lundi 30 décembre 2013

Et pour terminer 2013


Le 31 décembre 2012, nous savions que nous tournions plusieurs pages du livre de notre vie. 


Le 1er janvier 2013 était le premier jour de ma « libération du marché du travail ». Tout au long de cette année qui s'achève, à chaque jour, j'ai apprécié mon nouveau statut en me demandant sérieusement : « Comment je faisais avant, quand j'avais toutes ces responsabilités? »


Le 12 février 2013 est un jour sombre. J'ai perdu toutes mes illusions sur la justice, entre autres, et beaucoup sur la nature humaine en général. Ce jour-là, j'ai assisté, impuissante et incrédule, aux procès de mon mari et de mon frère pendant une journée que nous nous rappellerons toute notre vie comme étant cauchemardesque. J'avais toujours cru que la vérité et la justice finissaient par triompher, comme dans les bons vieux films américains. Mais non, dans la vraie vie, ça se passe bien autrement, on peut fabriquer des coupables avec des innocents lorsqu'il le faut et qu'on a des objectifs à atteindre. Il suffit de deux agents de la faune qui se font un scénario et qui y croient dur comme fer. Ensuite, ils interprètent des faits isolés pour les faire concorder dans leur histoire même si c'est de façon bancale. Plus on collabore avec eux, plus ça se tourne contre nous. On ajoute à l'affaire un procureur de la Couronne qui veut se faire les dents et une juge qui n'a jamais mis les pieds en forêt et qui est en admiration devant le jeune procureur si talentueux. Notre avocat a fait beaucoup de sparages mais en dehors de sa carrière politique, rien ne l'intéressait et on pouvait se demander de quel côté il était, tellement il ne savait rien de notre histoire. Pathétique! Cet épisode nous aura coûté très cher en amendes, frais, intérêts, honoraires, etc. mais ce n'est rien à comparer de tout ce qu'il nous aura fait perdre de non chiffrable. 


Le 12 avril 2013, on passait chez le notaire pour la vente de notre propriété au lac Dufault. Après quatre mois à rénover la plus petite et plus modeste maison dans laquelle on s'en allait, on quittait celle qu'on avait aimée, rénovée et habitée au cours des 22 dernières années. Ça me faisait drôle de la voir « toute nue » mais ça me rassurait du même coup : elle n'avait plus l'âme d'avant... 


Le 8 juillet 2013. Après des mois de tergiversations, de procédures administratives qui se multiplient et un dossier qui s'épaissit, notre demande de dérogation mineure est entendue à la Ville de Rouyn-Noranda. Un toit terrasse sur un bâtiment secondaire... Ce n'est pas interdit mais ce n'est pas prévu dans la loi. On n'innove pas comme on veut au pays des grands espaces! Grâce à un ami architecte, à la collaboration de nos nouveaux voisins et à l'expertise de plusieurs personnes, le vote a dû être repris trois fois au conseil de ville pour se terminer ainsi : 8 oui, 2 non, 1 absence, 1 abstention. Fiou! 


Fin septembre 2013. Isabelle, notre fille, était la porte-parole cette année des Journées de la culture à Rouyn-Noranda. Elle était présente partout! Une porte-parole passionnée et impliquée qui ne comptait pas ses heures ni son dévouement. Eh qu'on était fiers d'elle. Dans une tournée des lieux de la culture chez nous, ma mère et moi nous sommes jointes à elle, à son invitation. C'était un heureux moment de partage, du genre qui se vit comme dans un rêve et qui laisse des traces à tout jamais dans nos mémoires... 


Le 14 octobre 2013, jour de l'Action de Grâces. Malgré les injustices vécues et suspensions de permis pour deux ans, il y a eu de la relève pour la chasse à l'orignal cette année. Dominic, notre gendre, et notre beau-frère Robert, ont rendu cette saison de chasse fructueuse, ce qui est venu appliquer un baume sur une plaie qui était et qui est encore très vive. 


Fin octobre, le Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue. La plus belle semaine de l'année pour moi. En prime, cette édition nous apportait son lot de bonnes nouvelles : d'abord, Dominic y présentait son premier long métrage à vie, ensuite Isabelle nous apprenait un grand secret juste avant, soit l'espérance d'un deuxième enfant pour eux et aussi, je m'y suis fait une nouvelle amie, une sorte de coup de foudre amical passionnant!


Du 27 au 29 décembre 2013. Avec Crocodile Dundee, nous avons été faire un petit séjour au camp Fra-Gilles, à Rapide Deux. Situé à 2 kilomètres du « p'tit château », ce camp est isolé du monde et permet de vraiment décrocher de tout. 


Du 27 au 29 décembre 2013. Le camp Fra-Gilles, d'un autre point de vue, a l'air d'une perle dans un écrin de forêt boréale. Là-bas s'illustre l'une des phrases célèbres de Crocodile Dundee : « À force de manquer de touttt, on manque de rien! ». 


Du 27 au 29 décembre 2013. Marcher en forêt et admirer ce que la nature nous offre en cadeau... J'en ai pris plusieurs des photos comme celles-ci, pour me souvenir à tout jamais de cette forêt mature magnifique. La forêt dans ce secteur sera rasée cette année et nous ne pouvons plus faire de représentations auprès du Ministère ni des forestières, Crocodile Dundee et mon frère ayant perdu leur statut de trappeurs lors du procès du 12 février 2013. Y a-t-il un lien de cause à effet? Je ne sais pas, j'ai perdu toute confiance en nos institutions gouvernementales et politiques. Tout s'est passé au sein du même Ministère... 


Du 27 au 29 décembre 2013. Avez-vous vu cette grosse boule de neige qui écrase une petite épinette? C'est une belle leçon de la vie, cette image. Au printemps ou bien avant, la grosse boule de neige tombera, partira au vent en poudrerie ou fondra tout simplement. Mais l'épinette restera debout, se secouera les épines et continuera de grandir. Elle est même trop petite pour être récoltée par les forestières, elle échappera à tous les dangers, sèmera partout autour d'elle des petites cocottes et un jour, elle deviendra grande, droite et fière, la reine de la forêt! 


Du 27 au 29 décembre 2013. Là, c'est moi qui vous dis « au revoir » et à bientôt. 

Et pour terminer 2013

Voilà un petit survol rapide de ce qu'aura été cette année 2013 chez nous, une année de changements. Elle aura été beaucoup plus consistante et variée mais je m'en tiendrai à ça, après tout, on est sur un blogue ici!

J'ai tant remis de choses en question cette année. Est-ce dans l'air du temps? Est-ce à cause de mes 56 ans? De mon nouveau statut de retraitée? Du changement d'environnement? 

Peut-être que pas mal de monde font un bilan de l'année ces jours-ci? 

Quoiqu'il en soit, aussitôt qu'on aura achevé 2013, l'année 2014 s'ouvrira à nous avec de belles pages blanches dans nos agendas. Qu'est-ce qu'on y écrira en haut de la première page? Santé! 

