Photo 1 : Au centre-ville de Matagami, j'ai cassé la croûte avec Claire, ma belle amie d'enfance. C'est là que j'ai pris cette photo, de cette aire de repos toute fleurie, au centre des commerces, avec en arrière-plan, MON école, ma belle école Galinée, qu'on avait espérée... jusqu'en septembre 1965! Qu'est-ce qu'on s'en est rappelées, toutes les deux, des souvenirs de notre école... On a ri comme des folles, c'est toujours comme ça avec Claire.
Photo 2 : On est montées dans le belvédère. De là, on voit la rivière Bell, avec ses quelques affluents. On regarde au Sud.
Photo 3 : Toujours du belvédère, une vue partielle de la ville, avec en arrière-plan le pont de la rivière Bell. On regarde vers le Nord.
Photo 4 : L'un des sentiers qui mène aux rapides... au bout de la rue des Rapides. J'allais parfois à la pêche là, après l'école. J'y cueillais aussi des bleuets jusqu'à ce que... des petits plaisantins y mettent des pancartes « Attention aux serpents », j'avais déguerpi à la course! Zut j'ai oublié une photo, celle des caps de roches au milieu de la rivière où j'ai passé un bon moment à jaser avec Guy. Et même un ado qui pêchait là, qui avait pris son quota de dorés aujourd'hui qu'il nous disait. Il est resté longtemps avec nous, c'était comme s'il écoutait la radio j'ai l'impression, notre conversation avait l'air de lui plaire!
Mes plus belles années II
Comment vous dire, vous raconter, vous partager ma journée d'hier, ce retour vers la ville de mes plus belles années? D'abord, je vous invite à lire le billet précédent, pour la route qui y mène, et le contexte de ce rendez-vous si doux.
Ma chance, ma bonne étoile à Matagami, elle s'appelle Claire, mon amie d'enfance, celle avec qui j'ai vécu ces années-là, et notre amitié toujours aussi actuelle. Et inconditionnelle. Bon, c'est vrai, on ne s'actualise pas aussi souvent qu'on le voudrait mais quand on se retrouve, on a encore 7, 8, 9 ans toutes les deux et on reprend instantanément là où on avait laissé la dernière fois. De toute manière, avec elle, le temps est toujours trop court. Mais intense! En bonheur, en mises à jour de nos vies, en fous rires, en souvenirs, en échanges de toutes sortes, merveilleux et réalistes. Claire, c'est tellement mon repère... et mon repaire...
Elle était mon premier rendez-vous en arrivant à Matagami. J'ai visité sa maison, son atelier, elle peint tout ce qu'on aime. Si je savais peindre, je voudrais le faire comme elle. Ses couleurs seraient les miennes. Mais moi, j'écris. Par défaut. On a parlé de nos zamours, de nos histoires, nos musiques, nos lectures, et ce qu'elle lisait à mon arrivée, j'ai noté les titres pour les commander, on se passionne toutes les deux pour les Iles de la Madeleine. Nos parents sont originaires de là, d'ailleurs nous sommes un peu parentes. Mais encore plus amies!
Elle m'a amenée à plein d'endroits qu'elle savait que je voulais revoir. J'ai même eu droit à des privilèges que d'autres « touristes » n'ont pas!!! Elle est si fière de notre ville. Elle a raison. Il y a de quoi être fières.
Matagami existe comme ville depuis 1963. Moi, j'y suis arrivée en janvier 1965. Papa y travaillait comme mineur (à la Orchan Mines) en 1964 mais ça a pris quelques temps avant qu'il obtienne « une roulotte de la mine » sur la rue Rupert. J'ai connu l'époque de « l'école sur les shifts ». Premier shift, pour les francophones, de 8 h à 10 h le matin, et de midi à 15 h pour l'après-midi. Deuxième shift, pour les anglophones et autochtones, de 10 h à midi et de 15 h à 18 h. Le mois d'après, on inverse! C'est comme ça que j'ai fini ma deuxième année. Les débuts d'une ville minière en pleine effervescence qui pousse comme un champignon, j'ai vécu ça. On avait tu hâte de l'avoir, notre école Galinée. Elle s'est construite à l'été 1965.
