que tout est possible.

Voir Ali a nécessité plus de deux ans de travail et beaucoup de passion, de détermination et de talent de toute une équipe, tout au long du tournage. Ce qui s'est passé en coulisses est tout aussi intéressant que ce qu'on voit à l'écran. Comment je le sais? Parce que mon beau-fils, Dominic Leclerc, m'en a raconté des petits bouts, puisqu'il y a participé depuis le début, à la direction photo, au montage et lors de nombreuses discussions enrichissantes avec Martin Guérin et toute l'équipe. Même moi, j'ai une petite participation à la fin, c'est le secret que je vous avais révélé dans mon billet suivant!

Depuis, beaucoup de gens m'ont dit qu'ils étaient déçus de l'avoir manqué lors de sa présentation qui avait fait salle comble au Théâtre du Cuivre le 31 octobre. Mais tout n'est pas perdu, je vous cite un extrait d'un courriel que je viens de recevoir de Martin :

« Allo Francine,

Comme ton blogue me semble très fréquenté, je te refile des infos que tu pourrais transmettre à tes lecteurs... Merci à l'avance. À bientôt. Martin »

Que mon blogue soit fréquenté un peu, beaucoup, passionnément ou pas tellement, on s'en fiche, on ne voudrait pas enlever à Martin ses illusions, n'est-ce pas? Je suis ravie si Chez Zoreilles peut servir de courroie de transmission dans ce cas-ci. Voici donc un extrait du communiqué de presse :

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(Rouyn-Noranda, novembre 2010) - Après un passage remarqué au Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue où il s'est vu décerner une mention du jury, le documentaire Voir Ali de Martin Guérin sera projeté une dernière fois à Rouyn-Noranda. Le film sera diffusé sur grand écran au Cinéma Paramount le lundi 13 décembre à 18 h 30 ainsi que le mardi 14 décembre à 18 h 30. Les spectateurs auront aussi la chance de discuter avec les intervenants et les artisans du film après les deux projections. Le film Voir Ali propose un regard sincère et ludique sur l'improbable séjour du grand boxeur Muhammad Ali à Rouyn-Noranda en juin 1983.

Points de vente des billets jusqu'au jeudi 9 décembre :

Chocolaterie Le Gisement
Café-bar L'Abstracto

Point de vente des billets à partir du 10 décembre :

Cinéma Paramount

Bande-annonce : http://www.vimeo.com/15468250 »

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Vous vous demandez sûrement : « Oui mais si l'on habite pas vraiment près de Rouyn-Noranda, comment on fait pour voir ce film? » Là, j'avoue, je ne sais pas. Comme tous les films produits au Québec, j'imagine que Voir Ali prendra son envol et connaîtra une carrière prochainement. Je vous promets que je vous tiens au courant dès j'en entends parler. Et je devrais en entendre parler, parce que... « Y a un p'tit peu de nous autres là-dedans! »

jeudi 18 novembre 2010

Déjeuner causerie



Photo 1 : Mardi dernier, j'ai commencé à prendre de l'avance pour les fêtes, question d'avoir de quoi recevoir tous ceux qui viendront. Avec les dernières retailles de pâte à tarte, j'ai même fait des... reconnaissez-vous les indémodables et très classiques pets de soeur?

Photo 2 : Voilà le décor de nos déjeuners causeries... Au début, il fait toujours noir, on se lève très tôt, mais quand on est rendu à étirer le café, le soleil se lève sur nos conversations déjà très animées.

Déjeuner causerie

Crocodile Dundee et moi avons été les meilleurs amis du monde avant d'être amoureux, et comme l'un n'empêche pas l'autre, nous avons la chance de pouvoir déjeuner tous les matins avec notre meilleur(e) ami(e). Non mais sérieusement, on se trouve chanceux. On s'obstine, on jase, on rit, on refait le monde, on commente les nouvelles à la radio quand ça adonne, bref, ce n'est jamais tranquille chez nous le matin.

