samedi 25 décembre 2010

Noël au camp





Photo 1 : Les pies nous ont accueillis dès notre arrivée, elles ont été présentes (et affamées) tout au long de ces deux jours passés au camp. Chacun notre tour, et parfois deux en même temps, nous avons eu le privilège de leurs visites pour se restaurer, dans nos mains, sur la tête, et elles nous ont même suivis quelques kilomètres quand nous sommes repartis.

Photo 2 : Ce n'est pas parce qu'il n'y avait pas de « neige à bonhomme » qu'on s'est privé du personnage qui fascine tant Félixe. Ça nous a demandé juste un peu plus de créativité, et elle n'y a vu que du feu! Ce sapin-là a maintenant un nom, ce sera notre sapin de Noël pour toutes les années à venir. Dans la crèche patentée sur place, ça manquait de « présences », alors, après cette photo, on a emprunté des jouets à Félixe et la crèche est devenue habitée par une princesse, un prince et... un cheval rose!!!

Photo 3 : Le soir venu, quand on a illuminé notre sapin de Noël à l'aide de la génératrice, je me demande lequel de nous cinq était le plus émerveillé...

Photo 4 : Dans la petite maison sous les arbres enneigés, il y a Félixe et moi qui voulons vous souhaiter le plus magique, le plus merveilleux des Noël.

Noël au camp

À 13 kilomètres en forêt, loin de toute civilisation, le camp Fra-Gilles a été le décor d'une histoire toute simple qui nous a procuré mille bonheurs. C'était le plus beau cadeau qu'on pouvait se faire, de vivre ça ensemble.

La lune resplendissait dans le ciel dégagé du 22 décembre, la température était idéale, les pies se sont présentées au rendez-vous, pas farouches du tout, la forêt s'était mise toute belle et nous étions immensément heureux.

À Rapide Deux, c'est ce qu'on a raconté à Félixe, le Père Noël délègue une partie des livraisons de cadeaux à ses amies, les pies, qui l'aident beaucoup dans son travail. Savez-vous où elles ont déposé le cadeau pour Félixe? Dans la maison de sapin qui sent si bon, où je suis photographiée avec elle. Elle n'en revenait pas, la Félixou, et nous autres non plus!

mardi 21 décembre 2010

Notre p'tit Noël




Photo 1 : Apprivoiser les pies, ça commence comme ça.

Photo 2 : Crocodile Dundee entretient étroitement les liens de proximité qu'il a établis avec ces oiseaux qui ne nous quittent jamais.

Photo 3 : C'est là qu'on s'en va demain pour vivre...

Notre p'tit Noël

Nous avons toujours eu cette tradition depuis que notre fille est au monde. Le temps des fêtes, ça dure longtemps chez nous, nos familles sont grandes, plusieurs viennent de l'extérieur et profitent des congés pour voyager, les rencontres se suivent à un rythme continu et ça commence très tôt avec l'anniversaire de ma mère, le 20 décembre. Ses frères et soeurs l'ont encore fêtée cette année mais comme ils sont tous retraités, ça dure trois jours!

Dans ma petite famille à moi, avant de se perdre de vue dans le tourbillon des fêtes de Noël, du « entre les deux » et du Jour de l'An, on a toujours senti le besoin de vivre quelque chose de plus intime, de doux et d'agréable, de simple et de reposant : Notre p'tit Noël. Nous étions trois pendant longtemps...

Notre fille a grandi, notre tradition s'est bien ancrée au fil des années, le besoin était tellement là, de plus en plus fort, surtout quand nous avons formé une famille plus grande encore, lorsque Dominic s'est joint à nous. Nous étions devenus quatre et nous avions le goût de nous retrouver avant de nous reperdre de vue parmi tout le monde autour de nous.

En janvier 2009, nous sommes devenus cinq et notre p'tit Noël a pris un coup de jeune!

Cette année, je ne sais pas d'où origine l'idée de départ mais on veut vivre ça dans le bois, au camp Fra-Gilles qu'on appelle, c'est celui des deux qui est vraiment très très dans le bois, loin loin loin! Juste nous cinq, loin de la folie commerciale, du stress, du travail, des obligations, engagements et responsabilités, des téléphones cellulaires et ordinateurs, et tout ce qui va trop vite. Prendre le temps, c'est le cadeau qu'on se fait, à nous cinq, de nous cinq, avec tout notre amour...

Crocodile Dundee a été rafraîchir le sentier en fin de semaine dernière et un ami nous prête une grosse carriole qu'on va accrocher à la motoneige. J'achève de préparer nos petites bouffes pour deux jours, parce qu'on y sera du 22 au 24. Notre p'tit Noël sera une escapade de deux jours cette année, deux jours qu'on a planifiés depuis longtemps, qu'on a bloqués dans nos agendas toujours trop bien remplis. Dominic reviendra d'un tournage à l'extérieur ce soir très tard, Isabelle termine son dernier cours à l'université ce soir à 23 heures, nous serons libres comme l'air nous aussi et demain matin, on part ensemble.

La lune sera pleine, le ciel dégagé, la forêt enneigée, le sentier tapé, les pies viendront manger dans nos mains, le poêle ronronnera et nous irons jouer dehors tant qu'on le voudra, le jour comme le soir. On annonce du doux temps, si la neige peut être collante, on fera un gros bonhomme de neige pour Félixe, qui les adore. (tiens, j'y pense, faudrait pas que j'oublie d'apporter une grosse carotte, un vieux foulard et un chapeau rigolo). Crocodile Dundee rêve de mettre plein de lumières dans un sapin sans le couper, ensuite de faire partir la génératrice pour voir l'expression de Félixe quand il s'allumera, comme par magie, au milieu de nous.

Joyeux Noël à vous tous!

mardi 14 décembre 2010

On a perdu la patinoire!


Photo 1 : C'était le dimanche 5 décembre dernier. On avait passé une partie de l'après-midi à jouer dehors, avec notre petite visite, à dégager la patinoire, en prévision des parties de hockey de fin d'année. Vous souvenez-vous de la plus petite piscine au monde de cet été? Voici la version hivernale de Papy Dundee : le plus petit traîneau au monde!

Photo 2 : Hier matin, le 13 décembre, c'est la vision que j'avais à partir des portes fenêtres du garage.

Photo 3 : Même instant, même lieu, mais d'un peu plus près. La voyez-vous, la patinoire? Non? Moi non plus. On l'a perdue...

On a perdu la patinoire!

Ça fait une semaine qu'on doit pelleter à tous les jours. Mais hier, c'était le gros lot : neige, poudrerie, vent, chaussée glissante, visibilité nulle, les écoles fermées, les sorties de route. « Mon pays, ce n'est pas un pays, c'est l'hiver » chantait Vigneault. Dans le grand livre des saisons, il est écrit que l'hiver commence le 21 décembre. Comme toujours, on est en avance.

Le lac gelé, une fois recouvert de toute cette neige, n'est plus du tout sécuritaire, il y a des plaques jaunes partout. La patinoire est « slushée » comme on dit et ça prendrait maintenant un vrai miracle de la nature et beaucoup de travail pour qu'on puisse la récupérer avant le temps des fêtes, ce qui met en péril notre tradition de la partie de hockey du 31 décembre.

À suivre...


vendredi 10 décembre 2010

Le ti dodo, la tranche de pomme...


Illustration : Si vous me lisez depuis longtemps, vous l'avez probablement déjà vue, puisque j'ai publié ici, le 2 décembre 2007, un extrait de ce texte que j'ai écrit en 1996. Aujourd'hui, je vous offre l'intégrale, directement de mon fond de tiroir. Si vous avez eu un père aussi merveilleux que le mien, j'espère vous ramener à vos plus beaux souvenirs. Si vous n'avez pas eu cette chance, je voudrais partager un petit peu de tout cet amour que j'ai reçu.

Le ti dodo,
la tranche de pomme,
le sublet et le cheval blanc

Il arrive parfois qu'un objet, une odeur, une chanson, un livre ou une photo nous ramène instantanément au lieu magique de notre enfance... Pour moi, la rouge rondeur d'une pomme évoque, sans équivoque, toute la tendresse du monde, dans la complicité rieuse d'un père aimant et de sa petite fille bien-aimée : moi!

Du temps de la maison du rang VII et tout au long de notre vie de famille, à La Sarre, à Matagami, à Noranda, Papa avait toujours au moins trois emplois, un principal pour faire vivre notre famille et au moins deux autres dans la vente, ce qui lui permettait de rencontrer plein de gens et de nous payer des petites gâteries. Il a vendu des autos chez Nicol Auto, des motoneiges Motoski, des meubles Lapierre, des déménagements Labrecque, des pneus Abitibi, des bas de nylon Nylart, des produits industriels Mica, des habits sur mesure Stephen Tailoring, des produits Amway, du Coke, des petits gâteaux Vachon et j'en oublie. Papa n'était pas, à son dire, un bon vendeur. Il aimait le monde et croyait dur comme fer au service à la clientèle. Moi, j'ai toujours cru qu'il était surtout un grand communicateur, capable de convaincre lorsque très convaincu lui-même.

Dans ce tourbillon de vie autour de lui et de nous, il arrivait à être un père très présent. Je pense même que c'est lui qui a inventé le concept de la qualité de présence.

