mercredi 25 septembre 2013

Camping pong


Été 1958. J'avais un an. Chaque fois qu'ils avaient un congé, mes parents prenaient le large avec leur bagnole, ils couraient les lacs, les plages et les terrains de camping. C'était l'époque de « la tite couvarte »! Ensuite il y a eu la tente, la petite, la moyenne, puis la tente-roulotte qui nous a menés un peu partout quand on était petits. 


À partir de 1972, mes parents ont toujours fait des séjours annuels au soleil, le plus souvent en Floride, en passant par la Louisiane bien sûr et quelques autres états américains où ils avaient des amis, comme au Nouveau-Mexique. C'était l'époque de la petite roulotte, la moyenne, la grande qui a été suivie par le premier petit Winnebago, dont Papa était très fier. Ici en 1990 ou 1991, les deux frères inséparables, Léo et Eddy, avec une partie de nos deux familles. Ils voyageaient souvent ensemble, les deux frères. Nous, on allait rejoindre nos parents en Floride pour une semaine de vacances au plus fort de l'hiver, les billets d'avion Montréal/Fort Lauderdale/Montréal se vendaient 199 $! 


Papa était le plus heureux des hommes quand il planifiait sa route avant de s'installer au volant de son motorisé. Il avait le pied marin et l'âme voyageuse... Tiens, j'y pense, c'est une passion qu'il nous a transmise, celle de la géographie et de la lecture des cartes. Maman est aussi une passionnée des voyages, des lieux et des découvertes. Mes parents ont eu en tout 3 motorisés qui les ont menés aux quatre coins de l'Amérique du Nord, d'est en ouest, du nord au sud. C'était l'époque où ils étaient partis jusqu'à 6 mois par année. 


Fin juin 2013. Isabelle, avec son mari Dominic et leur petite Félixe viennent d'acquérir ce petit motorisé usagé et ils n'attendent que la fin des classes (Isabelle enseigne au secondaire) pour réaliser leur rêve de partir sur la route tout l'été à bord de ce qu'ils appellent leur «  TiBus ». 


Début juillet 2013. Cette photo n'est pas de moi, je l'ai piquée sur le blogue TiBus 2013. Je ne peux m'empêcher de faire le parallèle entre cette photo d'eux peu après leur départ et celle de l'été 1958. L'histoire se répète...


Cette photo non plus n'est pas de moi. Je l'ai reçue par courriel de mon neveu, Jean-Michel, qu'on appelle affectueusement Jean-Mi, actuellement dans l'Ouest canadien, où il vient de faire l'acquisition d'un petit motorisé qui le mènera Dieu sait où, Jean-Mi c'est notre globe-trotter, le plus aventurier et le plus curieux des petits-enfants à Léo et Rita. Juste pour vous donner une idée du personnage, il a commencé son été dans un stage au Mexique, l'a poursuivi au Maroc et en Espagne pour le compléter par un autre stage à Kuujjuaraapik, au Nunavut. Il n'a même pas encore tout à fait 20 ans et il a visité plus de pays dans sa jeune vie que mes parents, ses grands-parents donc, tout au long de la leur. 

Camping pong

Dimanche dernier, au moment où Jean-Mi achetait son petit motorisé, Isabelle et Dominic vendaient le leur, tel que prévu, au retour de leur beau voyage. C'était plus fort que moi de faire des liens entre ces deux transactions et je me disais que mes parents avaient transmis quelque chose de leur passion à leurs petits-enfants.

Une anecdote m'est revenue à l'esprit. Un fait vécu que j'aime me rappeler parce qu'il illustre bien qui était mon père et quelle était son aptitude pour le bonheur. Se souvenir des moments heureux vécus avec une personne peut contribuer à la garder toujours vivante d'une certaine façon. L'absence devient présence, le temps qu'on raconte... 

* * * * *

Ce jour-là, Papa devait aller au Centre du camping d'Earlton pour finaliser la transaction et prendre possession du motorisé de ses rêves, celui qu'il avait toujours voulu, un gros, comme un autobus, avec tout ce qu'il faut dedans, comme dans une vraie maison. Maman devait l'accompagner mais elle a eu l'appel qu'elle attendait pour une petite chirurgie d'un jour à l'hôpital. Malgré sa hâte et son enthousiasme, Papa ne serait jamais parti sans elle mais elle a insisté pour que j'accompagne mon père et qu'on soit de retour à la fin de la journée pour aller la chercher à l'hôpital... avec le motorisé tout neuf. De toute manière, Maman ne conduisait pas et ça prenait quelqu'un pour ramener la vannette pendant que Papa allait faire les kilomètres du retour au volant de son « paquebot ». 

On a déposé Maman à l'hôpital. De Rouyn-Noranda jusqu'à Earlton, Papa était comme un enfant heureux. Et fébrile. Il s'inquiétait de Maman à l'hôpital, même pour une petite chirurgie de rien du tout, mais il était tout excité de me parler de son nouvel achat et des beaux voyages qu'il ferait avec Maman jusqu'en Californie, en Alaska, dans l'Ouest canadien, les Maritimes et partout où elle voudrait aller. Il me racontait qu'il n'aurait jamais pu trouver meilleure compagne que Maman qui savait voyager, qui lisait tout, qui se débrouillait en anglais et qui était toujours partante pour visiter tout ce qu'il y avait à voir et faire plein de petits détours le long du chemin. 