Même que parfois, il arrive que la conversation ne soit pas finie et qu'il doive partir travailler, alors, on se donne un bisou sur le bord de la porte et on se dit qu'on finira ça au souper. Ce matin, on discutait générosité, paniers de Noël, guignolée des médias, solidarité et bonnes intentions. Tout ça parce qu'il traînait sur la table au déjeuner une feuille d'information de La Ressourcerie avec des suggestions d'achat de denrées non périssables pour les paniers de Noël.

Crocodile Dundee se rappelait avec nostalgie l'époque où l'on faisait « l'épicerie pour une autre famille » et qu'on avait tant de bonheur à le faire. C'était avant que la solidarité soit institutionnalisée.

Dans le temps, nous étions jeunes mariés, sans enfant, pas encore une famille. On avait un ami qui était prêtre, qui connaissait bien les familles de sa paroisse, celles qui avaient besoin d'un panier de Noël mais qui n'auraient jamais osé le demander, pour des raisons qui leur appartiennent et que je respecte. Notre ami servait d'entremetteur pour que jamais cette famille ne sache qui nous étions et que nous ne sachions pas non plus qui ils étaient. Notre tradition annuelle s'est poursuivie longtemps après la naissance de notre fille.

On prenait rendez-vous à l'avance avec notre ami au début décembre. Au jour convenu et à l'heure dite, on allait porter au presbytère l'épicerie en question, trois ou quatre boîtes remplies de toutes sortes de victuailles. De son côté, notre ami allait porter ces boîtes dans les minutes qui suivaient là où c'était attendu et probablement apprécié. Ce stratagème nous permettait d'acheter de tout et pas seulement des denrées non périssables. On avait un plaisir fou, chaque année, Isabelle s'en souvient encore elle aussi, à faire cette double épicerie, c'est-à-dire qu'on prenait deux gros chariots, et quand on achetait quelque chose pour nous, on achetait exactement la même chose pour l'autre famille, en sachant qu'on se régalerait des mêmes fantaisies que cette autre famille qu'on ne connaissait pas.

Une dinde pour nous? Une dinde pour eux! Un gros pot de Nutella pour Crocodile Dundee? Un gros pot de Nutella pour l'autre famille. Des céréales de nounours chez nous? Des pareilles chez eux. Trois litres de lait? D'accord, trois litres de lait dans l'autre chariot aussi. Des chocolats? Oui, des chocolats, c'est Noël, on veut des pretzels, du beurre d'arachide, des framboises congelées, des soupes toutes prêtes, des craquelins, des couronnes de crevettes, des petits pois, des sacs d'oranges, de pommes, des yogourts, une bûche de Noël et toutes les fantaisies qu'on voulait, pour nous comme pour eux. C'était Noël dans notre coeur, bien avant Noël, juste parce qu'on avait le sentiment de partager le peu qu'on avait mais avec tout notre coeur.

Ce matin, au déjeuner, nous regrettions ce temps révolu et cette tradition bien égoïste (pas trop quand même, ça partait d'une bonne volonté) qu'on avait instaurée et perpétuée, de donner quelque chose à une autre famille qu'on ne connaissait pas. Cette épicerie-là, ce soir-là, était un moment magique, rien qu'à penser que ce qu'on choisissait pour nous avait des répercussions immédiates qu'on espérait joyeuses pour d'autres... si près de nous.

Notre ami prêtre est décédé il y a plus de 10 ans. On n'a jamais su s'il donnait cette épicerie à la même famille tous les ans ou s'il variait de famille d'une année à l'autre, tout ce qu'il nous disait, et tout ce que nous avions besoin de savoir, c'était que ça faisait des heureux.

Les paniers de Noël sont devenus des dons et des partages très encadrés par des organismes reconnus, transformés en banques alimentaires qui fonctionnent à plein régime, tout au long de l'année. C'est très bien. Les besoins sont criants. La Guignolée des médias donne un coup de pouce pour renflouer les réserves dans les entrepôts et bien garnir les paniers de Noël qui seront attribués aux individus et aux familles qui en font la demande. C'est discret et anonyme. Maintenant, notre manière de partager avec d'autres, ça consiste à donner de l'argent aux coins des rues quand c'est le moment, en y ajoutant parfois des sacs de denrées non périssables. C'est cette liste de suggestions d'achat qui est arrivée dans nos publi-sacs cette semaine et qui se trouvait ce matin sur la feuille blanche qui gisait entre nos deux cafés...