Le ti dodo

Quand il rentrait enfin à la maison, fourbu mais heureux, tout s'illuminait de son sourire chaleureux. J'accourais vers lui comme s'il eût été mon sauveur. Alors, ses yeux bleus devenaient encore plus bleus et moi, je me blottissais en petit rond dans les bras de l'homme le plus fort du monde, sûre que rien ne pourrait jamais m'arriver, seulement parce qu'il était là.

Parfois, quand il était très fatigué, il me disait : « Viens te bercer un ti peu avant le ti dodo ». Et là, je découvrais que c'était pour qu'IL FASSE UN TI DODO, LUI. Toujours blottie contre Papa, j'écoutais son coeur qui battait régulièrement et très fort. C'était normal, il avait un grand coeur. Son torse se soulevait et reprenait sa position initiale avec une régularité et un calme qui me laissaient croire encore une fois hors de tout doute que rien ne pourrait jamais m'arriver tant qu'il serait là. Quand je relevais la tête pour le regarder dormir, il avait toujours ce sourire, même avec les yeux fermés. Il manquait définitivement quelque chose mais jamais je n'aurais risqué de bouger le moins du monde, de peur de rompre le charme. Je l'admirais dormir, tout en sourire, convaincue comme on peut l'être à quatre ans que j'étais l'artisane de son bonheur.

La tranche de pomme

Un jour, j'allais avoir 5 ans, j'ai eu le bonheur d'avoir mon premier petit frère. Bien que j'étais contente, je réalisais aussi qu'il était devenu le nouveau centre d'attraction de la famille... C'était le jour de son baptême je crois, en tout cas, il y avait plein de monde autour du berceau du petit. Papa est venu s'asseoir avec moi dans le salon avec une belle pomme rouge toute dodue et un petit couteau. Sans dire un mot, il me regardait et regardait ensuite la pomme. Il souriait tout le temps. Ses yeux se plissaient de plus en plus. On aurait dit qu'il allait pouffer de rire. Je savais bien qu'il allait me donner la plus belle tranche de la pomme, la première, lorsqu'il aurait fini de la peler. Mais il ne fallait pas le dire, ça, je le sentais, il ne fallait surtout pas le dire...

Plus le couteau se promenait méthodiquement en tournoyant sur la pomme, plus il me regardait intensément et plus nous avions tous les deux une envie folle d'éclater de rire. Il me semble aussi qu'à la fin, il ralentissait un peu, pour faire durer cette complicité entre nous. C'est là qu'il se produisait un moment de grâce. Il coupait la première tranche, toute blanche, me la plaçait devant les yeux et me l'offrait comme s'il s'agissait de la pierre la plus précieuse. Toujours sans rien dire, je l'acceptais d'un geste tout aussi théâtral, et je la goûtais enfin pendant qu'il mangeait le reste de la pomme. Nous étions là, tous les deux tout seuls dans notre univers, dans cette maison pleine de monde, à manger notre pomme en silence, avec l'air satisfait des gens heureux qui ne remettent même pas leur bonheur en question.

Souvent, au cours des ans, il a répété ce geste complice entre nous mais c'est au Jour de l'An 1996, dans sa maison encore pleine de monde, où j'en ai été une autre fois très touchée. Il est venu m'offrir la première tranche de pomme et je l'ai acceptée avec les mêmes yeux éblouis que lorsque j'étais enfant. Il y avait longtemps qu'une pomme n'avait pas goûté aussi bon et là encore, nous n'avions rien dit. Pas un seul mot. Rien qu'un regard et un sourire, avec une envie de pouffer de rire. D'ailleurs, nous n'en parlerions jamais, ni lui ni moi, c'était sous-entendu parce qu'on le savait que ça aurait pu rompre le charme.

Le sublet

Je devais avoir 10 ans à peu près quand Papa a commencé la construction d'un chalet dans la baie Dunlop, au lac Matagami, ce chalet qui nous a laissé des souvenirs impérissables même si on ne l'a jamais habité. J'étais allée me plaindre à lui que c'était plate, pas d'amis, pas de musique, rien à lire, rien à faire. Il m'a dit : « Attends voir, on va s'en faire de la musique, Papa va te faire un sublet ». Quel mystère. Un sublet?

Avec une énergie qui m'appelait à le suivre, il s'est dirigé vers la talle d'aulnes, dans le petit bois, derrière le chalet. Toujours sans rien dire, il en a coupé une petite branche après les avoir toutes évaluées. J'étais intriguée, je ne comprenais pas du tout où il voulait en venir mais je lui accordais toute ma confiance et ça, c'était inconditionnel. Comme si un génie lui était apparu pour lui souffler les mots et les gestes à faire, il me dit d'un ton grave et moqueur à la fois : « Là, si tu veux qu'il marche, ton sublet, il va falloir que tu chantes tout le temps que je le fais. Là, tu vas chanter sans jamais t'arrêter la chanson du sublet... Écoute...

Pèle pèle mon sublet
Jamais t'en auras de regret
Quand mon petit Poucet pèlera
Je te rendrai ça »

Avec application et acharnement, je chantais en reproduisant les mots aussi bien que son accent madelinot pendant que lui, avec application et acharnement aussi, il faisait des trucs étranges avec son couteau sur la petite branche d'aulne.

Soudain, il a levé vers moi un regard qui voulait dire que c'était le moment où jamais de ne pas arrêter de chanter. Il a entonné avec moi une dernière fois le couplet magique...

Pèle pèle mon sublet
Jamais t'en auras de regret
Quand mon petit Poucet pèlera
Je te rendrai ça

D'instinct, nous nous sommes tus. Ces quelques secondes précédant le miracle ont duré un siècle. Et si ça ne marchait pas? Pourtant, on avait bien chanté la chanson du sublet. Fabriquer un instrument de musique n'était pas une mince affaire mais je savais Papa capable de tous les miracles puisqu'il en faisait régulièrement.

Avec une dignité proche de la dévotion, il porta à sa bouche la branche d'aulne qui émit un son pur, étrange et beau, qui a dû s'entendre de la baie Dunlop jusqu'à l'embouchure de la rivière Bell, sans l'ombre d'un doute. Au milieu de nulle part, en plein bois, sur les rives du grand lac Matagami, mon père venait encore une fois, avec la même complicité, me donner ce qu'il avait de meilleur : un peu de lui-même!

Et le cheval blanc

Parmi les souvenirs de l'enfance, il en est un qui me sert encore dans les moments moins joyeux de mon existence. Une panacée universelle pour les jours gris ou la douleur en général. Un remède miracle qui s'apparente à ce qu'on appellerait l'auto-guérison, la visualisation et peut-être aussi la pensée positive. Cela s'appelle « Le cheval blanc ».

Quand j'avais mal aux oreilles, aux dents, que je prenais une fouille en bicycle, il me parlait du cheval blanc. Si l'on se moquait de mon accent, que j'avais perdu des morceaux de casse-tête ou que j'avais raté ma sculpture d'épingles à linge, il me racontait aussi son histoire du cheval blanc, tant et si bien que j'avais fini par le voir réellement. Ça commençait toujours pareil. Il me disait de fermer les yeux, il prenait sa voix douce, calme, grave et rêveuse, et il racontait...

« Pense à un beau cheval blanc... Il est donc beau, ce cheval blanc-là... Il est fort et fier, il court dans la prairie, la crinière au vent, libre comme l'air... C'est un beau cheval blanc heureux, qui pense rien qu'à son heureusité, à courir vite et fort dans sa prairie... Ah que c'est donc beau, un beau cheval blanc... »

Et j'ai oublié la suite mais ce que j'ai retenu, c'est que ça marchait tout le temps. Aucune douleur, physique ou morale, aucune peine, petite ou grande, ne résistait au cheval blanc. Quand je suis devenue une adolescente, et plus tard une femme, il ne m'a plus jamais raconté l'histoire du cheval blanc mais je m'en souvenais toujours, elle était en moi, et je me la répétais au besoin, jusqu'au jour où...

J'avais 29 ans. Depuis huit ans, je voulais devenir enceinte et finalement, je l'étais, mais j'étais alitée depuis le début de ma grossesse, malade, incapable de m'alimenter, affaiblie et inquiète de perdre ce bébé si attendu, si désiré. Inévitablement, j'avais fini par perdre pas mal ma joie de vivre. Le physique avait fini par déteindre sur le moral. Comme j'étais plus ou moins emprisonnée, à la maison ou à l'hôpital, je voyais seulement les gens qui me rendaient visite parce que moi, je ne pouvais me déplacer.

Ce matin-là, Papa s'était arrêté à la maison, sans raison. Couchée sur le sofa, je ne lui avais même pas ouvert la porte, il était entré tout simplement, à pas de loup, silencieusement. Il s'est assis dans la chaise berçante près de moi. Sans rien dire. Je ne faisais pas la conversation moi non plus.

Il traînait sur la table du salon de vieux cartons blancs et des ciseaux. Il a voulu ramasser ça pour me rendre service. Machinalement, il a commencé à découper dans le carton, sans avoir l'air de savoir où il allait. Puis, il m'a demandé comment j'allais.