J'ajouterais aussi « Solidarité » pour tout le bien que ça fait, d'en recevoir comme d'en donner. « Espérance » parce que c'est le sel de la vie. « Amour » et aussi « Amitié ». 

C'est tout ce qu'on se souhaite, mes amis!

mercredi 11 décembre 2013

Le temps des cadeaux


C'était le 15 janvier 2009. Félixe était née la veille. Ses parents étaient tellement heureux..


Et moi aussi, je l'étais. Je n'oublierai jamais ce moment-là où je l'ai eue dans mes bras la première fois. Si petite. Si belle. 


Samedi dernier, la petite avait son « spestak » de danse auquel elle nous avait tous conviés, comme de raison. Pour fêter ça après, on est tous allés bruncher au St-Honoré, son endroit préféré qu'elle appelle « le restaurant bleu ». Et qui c'est qui est venu nous voir à notre table? Le Père Noël lui-même!

Le temps des cadeaux 

Comme le temps passe vite... Félixe aura bientôt 5 ans. Depuis le temps qu'elle veut devenir une grande soeur, voilà que son désir va se réaliser. J'ai maintenant, depuis hier soir, la permission de le dire à qui je veux : Oui, la vie est bonne pour nous autres!

Félixe le dit à qui veut l'entendre depuis quelques semaines, elle sera une grande soeur l'été prochain et chaque fois qu'elle le dit, elle donne un bisou au bedon de Maman ou elle le flatte. Un autre p'tit minou qui devrait se pointer le nez juste avant mon prochain anniversaire. Quel cadeau!

Lors de l'échographie passée hier, Isabelle et Dominic disent qu'ils ont trouvé que déjà ce bébé ressemble beaucoup à sa grande soeur. Et c'est vrai, j'ai vu la photo. 

L'année 2014 nous réservera des cadeaux, des surprises et des bonheurs infinis. En février, il y aura la naissance du petit bébé de Noémie et Hubert, ma filleule que j'adore et son conjoint que j'ai adopté comme filleul dès notre première rencontre tellement il est aussi adorable qu'elle. Aurélie sera le premier petit-enfant chez mon frère Jocelyn et la belle Guylaine. Premier petit-enfant aussi dans la famille de Hubert. J'imagine avec joie comme ils vont catiner dans le bout de Lévis et de Rimouski!

Le petit frère ou la petite soeur de Félixe devrait naître autour du 1er juillet. 

Le Père Noël aura beau être généreux cette année, il n'arrivera jamais à nous faire d'aussi beaux cadeaux. La barre est haute!

jeudi 5 décembre 2013

Le pouvoir évocateur d'une chanson


Mars 1965, devant notre roulotte enterrée de neige, sur la rue Rupert, à Matagami. Ce que je raconte ne se passe pas vraiment à ce moment-là mais quelques années plus tard. Celui qui a un sourire coquin, c'est Yves, dans les bras de Maman, on voit Jocelyn qui a l'air d'étouffer dans son nid d'ange. Je suis assise comme Yves sur le capot de la voiture. J'imagine que Papa doit avoir pris la photo. D'après les mines réjouies de toute la famille, on devait s'apprêter à « descendre » à La Sarre... 

Le pouvoir évocateur d'une chanson

Ça y est, ils l'ont fait jouer cette semaine à la radio et ils la feront jouer encore, chaque fois qu'on nous annoncera une tempête de neige d'ici Noël. De quelle chanson je parle?

http://www.youtube.com/watch?v=zRtGXwYBBkQ

« Le sentier de neige ». Version originale par le groupe Les Classels. 

Pourtant, je n'aime pas particulièrement les classiques et sempiternelles chansons de Noël, surtout qu'on commence à les entendre trop de bonne heure à mon goût mais celle-là évoque un moment particulier dans lequel je me replonge avec bonheur, comme si je la revivais, à chaque fois que je l'entends. Je ne m'en lasse jamais. 

On habitait à Matagami depuis quelques années, petite ville minière qui en était au début de son existence. Papa travaillait à la Orchan Mines. Maman n'avait plus le temps de travailler avec les trois enfants que nous étions. J'allais à l'école Galinée et mes petits frères étaient trop jeunes pour aller à l'école. On était heureux à Matagami. On ne le savait pas dans le temps mais oui, on était heureux. 

On « descendait » souvent les fins de semaine à La Sarre pour visiter nos grands-parents et nos familles. La Sarre est à 3 heures de route de Matagami et il nous fallait passer par Amos, la seule route possible. 

Ce 24 décembre, on part tôt pour arriver pas trop tard chez nos grands-parents Poirier à la maison du rang VII où toute la famille allait se réunir. Chacun arriverait avec les siens et il y aurait les cousins cousines, chacun aurait sa marche d'escalier pour le souper. Par ordre d'âge, j'héritais de la deuxième marche du haut, parce que mon cousin Michel avait deux ans de plus que moi mais la 3e et la 4e marche étaient celles de mes cousines Lise et Solange, presque de mon âge, suivies de près par Raymonde, sur la 5e marche, Luc sur la 6e, Ti-Gilles sur la 7e, etc. Pour nos parents, oncles et tantes, il y aurait au moins deux tablées si c'est pas trois et pendant que les uns mangeraient, les autres commenceraient à réchauffer les guitares, les harmonicas, les violons et les voix. Plus tard en soirée, il y aurait les cadeaux pour les enfants. Chacun un cadeau. Pas plus. De la part de nos parents. Et ce n'est pas le Père Noël qui viendrait faire la distribution, on n'a jamais cru au Père Noël chez nous. Encore moins à la Fée des Étoiles!

Le 25 décembre, on irait chez nos grands-parents Turbide, au p'tit village Bienvenue, toujours à La Sarre. Les familles étaient encore plus nombreuses à tel point que certains venaient souper et veiller sans leurs enfants mais ce n'était pas trop grave, la plupart ne restaient pas loin et on pouvait les voir quand même. Du côté de la famille de Papa, il y avait plus de monde, plus d'humour et moins de musique. Une autre dynamique familiale! 

Donc, ce 24 décembre, tous fringués en dimanche avec l'avertissement de Maman pour ne pas se salir durant le voyage, on décolle de Matagami. Les petits frères se chicanent pour s'asseoir où il y a «  la bosse du char », au milieu du siège arrière et Maman tranche la question, c'est moi qui ai le privilège de m'asseoir au milieu, mais ça vient avec une obligation, celle de jeter un oeil sur les petits pendant le trajet. De temps en temps, Papa fait sa grosse voix (pour essayer de nous impressionner mais ça ne marche pas, on le trouve drôle!...) : « Heille, vous autres, faites-moi pas arrêter le char pour démêler vos chicanes parce que vous allez le regretter ». Grosse menace!!!

