lundi 30 avril 2007

Délicatesse printanière


J'ai pris cette photo chez nous il y a sûrement une dizaine d'années, selon l'âge des enfants à l'époque. Je me souviens de cette fois-là où avec Danièle, ma voisine et amie, (elle a une petite robe couleur marine) on avait organisé des olympiques pour nos enfants et les autres petits voisins. La remise des médailles et trophées avait été faite par Denyse, sa soeur, (elle a la camisole jaune) une vraie de vraie championne olympique de badminton, un moment très inspirant pour nous tous!

L'autre photo, ce sont nos enfants, Jean-Lou et Isa, quand ils ont gradué du secondaire.

Quand je parle des gens que j'aime, je manque toujours d'espace pour vous les raconter...

L'idée m'est venue de vous parler d'eux samedi dernier, alors que je travaillais dehors à ramasser des feuilles mortes et que je faisais mes premiers constats sur le terrain en cette nouvelle saison, encore toute timide. Comme toujours, Alain et Danièle travaillaient eux aussi dehors et on savait sans se le dire qu'on prendrait une pause dans le cours de l'avant-midi, histoire de faire le point dans nos travaux et projets. En travaillant dans la rocaille, j'aperçois tout à coup des tulipes prêtes à éclore alors que, mystère, je n'avais planté aucun bulbe l'automne dernier... C'est alors que Danièle, tout sourire, m'a dit qu'elle m'en avait mis en terre à l'automne mais qu'elle avait oublié de me le dire, toute ravie de me faire ainsi la surprise! Puis, elle a décroché son grand rire délinquant qui séduit tout le monde, y compris moi. Ce geste tendre et délicat est une vraie signature, celle de nos voisins et amis avec qui nous partageons tant de choses.

Notre histoire d'amitié remonte à plus de 15 ans

Nous sommes déménagés ici, au bord du lac, en octobre 1991. Trois semaines avant nous, Alain et Danièle s'installaient dans leur nouvelle maison, juste à côté. Nous ne nous étions jamais vraiment croisés avant ce jour-là et Alain avait hâte de venir frapper à notre porte pour nous souhaiter la bienvenue par ici alors qu'eux-mêmes étaient assez nouveaux au chemin des Castors! Tenant par la main le petit Jean-Lou, il nous accueillait avec tellement d'empressement et de chaleur que Danièle restait un peu à l'écart avec Janie, leur plus grande, jusqu'à ce qu'on les invite à entrer. Le coup de foudre amical fut instantané et n'en finit plus de grandir au fil des années.

Comme frère et soeur

Jean-Lou et Isabelle avaient le même âge, 5 ans. Ils ont grandi côte à côte, un peu comme l'auraient fait les enfants d'une même famille... Ensemble aussi ils sont montés à bord du péril jaune qui les a amenés de la maternelle jusqu'à la fin du secondaire et ils se croisent encore souvent au Cégep et un peu partout. Ils se sont baignés des journées entières, ont appris à nager, à plonger, ont construit des camps, des boîtes à savon, fait du vélo, joué au soccer, au basket, ont pêché, fait cuire des perchaudes sur le feu, appris à patiner, à jouer au hockey, à se chicaner, à se réconcilier, se sont raconté des secrets, des potins, des peines, des histoires drôles, ont fait des projets, des spectacles, de la musique, ont vécu des aventures, étudié, travaillé en équipe, gradué du secondaire, organisé des fêtes d'amis sur nos îles et maintenant qu'ils ont 20 ans, un lien invisible mais solide les unit au-delà de tout...

Une amitié profonde

Et nous, avec nos voisins, pendant ce temps, on célébrait aussi toutes sortes de fêtes, tout était prétexte à passer nos soirées autour du feu, chez nous ou chez eux, où nos enfants s'endormaient sur des chaises longues avec de grosses couvertures en écoutant nos chansons et guitares sous le ciel étoilé. Ces enfants-là connaissent tous les classiques des années 70! Et que dire de toutes nos virées en bateau pour aller voir les couchers de soleil au large de l'île aux hérons, les nouvelles talles de bleuets, les plages secrètes qu'on découvrait, notre chasse au trésor sur l'île aux Sables pour nous motiver à ramasser les détritus des fêtards peu scrupuleux, le vin de bleuets qu'on faisait ensemble et qui finissait toujours en sangria, tous les apéros qu'on a étirés, les repas sur le pouce et invitations de dernière minute sans cérémonie...