Pendant que je lui parlais de mes inquiétudes de perdre ce bébé, de mes interrogations à savoir si j'étais capable de rendre à terme un bébé en santé, il découpait toujours à mesure qu'il m'écoutait. Quand j'ai eu fini de lui répondre, il avait fini de découper. Il s'est levé pour aller porter les découpures à la poubelle et j'ai remarqué sur la berçante une petite forme blanche qui gisait là. Je suis allée la chercher et j'ai pris dans mes mains un beau cheval blanc, le plus beau cheval blanc du monde. Il m'a souri et m'a dit : « Il est pas bien réussi, j'avais pas de modèle, mais regarde, il a une petite bedaine et quand même, il a l'air encore assez fort et il se tient debout! »

Je lui ai dit : « C'est le cheval blanc de quand j'étais petite! Te rappelles-tu P'pa quand tu me racontais... » Et dans son rire de petit garçon gêné, j'ai senti clairement deux choses : Premièrement que oui, il s'en souvenait tout à fait, et deuxièmement, que ça, il ne fallait surtout pas le dire. Alors je me suis tue parce que ce qui ne s'exprime pas s'imprime et puis on a souri tous les deux parce qu'on savait tout le merveilleux qui se cachait dans ce petit cheval blanc de carton.

C'était le plus beau cadeau qu'il pouvait m'offrir. Je l'ai mis sur le manteau du foyer où je l'ai regardé si souvent jusqu'à la fin de ma grossesse alitée. Bien sûr, c'est la première chose que j'ai mise dans ma valise en partant pour l'hôpital. Mon petit cheval blanc m'a suivie jusqu'à la salle d'accouchement et ensuite, sur ma table de chevet.

Quand il est venu me voir à l'hôpital avec Maman et faire connaissance avec sa première petite-fille en pleine santé, il a vu « notre » cheval blanc sur ma table de chevet. Il a souri peut-être encore plus tendrement ce jour-là.

J'aurais voulu lui dire toute la beauté de mon enfance, toute la magie qu'il avait créée dans ma vie d'enfant et d'adulte aussi, toute l'espérance que j'avais de faire de même pour ma petite fille.

J'aurais voulu surtout lui dire mille mercis pour cette panacée universelle, cette enfance heureuse qui serait pour toute ma vie un gage de bonheur, ou plutôt, comme il le dit lui-même, « d'heureusité » mais je n'ai rien dit et j'ai souri parce que ça, c'est sûr, il ne fallait pas le dire. Ça aurait pu rompre le charme.

Francine, novembre 1996.

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Papa,

Ce 2 décembre 1996 marque ton 69e anniversaire. Ce texte, je n'avais pas l'intention de te l'offrir parce qu'il valorise justement la complicité tacite entre nous. Au Café littéraire de novembre, plusieurs hommes m'ont dit que c'était épouvantable de penser que toi, tu ne l'aies jamais lu. J'ai consulté Maman qui m'a suggéré de te l'offrir à ta fête. Elle a eu un sourire attendri quand elle m'a dit qu'à elle aussi, tu offrais souvent « la première tranche » de ta pomme.

Alors voici ce texte que j'hésitais à te faire lire au cas où cette complicité puisse se diluer le moindrement dans l'avenir. Et puis advienne que pourra, je nous fais confiance! Ce que j'ai écrit en quelques pages, au fond, j'aurais pu le résumer en deux mots : « Je t'aime, P'pa ». Bonne Fête!

jeudi 2 décembre 2010

Bonne Fête P'pa!


Photo : * Ça doit être Maman qui a pris cette photo. C'était un moment joyeux, une tradition annuelle chez nous, en mars ou avril, quand mes parents revenaient du sud. On appelait ça « le party des oranges »!

Bonne Fête P'pa!

S'il était encore de ce monde, il aurait aujourd'hui 83 ans. Je pense à lui si fort chaque jour, il est toujours présent dans ma vie. J'aimerais pouvoir aller le serrer dans mes bras, plonger nos regards complices l'un dans l'autre, pleins de sourire, juste deux secondes, et lui dire « Bonne Fête P'pa! ». Son sourire et ses yeux bleus comme la mer m'accompagnent partout et en tout temps, m'habitent intensément et m'envahissent avec une telle tendresse qu'il n'y a plus de place dans mon coeur pour autre chose qu'une grande reconnaissance en ce moment.

Ma bonne étoile dans la vie, c'était lui, mon Papa. Il a été le premier homme que j'ai aimé, il a donné une couleur particulière à toutes mes relations avec les hommes par la suite, amours, fraternités et amitiés basées sur la confiance, le respect, l'admiration, la complicité, l'égalité.

Il nous a quittés en février 2005 et je n'oublie rien de ce que j'ai vécu avec un père comme lui, un homme merveilleux, un être humain qui a tant semé. Il savait si bien se faire aimer... Je ne lui ai jamais connu un seul ennemi ni même quelqu'un qui lui soit le moindrement indifférent.

Ça lui ferait de la peine qu'on ait de la peine, il nous aimait profondément et inconditionnellement. Il nous voulait heureux. Le temps a fait son oeuvre, penser à lui ne fait plus mal, mes souvenirs sont redevenus empreints de chaleur, de joie, de rires, et ne soulignent plus aussi cruellement le manque, le vide, l'absence. Il faut avoir beaucoup aimé pour pouvoir encore retrouver la force de dire merci, comme on le chante dans la plus belle version d'Évangéline...

C'est mon cadeau pour lui cette année. Et je pars dîner avec Maman, de ça aussi, il serait heureux.

Bonne Fête P'pa!

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* J'ai déjà publié cette photo pour illustrer mon billet du 20 novembre 2007, titré « Le party des oranges ». Pour en connaître toute l'histoire, c'est ici :

http://chez-zoreilles.blogspot.com/2007/11/le-party-des-oranges.html

dimanche 28 novembre 2010

Tiens, Martin!


C'est l'affiche du film « Voir Ali » dont je vous avais déjà parlé dans mon billet du jeudi 28 octobre dernier et le billet suivant.

Tiens, Martin!

Au sujet de ce documentaire qui avait été présenté en grande première au Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue, j'ai le goût de répéter le slogan qu'on entendait dans le temps, dans les publicités de la soupe Habitant : « Y a un p'tit peu de nous autres là-dedans! ».

Le réalisateur, Martin Guérin, y raconte une histoire très belle, très vraie, qui était un peu passée sous silence en 1983 pour des raisons qu'on comprend au fil des 52 minutes de Voir Ali. Ce que ce film raconte, au-delà de l'anecdote, c'est surtout de quel bois se chauffe la population d'une région comme la nôtre quand de merveilleux fous se mettent à croire que tout est possible.

Voir Ali a nécessité plus de deux ans de travail et beaucoup de passion, de détermination et de talent de toute une équipe, tout au long du tournage. Ce qui s'est passé en coulisses est tout aussi intéressant que ce qu'on voit à l'écran. Comment je le sais? Parce que mon beau-fils, Dominic Leclerc, m'en a raconté des petits bouts, puisqu'il y a participé depuis le début, à la direction photo, au montage et lors de nombreuses discussions enrichissantes avec Martin Guérin et toute l'équipe. Même moi, j'ai une petite participation à la fin, c'est le secret que je vous avais révélé dans mon billet suivant!

Depuis, beaucoup de gens m'ont dit qu'ils étaient déçus de l'avoir manqué lors de sa présentation qui avait fait salle comble au Théâtre du Cuivre le 31 octobre. Mais tout n'est pas perdu, je vous cite un extrait d'un courriel que je viens de recevoir de Martin :

« Allo Francine,

Comme ton blogue me semble très fréquenté, je te refile des infos que tu pourrais transmettre à tes lecteurs... Merci à l'avance. À bientôt. Martin »

Que mon blogue soit fréquenté un peu, beaucoup, passionnément ou pas tellement, on s'en fiche, on ne voudrait pas enlever à Martin ses illusions, n'est-ce pas? Je suis ravie si Chez Zoreilles peut servir de courroie de transmission dans ce cas-ci. Voici donc un extrait du communiqué de presse :

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(Rouyn-Noranda, novembre 2010) - Après un passage remarqué au Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue où il s'est vu décerner une mention du jury, le documentaire Voir Ali de Martin Guérin sera projeté une dernière fois à Rouyn-Noranda. Le film sera diffusé sur grand écran au Cinéma Paramount le lundi 13 décembre à 18 h 30 ainsi que le mardi 14 décembre à 18 h 30. Les spectateurs auront aussi la chance de discuter avec les intervenants et les artisans du film après les deux projections. Le film Voir Ali propose un regard sincère et ludique sur l'improbable séjour du grand boxeur Muhammad Ali à Rouyn-Noranda en juin 1983.

Points de vente des billets jusqu'au jeudi 9 décembre :

Chocolaterie Le Gisement
Café-bar L'Abstracto

Point de vente des billets à partir du 10 décembre :

Cinéma Paramount

Bande-annonce : http://www.vimeo.com/15468250 »

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Vous vous demandez sûrement : « Oui mais si l'on habite pas vraiment près de Rouyn-Noranda, comment on fait pour voir ce film? » Là, j'avoue, je ne sais pas. Comme tous les films produits au Québec, j'imagine que Voir Ali prendra son envol et connaîtra une carrière prochainement. Je vous promets que je vous tiens au courant dès j'en entends parler. Et je devrais en entendre parler, parce que... « Y a un p'tit peu de nous autres là-dedans! »

jeudi 18 novembre 2010

Déjeuner causerie



Photo 1 : Mardi dernier, j'ai commencé à prendre de l'avance pour les fêtes, question d'avoir de quoi recevoir tous ceux qui viendront. Avec les dernières retailles de pâte à tarte, j'ai même fait des... reconnaissez-vous les indémodables et très classiques pets de soeur?