La route est belle, malgré ce temps gris suspendu qui nous annonce de la neige à venir très bientôt. On voit défiler le chemin de la New Hosko, de la Mattagami Lake Mines, du Ready Mix, de la Orchan Mines. Et plus loin, la rivière Allard et ses cabanes en bois rond, au millage 95, la fourche du millage 72 qui mène à Joutel, et là, au milieu de nulle part sur cette route déserte, au millage 57... « Le 57 » un restaurant-bar-motel où nous sommes peut-être arrêtés, je ne me souviens pas de cette fois-là précisément mais Papa aimait bien prendre un petit remontant, « one for the road » en jasant avec le monde, pendant qu'on allait à tour de rôle à la salle de bain, avant de rembarquer dans le char et continuer la route. 

Vous ai-je dit qu'on n'avait ni ceinture de sécurité ni siège d'auto à cette époque? Bien vrai! 

Après la grande côte du 42, on sent qu'on approche d'Amos, on commence à voir des villages et des paysages de « par en bas », St-Dominique du Rosaire, la rivière Harricana, St-Félix de Dalquier, Pikogan...

Définitivement, on approche d'Amos, la grosse ville du bouttttt... Papa dit à Maman qu'il veut arrêter chez P. A. Périgny pour se choisir une belle pipe neuve, la sienne est rendue pas fumable. Maman est bien d'accord, elle a un petit achat à faire elle aussi dans ce beau grand magasin qui nous change du Hudson's Bay de Matagami. Ils décident que nous autres, on va rester dans l'auto, c'est moi qui serai en charge des petits, Maman trouve que c'est trop de trouble de débarquer toute la gang. Après, on ira dîner au fameux restaurant en sortant d'Amos, sur la route de La Sarre, là où la madame nous reconnaît, qu'elle est si gentille et fait de la si bonne tarte au sucre. 

Puisqu'on approche d'Amos, Papa ouvre la radio et syntonise CHAD. On n'entend que du grésillement pour commencer mais ça s'éclaircit, on dirait. Papa est tellement de bonne humeur, Maman chantonne, ils se sourient tous les deux, les petits jouent ensemble avec leurs petites voitures Matchbox et moi, au milieu d'eux, je rêve les yeux ouverts à tout ce qui s'en vient, la maison du rang VII si joyeuse et remplie de musique, et ces retrouvailles familiales avec les cousins cousines.

C'est à ce moment précis que je me dis que je suis une petite fille tellement heureuse, tellement chanceuse dans la vie! 

Tout à coup, le décor et la lumière changent comme par magie, il se met à neiger à plein ciel, des flocons si gros, si blancs, si doux, alors qu'on entre dans la ville, qu'on passe devant l'hôpital l'Hôtel Dieu où je suis née, que j'aperçois la cathédrale Christ-Roi avec son toit arrondi, on arrive sur le coin de l'hôtel Queen et la radio renaît avec un son tellement clair lorsque l'animateur présente cette chanson que j'entends pour la première fois : Le sentier de neige... si pur et si doux... 


mardi 26 novembre 2013

Nos sorties de filles


« Mamie, on va tu jouer dans ma chambre? »


« Là c'est mon tour, je veux prendre une photo de toi! »


« Savais-tu que je sais lire maintenant? »


Dans notre nouvelle maison, la chambre de Félixe est au deuxième étage, ce que j'appelle la chambre mansardée, l'un de mes petits coins préférés. Dans les « ravalements », on peut y ranger pas mal de choses mais nous avons conservé le plus grand qu'on a repeint en blanc pour qu'il soit super bien éclairé et qu'elle y installe son petit coin bien à elle avec ses jouets, ses livres, etc. Quand sa chambre devient chambre d'amis pour un soir ou deux, on n'a qu'à fermer les portes et tout disparaît. 


Quand elle dit qu'elle sait lire, c'est qu'elle me raconte l'histoire tout haut en suivant de son doigt les mots qui s'alignent et les phrases qui se succèdent. Et je suis émerveillée de constater l'histoire qui se répète à l'infini, de revoir ainsi naître et grandir l'amour des livres, des histoires, de la lecture. Félixe ne sera jamais seule dans la vie et elle ne s'ennuiera pas!

Nos sorties de filles

Cette propension à aimer lire, je l'ai reçue en héritage de ma mère et de ma grand-mère maternelle. Il faut dire que les deux ont été des enseignantes au primaire, elles savaient transmettre cette curiosité insatiable, ce goût de l'apprentissage par la lecture et la communication par l'écriture. Je me souviens qu'avant même ma première année, (il n'y avait pas d'école maternelle encore quand j'avais 5 ans) je rêvais du jour où je saurais lire pour vrai, que je pourrais déchiffrer et comprendre tous les livres de toutes les bibliothèques du monde entier! 

Quand je suis devenue maman, j'ai revécu avec ma fille ce même émerveillement devant cet univers qui s'offrait à elle à travers les livres d'enfants et les maisons d'édition spécialisées qui se multipliaient de façon exponentielle dans ces années-là, pour mon plus grand bonheur et le sien. 

J'ai vu aussi Isabelle à l'âge de 3-4-5 ans dire qu'elle savait lire et me le démontrer en suivant de son doigt les histoires qu'elle savait par coeur et qu'elle me racontait à voix haute, à son tour. Je l'ai même vue faire des dessins magnifiques, très colorés, et « écrire » quelques lignes juste en bas pour raconter l'histoire qu'elle venait d'illustrer. Quelques années plus tard, à l'âge de 8 ans, elle publiait aux éditions D'ici et d'ailleurs, un recueil de textes et dessins intitulé « Rêveries d'enfant pour adultes », édition épuisée depuis longtemps bien sûr et qui n'a pas été réimprimée, son éditeur étant décédé et la maison d'édition fermée quelques années après cette publication dont il était très fier. Isabelle lit et écrit toujours : des chansons, des textes variés, des scénarios, du théâtre, etc. Son baccalauréat en enseignement du français au secondaire lui sert déjà à transmettre quelque chose de précieux à ses élèves, même si elle n'enseigne pas dans son domaine pour le moment. 

Aujourd'hui que je suis devenue mamie, j'ai la chance de revivre avec Félixe ces moments de lecture et de découvertes qu'on partage avec le même bonheur. Ce sont nos sorties de filles à la bibliothèque municipale et je ne saurais dire laquelle de nous deux en profite le plus. 

Une fois par semaine, en général je m'organise avec ses parents pour savoir ce qui leur conviendrait le mieux à eux, j'invite Félixe à venir avec moi à la bibliothèque le lendemain. Elle ne dit jamais non, j'ai toujours un oui très enthousiaste de sa part, c'est comme une fête. J'arrive à la garderie vers 3 heures, après la sieste et la collation et nous partons toutes les deux le coeur léger pour notre sortie de filles hebdomadaire!

La bibliothèque municipale de Rouyn-Noranda est magnifique, particulièrement pour les enfants. Un étage complet avec tout ce qu'il faut, des vitrines immenses d'où l'on surplombe la ville et son agitation de fin d'après-midi, des fauteuils confortables, des petites tables, une agora avec des dizaines de coussins posés en marches d'escalier en rond, une section films avec des écrans dans une mini salle de cinéma, une joujouthèque bien garnie et surtout des étagères remplies de milliers de livres sur des milliers de sujets. Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas encore pu explorer l'univers des films et des jouets, on a à peine effleuré le monde des livres et pourtant, nous y allons chaque semaine pendant quelques heures depuis au moins deux ans. 