Au quotidien

Les outils empruntés, les coups de main donnés, les cours pelletées, les recettes essayées, les conseils demandés, les confidences échangées, les inquiétudes partagées, les sorties de gang, les soirs d'étoiles filantes sur nos quais, la magie toute flamboyante des aurores boréales, l'arrivée des huards, la naissance des petits canards, le partage des arbres, boutures, plantes, fleurs annuelles et vivaces, trucs et tuyaux sur tous les sujets, bref, la vie communautaire et familiale de nos deux familles s'enrichit de tous ces beaux moments de notre vie quotidienne.

Avec le temps, nos familles sont devenues les leurs et nous faisons partie des leurs aussi. Avec eux, combien de fois avons-nous refait le monde? De si belles discussions où nous en ressortons toujours grandis, que nous soyions d'opinion divergente ou similaire, au fond, ça nous importe peu parce qu'on sait qu'on s'aime, on forme comme une sorte de clan.

Une présence même dans l'absence

Quand Janie, leur grande fille, revient de Montréal pour un petit séjour chez ses parents, elle vient toujours nous embrasser et nous avons l'impression nous aussi de retrouver « notre grande ». Si nos amis partent en voyage, la vie n'est plus la même, on s'ennuie d'eux et l'inverse est aussi vrai. Alain frappe encore à notre porte avec le même empressement qu'au premier jour et il n'a jamais les mains vides : de son potage aux poivrons rouges, ses biscottis et bien d'autres choses qu'il partage avec son grand coeur galant d'Italien-Français né au Québec. Danièle est irrésistible, elle embellit tout ce qu'elle touche, elle rit aussi facilement qu'elle est touchée et émue. Une femme forte et sportive mais toute en dentelle!

Des voisins comme Alain et Danièle, qui ne cherchent qu'à vous faire plaisir même jusqu'à mettre des bulbes de tulipe en terre chez vous 6 mois d'avance pour voir apparaître un sourire émerveillé sur votre visage étonné, comment vous dire... c'est un bonheur sans nom!

lundi 23 avril 2007

Rencontre du 3e type (passer du virtuel au réel)

J'ai pris cette photo vendredi soir dernier, en direction de notre camp et vous n'imaginez pas comme j'ai été rassurée de voir que Môman orignal qui a passé l'hiver sur notre territoire est toujours accompagnée de... Ti-Caramel. Vous voyez clairement vous aussi qu'ils sont deux. D'autres indices nous ont permis de constater en fin de semaine que Ti-Caramel a bien grandi au cours de l'hiver et là, je vais vous apprendre qu'il y avait erreur sur la « personne » parce que le petit prématuré qu'elle nous a présenté l'été dernier, j'aurais dû l'appeler plutôt Tite-Caramelle. Oui, c'est une petite femelle qui avait vu le jour près de chez nous et qui ne lâchait pas sa Môman d'un sabot!

Pendant ce moment où nous nous dirigions vers notre camp dans le soleil couchant, blottie dans le dos de mon Crocodile Dundee et profitant de ce printemps qui nous éblouissait le paysage depuis la veille, mon esprit vagabondait librement dans les dernières 24 heures que je venais de vivre, où j'étais passée du virtuel au réel, en rencontrant Guy, un carnetier au franc-parler légendaire que j'aime lire depuis ma toute première rencontre avec lui, dans « Qu'on se le dise en rose! ».

Si je dis qu'il s'agit de la rencontre du 3e type, c'est que le premier type, c'est mon ami bien réel quoique très virtuel aussi, le vieux Henri. Le 2e type, c'est moi, qui aime tellement les rencontres. Alors, le 3e type, c'était ce cher Guy Vandal, qui nous arrivait directement chez nous, comme par magie, livré dans notre cour quasiment, à Rouyn-Noranda. Nous avions rendez-vous dans un café-bar et il s'est produit ce jeudi soir-là des choses étonnantes mais merveilleuses aussi!