Je me souviens que dans notre école neuve, il y avait des classes grandes et éclairées, avec des immenses tableaux verts, un gymnase si haut, si plein de possibilités, une cour de récré au centre-ville où l'on avait de la place pour courir en masse, un auditorium pour la musique et toutes les commodités modernes. Wow, quelle belle école! Elle a été agrandie depuis, bien sûr. J'ai une tendresse immense pour l'école Galinée. C'est parce que... parce que... J'y ai tant de magnifiques souvenirs, vous vous en doutez. Entre autre, j'avais gagné le concours de rédaction, quand j'étais en quatrième année, c'était organisé par la Matagami Lake Mines! En 6e année, j'étais la responsable du journal Galinée, avec la vieille machine à écrire Underwood posée sur la margelle de la grande fenêtre de ma classe. Je voudrais tellement remettre la main dessus, il me semble que j'avais écrit tous les articles, parce que je n'avais pas réussi à déléguer!!!
Les commerces ont beaucoup changé, au centre-ville. Je ne m'attendais pas d'y retrouver le Nell's Sundries, le Hudson's Bay, Chez Léo et l'épicerie Montemurro! Mais il y règne encore quelque chose d'unique qu'on ne trouve pas dans les autres centres-villes. D'abord, parce que c'est plein de verdure, de gloriettes fleuries, de bancs où s'asseoir, d'espaces pour respirer, de coins repos, de parcs, de nature. On dirait que les commerces n'ont pas la priorité, ce sont les gens, le confort et la liberté qui priment. Matagami a été conçu par des urbanistes, tout y est à échelle humaine, comme si la vie valait la peine qu'on s'y arrête pour mieux la savourer. Difficile à expliquer. Ça se vit.
La rivière Bell est partout présente, elle fait partie de la ville. On y a accès à tellement d'endroits. Et je n'ai jamais vu tant de parcs et d'espaces verts! Bien tenus et entretenus. Fleuris. Boisés. Peut-être que les gens y sont plus respectueux, je ne sais pas... Du haut du belvédère, on peut suivre des yeux plein de sentiers qui mènent à des endroits fabuleux et embrasser du regard tout Matagami et l'immensité du paysage.
La petite ville que j'ai vue naître est encore plus belle que tous mes souvenirs d'enfant. Ce n'est pas peu dire. Elle s'est développée, elle a grandi, elle s'est adaptée aux mouvements socioéconomiques de son temps, de son environnement et on ressent partout combien elle est aimée passionnément par ceux et celles qui l'habitent si tant tellement avec coeur. De tout leur être. Matagami, c'est une perle, une pierre précieuse enchâssée dans des cours d'eau majestueux, les rivières Bell, Nottaway, les lacs Matagami, Goéland et tant d'autres.
Elle tient son nom d'un mot cri, une question de justice puisque les Cris y sont chez eux depuis 8000 ans et plus. Matagami signifie « la rencontre des eaux » ce qui a donné avec le temps « la rencontre des eaux... tres ». Les gens y sont heureux, vaillants, chaleureux, accueillants, bon enfant, moi je trouve. Et ils prennent le temps de vivre. La ville est moderne et dynamique, elle n'a pas encore célébré son 50e anniversaire d'existence, mais elle le fera en 2013, le comité d'organisation est déjà formé, j'ai lu ça dans le journal local.
Avec Claire, on a fait le tour de nos points d'intérêt. Ma roulotte n'existe plus, au 4 rue Rupert, mais j'en ai vu des semblables tout près, dont une qui n'a pas subi trop de rénovations!!! Ma maison, au 6, rue Allard, quand Papa avait eu assez « d'ancienneté » pour avoir droit à une maison de la mine, c'est changé aussi, ma maison n'est plus un duplex, mais une maison unifamiliale. Elle doit être assez grande pour s'y perdre, je la trouvais déjà immense quand on en habitait juste la moitié de gauche!
À mon grand regret, à 14 heures, j'ai dû quitter Claire, j'avais un autre rendez-vous doux. En se serrant dans nos bras assez fort pour s'étouffer, Claire m'a dit que si je changeais d'idée pour repartir en fin d'après-midi, elle avait une chambre libre et plein de jaquettes de ma grandeur!!! Une chance qu'elle m'a fait rire, parce que sinon, j'aurais braillé. Trop de joies en même temps, ça me fait ça, moi. Une chance, on doit se revoir bientôt, elle et moi. Dans un autre ailleurs...