Quand on arrive à la bibliothèque, les dames nous saluent, Félixe et moi, elles nous connaissent comme des clientes régulières et savent qu'on va filer tout droit en haut du grand escalier, passer à côté du « ruisseau qui chante », aller choisir plein nos bras ce qu'on va lire pour les prochaines heures avant d'enlever nos manteaux et nous plonger dans nos histoires passionnantes. Félixe choisit les siens et je choisis les miens mais on les lit ensemble. En fait, c'est moi qui lis et elle qui tourne les pages, bien souvent elle préfère s'asseoir sur moi. Je la laisse choisir l'ordre dans lequel on va les lire. Mais on les lit tous! Et parfois, s'il nous reste du temps, on retourne s'en choisir un ou deux petits derniers avant de partir. On les lit sur place, on ne les emprunte jamais, ce serait quelque chose à gérer par ses parents et on n'a pas pris cette habitude-là. 

Quand on quitte, la tête pleine d'histoires de toutes sortes, je lui demande dans la voiture laquelle était sa préférée aujourd'hui. Et je lui dis quelle était ma préférée à moi. En général, on a pas mal les mêmes goûts. Et on a de la misère à faire des choix! Parfois, on s'autorise à faire trois ou quatre choix... 

Nos sorties de filles me permettent de connaître Félixe sous un autre jour, d'après ses goûts, ses hésitations, ses réflexions, ses questions, ses conclusions, sa perception des choses. À la bibliothèque, je ne suis presque plus sa mamie et elle, presque plus ma petite-fille. Nous sommes pour quelques heures deux amies du même âge, passionnées de lecture, d'histoires et de contes. 

On ne transmet pas toujours ce qu'on voudrait mais on transmet assurément ce qu'on est...

Ici, j'ai le goût de vous citer quelques extraits choisis de Rêveries d'enfant pour adultes qui expliquent bien ce que ma fille trouvait dans la lecture et l'écriture lorsqu'elle était enfant : 

« Écrire, c'est une autre manière de DIRE »

« Écrire, c'est une manière de se dire toutes les histoires qu'on voudrait se rappeler pour toujours »

« Je m'appelle Isabelle. J'ai huit ans. Avant de savoir lire, j'inventais des histoires juste à regarder les images dans mes livres. Je parlais fort et je faisais croire à tout le monde que je savais lire. Ce n'était pas des mensonges, je croyais vraiment que c'était ça, savoir lire! »


mardi 12 novembre 2013

Des nouvelles de Pierre 19


Cette pancarte me fait toujours rire à chaque fois que je la croise. Parce qu'elle suit de très près l'autre d'avant qui annonce qu'on entre dans le 49e parallèle, dans la région Nord-du-Québec :
 « Bienvenue dans le vrai nord! ». Celle-ci se trouve peu avant le secteur qu'on appelle VVB pour Villebois, Val-Paradis, Beaucanton, un peu au nord de La Sarre, en Abitibi-Ouest. Pierre 19 habite toujours à Val-Paradis, son village natal qu'il a choisi de nouveau après avoir fait le tour du monde dans ses jeunes années. 

Des nouvelles de Pierre 19

Je vous ai déjà parlé de lui dans ma série de billets sur Joutel en novembre 2009. Pierre 19 est un personnage impossible à saisir, à décrire, à résumer, mais il existe vraiment, je vous le jure. Entre autre, il est celui qui a « fermé les lumières de la ville » de Joutel et il me l'a prouvé hors de tout doute. J'ai toujours dit qu'il était un sujet à film ou à roman, un personnage plus grand que nature. Pour une présentation plus complète et quelques anecdotes sur l'homme, on peut retourner lire ce billet dans lequel je parlais de lui et de notre première rencontre, inoubliable! : 

http://chez-zoreilles.blogspot.ca/2009/11/la-fin-de-joutel-racontee-par-pierre-19.html

On l'a revu dernièrement, ce drôle d'oiseau, ce génie, ce patenteux, ce lumineux, ce rêveur, cet ermite sociable qui ne sort plus très souvent de son Val-Paradis tant aimé, dans le vrai nord! C'était la soirée d'ouverture au Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue et nous avions prévu une vraie fête, un après-midi et souper de retrouvailles chez les amis Gilles et Martine, dans la serre, tous réunis autour de l'immense table réfectoire, des gens de Loin-Noranda bien sûr, de la Montérégie, de La Sarre et de Val-Paradis. Madame Leblanc et son fils Gilles nous avaient cuisiné une gigantesque tourtière du Lac-St-Jean, accompagnée de salades, marinades maison et plein de bonnes choses à boire et à manger. 

Comme plusieurs d'entre nous avaient participé au tournage de Chasse au Godard d'Abbittibbi présenté en soirée d'ouverture, nous devions être rendus au Théâtre du Cuivre au plus tard à 19 heures 45 pour gagner nos places et assister à la projection tant attendue. Pierre 19 ne voulait pas manquer ça pour tout l'or du monde. Il a vraiment fait des efforts pour venir assister à cette soirée et le meilleur moment pour lui était l'avant soirée d'ouverture où il prenait part à la fête et aux retrouvailles avec un plaisir évident. Et partagé. 

Il était si content de nous revoir. Et c'était réciproque! Quand nous sommes arrivés au cours de l'après-midi, Pierre 19 avait le coeur à la fête comme si lui-même portait le film sur ses épaules. Il nous a fait rire comme jamais, il était déchaîné, je l'avais jamais vu fou de même. Il buvait quelque chose, je ne sais pas trop ce que c'était mais il voulait absolument que j'y goûte, juste mouiller tes lèvres qu'il disait, ça goûte les herbages, c'est un remède, une boisson qui fait rire. C'est vrai que c'était bon, son truc, mais c'était fort en Simonac, je n'ai pas voulu qu'il m'en serve un verre, même un tout petit, je ne voulais pas manquer le film! 

Entre deux fous rires et trois gestes d'éclat de sa part, je lui ai demandé sur quoi il planchait ces temps-ci comme projets révolutionnaires ou inventions flyées. Voici ce qu'il m'a répondu : 

« Tu sais, sur ma terre, de l'autre côté de la salle de bain Renaissance au milieu de nulle part et plus loin que la cabane aux étoiles et le B-52? Ça fait 10 ans au moins que je passe le rotoculteur de manière à tracer des lettres immenses qui pourraient être vues du ciel. Bon là, la préparation du terrain est faite et mes arbres sont prêts. Avec les enfants de l'école à Val-Paradis, au printemps prochain, je veux qu'ils viennent tous planter des arbres dans les lettres géantes P A X. Ça veut dire paix en langage universel. Imagine-toi ça, le mot PAX vu d'en haut, comme un message lancé dans l'univers. Les enfants qui vont participer à cette création seront sensibilisés pour la vie, à l'environnement, à la paix, et c'est à Val-Paradis que ça va se passer!  J'ai toujours voulu laisser une trace de mon passage mais pas pour moi, pour les autres, pour laisser quelque chose... »

Il était très sérieux en disant cela, même un peu ému. Tout son non verbal parlait aussi fort que lui-même en racontant ce projet qui lui tient à coeur depuis des années. 