Curieux quand même combien j'avais la certitude de le reconnaître en le voyant. J'ai cette naïveté-là, moi! Guy a vu une photo de moi dans ce carnet et c'est notre seul repère. Mais voilà, je suis assise dos à lui quand il arrive, je jase avec le vieux Henri. Ne vous inquiétez pas, c'est un fichu débrouillard, il a vite fait de nous repérer dans ce café bondé. Alors, quand il nous dit bonjour, ça y est, je le reconnais. Bisous, accolade, explosion de joie, c'est toujours comme ça dans les moments de retrouvailles avec des vieux chums et Guy est tout à fait comme je l'imaginais.

Tellement... ah, si tant tellement de choses à se dire qu'on est parfaitement indisciplinés, lui et moi. Mais pas le vieux Henri, qui lui, est beaucoup plus sage! Je pense qu'on a réussi à l'étourdir comme il faut...

Après avoir reconduit chez lui celui qui nous avait rassemblés au départ (c'est à travers le vieux Henri que j'ai connu les carnets de gens formidables qui écrivent à merveille et qui m'accueillent toujours de si jolie façon) on a résolu, Guy et moi, qu'on ne pouvait pas se quitter comme ça et on a pris un verre ensemble, histoire de faire connaissance pour vrai. C'était fabuleux pour moi de constater qu'il est tout à fait comme il écrit et ça, c'est un compliment, vous vous en doutez bien. Ouais, un vieux chum, ça fait bizarre quand même de faire connaissance avec un vieux chum!

Guy, c'est un vendeur dans l'âme. Il vend de tout : des idées, des projets, des points de vue, des concepts, des aventures, des expériences, bref, de la vie qui bat. De l'énergie, il en a à revendre, c'est donc aussi un revendeur! Mais il donne beaucoup et ça, c'est tout à fait gratuit. J'ai donc acheté quelques-unes de ses idées mais j'ai reçu beaucoup plus parce qu'il donne tellement de lui-même!

Nous aurions pu jaser pendant encore longtemps mais il se faisait tard. Je sais qu'il est un gars de La Tuque, il porte ça en lui où qu'il aille, qu'il vive à Montréal ou à Tombouctou. Je garderai de Guy l'image d'un vieux chum apparu comme un arc-en-ciel dans ce café. Il me fait penser à ces petits tannants sympathiques qu'on avait dans chacune de nos classes, vous savez, ceux qui étaient assis près de la porte, en avant de la classe, parce que les professeurs les avaient à l'oeil? Ceux qu'il fallait garder occupés en permanence parce que sinon, ils savaient trop bien comment s'occuper, eux? Ceux qui se faisaient des amis juste en apparaissant et en étant eux-mêmes? Ceux qui ne suivent pas les mouvements mais qui les créent? Ceux qui peuvent vous convaincre de n'importe quoi juste parce qu'ils y croient tellement fort, ceux dont le charme opère avec les gars, les filles, les p'tits bébés, les gens âgés, les p'tits chiens, les p'tits chats... Vous voyez, je le connaissais déjà, Guy Vandal, mais Simonac que c'était bon de le voir!

mardi 17 avril 2007

MON PLUS MALHEUREUX CLIENT

J'ai pris cette photo l'été dernier chez moi. Cet arc-en-ciel pourtant lumineux et coloré contrastait dans ce ciel toujours orageux qui menaçait d'éclater encore à tout moment.

C'est la seule image qui puisse illustrer le récit que je veux vous faire aujourd'hui, aussi en guise de clin d'oeil à un ami lecteur qui aime quand je raconte mes histoires d'écrivain public. Comme il lance son 4e livre jeudi de cette semaine, j'ai eu l'idée de lui faire plaisir en me souvenant d'un client que je n'oublierai jamais, non pas mon pire client à vie mais presque!

C'est son frère, mon garagiste, qui me l'avait référé, en me disant que j'avais là une vraie mission, qu'Alain était révolté et malheureux, qu'il se sentait tellement victime d'une grave injustice qu'il était prêt à tout, même au pire, me laissant sur l'inquiétude de ce que pouvait être en réalité... le pire. Je me disais qu'il avait bien plus besoin d'un psy que d'une écrivain public mais je ne me sentais pas capable de refuser une telle « mission », surtout après avoir entendu son frère me supplier presque de l'aider.

