Il y a des questions qu'on se pose depuis toujours en soi-même et parfois on va jusqu'à les écrire dans nos carnets intimes comme si on allait ainsi trouver des éléments de réponse. Puis un jour on se rend compte que d'autres ont toujours cherché aussi. Ça fait tout chaud en dedans de voir qu'on n'est pas seul à chercher. C'est ce qui m'est arrivé à Noël quand un ami écrivait sa réflexion du jour et qu'il a cité le grand sociologue Fernand Dumont qu'il endossait lui aussi :
« La tradition est la question qui me hante depuis longtemps, qui m'a hanté dès mon enfance et ma jeunesse. Et c'est d'ailleurs, selon moi, le grand problème contemporain, c'est-à-dire comment les hommes d'aujourd'hui vont-ils conserver une mémoire de l'humanité? Comment vont-ils réussir à se donner une conscience historique? C'est là le grand problème de la culture contemporaine, non seulement dans ses plus hautes manifestations, mais au niveau de la vie quotidienne. L'humanité est-elle capable aujourd'hui de réactualiser - parce que c'est ça, la tradition - son héritage, c'est-à-dire ce qu'elle est? Voilà la grande question. Il ne s'agit aucunement de répéter le passé mais de savoir si le passé de l'humanité est mort ou s'il est vivant? » - Fernand Dumont, sociologue.
Cette photo a été prise aux fêtes, en 2007, à l'auberge Harricana. Notre tradition familiale se poursuivait ailleurs et autrement, sans le compagnon de vie, papa et grand-papa qu'était notre cher Léo. C'était le cadeau de Noël que nous avait fait Maman pour qu'on se rassemble au même moment en un même lieu, qu'on réinvente la tradition en redéfinissant ce que devenait ou ce qu'aillait devenir notre famille à laquelle il manquait dorénavant l'une de ses deux moitiés fondatrices.
Petite île avec son arbre bien enraciné solidement dans le roc, à Rapide Six, sur la rivière des Outaouais. Pour moi, la tradition, c'est ça. Un repère qui nous incite à s'enraciner dans nos vies malgré le vent, la pluie, le gel, les saisons. L'adaptation, c'est la résilience, et parfois même la survie.
LA QUESTION SE POSE
Dans notre culture, la période des fêtes est probablement celle où nous avons le plus de traditions sociales et familiales qui nous invitent à vivre et à revivre des moments de célébrations et de rassemblements qui laissent encore plus de traces dans nos mémoires que nous le croyons. L'être humain est ainsi fait qu'il veut reproduire ce qui l'a rendu heureux.
Je m'inquiétais de voir disparaître plusieurs de nos traditions avec la popularité grandissante des technologies de communication sans lesquelles il n'est plus possible de fonctionner dans notre société, même si ces technologies nous isolent plus qu'elles nous rapprochent les uns des autres, généralement.
Consciente que ces traditions étaient un héritage que j'avais reçu, qui m'avait rendue heureuse et que je voulais transmettre à mon tour, j'avais besoin et envie que certaines traditions se poursuivent, sans les imposer à personne, quitte à les transformer un peu pour les réinventer au goût du jour.
C'est alors que j'ai eu cette illumination! J'ai trouvé un élément de réponse à la question que je me posais depuis toujours sur la transmission, ce bagage de vie que l'on transporte en soi, notre histoire qui continue de s'écrire en se réinventant à chaque fois qu'on tourne une page. Parce que rien ne serait plus triste et voué à l'échec que de vouloir faire revivre à tout prix quelque chose qui n'est déjà plus... enfin... plus ailleurs que dans nos souvenirs, même les plus heureux.
Nos traditions doivent obligatoirement se transformer et s'adapter pour rester vivantes.