On était tristes, Crocodile Dundee et moi, quand on a pris connaissance de cette liste de suggestions qu'on trouvait trop ordinaire, sans couleur, sans saveur, sans surprise, sans folie et sans fantaisie. Je vous laisse en juger, je vous la retranscris au complet :

Beurre d'arachide, Cheese Whiz, mayonnaise, ketchup, légumes en conserve : champignons, maïs, fèves, macédoine, tomates étuvées, céréales : Frosted Flakes, céréales mélangées (petites boîtes), salade de fruits, pâtes alimentaires : macaroni en coudes, spaghetti, biscuits sucrés, thon, viande en conserve : ragoût de viande, viande en flocon, fèves au lard, soupe en boîte, jus de fruits, Kraft dinner, jus de tomates. Et c'est tout. Je vous jure, c'est tout. Vous ne trouvez pas ça triste, vous autres?

La Guignolée des médias, ce sera le jeudi 2 décembre, partout au Québec. On fera notre part, c'est sûr, en préparant nos dons qui seront recueillis aux coins des rues par les bénévoles qui se feront geler toute la journée pour prendre tout ce qu'on voudra bien donner pour avoir bonne conscience. On contribuera encore cette année avec des billets de banque, parce que nous, on ne peut pas se résoudre à donner des boîtes de Kraft dinner, des cans de jus de tomates, du Cheese Whiz et des céréales-même-pas-de-nounours.

J'ai trop de respect pour la pauvreté, pour ceux qui n'ont pas la même chance que nous... À Noël, est-ce qu'on ne pourrait pas leur donner autre chose à manger que de la misère? Je comprends ces choses-là avec ma tête mais pas avec mon coeur. Je peux juste pas m'imaginer qu'un soir de Noël, dans une famille, on va ouvrir une can de fèves au lard ou qu'on va faire chauffer le contenu d'un grosse boîte de ragoût. Et les enfants là-dedans? Les tout petits? Non, faut même pas que j'y pense, je braillerais. Surtout qu'il y aura encore des enfants blasés dans d'autres familles qui en auront trop. Crocodile Dundee pense comme moi, on va essayer ensemble de trouver quelque chose de plus et de mieux à faire. Sinon, on aura échoué. On s'est dit qu'on s'en reparlerait au souper...

lundi 8 novembre 2010

La Marche verte





Photos 1, 2, 3 et 4 : La Marche verte se déroulait ce matin, le 8 novembre 2010, de 10 heures à midi, à Ville-Marie, au Témiscamingue. Cette marche de solidarité s'est organisée en un mois seulement par le comité de mobilisation du Témiscamingue.

La Marche verte

D'abord, il faut connaître un peu le contexte. Le nom de ma région, c'est l'Abitibi-Témiscamingue, je ne vous apprends rien là... Population : 145 000 habitants. Superficie : Un territoire démesuré de 65 143 km/2, aux dimensions d'un pays. En comparaison, le Liban, c'est 10 452, le Rwanda 26 338, la Belgique 30 528, la Suisse 41 290, le Costa Rica 51 500, le Sri Lanka 65 610, l'Irlande 70 280 et ainsi de suite. Pour aller plus rapidement, je dis souvent que ma région est presqu'aussi grande que l'Irlande.

En Abitibi, la base de l'économie, ce sont les mines, les forêts, l'agriculture. Quand la crise forestière secoue tout le Québec et que les difficultés en agriculture deviennent invivables pour les petits producteurs, l'Abitibi peut compter sur les mines pour assurer sa survie. Et c'est ce qui se produit en ce moment.

Pour le Témiscamingue, la situation est bien différente. Avec une population de 16 000 habitants (sur le total de 145 000 mentionné plus haut) répartis dans des petites villes et villages, leur économie a toujours été basée sur l'exploitation de la forêt et ensuite l'agriculture. C'est tout. Ils ne peuvent compter sur aucun autre secteur d'activités que ces deux piliers de leur économie. Voilà le portrait résumé de la réalité témiscamienne.