Le souper était servi, deux tourtières géantes trônaient à chaque bout de la table. On a repris nos folies de plus belle en se passant les plats et les pots de marinades, en remplissant nos verres de vin, en portant des toasts pour tout et pour rien, à l'amitié, aux nouvelles stars du cinéma qu'on allait découvrir bientôt, à notre belle visite du nord et du sud, au plaisir de se retrouver tous ensemble. 

Au moment de débarrasser la table pour s'en aller en vitesse au Théâtre du Cuivre, tout s'est fait en 5 minutes avec la participation de tous et de toutes. 

Pierre 19 est embarqué avec l'un de nous, on s'est tous retrouvés devant l'entrée du TDC. Pierre était comme un enfant heureux et terriblement excité mais il n'entrait pas. Certains lui disaient déjà au revoir et l'embrassaient. Je lui ai demandé pourquoi il ne venait pas avec nous, était-ce qu'il n'avait pas pu trouver de billet? 

Non, m'a-t-il répondu, j'ai essayé vraiment très fort mais je vois bien que je ne serai pas capable d'entrer... Je voulais manquer le moins possible tous ces beaux moments avec vous autres. Je suis agoraphobe. Même en étant pas mal pompette, ça s'arrange pas mon affaire. J'aime mieux ne pas entrer, j'étouffe rien que d'y penser, je ne me sens pas bien dans un endroit fermé avec trop de monde, je suis habitué aux grands espaces. 

Alors, qu'est-ce que tu vas faire pendant toute la soirée, que je lui ai demandé? 

« Je vous sais heureux, j'ai fêté avec vous autres, j'ai vu plein de beau monde, c'est surtout ça que je voulais. Je vais marcher jusqu'au Cabaret de la dernière chance, fumer mon petit pétard en m'en allant et prendre une bière tranquille jusqu'à temps que vous veniez me rejoindre. Je vais coucher chez Gilles et Martine et m'en retourner à Val-Paradis demain. ». Sur ce, comme nous n'allions pas poursuivre la soirée au Cabaret, il m'a serré très fort dans ses grands bras, a fait un gros câlin à Crocodile Dundee également et on s'est dit à la prochaine. 

Longue vie, Pierre 19, et PAX dans ton coeur, oui PAIX sur Terre aux hommes de bonne volonté...


mardi 5 novembre 2013

Mémoires d'enfant


Août 1960, c'est écrit en arrière de la photo. Dans les bras de mon père, j'avais à peine trois ans. Il me semble que j'ai passé toute mon enfance ainsi, dans les bras de mon père! Pourtant, il devait bien me laisser marcher de temps en temps... Maman, belle et fière, sourit à peine, on dirait La Joconde... Sa cousine Julienne, qu'on a toujours appelée « ma tante Julienne » semble songeuse et regarde au loin... 


Noël 1962. Je me souviens de cette fois-là, dans le salon chez nos grands-parents Poirier à la maison du rang VII. Papa était particulièrement beau et heureux. Notre famille s'était agrandie au mois de mai avec la venue au monde de mon petit frère Yves. 

Mémoires d'enfant 

Est-ce la même chose pour tout le monde ou bien si je suis une extra terrestre? J'ai des souvenirs d'enfance très précis qui remontent à mon très jeune âge au point où cela semble presque impossible que j'aie capté à cette époque tant d'images, d'expressions, de visages, de sons, d'odeurs, d'impressions qui se sont incrustées de manière aussi forte dans mes mémoires d'enfant. 

Par exemple, sur la première photo, je me souviens exactement de ce qui trottait dans ma petite tête blonde ce dimanche du mois d'août. Les histoires s'enchaînent et les photos en noir et blanc se succèdent dans mes souvenirs. Tout me revient comme si c'était hier. Papa travaillait comme serveur dans un hôtel les soirs de fin de semaine, en surplus de son travail du lundi au samedi inclusivement. Il faisait beaucoup de pourboires, il aimait les gens, il était drôle, il avait beaucoup d'entregent. Il rentrait tard la nuit, je n'en avais pas connaissance mais il se levait tôt quand même le lendemain pour laisser dormir ma mère et pour profiter de sa seule journée de congé. 

Le dimanche matin, il m'amenait à la messe de 10 heures à l'église Saint-André de La Sarre. Il lui arrivait de tomber endormi durant le sermon et j'avais la mission de le réveiller si ça se produisait... et ça se produisait régulièrement! Au retour, on arrêtait à l'épicerie Noël et je pouvais choisir les biscuits que je voulais. Des biscuits « à la livre ». Des biscuits Viau dans de grosses caisses de carton. Mes préférés étaient les sandales de romains (tellement sucrés que ça lève le coeur!...) mais Papa en choisissait d'autres plus à son goût et à celui de Maman, des biscuits aux figues. J'aimais les dimanches parce que ces jours-là, Papa et Maman étaient en congé. Pendant la semaine, je me faisais garder et je n'étais pas bien chez ma gardienne, notre voisine. Je sentais très bien qu'elle me gardait pour l'argent et qu'elle n'aimait pas les enfants, c'est tout juste si elle aimait les siens. 

J'étais une enfant docile. Je n'aimais pas me faire garder chez la voisine mais je ne m'en plaignais pas. Pourtant, un matin, alors que j'avais 4 ans, j'ai clairement opposé un ultimatum à ma mère. Dans ma tête d'enfant, j'avais décidé que c'était assez, que ça ne pouvait plus durer, que je n'irais plus là. Ma mère me mettait une manche de manteau, je l'enlevais. Elle m'expliquait qu'elle devait aller gagner des sous pour acheter des belles choses, je lui répondais que j'en voulais pas, des belles choses. Elle me remettait une manche de manteau, je l'enlevais en la regardant droit dans les yeux, sans dire un mot. Je voulais rester toute seule à la maison au pire, là-dessus j'étais négociable mais je n'allais pas retourner chez la voisine, c'était sans appel. Je l'avais dit à ma mère beaucoup plus tard que la voisine m'avait chicanée fort la veille et j'avais juré en mon âme et conscience que c'était fini. Cette détermination que j'avais à 4 ans, je la reconnais, j'ai quitté deux emplois de la même manière au fil de ma carrière. Je peux être compréhensive et patiente mais quand ça ne  passe plus, ça ne passe tellement plus!