Mes parents étaient de vieux clients fidèles du Centre de camping d'Earlton, une entreprise familiale. S'ils aimaient tant les entreprises de ce genre, c'est probablement que chez nous aussi, à partir de 1975, on était une entreprise familiale! Le directeur des ventes à Earlton était le fils aîné de cette famille mais Papa avait tenu à aller saluer le père, la mère, et les autres membres de ce clan tissé serré, chacun à son poste de travail, tous contents de voir arriver Léo. Je crois aussi qu'il était fier de me présenter à eux tout en expliquant l'absence de Maman. Il leur disait : « Je te présente ma fille, Francine, c'est mon homme de confiance! »

Après avoir complété tous les papiers officiels, au moment de remettre les clés à Papa, le fils aîné a appelé dans le bureau ses parents et le reste de la famille pour bien marquer l'événement. On aurait dit qu'ils étaient aussi heureux que Papa, ils savaient tous qu'il en rêvait depuis toujours, de son fameux Classe C. Le fils aîné donna les clés à son père avec un clin d'oeil et un air entendu pour qu'il les remette à Papa. Je me souviens encore de ses paroles : 

« Là, mon Léo, c'est un grand jour... T'as commencé avec une tente à terre, pis je t'ai vendu une tente-roulotte, une petite roulotte, une moyenne, une grande (il nommait les marques, il les connaissait par coeur, évidemment), ton premier motorisé, le Corsair, et aujourd'hui, tu réalises ton rêve avec ton Classe C, un Pace Arrow,  je suis sûr que c'est le plus beau jour de ta vie? »

Papa l'écoutait tout sourire. Il savourait ce moment. Je pensais qu'il allait répondre tout simplement oui et qu'il allait se lever pour prendre les clés. Mais non. 

Papa s'est calé dans son fauteuil en ouvrant très grand ses bras et en plaçant ses mains derrière sa tête, le regard au loin, le sourire large comme jamais. Puis il a répondu : 

« C'est un beau jour mais c'est pas le plus beau jour de ma vie... (silence) ...Mon plus beau temps en camping, c'était quand on avait rien qu'une tite couvarte, un chip pis une liqueur à deux... » 

Pendant que toute la famille réunie dans le bureau trouvait mon père drôle et spirituel, il m'a regardée avec ses beaux yeux bleus, son sourire attendri et je comprenais qu'il était tout à fait sérieux en disant cela. Et Papa savait que je savais qu'il disait vrai et qu'il était sérieux. 

Il a pris les clés, a salué et remercié tout le monde et on est sortis. On a été essayer le gros véhicule sur la route pour quelques kilomètres avant le grand départ pour revenir chez nous. Papa mettait sa main droite sur son coeur en conduisant, je ne l'avais jamais vu faire ça.

 « T'es tu correct, P'pa? ». Oui, il était correct mais il était ému. Pour mille raisons.

Il m'avait offert de prendre le volant de son nouveau joujou pour que je constate comme ça se conduisait bien, aussi facilement que sa vannette, disait-il. Il avait besoin de partager son bonheur. C'était toute une marque de confiance pour « son homme de confiance » mais j'avais refusé poliment, la grosseur du paquebot m'intimidait mais plus que tout, je voulais intérioriser ce moment, concentrer toute mon attention sur ce visage heureux et ému, celui de mon père qui réalise l'un de ses rêves en se souvenant de tout ce qui l'a amené jusque là. 

mercredi 11 septembre 2013

Grand-Maman disait...


Nous avons célébré ces derniers jours les 92 ans de Belle-Maman. À son âge, les anniversaires durent longtemps puisqu'ils sont l'occasion pour toute la famille de se rassembler autour d'elle et de multiplier tous les petits bonheurs qu'on puisse imaginer. Mais son plus grand bonheur reste encore d'être entourée des siens et les siens sont très nombreux : 4 filles, 1 fils, avec les conjoints, ça double, 10 petits-enfants et encore là, avec les conjoints ça double et 8 arrière petits-enfants à ce jour. 

Grand-Maman disait... 

C'est en voyant cette photo de nous que j'ai remarqué le bras affectueux, enveloppant et protecteur de Crocodile Dundee autour des épaules de sa Maman. Un fait vécu il y a longtemps m'est revenu à l'esprit et si ma grand-mère était toujours là, je lui dirais : « T'avais raison, Grand-Maman! »

J'avais 16-17 ans et ma grand-mère qui habitait avec nous était ma conseillère pour les choses du coeur!  Dans ma vie, à ce moment-là, il y avait Louis, un gars formidable. Grand-Maman le connaissait, il venait souvent me chercher ou me reconduire, parfois même il veillait avec nous autres à la maison. 