La Marche verte avait lieu ce matin à Ville-Marie, au Témiscamingue. Elle avait pour but de mobiliser la population pour lancer un cri d'alarme au reste du Québec, se faire entendre par les instances décisionnelles de tous les paliers de gouvernement, pour que certains projets aboutissent enfin, que les lois s'assouplissent et se modulent en tenant compte des particularités et de la réalité que vivent les Témiscamiens.

À la blague, on a expliqué l'appellation de « La Marche verte » pour faire un clin d'oeil à « La Marche bleue » organisée à Québec pour promouvoir l'idée qu'une équipe de hockey vienne s'y installer. Les enjeux diffèrent mais ils sont d'autant plus importants quand la survie d'une région en dépend.

Aujourd'hui, j'étais là, je n'aurais pas voulu être ailleurs. Nous étions entre 3000 et 5000 personnes à marcher dans les rues de Ville-Marie, pour dire qu'on existe, qu'on ne veut pas être oubliés, qu'on aime vivre ici et qu'on est prêts à se mettre en action pour travailler ensemble, peu importe la provenance ou le parti politique auquel on souscrit.

Pour une population de 16 000 habitants au Témiscamingue, quand une marée humaine entre 3000 et 5000 personnes marchent dans la rue en chantant et en dansant sa fierté, son courage, sa volonté et son sens de l'appartenance et de la solidarité, c'est 30 % de la population qui se mobilise et qui y croit avec l'énergie... j'allais dire du désespoir mais il s'agissait plutôt d'espoir. Un espoir aussi vaste et infini que la région, aussi profond que le lac Témiscamingue, nom Algonquin qui signifie en français « eaux profondes ». Imaginez si la température avait été clémente!

Ville-Marie, de chez moi, c'est habituellement 90 minutes de route. Ce matin, c'était plutôt 2 heures à cause du brouillard opaque. Mais nous avons passé l'épreuve, rien ne nous arrête, la région du Témiscamingue ne demande que ça, se prendre en main, se retrousser les manches et aller de l'avant, avec fierté, courage, solidarité et dignité. On n'attendra pas la fin de la crise forestière ou un miracle improbable dans le secteur de l'agroalimentaire pour réagir.

Ce matin, pour la Marche verte, entre 10 heures et midi, ils sont venus de partout mais surtout de tous les villages du Témiscamingue, un peu de l'Abitibi aussi mais pas autant que je l'aurais souhaité... Au Témiscamingue, l'appel a été entendu, près de 400 entreprises étaient fermées pour cette cause rassembleuse, les écoles aussi, les commerces, les services et tout le Témiscamingue convergeait vers ce rassemblement qui faisait chaud au coeur à vivre, à voir et à entendre.

Il y avait longtemps que je n'avais pas vu pareil exemple de solidarité. Traitez-moi d'idéaliste si vous voulez mais j'ai la conviction profonde que ce sont les peuples qui changent les choses, pas les élus. Et le peuple, ce matin, il était là, malgré le froid et l'humidité, la visibilité nulle et la chaussée glissante.

J'ai vu des gens âgés, certains avec une canne, d'autres en fauteuils roulants, des petits dans les poussettes, d'autres sur les épaules de leurs parents, des femmes très belles, les joues rosies par le froid, quelques-unes enceintes, des hommes fiers, de solides gaillards, habillés en ouvrage, on savait où ils iraient après, des enfants qui avaient dessiné des pancartes touchantes (photo 3) des travailleurs ayant perdu leur emploi avec des pancartes de leur entreprise fermée, des agriculteurs avec des manteaux aux couleurs de « production laitière », des adolescents qui se tenaient par la main, qui se lâchaient pas, qui dansaient plus qu'ils ne marchaient, d'autres qui avançaient en battant la marche avec leurs tam-tam, et le moment le plus émouvant a été pour moi d'entendre la foule chanter si tant tellement fort le refrain de Mario Peluso, « Je m'en retourne au, jusqu'au... Témiscamingue », quand on est arrivés en haut de la côte, que je me suis retournée et que j'ai vu cette marée de monde qui s'étendait tissée serré jusqu'au majestueux lac Témiscamingue qui se perdait dans le brouillard.

Ce sont les peuples qui changent les choses, pas les élus.

lundi 1 novembre 2010

Secret de tournage... révélé!