Photo 2 : Voilà le décor de nos déjeuners causeries... Au début, il fait toujours noir, on se lève très tôt, mais quand on est rendu à étirer le café, le soleil se lève sur nos conversations déjà très animées.

Déjeuner causerie

Crocodile Dundee et moi avons été les meilleurs amis du monde avant d'être amoureux, et comme l'un n'empêche pas l'autre, nous avons la chance de pouvoir déjeuner tous les matins avec notre meilleur(e) ami(e). Non mais sérieusement, on se trouve chanceux. On s'obstine, on jase, on rit, on refait le monde, on commente les nouvelles à la radio quand ça adonne, bref, ce n'est jamais tranquille chez nous le matin.

Même que parfois, il arrive que la conversation ne soit pas finie et qu'il doive partir travailler, alors, on se donne un bisou sur le bord de la porte et on se dit qu'on finira ça au souper. Ce matin, on discutait générosité, paniers de Noël, guignolée des médias, solidarité et bonnes intentions. Tout ça parce qu'il traînait sur la table au déjeuner une feuille d'information de La Ressourcerie avec des suggestions d'achat de denrées non périssables pour les paniers de Noël.

Crocodile Dundee se rappelait avec nostalgie l'époque où l'on faisait « l'épicerie pour une autre famille » et qu'on avait tant de bonheur à le faire. C'était avant que la solidarité soit institutionnalisée.

Dans le temps, nous étions jeunes mariés, sans enfant, pas encore une famille. On avait un ami qui était prêtre, qui connaissait bien les familles de sa paroisse, celles qui avaient besoin d'un panier de Noël mais qui n'auraient jamais osé le demander, pour des raisons qui leur appartiennent et que je respecte. Notre ami servait d'entremetteur pour que jamais cette famille ne sache qui nous étions et que nous ne sachions pas non plus qui ils étaient. Notre tradition annuelle s'est poursuivie longtemps après la naissance de notre fille.

On prenait rendez-vous à l'avance avec notre ami au début décembre. Au jour convenu et à l'heure dite, on allait porter au presbytère l'épicerie en question, trois ou quatre boîtes remplies de toutes sortes de victuailles. De son côté, notre ami allait porter ces boîtes dans les minutes qui suivaient là où c'était attendu et probablement apprécié. Ce stratagème nous permettait d'acheter de tout et pas seulement des denrées non périssables. On avait un plaisir fou, chaque année, Isabelle s'en souvient encore elle aussi, à faire cette double épicerie, c'est-à-dire qu'on prenait deux gros chariots, et quand on achetait quelque chose pour nous, on achetait exactement la même chose pour l'autre famille, en sachant qu'on se régalerait des mêmes fantaisies que cette autre famille qu'on ne connaissait pas.

Une dinde pour nous? Une dinde pour eux! Un gros pot de Nutella pour Crocodile Dundee? Un gros pot de Nutella pour l'autre famille. Des céréales de nounours chez nous? Des pareilles chez eux. Trois litres de lait? D'accord, trois litres de lait dans l'autre chariot aussi. Des chocolats? Oui, des chocolats, c'est Noël, on veut des pretzels, du beurre d'arachide, des framboises congelées, des soupes toutes prêtes, des craquelins, des couronnes de crevettes, des petits pois, des sacs d'oranges, de pommes, des yogourts, une bûche de Noël et toutes les fantaisies qu'on voulait, pour nous comme pour eux. C'était Noël dans notre coeur, bien avant Noël, juste parce qu'on avait le sentiment de partager le peu qu'on avait mais avec tout notre coeur.

Ce matin, au déjeuner, nous regrettions ce temps révolu et cette tradition bien égoïste (pas trop quand même, ça partait d'une bonne volonté) qu'on avait instaurée et perpétuée, de donner quelque chose à une autre famille qu'on ne connaissait pas. Cette épicerie-là, ce soir-là, était un moment magique, rien qu'à penser que ce qu'on choisissait pour nous avait des répercussions immédiates qu'on espérait joyeuses pour d'autres... si près de nous.

Notre ami prêtre est décédé il y a plus de 10 ans. On n'a jamais su s'il donnait cette épicerie à la même famille tous les ans ou s'il variait de famille d'une année à l'autre, tout ce qu'il nous disait, et tout ce que nous avions besoin de savoir, c'était que ça faisait des heureux.

Les paniers de Noël sont devenus des dons et des partages très encadrés par des organismes reconnus, transformés en banques alimentaires qui fonctionnent à plein régime, tout au long de l'année. C'est très bien. Les besoins sont criants. La Guignolée des médias donne un coup de pouce pour renflouer les réserves dans les entrepôts et bien garnir les paniers de Noël qui seront attribués aux individus et aux familles qui en font la demande. C'est discret et anonyme. Maintenant, notre manière de partager avec d'autres, ça consiste à donner de l'argent aux coins des rues quand c'est le moment, en y ajoutant parfois des sacs de denrées non périssables. C'est cette liste de suggestions d'achat qui est arrivée dans nos publi-sacs cette semaine et qui se trouvait ce matin sur la feuille blanche qui gisait entre nos deux cafés...

On était tristes, Crocodile Dundee et moi, quand on a pris connaissance de cette liste de suggestions qu'on trouvait trop ordinaire, sans couleur, sans saveur, sans surprise, sans folie et sans fantaisie. Je vous laisse en juger, je vous la retranscris au complet :

Beurre d'arachide, Cheese Whiz, mayonnaise, ketchup, légumes en conserve : champignons, maïs, fèves, macédoine, tomates étuvées, céréales : Frosted Flakes, céréales mélangées (petites boîtes), salade de fruits, pâtes alimentaires : macaroni en coudes, spaghetti, biscuits sucrés, thon, viande en conserve : ragoût de viande, viande en flocon, fèves au lard, soupe en boîte, jus de fruits, Kraft dinner, jus de tomates. Et c'est tout. Je vous jure, c'est tout. Vous ne trouvez pas ça triste, vous autres?

La Guignolée des médias, ce sera le jeudi 2 décembre, partout au Québec. On fera notre part, c'est sûr, en préparant nos dons qui seront recueillis aux coins des rues par les bénévoles qui se feront geler toute la journée pour prendre tout ce qu'on voudra bien donner pour avoir bonne conscience. On contribuera encore cette année avec des billets de banque, parce que nous, on ne peut pas se résoudre à donner des boîtes de Kraft dinner, des cans de jus de tomates, du Cheese Whiz et des céréales-même-pas-de-nounours.

J'ai trop de respect pour la pauvreté, pour ceux qui n'ont pas la même chance que nous... À Noël, est-ce qu'on ne pourrait pas leur donner autre chose à manger que de la misère? Je comprends ces choses-là avec ma tête mais pas avec mon coeur. Je peux juste pas m'imaginer qu'un soir de Noël, dans une famille, on va ouvrir une can de fèves au lard ou qu'on va faire chauffer le contenu d'un grosse boîte de ragoût. Et les enfants là-dedans? Les tout petits? Non, faut même pas que j'y pense, je braillerais. Surtout qu'il y aura encore des enfants blasés dans d'autres familles qui en auront trop. Crocodile Dundee pense comme moi, on va essayer ensemble de trouver quelque chose de plus et de mieux à faire. Sinon, on aura échoué. On s'est dit qu'on s'en reparlerait au souper...

lundi 8 novembre 2010

La Marche verte





Photos 1, 2, 3 et 4 : La Marche verte se déroulait ce matin, le 8 novembre 2010, de 10 heures à midi, à Ville-Marie, au Témiscamingue. Cette marche de solidarité s'est organisée en un mois seulement par le comité de mobilisation du Témiscamingue.

La Marche verte

D'abord, il faut connaître un peu le contexte. Le nom de ma région, c'est l'Abitibi-Témiscamingue, je ne vous apprends rien là... Population : 145 000 habitants. Superficie : Un territoire démesuré de 65 143 km/2, aux dimensions d'un pays. En comparaison, le Liban, c'est 10 452, le Rwanda 26 338, la Belgique 30 528, la Suisse 41 290, le Costa Rica 51 500, le Sri Lanka 65 610, l'Irlande 70 280 et ainsi de suite. Pour aller plus rapidement, je dis souvent que ma région est presqu'aussi grande que l'Irlande.

En Abitibi, la base de l'économie, ce sont les mines, les forêts, l'agriculture. Quand la crise forestière secoue tout le Québec et que les difficultés en agriculture deviennent invivables pour les petits producteurs, l'Abitibi peut compter sur les mines pour assurer sa survie. Et c'est ce qui se produit en ce moment.