Enfant unique pendant 5 ans, je demandais parfois à mes parents quand est-ce que j'allais avoir un petit frère. J'aurais pu demander une petite soeur mais non, ce que ce que je voulais, c'était un petit frère. J'ai eu de la chance, j'en ai eu deux, à deux ans d'intervalle. 

Le jour où mon petit frère Yves est né, je m'en souviendrai toute ma vie. Il faisait un soleil aveuglant qui réchauffait la peau de mon visage et de mes bras en cette fin mai. C'est la cousine à ma mère, Suzanne, qui était venue à la maison. Elle aimait beaucoup les enfants, Suzanne. Je me sentais bien avec elle et puis elle savait toutes les chansons. Elle faisait du repassage et elle me laissait plier les débarbouillettes et les linges à vaisselle. Elle m'encourageait à faire des belles piles, elle me disait que je travaillais bien et elle me montrait comment plier les linges à vaisselle en trois d'abord puis en quatre ensuite, pour en faire des belles piles toutes égales. C'est plus fort que moi, je les plie encore de même et je me sens heureuse à faire des belles piles toute égales! 

Comme on achevait notre belle ouvrage, Suzanne et moi, Papa est arrivé de l'hôpital, il a dit quelques mots à Suzanne et il m'a amenée dehors au soleil, on s'est assis dans l'escalier de la galerie d'en avant.  Il était beau, Papa, en bel habit à chemise blanche avec une cravate et son paletot chic, son sourire radieux, comme sur la photo de Noël de cette année-là. Il m'a appris la grande nouvelle, que j'avais un petit frère, qu'il était tellement beau... et que j'allais le voir bientôt. 

* * * * *

Aujourd'hui je réalise que j'étais une enfant très sensible qui ne s'exprimait pas beaucoup. « Ce qui ne s'exprime pas s'imprime »...  Avec les souvenirs viennent aussi systématiquement différentes lumières qui enrobent chacun de ces moments-là. Je demeure toujours très touchée par la luminosité des choses, d'une photo, d'un moment, d'un événement, d'un film. 

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Et parmi les films que j'ai beaucoup aimés cette année au Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue, il y a « Les vies de mon père : Yvan Ducharme » de la réalisatrice Nathalie Ducharme, sa fille. J'ai eu les yeux dans l'eau dès les premières secondes et des grands bouts jusqu'à la fin. Non pas que c'est un film triste, bien au contraire, son témoignage est touchant, trop vrai et si lumineux. Il s'agit d'une histoire d'amour et d'admiration dans une relation père-fille. Nathalie Ducharme était très touchée de la réaction du public à son film, présenté dans la ville natale de son père, en première mondiale. Elle nous a appris que son documentaire sera présenté le 29 décembre prochain au canal D. 


jeudi 24 octobre 2013

Le fébrile Festival


Page couverture de L'Indice bohémien, notre magazine culturel en Abitibi-Témiscamingue. Cette photo (une signature de Christian Leduc) nous présente trois gars qui ont une histoire et des passions communes en lien avec le Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue dont la 32e édition se tiendra du 26 au 31 octobre : Éric Morin, réalisateur de Chasse au Godard d'Abbittibbi, Alexandre Castonguay, comédien et artiste à temps plein qui tient l'un des trois rôles principaux dans Chasse au Godard, et le rôle principal dans le premier long métrage du réalisateur Dominic Leclerc, Alex marche à l'amour. 


Je vous avais raconté l'année dernière mon expérience de deux jours de tournage sur le film Chasse au Godard d'Abbittibbi. Ici, j'étais au CCM (costumes, coiffure, maquillage) comme beaucoup d'autres femmes qui devaient jouer ce jour-là des troisièmes rôles, désignés sous l'appellation des « femmes Moose ». L'histoire du film se passe en 1968. 


Toujours sur le tournage de Chasse au Godard d'Abbittibbi, voici ma gang avec laquelle on avait eu tant de plaisir : les femmes Moose. On ne nous verra probablement pas beaucoup dans le film, nos rôles sont très accessoires à l'histoire mais nous y avons contribué de notre présence comme beaucoup d'autres personnes d'ailleurs, puisque le film a été tourné entièrement à Rouyn-Noranda tout le mois de février 2012. Les rôles principaux sont incarnés par Sophie Desmarais, Alexandre Castonguay et Martin Dubreuil. 

Le fébrile Festival

Chaque année, à ce temps-ci de l'automne, je vous fais mon petit topo sur le Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue. Je l'appelle « MON » Festival parce que je l'aime depuis longtemps et que j'y ai déjà travaillé aux communications, en l'an 2000, lors de la 19e édition. J'en garde un souvenir ému et toujours très excitant. Cette année-là, je n'avais pas vu de films mais j'avais vécu « MON » Festival de l'intérieur et croyez-moi, avec 267 médias à alimenter en plus des équipes de télévision qui passaient la semaine à diffuser leurs quotidiennes en direct de Rouyn-Noranda, c'était pas reposant!  

Pour cette 32e édition à nos portes, je me sens fébrile pour de multiples raisons. D'abord, c'est la première fois que j'ai acheté mon passeport complet ainsi que mes billets pour la soirée d'ouverture, qui présente en première nord-américaine Chasse au Godard d'Abbittibbi, film dans lequel je verrai peut-être ma grosse face (à moins qu'on m'ait coupée au montage, ce qui ne m'étonnerait pas!...)  mais j'y verrai aussi Crocodile Dundee (de son vrai nom Gilles Rivest) dans le rôle d'un mineur révolté ainsi que Isabelle Rivest, notre fille, dans le rôle d'une serveuse pas achalée dans une taverne. Beaucoup de nos amis et connaissances ont aussi accepté de jouer le jeu et participer à ce tournage, soit comme troisièmes rôles ou comme figurants mais Alexandre Castonguay, dans le rôle de Michel, crèvera l'écran, j'en suis assurée, tout comme Sophie Desmarais d'ailleurs et Martin Dubreuil. Alex est un ami de notre famille et surtout un ami très proche de « mes enfants ». 

Le propos du film d'Éric Morin part d'un fait réel, une anecdote tout à fait vraie, lorsque Jean-Luc Godard (cinéaste français de réputation internationale) en 1968, a fait un passage inattendu à Rouyn-Noranda, pour y faire des expériences politiques et télévisuelles. Éric Morin est parti de ce fait véridique pour faire évoluer son film vers la question identitaire et le fameux dilemme que vivent souvent les gens dans des régions comme les nôtres : Partir ou rester?  J'ai trouvé cet article très intéressant à lire dans L'Actualité, si ça vous intéresse. En plus, on peut y voir la bande-annonce : 

http://www.lactualite.com/opinions/le-blogue-culture/chasse-au-godard-dabbittibbi-ouvre-le-festival-du-cinema-international-en-abitibi-temiscamingue-rencontre-avec-le-realisateur-eric-morin/

Et si je reviens à la fébrilité de la soirée d'ouverture du Festival, nous sommes tout un groupe d'amis qui allons souper ensemble juste avant et ensuite nous nous rendons au Théâtre du Cuivre pour la projection, tous assis ensemble, on avait réservé nos billets en même temps!

