Si vous me lisez ici depuis un moment, vous savez déjà que Crocodile Dundee et moi, on s'est connus en 8e année, ce qu'on appelle aujourd'hui le Secondaire 1. Nous étions voisins de pupitre et probablement parce que les profs voulaient nous avoir à l'oeil, ils nous avaient placés en avant de la classe. Nous étions les deux « nouveaux », les autres avaient fait tout leur primaire ensemble. Sa famille arrivait de Ville-Marie au Témiscamingue et la mienne, de Matagami, au Nord-du-Québec. L'amitié et la complicité furent instantanées, pour lui comme pour moi, dès 1970.
Pendant toute notre adolescence, on se croisait partout, à l'école comme ailleurs, on habitait le même quartier, on avait les mêmes amis, et chacun poursuivait sa route. Et puis un jour... mais ça, je vous l'ai déjà raconté, on a eu comme un genre de... révélation. On était amoureux! C'était le soir du 14 août 1976. On s'est mariés le 20 mai 1978.
En fin de semaine, on célébrait donc 38 ans de mariage. Ici, le mot célébration prend un sens très très très large, vous allez voir...
Vendredi matin, journée pédagogique à son école, Félixe avait son petit baluchon tout prêt pour nous accompagner à Rapide Deux comme elle en rêvait depuis des semaines.
Nous deux, on était tellement contents aussi de pouvoir passer cette journée du 20 mai avec elle, en attendant que le reste de la petite famille vienne nous rejoindre samedi matin et qu'on célèbre à notre façon cet anniversaire tous ensemble.
Plutôt qu'un repas gastronomique en tête à tête dans un grand restaurant, nos provisions étant encore congelées dans la glacière à ce moment-là, on a dû se régaler de grilled cheese au dîner mais on était full heureux quand même.
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On avait tellement d'activités à faire là-bas, à commencer par le tir à l'arc que Félixe aime de plus en plus elle aussi.
Elle a une très bonne technique qu'elle pratique aussi souvent qu'elle le peut, ça veut dire « pas en ville ». Ce sont ses deux grands-pères qui lui apprennent les rudiments du « métier » d'archer. Je tire aussi à l'arc pour m'amuser mais je ne voudrais pas lui passer mes mauvais plis.
Nourrir les pies avec les restes de pain, c'est un classique à Rapide Deux. Et dire que les premières fois qu'elle l'a fait, elle n'avait que 6 mois...
Le coucher de soleil était magnifique sur la rivière pour notre anniversaire. On a vu un castor, un rat musqué, des canards, on a entendu les huards. Tout était calme. La nature s'est faite généreuse comme à l'accoutumée.
Le lendemain matin, on avait rendez-vous au quai de la marina à 9 h 30. Pour Blanche, c'était sa première visite à Rapide Deux à la belle saison. Elle est déjà venue l'hiver dernier, pendant la semaine de relâche.
Retrouvailles père-fille après seulement 24 heures de séparation!
Dix minutes en bateau et nous voilà tous les six réunis au p'tit château.
Blanche n'apprécie pas particulièrement le bateau, ce sera quelque chose à apprivoiser avec le temps. Elle ne dit rien, ne pleure pas, ne crie pas mais elle fait ses yeux pas rassurés du tout et ne veut pas sourire. Elle cale la palette de sa casquette sur ses yeux avec conviction. On la lui remonte pour dégager son regard bleu... Elle la recale aussi vite sur ses yeux, elle aime mieux « ne pas voir ça »! Blanche, c'est notre ti-clown, celle qui nous fait rire tout le temps. Elle retrouve vite sa bonne humeur habituelle lorsqu'on débarque du bateau, qu'on lui enlève sa veste de sauvetage et sa casquette!
Notre plus beau cadeau d'anniversaire, ce sont ces zamours-là. On a de la chance de les avoir si proches de nous, si proches entre eux.
Un petit bisou pour sceller tout ça.
Si le projet de l'été dernier, c'était de construire un radeau, cet été, on remet ça avec la réalisation d'un tee-pee selon la méthode ancestrale de nos amis les Algonquins. Blanche est dispensée de sa participation aux travaux, trop absorbée à découvrir l'environnement de la forêt et surtout la douceur de la petite mousse verte qui la fascine.
La simplicité, c'est bien beau mais ça a ses limites. On a toujours bien pris un verre de rouge pour célébrer l'occasion lors du souper de samedi.
D'AMOUR ET D'EAU FRAÎCHE
L'un de mes amis, voyant ces photos de la fin de semaine, m'a demandé : « Avec tout ce qui est éphémère dans nos vies, dites-nous quelle est votre recette pour l'amour qui dure, et même, écrivez un livre là-dessus! ».
Il est hors de question d'écrire un livre de recette, ce serait tellement prétentieux.
D'abord, il n'y a pas de recette. Et s'il y en avait une, elle ne serait efficace que pour nous.
Et si nous écrivions un tel livre, qui c'est qui le lirait, dites-moi!
Non, sincèrement, je crois que nous avons eu de la chance.
D'abord, de nous connaître. Que nos familles soient déménagées en même temps à Rouyn-Noranda et que la première lettre de nos noms de famille soit assez proche pour qu'on nous place dans la même classe plutôt que dans l'une des 5 autres. Disons que c'était le destin.
Et si plutôt que d'être voisins de pupitre, amis et complices, on était devenus amoureux tout de suite, à 13 ans et à 14 ans? Catastrophe! Ce n'était pas le bon moment, nous avions d'autres choses à vivre, chacun de notre côté, à cet âge-là. Même si c'était pour mieux se les raconter et en jaser pendant des heures quand on se commandait un chicken fried rice à deux, au Cordon Bleu, dans nos fins de soirées! On le savait pas encore mais on était tellement amoureux. Nos amis s'en doutaient mais pas nous.
Je ne saurais même pas dire si au fil de ces 40 années ensemble, ce sont les épreuves qu'on a vécues ou les meilleurs moments qui ont cimenté le plus notre vie.
Je ne peux même pas affirmer qu'on a pris soin de notre couple. Ah non, on n'a pas pris soin de notre vie amoureuse du tout. Pas assez. Pas comme on aurait pu, pas comme on aurait dû. Et pourtant, on a pris soin de beaucoup de monde. On en a pris soin ensemble. Et tout ce temps-là, nous, parce qu'on était ensemble et qu'on prenait soin de notre monde, on était toujours amoureux.
Des fois, on se dit qu'on a pris des maudites chances. On ne sait même pas encore aujourd'hui comment on a pu passer à travers de certaines périodes sans se perdre. Parce que la vie n'est pas faite pour que l'amour dure. Etre en amour, c'est quasiment vivre à contre-courant. Mais on s'est fait confiance. Et on n'a jamais eu à le regretter.
On se dit aussi qu'avec notre goût de liberté qui était si fort, c'était étonnant et audacieux qu'on prenne un engagement à vie fidèle et fiable qui ne nous a jamais restreints, ni l'un ni l'autre, dans tous les aspects de notre vie personnelle qui se conjuguait sans trop de difficulté avec notre vie ensemble.
Mais sans avoir une vraie recette, je peux quand même nommer quelques ingrédients de base qu'on avait au départ : du respect, de la communication, de l'écoute, de la confiance, de la solidarité, de l'amitié, de l'humour, de l'admiration, de la générosité, qui sont un peu comme des composantes de l'amour.