Pour le Témiscamingue, la situation est bien différente. Avec une population de 16 000 habitants (sur le total de 145 000 mentionné plus haut) répartis dans des petites villes et villages, leur économie a toujours été basée sur l'exploitation de la forêt et ensuite l'agriculture. C'est tout. Ils ne peuvent compter sur aucun autre secteur d'activités que ces deux piliers de leur économie. Voilà le portrait résumé de la réalité témiscamienne.

La Marche verte avait lieu ce matin à Ville-Marie, au Témiscamingue. Elle avait pour but de mobiliser la population pour lancer un cri d'alarme au reste du Québec, se faire entendre par les instances décisionnelles de tous les paliers de gouvernement, pour que certains projets aboutissent enfin, que les lois s'assouplissent et se modulent en tenant compte des particularités et de la réalité que vivent les Témiscamiens.

À la blague, on a expliqué l'appellation de « La Marche verte » pour faire un clin d'oeil à « La Marche bleue » organisée à Québec pour promouvoir l'idée qu'une équipe de hockey vienne s'y installer. Les enjeux diffèrent mais ils sont d'autant plus importants quand la survie d'une région en dépend.

Aujourd'hui, j'étais là, je n'aurais pas voulu être ailleurs. Nous étions entre 3000 et 5000 personnes à marcher dans les rues de Ville-Marie, pour dire qu'on existe, qu'on ne veut pas être oubliés, qu'on aime vivre ici et qu'on est prêts à se mettre en action pour travailler ensemble, peu importe la provenance ou le parti politique auquel on souscrit.

Pour une population de 16 000 habitants au Témiscamingue, quand une marée humaine entre 3000 et 5000 personnes marchent dans la rue en chantant et en dansant sa fierté, son courage, sa volonté et son sens de l'appartenance et de la solidarité, c'est 30 % de la population qui se mobilise et qui y croit avec l'énergie... j'allais dire du désespoir mais il s'agissait plutôt d'espoir. Un espoir aussi vaste et infini que la région, aussi profond que le lac Témiscamingue, nom Algonquin qui signifie en français « eaux profondes ». Imaginez si la température avait été clémente!

Ville-Marie, de chez moi, c'est habituellement 90 minutes de route. Ce matin, c'était plutôt 2 heures à cause du brouillard opaque. Mais nous avons passé l'épreuve, rien ne nous arrête, la région du Témiscamingue ne demande que ça, se prendre en main, se retrousser les manches et aller de l'avant, avec fierté, courage, solidarité et dignité. On n'attendra pas la fin de la crise forestière ou un miracle improbable dans le secteur de l'agroalimentaire pour réagir.

Ce matin, pour la Marche verte, entre 10 heures et midi, ils sont venus de partout mais surtout de tous les villages du Témiscamingue, un peu de l'Abitibi aussi mais pas autant que je l'aurais souhaité... Au Témiscamingue, l'appel a été entendu, près de 400 entreprises étaient fermées pour cette cause rassembleuse, les écoles aussi, les commerces, les services et tout le Témiscamingue convergeait vers ce rassemblement qui faisait chaud au coeur à vivre, à voir et à entendre.

Il y avait longtemps que je n'avais pas vu pareil exemple de solidarité. Traitez-moi d'idéaliste si vous voulez mais j'ai la conviction profonde que ce sont les peuples qui changent les choses, pas les élus. Et le peuple, ce matin, il était là, malgré le froid et l'humidité, la visibilité nulle et la chaussée glissante.

J'ai vu des gens âgés, certains avec une canne, d'autres en fauteuils roulants, des petits dans les poussettes, d'autres sur les épaules de leurs parents, des femmes très belles, les joues rosies par le froid, quelques-unes enceintes, des hommes fiers, de solides gaillards, habillés en ouvrage, on savait où ils iraient après, des enfants qui avaient dessiné des pancartes touchantes (photo 3) des travailleurs ayant perdu leur emploi avec des pancartes de leur entreprise fermée, des agriculteurs avec des manteaux aux couleurs de « production laitière », des adolescents qui se tenaient par la main, qui se lâchaient pas, qui dansaient plus qu'ils ne marchaient, d'autres qui avançaient en battant la marche avec leurs tam-tam, et le moment le plus émouvant a été pour moi d'entendre la foule chanter si tant tellement fort le refrain de Mario Peluso, « Je m'en retourne au, jusqu'au... Témiscamingue », quand on est arrivés en haut de la côte, que je me suis retournée et que j'ai vu cette marée de monde qui s'étendait tissée serré jusqu'au majestueux lac Témiscamingue qui se perdait dans le brouillard.

Ce sont les peuples qui changent les choses, pas les élus.

lundi 1 novembre 2010

Secret de tournage... révélé!



Photos : C'était dimanche après-midi, le 31 octobre, sur la scène du Théâtre du Cuivre, à Rouyn-Noranda, lieu principal des projections du Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue. Une partie de l'équipe de tournage du documentaire signé Martin Guérin, Voir Ali, présentait le fruit de deux ans de travail qui racontait une fort belle épopée, un événement survenu en juin 1983.

Secret de tournage... révélé!

Voir Ali a reçu un accueil triomphal. Au-delà du fait que ce film raconte avec authenticité, humour et tendresse une page d'histoire qui était bien trop passée sous silence à l'époque, ce que j'y ai trouvé en plus, c'est l'extraordinaire folie constructive et créatrice de ceux qui avaient rendu tout ça possible à ce moment-là. On pourrait penser qu'il s'agit tout simplement d'un fait insolite et improbable mais il y a dans ce film beaucoup plus qu'un document d'archive qui vient d'être créé avec les gens qui s'en souviennent et qui le revivent intensément en le racontant.

Qu'on aime la boxe ou pas, qu'on ait eu pour idole Cassius Clay devenu Muhammad Ali ou pas, « The Greatest » était bel et bien venu à Rouyn-Noranda en juin 1983, parce que de merveilleux fous s'étaient mis dans la tête de faire ce qu'il fallait de folles démarches, et ensuite d'aller à Los Angeles, lui vendre cette idée-là, faire en sorte qu'il soit séduit et qu'il accepte de venir chez nous, prononcer une conférence lors d'un souper, et ainsi par sa seule présence, aider à constituer le financement qui allait assurer la tenue des Championnats Sportifs Québécois à Rouyn-Noranda.

Voilà pour le contexte. Vous pouvez voir la bande-annonce ici : http://vimeo.com/15468250

Je ne vous raconterai pas tout le film mais je vous dirai seulement que cette histoire méritait d'être racontée et c'est aussi ce que pense Réjean Tremblay dans La Presse. Voici l'article qu'il a écrit quand il a vu le documentaire en visionnement de presse :

Pour faire ses recherches, scénariser, documenter et tourner son film, Martin Guérin, le réalisateur, disposait d'un budget minuscule, rien à voir avec d'autres films qui se tournent au Québec et dans le reste du monde. En ce sens, je vois un lien à faire entre ce documentaire, le Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue et la visite de Ali à Rouyn-Noranda en 1983 : croire que tout est possible si l'on veut bien y mettre l'effort, se retrousser les manches et passer à l'action avec l'enthousiasme, la fougue, le goût de l'aventure, le sens de l'innovation, l'initiative audacieuse et juste ce qu'il faut de naïveté pour ouvrir des portes que d'autres penseraient impossibles à déverrouiller, même avec la clé!

Ma participation

L'une des difficultés du tournage de ce documentaire, c'est que l'événement semblait ne pas avoir laissé de traces concrètes dans les archives locales, régionales, nationales, etc. Plusieurs s'en souvenaient, l'avaient vécu, y avaient participé et si les souvenirs étaient restés gravés dans les coeurs et les mémoires, plusieurs rumeurs avaient couru et une foule de questions étaient demeurées sans réponse. Cette histoire sommeillait dans l'oubli et le serait restée sans la détermination de Martin Guérin. Il y avait des raisons à cet « oubli » et le documentaire les explique très bien.

À quelques reprises, on a fait des appels à tous sur les ondes de nos radios régionales pour retrouver des photos, des témoignages, des vidéos, du film, etc. Nos actualités régionales télévisées (Radio-Nord) avaient bien présenté des reportages de l'événement en 1983 mais ils n'en avaient conservé aucune archive. Pas la moindre trace. Des réseaux nationaux de télé étaient présents sur place mais aucun d'entre eux n'avait rien gardé non plus du passage du « Greatest » à Rouyn-Noranda. Des journalistes de la presse écrite avaient couvert l'événement et rapporté l'affaire, bien sûr, des gens de la radio aussi, mais aucun n'avait un petit bout de film ou un extrait sonore qui pouvait prouver que c'était bel et bien arrivé.

Comme je voyais souvent Dominic dans un contexte familial, qu'il collaborait à ce film et que je l'avais entendu moi-même en entrevue faire des appels à tous pour mettre la main sur un document vidéo qui viendrait ancrer ce fait dans la réalité de l'époque, je m'informais souvent s'ils avaient eu des réponses et chaque fois, il me répondait que non. Ils en étaient désolés. Un bon dimanche soir, je me décide :

- Cou'donc, Dominic, est-ce qu'il va falloir que je vous sorte mon premier film à vie, quand j'ai essayé ma nouvelle Super 8 que je venais d'acheter, et que Mohammad Ali était justement en ville?

Dominic me regardait avec des yeux grands comme des trente sous...