Quelques heures plus tard, le téléphone sonne. C'est Alain. Il y a longtemps que je n'ai pas entendu sa voix, depuis le secondaire en fait. Tout a changé, ça s'entend. Il n'est vraiment pas bien, mes Zoreilles décodent rapidement sa détresse. C'est vrai qu'il est capable de tout en ce moment, d'ailleurs, il ne s'en cache pas lors de cet appel. Il veut rentrer armé dans les bureaux de l'organisme qui le méprise depuis 2 ans et tout détruire.

Je l'écoute pendant un bon 10 minutes en l'interrompant le moins possible ou alors, juste pour reformuler un propos, abonder dans le même sens que lui, suggérer ce qui pourrait faire la différence dans son cas, le faire verbaliser dans le sens de l'objectif souhaité. Il veut me voir, c'est urgent, je suis sa dernière chance! Je lui fixe rendez-vous le même soir à mon bureau, chez moi, sachant que mon conjoint sera présent. J'ai vraiment la trouille. Alain est une bombe qui pourrait éclater à tout moment.

Dès qu'il arrive, je l'accueille et lui présente mon conjoint qu'il connaît vaguement. Nous passons à mon bureau, il me déballe ses papiers tout en désordre, un dossier qui s'épaissit depuis deux ans. Pendant que je démêle ça et qu'il me raconte son histoire, la tension baisse un peu mais si peu. Il y a quelque chose qui se passe quand même, il ne me fait plus peur, sa détresse me touche et je sais que mes mots, s'ils sont bien choisis et correctement inspirés, pourraient faire la différence que lui ne peut plus faire dans ce qui le mine. Il a vraiment perdu le pouvoir sur sa vie, il n'a même plus de fierté, de dignité ou d'espoir que ça change. Il me répète sa menace « d'en supprimer une chr... de gang dans ce bureau-là avant de disparaître lui-même. »

Il est toujours près de moi lorsque je m'installe à l'ordinateur. Il ne parle plus, il écoute. Il est vidé de toute sa charge émotive, de toute sa violence. Je tape sur mon clavier en rédigeant à voix haute, calmement, en pesant chaque mot qui s'inscrira dans la lettre qu'il signera tout à l'heure. C'est en son nom que j'écris, une écrivain public ne signe jamais ce qu'elle rédige pour le compte d'un client... Je me sens dans un ailleurs si loin mais tellement là en même temps. Je termine la lettre et pendant qu'elle s'imprime, je me tourne vers lui...

Ce grand gaillard prêt à tuer quelques minutes auparavant pleurait comme un petit enfant. Comment a-t-il pu m'inspirer tant d'angoisse? En signant sa lettre, il a retrouvé sa dignité et sûrement un peu d'espoir aussi, parce qu'il m'a avoué que c'était la première fois qu'il avait l'impression d'être écouté depuis 2 ans qu'il se battait. Il m'a remerciée, m'a demandé combien il me devait. J'ai bien réfléchi avant de lui dire 15 $. Pour lui, c'était sûrement un prix honnête parce qu'il ignorait totalement la valeur de ce qu'il me demandait et moi, je cherchais surtout un prix qui puisse lui signifier le respect que j'avais pour lui et pour sa cause. Lui donner gratuitement le fruit de mon travail lui aurait enlevé le peu de fierté qu'il venait de retrouver.

Il m'a payé en me disant que ce n'était pas cher, que j'allais mourir pauvre et il m'a demandé ce qu'il pouvait faire pour moi. Il ne pleurait plus. Je lui ai demandé de me faire une promesse, d'aller le lendemain matin à ce bureau comme prévu, les épaules bien droites, le regard fier et que, armé de sa lettre, et seulement de sa lettre, il allait la déposer à qui de droit et agir comme l'homme qu'il était en ce moment, celui qui, avec courage et intelligence, fait respecter ses droits et n'accepte pas l'injustice.

