C'était l'été dernier, au campe à mon frère, à un kilomètre du nôtre, à Rapide Deux. Nous étions à faire des travaux extérieurs pendant que les enfants jouaient autour de nous.
Y a-t-il quelque chose de plus attirant qu'une balançoire aussi rustique en plein bois?
Adam, Félixe et Clara ont eu un plaisir fou ce jour-là!
Nos jeux d'enfants
En classant mes photos ce matin, je me faisais la réflexion que les jeux d'enfants les plus mémorables qu'on a connus quand on était petits ne s'achètent nulle part dans les magasins. Vous souvenez-vous de ces jeux-là? On n'avait rien mais on avait tout!
Les familles étaient si nombreuses que nos parents avaient bien d'autres choses à faire que de nous divertir et nous amuser. C'est tout juste s'ils nous surveillaient, on avait la responsabilité de se surveiller entre nous autres et de régler nos différends sans qu'ils s'en mêlent. D'ailleurs, on aimait mieux qu'ils ne s'en mêlent pas, on aurait pu se faire chicaner, on ne prenait pas de chance. « Jette un oeil sur tes p'tits frères » que Maman disait. Et Maman était très représentative de tous les parents de l'époque.
On n'avait pas besoin de bébelles, on avait plein d'amis!
Jouer à la cachette était une activité très populaire. Des heures de plaisir. Comme la tag. Fallait courir vite et anticiper les déplacements. On a déjà poussé le raffinement jusqu'à jouer à la tag Bar-B-Q. Je me souviens de soirées complètes à jouer à Police délivrance aussi. Et aux Drapeaux. Le summum du bonheur, c'était quand l'une de nos mères cassait son manche à balai ou à moppe. Là, on héritait du manche cassé et on demandait à l'un de nos pères de le couper droit avec une scie pour en faire un petit et un grand bâton, on se divisait en deux équipes et on était repartis pour au moins une semaine!
À Matagami, on construisait des campes au bout de la rue Rupert qui était encore boisée et plus tard, sur le boulevard Matagami, où il y a aujourd'hui un bar très populaire. Ils ont dû en trouver des bouts de planches et des 2 par 4 quand ils ont construit ce bar! On en avait semé partout, des campes, et on ne coupait jamais d'arbres. Au pire, on en pliait quelques-uns des petits rabougris pour s'en faire un toit. On construisait écolo avant la mode et pour nous autres, le développement durable, ça voulait dire le temps d'un été...
La corde à danser... Il suffisait qu'un parent, dans un grand élan de générosité printanière, en trouve une en faisant l'épicerie et la mette dans son panier avant de passer à la caisse. C'était d'ailleurs un signe de printemps quand une fille arrivait à l'école avec une grande corde à danser toute neuve. « C'est pas moi qui tourne stampette », ça voulait dire que c'est pas moi qui tourne, stamp it, genre c'est coulé dans le ciment, c'est pas moi qui tourne, je suis la première à le dire. On n'aimait pas ça tourner, on aimait juste sauter à la corde mais ça en prenait deux qui tournaient pour que les autres puissent jouer. On pouvait être jusqu'à huit, dix, douze, à s'amuser avec la même corde.
Je sais pas pourquoi, les petites chansons de corde à danser, je m'en souviens de toutes. « Ah ah ah que je t'aime/Viens ici ma très chère Claire à ma porte/J'ai un secret à te dire dans l'oreille/Que je t'aimerai toute ma vie/Ah oui chérie youpi ».
Quand mes parents sont déménagés de Matagami à Noranda, (j'ai eu tellement de peine, si vous saviez, je ne vivrai plus jamais pire déracinement...) les filles de ma nouvelle rue jouaient à la corde à danser en scandant : « Thinker taylor soldier sailor richman poorman bigman chief/A doctor/a lawyer/a pow wow chief ». J'avais compris que j'étais alors dans une ville minière où il fallait devenir bilingue au plus vite si on voulait se faire des amis. On avait de la misère à se faire servir en français chez Woolworth, Vic's Handy Store, Superior Food Market mais nous autres, on achetait toujours Chez Dumont! Heureusement, quelques années plus tard, le Parti Québécois et la Loi 101 ont changé la donne et dans ma famille on lisait plus La Frontière et L'Écho Abitibien que le Northern Miner et l'autre dont j'oublie le nom, sinon j'aurais été complètement perdue.