- Quoi?

- Je me souviens plus c'était quelle année mais j'avais ramassé mon argent pour m'acheter une caméra, c'était une Super 8, j'avais une bobine de film avec mon livre d'instructions, je savais à peine comment l'ouvrir et la fermer, je venais de découvrir que j'avais un zoom, j'avais hâte de l'essayer et Joce était justement retonti chez nous, il m'avait dit : « Saute dans l'char, on va aller l'essayer, ta ciné, Ali est en ville! » et moi, je lui avais répondu : « Es-tu sûr que c'est vrai, ça, Mohammad Ali en ville ? »

- T'avais ça pis tu me le disais pas?

- Ben... C'était mon premier film à vie, je voulais juste essayer ma caméra neuve, j'espérais que vous en trouviez d'autres, ça doit être plein d'erreurs, ce vieux film-là...

- As-tu encore ça?

- Ça doit, j'ai un gros sac avec au moins une cinquantaine de bobines, c'est en-dessous de l'escalier.

- As-tu un projecteur?

- Oui pis un écran!

Alors, on a été fouiller en dessous de l'escalier, on a remonté tout ça en haut, on a commencé à vouloir visionner quelques bobines non identifiées et les vieilles pellicules cassaient sans arrêt. On a tout arrêté ça, Dominic craignait d'endommager LE FILM, d'ailleurs, la petite Félixe était fatiguée et ils sont repartis chez eux avec mon gros sac de vieilles bobines, Dominic était tout content d'être heureux!

Je trouvais ça dommage de le faire tant travailler pour peut-être pas grand chose. Je me souvenais vaguement des images que j'avais tournées mais je ne les avais pas revues depuis 1983. Quelques semaines plus tard, je reçois un appel de Dominic, euphorique. À la 24e bobine qu'il visionnait, il venait de mettre la main dessus, c'était mon film de Mohammad Ali. Trois minutes de Mohammad Ali, dans une jeep décapotable sous un soleil de plomb, saluant les gens entassés de chaque côté de la rue pour le voir passer, Ali qui avait fait arrêter la voiture pour prendre un bébé dans ses bras et lui faire un bisou, faisant mine de boxer avec un p'tit gars, Ali de près et de loin, se dirigeant vers la Maison des invités de la mine, là où il était hébergé durant son passage ici, j'avais bien utilisé mon zoom au maximum, et si le film était parfait pour le rythme, selon Dominic, mon explication en était toute simple : je ne pouvais pas aller plus vite, j'étais en train de l'essayer, ma nouvelle Super 8.

Quand Martin (Guérin) a appris l'existence et le contenu de mon film, il a dit à Dominic qu'il l'aimait beaucoup, sa belle-mère! Ils ont fait numériser ma vieille bobine et c'est ce qui termine le documentaire « Voir Ali ». C'est sérieux là, il paraît que j'avais le seul document vidéo existant de ce fait vécu et le film se termine sur mes images Super 8 de juin 1983, ce qui m'a valu d'être remerciée par Martin sur la scène hier, et mon nom figure au générique, à la section « Remerciements ».

Assise au balcon hier après-midi pour la grande première mondiale, dans la noirceur absolue, j'ai rougi légèrement, je l'avoue. J'étais fière d'avoir participé, même un tout petit peu, et par une série de hasards, à ce film documentaire qui raconte une si belle histoire vraie, drôle et touchante, qui est maintenant bien documentée. En tout cas, moi aussi, ça m'a fait chaud au coeur de « Voir Ali ».

jeudi 28 octobre 2010

Voir grand sur écran géant


Illustration : Pour réaliser l'affiche du 29e Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue, la graphiste Staifany Gonthier a bien saisi l'essence de cette véritable fête du cinéma international, hautement improbable en ce 48e parallèle nord, qui continue de séduire et d'étonner pour cette 29e édition.

Voir grand sur écran géant

Tradition oblige, je vais encore une fois vous parler, comme chaque année, de MON Festival, celui où j'ai déjà travaillé en coulisses, aux communications, la seule édition où je n'avais pas pu voir un mozusse de film, mais depuis je me reprends, puisque la fin octobre signifie toujours ma grosse brosse de cinéma, mon rendez-vous annuel avec le septième art et mes amis tout aussi mordus que moi, dans cet amalgame de fête, de p'tites et grandes vues, de rencontres magiques et de folie douce qui va s'abattre sur nous à compter du 30 octobre jusqu'au 4 novembre.

Pendant 6 jours, seront présentés 17 longs métrages, 83 courts et moyens métrages, dont 42 animations, en provenance de 25 pays : Algérie, Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Burundi, Canada, Danemark, Espagne, États-Unis, Finlande, France, Irlande, Italie, Malawi, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Pérou, Pologne, Royaume-Uni, Russie, Suède, Suisse, Vénézuela. La programmation de cette année présente 35 films primés et 36 primeurs, dont 16 mondiales, 10 nord-américaines et 10 québécoises.

Tout un programme! Vous en saurez plus en cliquant sur le site du FCIAT : http://www.festivalcinema.ca/

Comme vous l'imaginez, je serai présente là-bas plutôt qu'ici au cours des prochains jours. Je ne verrai pas tout, ce serait impossible, mais je ne bouderai pas mon plaisir, c'est certain, quitte à prendre les bouchées doubles pour me ménager des plages libres dans mon horaire déjà fou et me sauver au Festival.

En plus des projections qui se déroulent au Théâtre du Cuivre, il y a aussi les nombreuses activités qui se greffent autour du Festival : Le public en formation (volet jeunesse), la leçon de cinéma, avec le conférencier Pierre-Henri Deleau, les sorties cinéma aux quatre coins de la région, Espace Court (Dominic y présentera son film, Entre l'épinette et la licorne, samedi soir au Cabaret de la dernière chance), les Nocturnes et autres événements rassembleurs qui participent à cette frénésie qu'on sent déjà partout en ville, à Rouyn-Noranda du moins.

Je ne vais pas manquer surtout, dans le bloc 3 de dimanche après-midi, une primeur mondiale, le film Voir Ali, du réalisateur Martin Guérin. Ce film-là, j'en entends parler depuis deux ans, entre autre parce que Dominic y participe de tout son coeur, à la caméra, au montage, étalonnage et quoi encore. Ce documentaire raconte une histoire formidable, 100 % véridique, une anecdote incroyable qui démontre que tout est possible dans une région comme la nôtre, quand de merveilleux fous se mettent à vouloir la même chose en même temps de toutes leurs forces.

La bande-annonce de Voir Ali, vous pouvez la visionner ici : www.vimeo.com/15468250

Dans quelques minutes, je quitte pour aller au 5 à 7 de lancement de ce film. On m'a invitée comme faisant partie de tous ceux qui ont participé, de près ou de loin, à ce documentaire qui raconte cette si belle histoire qui serait tombée dans l'oubli si Martin Guérin n'avait pas tenu à la porter au grand écran. Quelle fut ma participation? Même sous la torture, je ne dirai rien... avant la semaine prochaine, après la projection de Voir Ali, en grande première mondiale!

jeudi 21 octobre 2010

La première maison

Photo : Cette petite maison dans un arbre, au bord du lac Osisko, me fascine et m'émerveille chaque fois que je la vois. Elle a été construite par le papi de Félixe, non pas Crocodile Dundee mais son autre papi, Guy, un architecte au coeur tendre, qui s'était amusé à créer quelque chose de spécial et d'amusant pour sa fille Ariane, qui a aujourd'hui 21 ans!

La première maison

Il s'agit donc de la première maison d'Ariane dans la cour arrière chez ses parents. J'imagine qu'elle y reviendra toujours même si elle a grandi... En tout cas, moi, si j'étais à sa place, j'y reviendrais avec attendrissement, à la rencontre de mon enfance et de l'insouciance de ces années-là.

Si je m'attarde aujourd'hui à cette idée de la première maison qu'on n'oublie pas, c'est que tout à l'heure, dans une heure à peine, Isabelle et Dominic seront chez le notaire, en train de signer tous les documents officiels qui feront d'eux des nouveaux propriétaires. La transaction est décidée, approuvée et planifiée depuis des mois, c'est aujourd'hui qu'ils achètent leur première maison.

Mes souvenirs me ramènent au début de l'année 1981 quand nous avons acheté notre première maison, Crocodile Dundee et moi. Nous en avions visité quelques-unes avant mais celle-là nous avait ralliés plus que toutes les autres. On s'y reconnaissait, on se voyait vivre là, dans chacune des pièces, dehors, dans la cour, dans l'atelier-garage, partout. Nous étions prêts à tout.

J'avais 23 ans, Crocodile Dundee, 24, mais nous en paraissions 15 à peu près! D'ailleurs, notre nouveau voisin, un monsieur âgé, tout à fait charmant, était venu nous souhaiter la bienvenue dans le quartier, celui qu'on appelle Noranda-Ouest, le même quartier qu'habiteront Isabelle, Dominic et Félixe à compter de cette fin de semaine...