Il est parti de chez moi comme ça et je savais qu'il tiendrait sa promesse. Alain était un être blessé, un écorché vif, mais un homme de coeur, de parole et je lui faisais confiance. Après son départ, j'étais anéantie, là c'est moi qui pleurais et j'ai senti le besoin d'exorciser tout ça avec ma guitare. « Écorché vif » est une chanson qui parle autant de lui que de moi, dans mes pires moments.

Écorché vif

J'ai chaud et j'ai froid en même temps
J'suis tout en Jell-O par en-dedans
Est-ce que j'ai soif ou bien sommeil
Pour l'écorché vif, c'est pareil

Le cadran de ma vie vient de sonner
Ça t'en fait tu d'la peine à toué
Quatorze dépressions en trois jours
L'écorché vif se désamoure

J'vas tu pouvoir bluffer longtemps
Ceux qui pensent que j'ai du talent
J'me désintéresse de ma plume
L'écorché vif se désallume

De plus en plus seul sur mon île
Isolé parce que trop fragile
Quand je suis moi-même, je dérange
Mais mon écorchure me démange

C'est tu la vie, c'est tu l'automne
C'est tu mes glandes ou mes neurones
Je suis souffrance à l'état pur
Un écorché vif, ça fait dur

Alors, si j'osais vous le dire
Peut-être qu'après je pourrais sourire
Ça mettrait un baume sur ma plaie
D'écorché vif, de faux-portrait

Sometimes in this world I don't fit
Because I am an écorché vif

jeudi 12 avril 2007

LE PONT



J'ai pris cette photo du petit pont couvert à un kilomètre du village de Macamic mardi dernier, juste avant de me rendre à un colloque auquel je devais participer en Abitibi-Ouest.



Je le dis souvent et assez fièrement que personne ne peut plus l'ignorer, je suis native et profondément enracinée dans ma région, l'Abitibi-Témiscamingue. Pour le bénéfice des gens qui la connaissent moins bien, j'ajoute que ma région se subdivise en 5 secteurs différents (MRC) qui ont chacun leur « personnalité » propre : Abitibi, Abitibi-Ouest, Abitibi-Est (Vallée-de-l'Or), Rouyn-Noranda et le Témiscamingue. Aujourd'hui, j'habite un petit village tout près de Rouyn-Noranda mais je suis née en Abitibi-Ouest, à 90 km de chez moi ou une heure de route, si vous préférez.

Le pays de mon enfance

Chaque fois que je retourne là où je suis née et où j'ai passé ma petite enfance, (0-7 ans) je ressens quelque chose d'indéfinissable, entre la joie profonde et la nostalgie, entre la fierté et la compassion, une très grande familiarité aussi avec les gens et les lieux, des impressions de déjà vu à chaque tournant. Il faut dire qu'à l'époque où j'y ai vécu, Papa m'emmenait souvent avec lui dans le gros camion pour aller livrer des meubles qu'il avait vendus au magasin où il travaillait et qu'ensemble, lui et moi, on a sillonné tous les coins de l'Abitibi-Ouest!


D'habitude, je passe devant la petite maison qu'on habitait et ma première école, qui s'appelle toujours Victor-Cormier, au bout de la rue Déry qui a changé de nom pour un beaucoup moins joli : 1re Rue est, à La Sarre. J'aimerais avoir le courage de cogner un jour à la porte et leur demander si je peux revoir la cuisine si éclairée, ma chambre douce et tranquille, la cour arrière où avec mes petits amis on a inventé des mondes féériques, des constructions de choses recyclées, des châteaux de sable immenses et d'autres projets fous. Que sont devenus Patrick, Alain, Micheline, Danielle, Christine?



Ma journée de travail

J'arrive donc au lieu du colloque avec assez d'avance pour refaire mes liens avec les 120 participants, c'est là, tout de suite, que débute mon implication, d'ailleurs, mon travail va en bénéficier toute la journée durant. Tout me semble facile, agréable, dynamique, généreux, chaleureux et certains me font des bisous, des accolades, des compliments, des déclarations drôles et touchantes, on veut que j'aille m'asseoir avec eux pour dîner, on me fixe rendez-vous à la pause, bref, je reviens dans ma famille chaque fois que je suis en présence des gens d'Abitibi-Ouest. Là-bas, mon nom de famille est connu, je n'ai pas besoin de l'épeler! Il y a toujours quelqu'un qui demande si je suis la soeur de, la fille de, la nièce de, la cousine de, etc. On me traite comme « une fille du boutte » et on m'inclut dans les groupes, les ateliers, on ne m'explique rien du tout, on pense que je sais, parce que ça va de soi...