Photos : C'était dimanche après-midi, le 31 octobre, sur la scène du Théâtre du Cuivre, à Rouyn-Noranda, lieu principal des projections du Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue. Une partie de l'équipe de tournage du documentaire signé Martin Guérin, Voir Ali, présentait le fruit de deux ans de travail qui racontait une fort belle épopée, un événement survenu en juin 1983.

Secret de tournage... révélé!

Voir Ali a reçu un accueil triomphal. Au-delà du fait que ce film raconte avec authenticité, humour et tendresse une page d'histoire qui était bien trop passée sous silence à l'époque, ce que j'y ai trouvé en plus, c'est l'extraordinaire folie constructive et créatrice de ceux qui avaient rendu tout ça possible à ce moment-là. On pourrait penser qu'il s'agit tout simplement d'un fait insolite et improbable mais il y a dans ce film beaucoup plus qu'un document d'archive qui vient d'être créé avec les gens qui s'en souviennent et qui le revivent intensément en le racontant.

Qu'on aime la boxe ou pas, qu'on ait eu pour idole Cassius Clay devenu Muhammad Ali ou pas, « The Greatest » était bel et bien venu à Rouyn-Noranda en juin 1983, parce que de merveilleux fous s'étaient mis dans la tête de faire ce qu'il fallait de folles démarches, et ensuite d'aller à Los Angeles, lui vendre cette idée-là, faire en sorte qu'il soit séduit et qu'il accepte de venir chez nous, prononcer une conférence lors d'un souper, et ainsi par sa seule présence, aider à constituer le financement qui allait assurer la tenue des Championnats Sportifs Québécois à Rouyn-Noranda.

Voilà pour le contexte. Vous pouvez voir la bande-annonce ici : http://vimeo.com/15468250

Je ne vous raconterai pas tout le film mais je vous dirai seulement que cette histoire méritait d'être racontée et c'est aussi ce que pense Réjean Tremblay dans La Presse. Voici l'article qu'il a écrit quand il a vu le documentaire en visionnement de presse :

Pour faire ses recherches, scénariser, documenter et tourner son film, Martin Guérin, le réalisateur, disposait d'un budget minuscule, rien à voir avec d'autres films qui se tournent au Québec et dans le reste du monde. En ce sens, je vois un lien à faire entre ce documentaire, le Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue et la visite de Ali à Rouyn-Noranda en 1983 : croire que tout est possible si l'on veut bien y mettre l'effort, se retrousser les manches et passer à l'action avec l'enthousiasme, la fougue, le goût de l'aventure, le sens de l'innovation, l'initiative audacieuse et juste ce qu'il faut de naïveté pour ouvrir des portes que d'autres penseraient impossibles à déverrouiller, même avec la clé!

Ma participation

L'une des difficultés du tournage de ce documentaire, c'est que l'événement semblait ne pas avoir laissé de traces concrètes dans les archives locales, régionales, nationales, etc. Plusieurs s'en souvenaient, l'avaient vécu, y avaient participé et si les souvenirs étaient restés gravés dans les coeurs et les mémoires, plusieurs rumeurs avaient couru et une foule de questions étaient demeurées sans réponse. Cette histoire sommeillait dans l'oubli et le serait restée sans la détermination de Martin Guérin. Il y avait des raisons à cet « oubli » et le documentaire les explique très bien.

À quelques reprises, on a fait des appels à tous sur les ondes de nos radios régionales pour retrouver des photos, des témoignages, des vidéos, du film, etc. Nos actualités régionales télévisées (Radio-Nord) avaient bien présenté des reportages de l'événement en 1983 mais ils n'en avaient conservé aucune archive. Pas la moindre trace. Des réseaux nationaux de télé étaient présents sur place mais aucun d'entre eux n'avait rien gardé non plus du passage du « Greatest » à Rouyn-Noranda. Des journalistes de la presse écrite avaient couvert l'événement et rapporté l'affaire, bien sûr, des gens de la radio aussi, mais aucun n'avait un petit bout de film ou un extrait sonore qui pouvait prouver que c'était bel et bien arrivé.