Monsieur Côté était venu cogner à notre porte pour connaître ses nouveaux voisins. Nous étions là, avec mes parents, en train de peinturer la cuisine et la salle à manger. On s'affairait avec vaillance, bonne humeur et énergie, tout en continuant de jaser avec lui, encouragés comme on l'était, on n'avait pas une minute à perdre. Après un moment, avant de prendre congé, il a serré la main de mon père et de ma mère, en leur disant : « En tout cas, vous avez des jeunes qui sont travaillants, c'est pas tous les jours qu'on voit ça! » et là, on a compris qu'il croyait que mes parents étaient les nouveaux propriétaires de la maison, que Crocodile Dundee et moi, on était frère et soeur!

Notre nouveau voisin n'en revenait pas quand on lui a dit que nous étions les nouveaux propriétaires. Il a fallu que mes parents lui confirment que c'était bien vrai, il ne nous croyait pas. Il a longtemps raconté cette anecdote-là à tout le monde qui voulait bien l'entendre. N'empêche que d'acheter une maison unifamiliale de ce prix-là, à l'époque, avec les taux d'intérêt qui frisaient les 22 %, c'était une vraie folie. Il fallait être jeunes, pleins de fougue et d'insouciance et croire que tout était possible. Je me souviens que mon père nous avait donné un conseil qui valait son pesant d'or et qui nous a servi souvent depuis. Il nous avait dit : « Vous êtes deux? Vous voulez la même chose de toutes vos forces? Quand t'es deux, t'es fort en masse! ».

Retournons en janvier 1981. Jeunes mariés, nous habitions un grand logement, une moitié de duplex, avec 3 chambres, salon, cuisine, salle à manger, salle de bain, sous-sol avec salle de lavage, atelier, grande cour, bien situé, à 160 $ par mois, ce qui était tout à fait honnête et dans l'ordre des choses. Nous achetions une maison unifamiliale de 42 000 $, avec le quart de la somme comme versement initial, à un taux d'intérêt qu'on avait pu négocier, de peine et de misère, à 17 %, ce qui était génial. Notre versement hypothécaire mensuel, je m'en souviens encore, s'élevait à 435 $. Nos amis nous disaient : « Mais vous êtes malades! »

On n'oublie pas ces choses-là, on s'en souvient avec humour et tendresse. Notre première maison, on l'a habitée et rénovée de fond en comble, on y a été heureux pendant 7 belles années. Quand nous l'avons vendue, Isabelle avait 18 mois. Aujourd'hui, à 23 ans elle aussi, elle retourne tout près de là, à quelques rues seulement, en tant que copropriétaire avec Dominic d'une propriété où je leur souhaite autant de bonheur que nous en avons connu nous-mêmes dans notre première maison.

mardi 12 octobre 2010

Pays de contrastes




Photo 1 : Vendredi dernier, le soleil se levait tout timide et de mon bureau, je n'ai eu qu'à faire deux pas pour photographier la maisonnette sous cette lumière nostalgique d'automne. Si la porte avait été ouverte, on aurait vu tous les dessins faits à la craie cet été par Félixe et nous, chaque fois qu'on allait y chercher nos vestes de flottaison pour une sortie en bateau : des canards, des huards, des fleurs, des soleils, des bateaux, des voiliers, des pommes, des bananes, etc.

Photo 2 : Toujours vendredi dernier, j'étais en Abitibi-Ouest, à une heure de route de chez moi. Sur le chemin du retour, en fin de journée, juste avant le beau village de Palmarolle, j'ai été saisie par la splendeur de la lumière, du ciel, des couleurs et du paysage de mon enfance. J'ai stationné ma voiture sur l'accotement et croqué sur le vif un peu de ce moment.

Photo 3 : Sans débarquer de ma voiture, j'ai rapproché la scène où l'on voyait un tracteur et une remorque en plein travail à la tombée du jour. Je ne sais pas grand chose du travail de la terre mais j'admire ces gens dont le labeur est proportionnel au coeur et au courage que ça prend pour choisir et assumer ce mode de vie.

Pays de contrastes

Ce matin, beaucoup de choses à mon esprit, mais rien qui vaille la peine d'en faire un billet. Et je considère que ce n'est pas une raison valable pour ne pas en écrire un! On le sait, publier régulièrement un nouveau texte est une gymnastique qu'il ne faut pas négliger trop longtemps, sinon les courbatures et les mauvais plis s'installent insidieusement, le désintérêt se pointe de manière floue d'abord, ensuite on cherche sa motivation et on ne la trouve plus et ainsi ce goût d'écrire qui avait toujours été là s'estompe, s'étiole et meurt sans faire de vagues, comme une chandelle qui s'éteint. Je lutte contre ça en ce moment.

Ma façon à moi de bloguer n'est pas celle de la plupart du monde. Depuis 4 ans, je fais partie d'un genre de réseau non organisé, libre, des lieux d'échange, de réflexion et de discussion, d'amitié réelle et/ou virtuelle, avec ceux que j'appelle mes blogues-amis, que je visite fidèlement et qui me le rendent bien. Cette liste se trouve là, juste à côté, la voyez-vous? C'est ce qu'on pourrait appeler « MA blogosphère ». D'autres personnes me lisent aussi, commentent parfois ou pas du tout, et tous sont importants à mes yeux. Je veux leur dire merci sincèrement pour ce temps précieux qu'ils m'accordent, cette écoute si généreuse qui me va droit au coeur et que je ne prendrai jamais pour acquise, tellement elle m'étonne et m'émerveille à chaque fois.

Pourtant, quand les bases de mon réseau s'effritent comme en ce moment, ce réseau social tissé serré qu'était la blogosphère, telle que je l'ai connue, ce réseau social disais-je, est devenu démodé lorsque Facebook et Twitter ont mieux répondu à ce que les gens recherchaient. Le blogue comme moyen de communication et de discussion a perdu des plumes au fil des derniers mois à un point tel qu'il est passé tranquillement de démodé à moribond, à mon avis. Bloguer n'a tout à coup plus le même sens pour moi non plus. Je vous le dis comme je le pense, sans chercher à m'expliquer davantage et sans savoir ce qui adviendra du mien. J'ai toujours dit que je serais la dernière à fermer mon blogue tellement j'y trouvais du plaisir mais quand tous mes blogues-amis auront quitté, il faudra bien que je songe à fermer boutique moi aussi...

J'ai observé depuis 4 ans des phénomènes humains fascinants dans cet univers virtuel où j'ai participé avec joie, avec ardeur, dans un bonheur sans cesse renouvelé. Je me suis attachée à des gens que j'apprenais à connaître et à aimer profondément... sans jamais les avoir rencontrés. Ce n'est pas si étrange après tout, on communique ici à l'aide de nos mots, de nos images, et lorsqu'on écrit, on plonge obligatoirement au plus profond de soi, dans le vrai, dans le vif des sujets, dans des zones où l'on ne va pas souvent fureter au quotidien, dans nos relations sociales souvent superficielles. Inévitablement, des amitiés naissent et se développent, des liens se tissent, des fidélités, des affinités, des habitudes se créent et au final, ces relations virtuelles deviennent bien réelles. Enfin, pour moi, c'est ça.

Voilà où j'en suis. Et je passe sans plus tarder à d'autres sujets.

Des alliances prometteuses

Vous savez à quel point j'aime ma région et le Québec tout entier. À cause de cela, je ne peux plus supporter le clivage (surtout médiatique) entre Montréal et Québec, entre Montréal et les régions, et tout ce qui contribue à nous diviser, nous opposer, nous ignorer ou nous mépriser entre nous plutôt que de s'allier dans nos différences, chercher à devenir complémentaires ou partenaires dans les objectifs que nous avons en commun.

Ce que je prône, j'ai une belle occasion de vous en présenter aujourd'hui un exemple éloquent. Si je vous en parle, ce n'est pas seulement parce que Dominic y prend part cette année comme cinéaste, je vous prie de me croire.

L'année dernière, pour la première fois, le réseau Accès culture Montréal s'associait à une autre région du Québec pour leur offrir une vitrine à Montréal et mieux faire connaître ses artistes, son milieu, la richesse de sa créativité et de son territoire. L'événement « De l'Île à la mer » ouvrait grand ses portes aux artistes de la Gaspésie et des Iles de la Madeleine, le Québec maritime rayonnait pendant deux mois à Montréal, à l'automne 2009. Je trouve ces alliances constructives et riches de retombées, tant pour les régions concernées que pour la métropole qui s'ouvre sur le Québec tout entier, une région à la fois.

Cette année, l'événement invite l'Abitibi-Témiscamingue. Le projet s'intitule « AT@MTL » qui signifie, vous l'aurez deviné, l'Abitibi-Témiscamingue à Montréal. Du 26 septembre au 28 novembre, le réseau Accès culture, un regroupement de 24 diffuseurs montréalais, présente des artistes de notre région en spectacle, en musique, théâtre, films et expositions regroupant beaucoup de nos talents, créations et productions. Accès culture Montréal met en lumière la vitalité culturelle d'une région chaque automne et cette fois, c'est la nôtre qui est à l'honneur.