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L'autre film qui m'interpelle aussi fébrilement sera présenté le lendemain, donc le dimanche après-midi (toujours l'un des moments forts du Festival, le dimanche p.m). le premier long métrage Alex marche à l'amour, du réalisateur Dominic Leclerc. Juste au cas où vous ne le sauriez pas, si je prends ça aussi personnel, c'est que Dominic est notre beau-fils, notre presque fils, le mari de notre fille, le père de notre petite-fille Félixe. Son film est présenté au FCIAT en grande première mondiale, même s'il est déjà sélectionné en compétition pour un autre Festival international du documentaire qui se tiendra plus tard, en novembre. Je prédis à son film une belle carrière! 

Dans Alex marche à l'amour, Alex, c'est Alexandre Castonguay, comédien, « qui prend la route pour un pèlerinage poétique sur le territoire de l'Abitibi-Témiscamingue. Marchant plus de 700 km en ce mois de juillet propice à la chaleur des rencontres nécessaires, l'artiste en quête existentielle, se laissera guérir par ces paysages, ces hommes et ces femmes, défilant au rythme des mots de Gaston Miron ». Voilà  ce qu'on en dit en résumé dans la programmation. Pour s'en faire une petite idée, voici la bande annonce : 

http://dominicleclerc.com/video/66616725

Je n'ose pas vous en dire plus, parce que je suis trop proche de ce film-là, j'aime trop Dominic, comme homme et comme artiste. Je sais tellement l'importance de voir aboutir un projet sur lequel on travaille depuis si longtemps, de toute son âme de créateurs, d'artistes ouverts au monde mais bien enracinés dans son environnement, (je parle de Dominic et d'Alexandre) dans cette quête universelle qu'on a au dedans de soi, plus puissante qu'on se l'imagine, les difficultés rencontrées, les coups de coeur, les coups de chance, les secrets de tournage, les liens qui s'approfondissent tout au long de la production, les rencontres fortuites et formidables, etc. Le propos de ce film est aussi pas mal mon credo mais cette fois, il est incarné par les talents conjugués de Dominic et d'Alexandre, l'attachement profond à cette région, un territoire immense et encore à s'approprier pour le meilleur et pour le pire, des gens ordinaires qui deviennent extraordinaires par leur engagement et leur authenticité, leur goût d'aller vers les autres et l'Abitibi-Témiscamingue y tient un grand rôle... 

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Bien au-delà de ces deux films, la 32e édition du Festival nous réserve des moments forts et des petits trésors pendant 6 jours : 16 longs métrages, 81 courts ou moyens métrages, 37 animations, en provenance de 26 pays. Nous aurons droit à 49 premières : 16 mondiales, 12 nord-américaines, 9 canadiennes et 12 québécoises. Tout au long de cette semaine formidable, il y a des spectacles, des soirées, de la musique, des lancements, une tournée, des expositions, des tables rondes, et plein d'activités spéciales, toutes très liées au monde du cinéma, de la création et de la vidéo. 

Comme toujours, on attend de la belle visite! Parce que le cinéma, en fin de compte, ça signifie des rencontres... 

Pour en savoir plus sur le Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue : www.festivalcinema.ca 


vendredi 18 octobre 2013

Récolte d'automne


Voici ma watch (le mot français est mirador) au matin de l'ouverture de la saison de chasse à l'orignal, le samedi 12 octobre dernier. À cet endroit, au fil des années, j'ai pu y observer et y entendre des orignaux, loutres, castors, hérons, rats musqués, canards, des vols d'outardes, une pygargue à tête blanche, même un ours une fois, un lynx une autre fois et je ne compte plus les écureuils, tétras, gélinottes, lièvres, etc. 


Juste avant de monter dans ma watch, j'ai remarqué ce matin-là cette souche où poussent des ti thés qu'on peut faire en tisanes ou encore de mâchouiller les petites feuilles qui goûtent le Wintergreen ou encore le paparmanne rose! 


Une fois montée dans ma watch, si je regarde vers la droite, c'est ce que j'aperçois, la rivière qui rétrécit et qui serpente jusqu'à devenir un ruisseau un kilomètre plus loin. 


Et si je regarde à gauche, mon regard est attiré vers le bras de rivière qui nous mène au carrefour des rivières des Outaouais et Darlens. En canot ou à vol d'oiseau, à un kilomètre d'ici, il y a le campe à mon frère Yves. C'est ce qu'Isabelle avait pagayé en canot en ce beau samedi matin ensoleillé et frais, espérant apercevoir « la bête lumineuse ». J'ai capté cette photo d'elle à son retour. 


J'ai zoomé autant que j'ai pu. Elle est belle, notre fille... Au dehors comme au dedans... 


Je ne lui reconnais pas cette expression. Ou plutôt oui, je la reconnais, c'est celle de son visage de petite fille qui a peur. Et puis elle rame vite, elle ne semble pas aussi zen que je croyais qu'elle serait au retour de sa sortie en canot...


Habituée qu'elle est de ramer avec des coups en J pour diriger le canot en même temps qu'elle avance, ses coups de rame sont francs et précis mais je la trouve songeuse et elle balaie du regard le rivage constamment. Elle ne m'a pas vue. 


Elle approche du quai, je saurai très bientôt ce qui l'inquiète. La forêt est si calme et silencieuse qu'il ne me viendrait pas à l'idée de lui crier que je suis là, tout près, bien camouflée, dans ma watch, à la croquer sur le vif... 


Elle arrive au quai, prend son temps pour faire les manoeuvres sécuritaires d'accostage, je prends cette dernière photo et je descends doucement de ma watch pour aller à sa rencontre. « Maman, j'ai vu un ours sur le rivage juste de l'autre bord de la pointe à Noémie! » et moi, je lui réponds : « Pas encore un? Il y en a tellement ici... » et personne ne les chasse, donc ils prolifèrent. 


Dimanche matin, je me suis amusée longuement à suivre et essayer de déjouer le tétras mâle qui voulait m'impressionner en déployant ses plumes. Bah, je peux bien m'en faire accroire si je veux, je sais très bien que ce sont les femelles alentour qu'il voulait séduire! Mais elles s'en fichaient royalement, les cocottes, c'était drôle de les voir si indépendantes et indifférentes. Bravo les filles, ne vous laissez pas impressionner par ce petit arrogant! (On peut cliquer sur les photos pour mieux voir les détails). 


Lundi matin, 7 h 32, à deux kilomètres du campe, dans une autre watch près d'une saline, Dominic a abattu son gibier d'un seul coup de feu. Foudroyant. Ce petit mâle de 2 1/2 ans n'a jamais su ce qui lui arrivait. Aucune souffrance. En voilà un que les ours et les loups n'auront pas. Le dernier orignal abattu chez nous, c'était à l'automne 2009. Je m'excuse si cette photo vous choque mais je considère que de prélever un orignal par 4 ans ne fait pas de nous des prédateurs si terribles lorsqu'on se compare aux loups et aux ours qui ne font pas le travail aussi proprement. 