Comme je voyais souvent Dominic dans un contexte familial, qu'il collaborait à ce film et que je l'avais entendu moi-même en entrevue faire des appels à tous pour mettre la main sur un document vidéo qui viendrait ancrer ce fait dans la réalité de l'époque, je m'informais souvent s'ils avaient eu des réponses et chaque fois, il me répondait que non. Ils en étaient désolés. Un bon dimanche soir, je me décide :

- Cou'donc, Dominic, est-ce qu'il va falloir que je vous sorte mon premier film à vie, quand j'ai essayé ma nouvelle Super 8 que je venais d'acheter, et que Mohammad Ali était justement en ville?

Dominic me regardait avec des yeux grands comme des trente sous...

- Quoi?

- Je me souviens plus c'était quelle année mais j'avais ramassé mon argent pour m'acheter une caméra, c'était une Super 8, j'avais une bobine de film avec mon livre d'instructions, je savais à peine comment l'ouvrir et la fermer, je venais de découvrir que j'avais un zoom, j'avais hâte de l'essayer et Joce était justement retonti chez nous, il m'avait dit : « Saute dans l'char, on va aller l'essayer, ta ciné, Ali est en ville! » et moi, je lui avais répondu : « Es-tu sûr que c'est vrai, ça, Mohammad Ali en ville ? »

- T'avais ça pis tu me le disais pas?

- Ben... C'était mon premier film à vie, je voulais juste essayer ma caméra neuve, j'espérais que vous en trouviez d'autres, ça doit être plein d'erreurs, ce vieux film-là...

- As-tu encore ça?

- Ça doit, j'ai un gros sac avec au moins une cinquantaine de bobines, c'est en-dessous de l'escalier.

- As-tu un projecteur?

- Oui pis un écran!

Alors, on a été fouiller en dessous de l'escalier, on a remonté tout ça en haut, on a commencé à vouloir visionner quelques bobines non identifiées et les vieilles pellicules cassaient sans arrêt. On a tout arrêté ça, Dominic craignait d'endommager LE FILM, d'ailleurs, la petite Félixe était fatiguée et ils sont repartis chez eux avec mon gros sac de vieilles bobines, Dominic était tout content d'être heureux!

Je trouvais ça dommage de le faire tant travailler pour peut-être pas grand chose. Je me souvenais vaguement des images que j'avais tournées mais je ne les avais pas revues depuis 1983. Quelques semaines plus tard, je reçois un appel de Dominic, euphorique. À la 24e bobine qu'il visionnait, il venait de mettre la main dessus, c'était mon film de Mohammad Ali. Trois minutes de Mohammad Ali, dans une jeep décapotable sous un soleil de plomb, saluant les gens entassés de chaque côté de la rue pour le voir passer, Ali qui avait fait arrêter la voiture pour prendre un bébé dans ses bras et lui faire un bisou, faisant mine de boxer avec un p'tit gars, Ali de près et de loin, se dirigeant vers la Maison des invités de la mine, là où il était hébergé durant son passage ici, j'avais bien utilisé mon zoom au maximum, et si le film était parfait pour le rythme, selon Dominic, mon explication en était toute simple : je ne pouvais pas aller plus vite, j'étais en train de l'essayer, ma nouvelle Super 8.

Quand Martin (Guérin) a appris l'existence et le contenu de mon film, il a dit à Dominic qu'il l'aimait beaucoup, sa belle-mère! Ils ont fait numériser ma vieille bobine et c'est ce qui termine le documentaire « Voir Ali ». C'est sérieux là, il paraît que j'avais le seul document vidéo existant de ce fait vécu et le film se termine sur mes images Super 8 de juin 1983, ce qui m'a valu d'être remerciée par Martin sur la scène hier, et mon nom figure au générique, à la section « Remerciements ».

Assise au balcon hier après-midi pour la grande première mondiale, dans la noirceur absolue, j'ai rougi légèrement, je l'avoue. J'étais fière d'avoir participé, même un tout petit peu, et par une série de hasards, à ce film documentaire qui raconte une si belle histoire vraie, drôle et touchante, qui est maintenant bien documentée. En tout cas, moi aussi, ça m'a fait chaud au coeur de « Voir Ali ».