Ils sont nombreux à y travailler avec fierté et acharnement depuis des mois. Pour en avoir une petite idée, on peut consulter des sites, des blogues, divers réseaux sociaux qui y sont dédiés, comme accesculture.com/evenement/ATMTL, vimeo.com/12398660, atamtl.tumbir.com et plusieurs autres que je fais exprès de ne pas inclure en liens cliquables pour ne pas ralentir Blogger. Si j'en entends parler depuis un bon moment, c'est que Dominic avait le mandat de réaliser un documentaire qui ferait le portrait de notre vie culturelle pour le présenter à Montréal lors du lancement de cet événement qui s'échelonnera sur deux mois. Un sacré défi qu'il a relevé avec brio, dans un documentaire de 20 minutes, en y mettant sa vision, son coeur et son talent au service de notre région et de ses artistes. Parce que ce n'était pas simple... Il a été à la rencontre d'une cinquantaine d'artistes, aux quatre coins de notre vaste région et il n'a pas compté ses heures ni ses pas. Il a décidé de montrer notre réalité, et là, je le cite, tel qu'il le disait lui-même dans un extrait d'entrevue publiée dans L'Indice bohémien, « même des centres-villes avec de la tôle parce que c'est aussi ça qui fait notre côté brut et honnête ».

Dominic n'a pas fait de compromis sur l'authenticité et l'honnêteté, je le reconnais bien dans ce choix artistique. Mais on verra aussi des choses belles, des êtres formidables, des artistes engagés et engageants, un ciel de jour et de nuit, avec des étoiles ou des aurores boréales comme fil conducteur de ce pays qui nous habite autant qu'on l'habite. J'ai eu le privilège (de belle-maman) de visionner son film et j'ai été fière des choix qu'il a faits et de ce qu'il veut montrer de ce que nous sommes, dans cette particularité culturelle, cette appartenance à ce territoire, cette façon qu'on a de créer et vivre ici.

Le documentaire de AT@MTL s'intitule « Entre l'épinette et la licorne ». Après avoir été lancé à Val-d'Or le 6 octobre dernier, il fera son entrée montréalaise cette semaine, jeudi le 14 octobre à 17 heures, à la Maison de la culture Maisonneuve. Mes enfants, Isabelle et Dominic (celui-là, je l'ai adopté) y seront présents. Pas moi même si j'aurais aimé ça... J'ai plus important à faire, comme passer du bon temps avec Félixe!

Mots d'enfant

Le jour où ses parents seront en pleine conférence de presse à Montréal pour le 5 à 7 de lancement de l'événement AT@MTL, Félixe aura tout juste 21 mois, l'âge adorable où le langage et la communication se développent à un rythme effarant. Et drôle. Et touchant. J'en ai eu encore une belle preuve hier, alors que nous passions l'avant-midi ensemble, elle et moi.

Tout n'est pas tout à fait au point encore dans sa manière d'exprimer les choses qu'elle veut dire mais elle m'a fait tellement rire hier quand elle a m'a servi une parfaite imitation de moi. Quand j'y repense, j'en ris encore. Elle voulait que j'aille dessiner avec elle, comme on l'a fait si souvent cet été. Elle s'est organisée pour que je comprenne son message. Elle avait sorti les gros crayons (lavables), les feuilles de couleur, les autocollants de minous, de fleurs, de papillons. Et puis, avec son expression enjouée, énergique, les yeux brillants, le sourire invitant, elle m'a dit :

« Mamie-mamie-cri-là-foye-collants-élisse-weuriodena-wow c'est boooooo-élisse » ce qui signifie « Mamie, mamie, viens écrire là sur les feuilles, on va mettre des autocollants et quand moi, Félixe, je vais te montrer ce que j'ai fait, tu vas t'exclamer encore « Wow c'est boooooo Félixe! »...

On a beaucoup dessiné, nous deux, hier. Elle m'a raconté plein de choses, je n'ai pas tout compris mais la conversation allait bon train, c'était fluide, il était question de minous, de fleurs, de bateaux, de huards, de papa huard, maman huard et des p'tits p'tits huards sur son dos, tombés dans l'eau, de jus de pommes, de wow c'est beau et de tout ce qui est très important dans la vie.

mercredi 6 octobre 2010

Rapprocher des rivages




Photo 1 : Pour accéder à notre camp numéro deux, il y a deux kilomètres de sentier et plusieurs ponts pour enjamber les ruisseaux et les marais. Celui-ci, Crocodile Dundee l'a baptisé « le pont de la rivière Kwaï ».

Photo 2 : Cette photo ne vous dit peut-être pas grand chose mais attendez que je vous raconte l'histoire. Moi, en tout cas, j'ai été impressionnée!

Photo 3 : La seule journée où il a fait un peu beau, c'était le lundi 27 septembre en après-midi. On en a profité pour aller marcher en forêt. Voilà un autre petit pont tout mignon, dissimulé sous les feuilles, construit sans subvention ni appel d'offres ni enveloppe brune!

Rapprocher des rivages

Au premier jour de nos vacances, le vendredi 24 septembre dernier, il fallait d'abord se rendre au camp avec les VTT et notre bagage réduit au minimum. Trop contents de partir, malgré le déluge annoncé dans une alerte météorologique, nous étions confiants de nous y rendre sans aucun problème, surtout que Crocodile Dundee avait sécurisé quelques passages problématiques lors des fins de semaine précédentes.

Gisèle et moi avions décidé de marcher le sentier, devant ou derrière les véhicules tout terrain qu'on voyait se tortiller dans cette soupe marécageuse, ces bouts de sentiers détrempés, noyés par le déluge, ce qui s'annonçait pas mal plus vivable que d'embarquer à l'arrière des chevaux de fer conduits par les gars.

Au premier pont, il a fallu replacer les madriers qui flottaient mais qui n'étaient pas encore partis dans le courant du ruisseau devenu presque rivière, tellement il était gonflé par cette pluie incessante depuis la veille.

Au deuxième pont, c'est la photo 2 que j'ai prise au retour, et non pas à l'aller, on a cru qu'on allait devoir virer de bord et aller coucher au camp numéro 1, tellement l'obstacle nous semblait infranchissable : l'une des deux travées était partie à la flotte, il n'en restait plus qu'une qui s'accrochait encore désespérément (!) à des arbustes submergés...

C'est à ce moment-là que Crocodile Dundee nous a servi encore une fois avec logique et assurance sa fameuse marotte, « À force de manquer de toutttt, on manque de rien ». Gisèle, Robert et moi, on ne voyait vraiment pas comment il allait faire pour nous construire un pont qui serait assez solide pour faire traverser les VTT de l'autre côté de cette « rivière » déchaînée, tellement élargie.

Il avait son plan. Je ne le comprenais pas, son plan, mais lui, il savait où il s'en allait. Il disait qu'il fallait abattre et ébrancher deux grandes épinettes d'à peu près la nouvelle largeur de la rivière et les faire tomber par-dessus, s'ajuster sur place pour la distance parallèle exacte entre les roues des VTT. Oui mais, c'est rond, un billot, comment circuler là-dessus sans risquer d'échapper le véhicule dans la rivière?

En rigolant, Crocodile Dundee m'a offert de me prendre dans ses bras pour me traverser de l'autre côté si j'avais peur... Sa proposition était très romantique, et j'ai bien failli l'accepter, mais le problème n'était pas là, je pensais plutôt aux VTT et aux remorques attachées après et qui me causaient ces inquiétudes...

Dans son coffre rouge « patenté » derrière son VTT, Crocodile Dundee trouve toujours des bouts de broche et de câble, une hache, un marteau, un couteau, des clous de toutes les grandeurs, une barre à clous, des pinces, une scie à chaîne, et plein de bricoles de toutes sortes qui me sont totalement inconnues... et inutiles. Mais pas pour lui. C'est comme son coffre à jouets.

Après avoir abattu les deux grandes épinettes qu'il avait évaluées avec son oeil de menuisier, il a pris son ruban à mesurer (il avait ça dans son coffre?...) pour les espacer juste ce qu'il fallait pour recevoir les roues, a récupéré le petit reste du pont à la flotte, a décloué les madriers en deux temps trois mouvements, les a fixés sur le dessus des billots, mis quelques rondins de travers pour faire les joints entre les bouts de madriers qui ne pouvaient pas se rejoindre et voilà le travail, il venait de nous construire un pont temporaire pour traverser sur l'autre rive, et les personnes et les VTT avec les remorques attachées. En plus, il ne s'est même pas mouillé le fond de culotte!

Je n'ai pas de photo de ça mais c'était impressionnant de le voir à l'oeuvre avec tant de facilité, je vous assure. Comme de raison, avec le déluge en cours, il était hors de question de déballer le stock empaqueté solidement pour faire le voyage bien au sec, et mettre la main sur ma caméra. J'ai donc pris cette photo au retour, alors que la rivière en furie était redevenue un ruisseau inoffensif mais on peut s'imaginer la largeur du cours d'eau avec du courant dedans, qui dépassait légèrement les billots, en voyant les vestiges du pont construit en quelques minutes avec les moyens du bord, mais surtout apprécier la jarnigoine d'un débrouillard qui l'a fait en chantant et en riant, qui n'est jamais mal pris ni en forêt ni dans la vie, mais cette fois-là, il l'a fait sous les yeux ébahis de sa blonde (moi), de sa grande soeur (Gisèle) et son beauf (Robert).

Tout à coup, sa marotte, « À force de manquer de toutttt, on manque de rien » s'illustre avec force, sans qu'on ait besoin de l'expliquer. Mais chacun pourra y trouver la signification qu'il préfère!