Ça s'est passé là. Il faisait beau. Crocodile Dundee a tout vu, tout entendu, tout vécu de près, il était dessous la watch avec son appareil photo. Mais il n'a pas pris de photo de ce moment-là. Il a plutôt pris son gendre dans ses bras et l'a soulevé comme une plume. Ils ont dansé... en silence... Ils étaient fous de joie, les deux. Et tellement habitués à ne pas faire de bruit! 


On se communiquait par radios lorsqu'il le fallait, en chuchotant bien entendu, les cinq chasseurs que nous étions (trois chassaient les images, deux chassaient l'orignal). En apprenant la nouvelle, Isabelle et moi, on est allés les rejoindre sur les lieux en apportant tout ce qu'il fallait, en plus de la bouteille de champagne que Dominic avait apportée au cas où... Mais il y avait tant de travail à faire sur place qu'on a attendu d'être revenus au campe pour faire sauter le bouchon! 


On a passé la journée à se raconter toutes nos histoires, à s'occuper des quartiers de viande à transporter, suspendre, nettoyer avec du vinaigre, saupoudrer de poivre noir, emballer dans du coton à fromage, etc. D'autres membres de notre famille sont venus célébrer l'événement et y prendre part avec nous durant l'après-midi : mon frère Yves, Anne-Marie son amoureuse, le petit Adam qui a l'âge de Félixe, 4 1/2 ans, et ma mère qui aura bientôt 82 ans, qui était tellement fière elle aussi. On a soupé très tard ce soir-là, on était contents comme ça se dit pas. On passe notre temps à semer sur ce territoire et là, enfin, on récoltait. C'était le Jour de l'Action de Grâces. On a dit « Merci la vie » et comme les Algonquins, on a remercié l'orignal de nous avoir donné sa vie pour nous nourrir pendant toute une saison. 

Récolte d'automne

Moi, je raconte des histoires. Je ne sais pas les inventer, alors j'en raconte des vraies. Vécues. Avec des photos qui racontent mieux que moi.  

vendredi 11 octobre 2013

Qui va à la chasse...


La plupart y vont pour cette raison-là. (Photo prise à l'été 2010 tout près de notre campe).


Ou celle-là. (Photo faisant partie d'une série de 58 clichés que j'avais pris par un bel après-midi d'été, le 25 juillet 2011, tout près du campe à mon frère Yves, à un kilomètre du nôtre). 


Ou encore celle-là (photo prise par une caméra espion, une femelle et ses deux petits au printemps). 


Mais pas moi. J'y vais plutôt pour des raisons comme celle-ci. (À l'aube du premier matin de chasse, dans ma watch, armée de mon appareil photo, deux piles gonflées à bloc, prête à faire... clic! et re-clic!...)


Marcher dans les sentiers, humer les parfums secrets de la forêt boréale... 


Faire d'heureuses rencontres...


Vivre de bons moments... 


Se retrouver tous autour de la même table à l'heure des repas... Partager tout ce qu'on a vu, entendu et vécu, se raconter nos histoires, celles de la forêt comme celles d'en ville qu'on prend le temps d'écouter et de raconter jusqu'au bout. 

Qui va à la chasse...

... Perd sa place! Vous la connaissiez celle-là, n'est-ce pas? Eh bien cette marotte est fausse! Qui va à la chasse ne perd pas sa place, bien au contraire. S'il y a un événement annuel auquel j'ai l'impression d'être à ma place, c'est bien la saison de la chasse en Abitibi-Témiscamingue. 

Dans la zone 13 où nous sommes, la chasse ouvre cette année le samedi 12 pour se terminer le 27 octobre. Mais je n'y vais pas tout ce temps-là. 

Cette saison de chasse sera très particulière pour nous, pour des raisons que je ne me permettrai pas d'évoquer ici parce que la révolte et l'incompréhension m'habitent encore beaucoup trop à la suite d'injustices commises par des agents de la faune qui croyaient dur comme fer au scénario qu'ils avaient échafaudé et qui a fait deux victimes lors d'un procès bâclé qui s'est déroulé le 12 février 2013, qui n'a jamais abordé les faits proprement dits mais qui s'est concentré uniquement sur des technicalités juridiques. Je vous avoue que je dois travailler fort là-dessus pour retrouver une certaine sérénité quand je vais en forêt.  Il y aurait tout lieu de paranoïer pour moins que ça!

Crocodile Dundee est parti tout à l'heure avec plein de bagages et des glacières remplies de bonnes choses. Il va porter un premier voyage au campe et du même coup, il va à la rencontre de notre beau-frère Robert qui arrivera à 11 heures à la marina, directement de Ste-Anne des Lacs, dans les Laurentides. 

Isabelle, Dominic et moi, on partira vers 13 heures de Rouyn-Noranda, puisqu'ils terminent tous les deux leur travail à midi. On ira rejoindre Crocodile Dundee et Robert qui nous attendent à 15 heures à la marina. Huit minutes plus tard, en bateau, on sera tous rendus au campe, fébriles et contents, à faire des projets et des prédictions pour les prochains jours. Et on annonce beau, des températures estivales même!

J'ai mon appareil photo tout prêt. Crocodile Dundee aussi. Le sien est plus performant que le mien, il peut zoomer jusqu'à 30 fois, faire de la vidéo, etc. Je lui ai fait ce cadeau que je considère comme une mince consolation. Un juste retour des choses puisqu'il m'avait fait cadeau de celui que j'ai depuis 3 ans, sur mesure pour ce que j'aime faire. Il avait comploté avec son gendre pour me faire le plus beau des cadeaux, deux gars dévoués, prêts à tout pour me faire plaisir, l'un qui me connaît mieux que personne et l'autre qui est un artiste de l'image qui me connaît pas mal aussi!

Isabelle ne chassera pas non plus, elle accompagnera son chasseur de mari. Robert est un bon chasseur, il l'a prouvé depuis longtemps. Il connaît absolument tout de l'orignal, il a même fait son doctorat là-dessus. 

Par mesure de précaution, j'ai acheté tous les permis qu'il fallait, petit gibier et orignal. Je ne fais plus confiance aux autorités dans le domaine, ils peuvent aussi bien me coller une accusation s'ils me prennent en flagrant délit en train de cueillir des atocas ou des pousses de sapin, c'est pas mal leur genre. Et ils travaillent beaucoup avec des caméras-espions. « Souriez, vous êtes filmés »...

Donc, je serai partie quelques jours. Isabelle et moi, on revient lundi en fin d'après-midi, puisqu'elle retravaille mardi matin, mais les gars resteront dans le bois jusqu'à la fin de semaine prochaine. Deux qui chassent, un qui chasse pas. 

Gardez ma place au chaud, je vous reviens bientôt avec, souhaitez-le moi, de belles images. Je n'ai jamais pu photographier des orignaux l'automne... Ça manque à mon tableau de chasse!