Cette journée de travail a été un vrai bonheur pour moi, ça non plus, je ne peux l'expliquer. Pourtant, j'ai travaillé très fort, il fallait que je sois présente, allumée et créative en permanence, je devais rédiger plein de choses sur les coins de table, sur mes genoux, les tableaux à feuilles, sur demande, en vitesse, et même des fois en catastrophe, des lignes de presse, des ébauches de communiqués de presse, des résumés d'atelier, des listes de priorités, etc. Ça aurait pu être infernal mais non, je participais, commes les autres, avec tout ce que je suis et de toute mon âme, à l'amélioration des services de santé et des services sociaux dans la région qui m'a vue naître et à laquelle j'appartiens toujours en quelque sorte.



Faire le point ou faire le pont?


En revenant chez moi, pendant le trajet d'une heure sur cette route que je connais comme le fond de ma poche, je n'avais pas le goût d'écouter rien d'autre que la parfaite musique qui jouait dans mon coeur. J'ai cherché à comprendre d'où me venait ce sentiment de bonheur très doux qui m'envahit quand je reviens de l'Abitibi-Ouest et je crois avoir mis le doigt dessus mardi dernier. Quand je retourne au lieu de mon enfance, je fais LE PONT entre l'enfant que j'ai été et la femme que je suis devenue. En fin de compte, quand je fais LE POINT, je crois que les projets et travaux auxquels je participe restent toujours un peu dans la même veine que ceux auxquels je consacrais toute mon énergie et ma vision, tous ces jeux d'enfant dans la cour arrière de la petite maison de la rue Déry ou dans la cour de l'école Victor-Cormier où tout le monde était de la famille...

mercredi 4 avril 2007

Chez Dumont


La photo n'est pas de moi, je l'ai trouvée sur un site qui s'appelle Le Québec en images et qui offre des photos libres de droits à condition qu'on en mentionne la provenance.

Pas très original comme sujet à chanson vous me direz mais je vous répondrai que le magasin du coin, dans tous les quartiers ouvriers, est un endroit que tout le monde fréquente au quotidien! Richard Desjardins m'écrivait un jour (et j'ai gardé ça en souvenir vous pensez bien) que pour rejoindre l'universel, je ne devais avoir peur de partir du particulier. Alors, voilà, je vous propose mon particulier qui pourrait être le vôtre, dans cette chanson que j'ai écrite il y a plusieurs années, dont la musique ne comporte que 5 accords de guitare assez rythmés. Allez, un, deux, trois, quatre...

Chez Dumont

Au coin de la Carter pis d'la Huit
Y a tant de souvenirs qui m'habitent
Survit encore, bénédiction!
Dépanneur-Épicerie Dumont

Entre la caisse et pis la porte
Moé, j'en ai vu de toutes les sortes
Je m'en ai tu posé des questions
Entre la maison pis Chez Dumont

Sept cent trente pas, je les ai comptés
Les fois où j'étais pas pressée
Quand je gardais le change de la commission
Pour le dépenser Chez Dumont

Dix cennes de bonbons mélangés
C'est long avant de se décider
On fait le rapport qualité/prix
Cécile est patiente en maudit

Va donc m'acheter une pinte de lait
Pis fais ça vite, j'attends après
Tant qu'à être là pis tant qu'à faire
Ramène L'Écho pis La Frontière

Papa qui veut ses Export-A
Ça va me prendre un papier signé
Elle me les donnera jamais sinon
Elle est stricte là-dessus Madame Dumont

C'était comme un supermarché
Empilé dans dix pieds carrés
Les tablettes ploient sous la douleur
M'as prendre un chip pis une liqueur

Souvent j'ai vu les soirs d'hiver
Des clients s'acheter de la bière
Pis trouver ça ben plusse meilleur
D'la boire direct dans le dépanneur

