J'ai pris cette photo au début du mois de décembre dernier parce que je me faisais rire moi-même d'être d'une autre époque à ce point. La table est mise : un café noir bien chaud, des stylos à pointe fine, ma plume, un encrier, des cartes, du papier à lettres, mon carnet d'adresses, mes autocollants, des timbres, etc. Petite touche de modernité quand même, mon mini Ipad trône en haut à droite mais remarquez qu'il est fermé!
Une époque révolue
Peut-être qu'à force de passer autant de temps avec ma mère (82 ans) et ma belle-mère (92 ans) j'en viens à penser et à vivre comme une personne qui aurait 87 ans, la moyenne d'âge des gens que je fréquente! Même à la piscine des aînés (55 ans et plus) où je vais régulièrement depuis un an (c'est formidable pour mes vieux os!...) je rencontre des gens beaucoup plus âgés que moi et je me sens souvent plus vieille qu'eux. Ils sont tellement modernes!
Dans une de mes nombreuses nuits d'insomnies, je me suis mise à penser à toutes ces choses qui disparaissaient ou qui étaient en voie de disparaître et que mes petits-enfants ne connaîtront pas.
Le repos dominical. J'ai grandi dans une famille catholique pratiquante avec un père qui avait tout le temps deux ou trois jobs, une mère qui travaillait fort aussi. Mais le dimanche, c'était sacré, on s'habillait propre, et il n'était pas question de faire un pouce d'ouvrage. La religion avait établi cette règle mais surtout, mes parents trouvaient que ça avait plein d'allure.
Le goût des aliments. Vous rappelez-vous quand vous étiez petits et que la viande hachée goûtait bon? Une tomate bien mûre, gorgée de soleil, c'était du bonbon, un épi de maïs toujours un délice, une vraie tarte aux pommes ne se vendait pas au magasin, c'était comme le bonheur et le sucre à la crème, on devait s'en faire soi-même! D'ailleurs, on maîtrisait l'art de la pâte à tarte, à crêpe, à pain, etc.
Une montre. Qui a besoin d'une montre maintenant? On regarde l'heure sur son Iphone! Pour les gens qui en ont, comme de raison. Mon téléphone, il est loin d'être intelligent, je le trouve plutôt impoli, mal élevé et extrêmement envahissant. Imaginez si je l'apportais avec moi partout où je vais...
Les clés. C'est quoi, ce bout de ferraille? Un serrurier est un métier en voie de disparition. On vous remet une carte et bientôt la rétine de votre oeil ou vos empreintes digitales ouvriront toutes les portes auxquelles vous avez accès. Si vous êtes démodé, vous verrouillez et déverrouillez votre maison avec une serrure à code numérique.
Le clavier d'ordinateur. Tout est tactile! Êtes-vous auditif, visuel ou... tactile?
La vie de famille. Il paraît que c'est une idée rétrograde. Quel dommage...
La démocratie. Les progrès de la technologie seront tels qu'ils diviseront la société en deux : ceux qui la comprennent... et les autres. Le marketing politique, les « faiseux d'images », le manque d'analyse et de profondeur, la vision à court terme et le je-m'en-foutisme ont déjà pas mal affaibli la chose.
En lien avec ce dernier concept en voie d'extinction, je vais faire exception pour une fois et vous parler de politique. Non pas des partis politiques mais de la politique québécoise en général. Aux dernières élections du 7 avril où la population du Québec a élu un gouvernement libéral majoritaire, dans La Pinière, on a voté massivement pour Gaétan Barrette qui se présentait sous cette bannière. Cet homme représentait jusqu'à tout dernièrement la Fédération des médecins spécialistes du Québec. S'il y a quelqu'un qui a mis une pression énorme sur notre réseau public de la santé et des services sociaux, c'est bien lui. Il n'avait d'ailleurs aucun respect pour les travailleurs et travailleuses de ce milieu, même pas pour les médecins omnipraticiens et encore moins pour les patients. Il s'est déjà présenté il y a 18 mois pour la Coalition avenir Québec, sans succès, ce qui ne m'avait pas étonné à l'époque. Rappelons-nous que ce parti politique prône l'abolition des agences régionales de la santé et des commissions scolaires, les paliers régionaux les plus nécessaires et les plus proches du citoyen. Avant de se présenter sous la bannière libérale, il a accepté de sa Fédération une prime de départ de 1,2 M $ sans la moindre petite gêne.
Le 7 avril dernier, dans La Pinière, il a récolté 58 % des suffrages exprimés, c'est-à-dire plus de 15 000 voix de majorité sur celle qui représentait cette circonscription depuis 20 ans, la très respectée Fatima Houda-Pepin.
Comment les gens de cette circonscription électorale, La Pinière, en sont-ils venus à croire que Barrette méritait leur vote? Ils n'ont pas craint un seul instant que cet homme pourrait être envers et contre tous nommé ministre de la Santé et des Services sociaux? Je voudrais bien rencontrer quelqu'un qui a mis son X à côté du nom de cet homme en toute conscience et en connaissance de cause, je lui demanderais simplement... Pourquoi?
Comment Philippe Couillard, notre nouveau Premier ministre, a-t-il jugé bon de nommer ce loup pour garder la bergerie? Parce qu'il juge qu'on n'a pas de mémoire, qu'on ne se souvient de rien? Le pire c'est qu'il a probablement raison, en dépit de la devise du Québec, cette inscription qu'on trouve sur nos plaques d'immatriculation : « Je me souviens ».