En principe, j'étais amoureuse de Louis comme il était amoureux de moi. Mais quelque chose me chicotait, je ne voyais pas clair dans mes sentiments et j'aurais bien voulu qu'il ne s'attache pas à moi autant. Était-ce la peur de l'engagement tout simplement? J'en ai parlé à Grand-Maman. Je lui racontais que « sur papier », mon côté rationnel comprenait qu'il était un gars parfait, gentil, généreux, vaillant, courageux, ouvert aux autres, beau bonhomme, ce qui ne gâchait rien, et il avait plein d'autres qualités qu'elle lui reconnaissait elle aussi. 

Grand-Maman m'a demandé : « Est-ce qu'il te parle de sa mère, des fois? ». Oh oui, qu'il m'en parlait de sa mère! Il habitait avec elle, veuve, étant le plus jeune d'une grosse famille toute disséminée au Québec et en Ontario. Il n'avait pas souvent un bon mot pour elle. Pourtant, il l'aidait beaucoup, il était son poteau de vieillesse mais cette charge était lourde pour lui et il lui reprochait bien des petits détails que je trouvais, pour ma part, très insignifiants. 

Grand-Maman m'avait dit : « Regarde comment il traite sa mère et dis-toi qu'un jour il va te traiter de la même façon ». Je n'aurais tellement pas voulu qu'il parle de moi un jour avec ce ton exaspéré... 

Le temps passait et au lieu de m'attacher à Louis, je m'en détachais de plus en plus à chaque fois qu'il me parlait de sa mère qu'il aimait pourtant mais qui lui tapait sur les nerfs. C'était plus fort que moi, la théorie de ma grand-mère s'incrustait de plus en plus fort. Et pourtant, l'une de mes amies, je l'appellerai Loulou, ne comprenait pas ma tiédeur, elle aurait été tellement amoureuse de Louis à ma place. 

Je me suis organisée pour qu'on sorte de plus en plus souvent là où la gang se tenait fréquemment. Une fois tous les liens d'amitiés et les complicités bien établies, j'ai eu avec Louis « LA » fameuse conversation délicate, je le quittais pour cause d'amitié, l'amour n'était pas au rendez-vous mais je lui faisais remarquer que Loulou, elle, avait l'air très amoureuse de lui. 

J'étais soulagée!

Quelques semaines plus tard, Loulou et Louis étaient ensemble. 

* * * * * 

Il y a quelques semaines, je vais chez mon concessionnaire où j'ai rendez-vous pour un entretien sur ma voiture. J'avais prévu un bel avant-midi de lecture pour attendre sur place plutôt que de me faire reconduire en ville par le véhicule de courtoisie. Pendant que je confie mes clés et que je signe les documents, j'entends derrière moi : « Si Mademoiselle Turbide le veut bien, je peux aller la reconduire au bout du monde! »

C'était Louis!

Retraité depuis peu, il ne se voyait pas à rien faire alors il a accepté ce petit boulot qui lui permet de voir beaucoup de monde tout en ayant un horaire très aéré. Tout ce qu'il aime, en fait. Il est très heureux, toujours avec Loulou et il n'a pas changé d'un iota pour l'essentiel. Je n'ai pas accepté d'aller au bout du monde avec lui comme il me l'offrait mais nous avons eu beaucoup de bonheur à échanger entre ses courses aux quatre coins de la ville pour aller reconduire d'autres clients. Il revenait toujours me parler dans la salle d'attente du concessionnaire et je n'y voyais pas d'inconvénients non plus, mon livre n'était pas si captivant en fin de compte! 

Au fil des discussions et des mises à jour de nos vies, je lui demande des nouvelles de Loulou, de leur fils, etc. Ses yeux brillent lorsqu'il me parle de fiston et visiblement sa relation avec son fils semble le remplir de bonheur et de fierté. Pour Loulou, il passe vite, je dois insister. Et finalement, il n'en dit pas grand-chose de bien élogieux, même que c'est assez limite. Je sens qu'elle lui tape sur les nerfs, sa femme. Il n'a pas une grande admiration pour elle... Mais ils sont toujours ensemble. 

Ma grand-mère avait raison, je pense!

* * * * *

Le jour où je suis passée de l'amitié à l'amour avec Crocodile Dundee (le 14 août 1976) je trouvais ça beau de l'entendre parler de sa mère et de ses soeurs.

Dans les fêtes et les partys, Crocodile Dundee est bien capable de faire le clown et de chanter. Il aimait bien cette vieille chanson où il parodiait le Père Gédéon, ce qui faisait rire le monde. Voici les paroles :

VOUS, JEUNE FILLE

Vous, jeune fille
À qui l'on fait la cour
À qui l'on jure
Un étaaaaarnel sarment
Gardez-vous bien
Qu'il vous aime toujours
Celui qui n'a pas aimé sa
MÔMAN
S'il n'aime pas sa mééééérrreuhhhh
C'est qu'il n'a pas
DE TCHOEUR
Comment pourrait-il faireuhhhhhhh
Un jour votre
BONHEUR
S'il fait couler des
LARMEUHHHH
Des yeux de sa
MÔMAAAAAAAAAAN
Aura-t-il quelques
CHARMEUHHHH
Pour votre tchoeur de
VINGT ANS

Excusez là!