Dans ce quartier où j'ai grandi
Le pur symbole de la vraie vie
C'est pas l'école ni la maison
Ni l'église ni les traditions
C'est pas le hockey dans la ruelle
La plus belle chose dont je me rappelle
Ce qui fait monter mes émotions
C'est encore d'aller Chez Dumont

Au coin de la Carter pis d'la Huit
Y a tant de souvenirs qui m'habitent
Survit encore, bénédiction!
Dépanneur-Épicerie Dumont

Et juste pour l'anecdote, le fils Dumont avec qui je suis toujours amie m'a demandé ces paroles imprimées sur un beau papier qu'il a fait laminer pour l'offrir à sa Maman, cette chère Madame Dumont, et vous savez de quoi elle était le plus fière? C'est que la chanson atteste du fait qu'elle avait toujours exigé des papiers signés de nos parents pour acheter des cigarettes, parce qu'elle ne voulait pas être responsable si des enfants se mettaient à fumer!

Ça vous dit quelque chose, nos petits magasins du coin? Là où l'on dépensait nos quelques sous, où les cordes à danser, au printemps, arrivaient dans une caisse qu'on déposait sur le bord du comptoir, après que les cartes de hockey étaient remisées jusqu'à la prochaine saison? Là où l'on s'achetait durant l'été un « Pop Sicle à deux » et qu'on vargeait dessus en l'accotant sur l'angle droit du cooler, en tâchant de ne pas le briser en 4 morceaux! Il s'appelle comment vous autres, votre Chez Dumont?

lundi 2 avril 2007

Un peu inquiète du p'tit...




Samedi dernier, je prenais ces photos en fin de journée alors que nous revenions de notre camp de Rapide Deux. Ces pistes d'orignal dans la neige m'ont ravie mais m'ont aussi un peu inquiétée... Je vous explique.

Le 24 janvier dernier, j'écrivais un billet qui vous parlait de ma voisine et son p'tit, l'été dernier. Il s'agissait de Môman orignal et son Ti-Caramel, né un peu tard dans la saison et sûrement prématurément, qui ont passé une grande partie de l'été autour de notre bras de rivière, près du camp. Je me suis beaucoup attachée à eux. Le 6 février, sous le titre « Aimer et laisser grandir », je vous redonnais de leurs nouvelles mais surtout, je vous racontais comment elle était venue me présenter son p'tit.

Pendant l'automne, nous ne les avons pas revus, ni elle ni Ti-Caramel mais c'était normal parce que la saison des amours (aussi saison de la chasse) amène toujours des comportements différents et plus sauvages chez les orignaux. Par contre, nous avons souvent vu leurs pistes tout autour, ce qui me rassurait sur la santé du p'tit et de sa Môman. Elle est si jeune et pourtant si maternelle cette Môman-là. L'hiver, on le sait, ces animaux vivent dans un rayonnement plus restreint, là où ils peuvent trouver de la nourriture et un peu de protection. C'est leur saison la plus difficile parce qu'ils sont moins mobiles à cause de la neige et qu'ils peuvent être la proie des loups ou d'autres prédateurs affamés. Mais heureusement, nous avons vu leurs pistes et le p'tit semblait grandir assez rapidement, prendre des forces auprès de sa Môman.

La nature est ainsi faite que seulement les plus forts survivent. Nous avons eu peur pour le p'tit, parce qu'étant plus fragile que les autres, il aurait pu ne pas passer l'hiver...

Samedi, sur le chemin du retour, quand j'ai pris cette photo, j'ai eu peur que notre Môman orignal soit maintenant seule. On ne voit pas les pistes de Ti-Caramel qui suivent les siennes. J'espère donc qu'il s'agisse d'une autre bête, un mâle qui serait dans les parrages. C'est sûr que Ti-Caramel, elle le poussera à l'autonomie dès qu'elle aura mis bas autour du mois de mai. C'est qu'à ce moment-là, il sera devenu assez fort pour survivre tout seul. Mais j'ai peur qu'il lui soit arrivé quelque chose pendant ces dernières semaines...

Par contre, celui que j'appelle mon macho, un tétras mâle qui essaie toujours de m'impressionner, a réélu domicile tout près du camp, où il séduit toutes les poulettes des alentours. Lui, en tout cas, semble avoir passé l'hiver bien à l'aise et être au-dessus de tout!