Alors, je suis allée « à côté du rond-point » où j'avais rendez-vous avec Guy, qui terminait son travail à cette heure précise. M'attendait là une autre belle surprise qu'il me réservait : Jasmine. Pas vrai? Jasmine... Jamais revue depuis que j'avais déménagé de Matag. Jasmine... Nous avions 12 ans, étions dans les mêmes classes, jouions les mêmes jeux, allions au centre civique, étions dans les majorettes, les « Rubis de Matagami » et allions voir tout ce qu'il y avait au cinéma... avec mon petit frère et sa petite soeur. Elle n'a pas changé une miette, en 42 ans... toujours aussi... attachante, enjouée, souriante, rieuse et chaleureuse! On a fait les mises à jour principales de nos vies. Nous avions des souvenirs à nous rappeler mais pas les mêmes!!!
Et Guy m'a proposé un endroit merveilleux pour aller jaser... On est allés par les sentiers boisés du parc au bout de la rue des Rapides, jusqu'aux caps de roches de la rivière Bell où l'on s'est assis. J'aurais dû prendre une photo. Mais je n'y ai pas pensé à ce moment-là. Trop à vivre. Trop de jasettes à ratrapper. Il est heureux à Matagami, m'a-t-il dit, c'est pourquoi il n'écrit presque plus. « Je suis pourtant pas malheureuse, moi, et j'écris encore! ». Mais je comprends ce qu'il veut dire. Je comprends plus qu'il le pense. Bonne nouvelle, on n'a presque pas parlé de politique. Juste un ti peu. Quand on nous connaît, c'est un tour de force. Mais la rivière Bell et ses rapides ont un effet apaisant sur tout. Il y avait près de nous un bel amélanchier chargés de fruits murs. Et plus loin, des bleuets, des grappes généreuses. On partageait. Une très belle rencontre. Trop courte. Je le sais.
On s'est dit au revoir quelque part sur le boulevard Matagami, à peu près là où j'aimais aller me bâtir des campes avec mes amis dans le temps, où j'allais aux bleuets, aux framboises. Mon petit boisé est tout construit de commerces maintenant. À l'endroit précis où subsistait un vieux camp en bois rond de prospecteur, c'est là que j'avais trouvé un gros chaudron de fonte que Maman m'a redonné il y a quelques années. Ils ont donné un nom à cet endroit maintenant, la rue Dieppe, où il y a un autre joli parc, où les arbres sont toujours grands et forts, adoucis avec des balançoires pour enfants.
Il passait 16 heures... Je suis allée mettre de l'essence et m'acheter une bouteille d'eau. De l'eau des eskers, bien sûr. Matagami, géologiquement, c'est construit sur un esker. Je ne pouvais pas repartir sans aller revoir d'autres lieux magiques, et photographier ma rivière Bell à partir du pont sur la route de la Baie James d'où l'on a un autre point de vue sur la ville.
Il a bien fallu que je reparte, l'heure avançait, j'allais revivre à rebours tous mes repères, à l'endroit comme à l'envers, dans la même journée, en ayant actualisé toute mon enfance, mes plus belles années, en replaçant dans ma tête mille choses mieux comprises, mises à jour, renouvelées, dont l'importance de l'amitié, de la réciprocité, de la liberté, de la magnificence de la nordicité, de l'immensité, de la richesse encore insoupçonnée de ce pays que j'aime infiniment que c'en-n'est-pas-normal-de-l'aimer-de-même.
J'ai rapporté près de 100 photos de ce voyage aller-retour. Mais ce n'est qu'une toute petite proportion des images que je rapporte dans mon coeur et ma mémoire... d'enfant. À 54 ans, je les ai actualisées. Je n'ai pas été capable d'écouter de la musique ni de brancher Madame GPS sur le chemin du retour. J'avais besoin d'être seule dans mon silence, dans mes paysages intérieurs, pour approfondir et pour comprendre. Je suis fière de ce que cette ville est devenue. Comme si j'y étais pour quelque chose! Non, je veux dire que si j'avais dessiné une ville de rêve, ce serait ça : Matagami.
Au fond, j'ai compris que je serai toujours la même petite fille qui court dans la forêt d'une ville minière en pleine effervescence, qui va pêcher à la rivière après l'école, qui joue à construire des campes avec ses amies, qui aime le cinéma et la lecture et qui veut voir le monde à partir du Nord et d'en être imprégnée. D'avoir grandi à Matagami, « à la rencontre des eaux... tres » ça veut dire croire fondamentalement que tout est possible, qu'on n'a qu'à faire les pas dans la même direction pour que les choses arrivent, que nos rêves se réalisent.