Quand mes parents sont déménagés de Matagami à Noranda, (j'ai eu tellement de peine, si vous saviez, je ne vivrai plus jamais pire déracinement...) les filles de ma nouvelle rue jouaient à la corde à danser en scandant : « Thinker taylor soldier sailor richman poorman bigman chief/A doctor/a lawyer/a pow wow chief ». J'avais compris que j'étais alors dans une ville minière où il fallait devenir bilingue au plus vite si on voulait se faire des amis. On avait de la misère à se faire servir en français chez Woolworth, Vic's Handy Store, Superior Food Market mais nous autres, on achetait toujours Chez Dumont! Heureusement, quelques années plus tard, le Parti Québécois et la Loi 101 ont changé la donne et dans ma famille on lisait plus La Frontière et L'Écho Abitibien que le Northern Miner et l'autre dont j'oublie le nom, sinon j'aurais été complètement perdue.
La balle. Vous souvenez-vous des balles bleu blanc rouge? Je m'excuse de vous taper sur les nerfs avec ça mais je vais vous la rechanter, celle-là aussi : « Allons dîner chez le Chinois/Rien à faire/Sans parler/Sans rire/Sans bouger/D'une main/De l'autre main/D'un pied/De l'autre pied/Tapez en avant/Tapez en arrière/En avant en arrière/En arrière en avant/Salut les garçons/Salut les filles/Salut les Scouts/Awinchigo! ». Magali nous avait dit que ça s'appelait la balle au mur.
Je ne vous ai pas parlé de Magali... À Matagami, sur la rue Rupert, on habitait dans des maisons mobiles. On disait « les roulottes de la mine ». Une fois, Papa nous avait dit que la roulotte de biais à la nôtre allait être habitée prochainement, un nouveau mineur venait d'arriver, directement de la France, il travaillait à la Orchan Mines lui aussi. C'est là qu'on a connu Magali et son p'tit frère Bernard. Ils étaient adorables. Avec un accent très fort du Midi de la France. Ils ne jouaient pas aux mêmes jeux que nous. Ils nous ont donné de grandes leçons d'intégration ces deux-là.
Au début, Magali disait à toutes les deux phrases : « Nous autres, à Toulouse, en France... » mais on lui a vite fait comprendre que jouer à la marelle, ici, ça s'appelait « jouer aux carreaux » mais c'était pareil. Ils nous ont montré de si belles chansons... dont je me souviens encore mais je ne vous les chanterai pas toutes! Et puis, la mère de Magali et Bernard a cassé son manche de moppe presque en arrivant et on leur a montré à jouer aux bâtons. Ils savaient jouer à la cachette mais ils appelaient ça « à cache-cache ». Fallait tout leur expliquer, à Magali et Bernard, mais ils apprenaient très très vite. Aujourd'hui, je comprends qu'ils devaient beaucoup s'ennuyer de leur pays d'origine... à Toulouse, en France. Et me reviennent tous ces récits qu'ils nous racontaient parfois quand on leur posait des questions sur leur vie d'avant Matagami, parce qu'en pays neuf, on venait tous d'ailleurs et eux venaient d'encore beaucoup plus loin que nous. Ils aimaient à en parler et nous, on les écoutait avec des envies de voyages... avant de retourner jouer.
Une fois, Papa était devenu le héros instantané de la rue Allard. Là, on avait eu un loyer de la mine et on se trouvait beaucoup mieux logés que dans la roulotte, c'était immense il me semble. Papa s'était construit un garage et avec les restes de 2 par 4, il m'avait fait des échasses. Le grand luxe! Tout le monde voulait les essayer, avoir son tour, alors Papa en avait fait d'autres jusqu'à ce qu'il ne lui reste plus de 2 par 4. On avait grandi de 18 pouces tous en même temps dans la même semaine!
Je sais pas pourquoi je vous raconte ça... Ah oui, je le sais, c'est parce que je me trouve chanceuse d'avoir vécu ces belles années d'enfance où l'on n'avait besoin de rien pour s'amuser, juste des amis... Savez-vous quoi? Cela construit une vie, je crois. Aucun jeu éducatif et coûteux ne nous en apprendrait autant sur la vie et sur le monde.
Si j'avais un souhait à faire, ce serait que nos petits d'aujourd'hui connaissent de temps en temps ces plaisirs démodés.