Photo 2 : Mes « collègues » pour cette journée-là, on nous appelle « les femmes Moose ». Nous voici presque toutes prêtes à partir du CCM pour aller au lieu de tournage de nos scènes individuelles et collectives.
Photo 3 : La cantinière du plateau avait eu de l'aide pour le souper, à la fin de cette journée de tournage. Voici une grosse partie de l'équipe « cast and crew » de Chasse au Godard d'Abbittibbi, jour 6.
Journée de tournage
Pour en savoir plus sur ce long métrage actuellement en tournage dans notre région, « Chasse au Godard d'Abbittibbi », du réalisateur Éric Morin, je vous suggère de lire cet article :
http://www.amecq.ca/arts_et_culture/2012/2/3/tournage_du_1er_long_metrage_d_eric_morin_malgre_le_frette_il_y_a_godard/
Vendredi dernier, j'étais attendue, comme beaucoup d'autres femmes, pour un petit rôle à jouer dans cette production, une participation bien humble en ce qui me concerne mais qui allait me permettre de vivre une expérience formidable de cinéma, de faire des rencontres passionnantes, de partager des moments intenses et de jouer à l'actrice improvisatrice en étant le plus authentique, intègre et sincère possible. Je n'allais pas passer à côté de cette chance.
Vendredi dernier, j'étais attendue, comme beaucoup d'autres femmes, pour un petit rôle à jouer dans cette production, une participation bien humble en ce qui me concerne mais qui allait me permettre de vivre une expérience formidable de cinéma, de faire des rencontres passionnantes, de partager des moments intenses et de jouer à l'actrice improvisatrice en étant le plus authentique, intègre et sincère possible. Je n'allais pas passer à côté de cette chance.
Il s'agit d'un film d'époque : 1968. Jean-Luc Godard était venu dans notre région. Ça, c'est la vérité. Le réalisateur et scénariste Éric Morin s'est servi de ce fait historique comme point de départ.
Déjà, au début de la semaine, l'assistante à la production m'avait demandé de lui envoyer par courriel quelques photos récentes de moi, à la demande de l'équipe dédiée du CCM (Costumes/Coiffure/Maquillage) qui s'inquiétait de ma coupe de cheveux, très 2012, du genre qu'on ne voyait jamais jamais à l'époque. Ah oui? Ah bon! On m'avait pris rendez-vous avec Kim le jeudi après-midi... Je n'ai pas voulu faire ma diva, j'ai accepté de bonne grâce de faire couper mes cheveux pour qu'ils conviennent à la coiffure qu'on voulait me faire le lendemain, version d'époque.
Vendredi matin, à l'aube, je déjeunais avec Crocodile Dundee. Je n'avais pas le droit de me coiffer ni de me maquiller pour arriver là-bas toute neutre et qu'on puisse me transformer. Il m'a suggéré de prendre des photos de ma transformation, il voulait voir ça absolument, sa blonde en 1968! Sur le bord de la porte, avec sa boîte à lunch, on s'est souhaité bonne journée et j'ai voulu le prévenir que même si je prenais des photos, il ne fallait pas qu'il s'attende à rien, on n'allait pas faire de moi une belle madame, j'allais être « laitte » et ça me faisait rien pantoute, j'allais m'amuser. Ce à quoi il a répondu quelque chose comme « y ont beau être des professionnels, y réussiront pas à te rendre laitte». J'ai trouvé ça gentil de sa part... ;o)
Vendredi matin, nous arrivions toutes l'une après l'autre au CCM, à 15 minutes d'intervalle, on m'avait convoquée dans les toutes premières, à la même heure qu'Émilienne. Notre complicité a été instantanée. On se demandait tout au long de la journée comment il se faisait qu'on ne s'était pas connues avant, tellement on avait d'atomes crochus, de plaisir à être ensemble et d'idéaux communs.
Quand je lui ai ouvert la porte, à notre arrivée, nous étions chargées comme des mulets toutes les deux, on a fait des farces avec ça, je l'ai trouvée tellement belle, Émilienne, on a déposé nos choses où l'on nous a indiqué et on nous a séparées tout de suite pour nous prendre en charge et s'occuper de nous, d'abord nous affubler d'un costume 1968 (robe, chaussures, châle, bijoux, foulard, bas culotte... beurk... des bas culottes!...) ensuite, coiffure, pas une seconde à perdre, Kim savait depuis la veille où elle s'en allait avec ma tête et Maïna au maquillage avait le mandat de compléter l'ensemble, avec ses deux tables pleines de fards, mascara, vernis à ongles, rouges à lèvres, fonds de teint, en tout cas, le comptoir de cosmétiques des grandes surfaces arrive au 2e rang à côté du plan de travail de Maïna, chef maquilleuse sur ce plateau.
Je me suis vue dans le miroir. Un choc. J'ai beau ne pas avoir d'ego... Heille, j'aurais fait dur, moi, en 1968!!! Quand j'ai vu arriver Émilienne, transformée elle aussi... Je l'ai trouvée toujours belle pourtant, mais d'une manière différente qu'à notre arrivée. Sont venues à tour de rôle toutes ces femmes et quelques autres, certaines que je connaissais déjà, avec lesquelles ce furent des retrouvailles enjouées et chaleureuses, d'autres que j'apprenais à connaître en me demandant comment il se faisait qu'on s'était si souvent croisées dans nos vies professionnelles, nos implications sociales et culturelles, mais qu'on se rencontrait pour la première fois... Depuis je me demande qui a bien pu orchestrer tout ça. Il y a eu une synergie incroyable entre nous toutes.
Vers l'heure du dîner, on partait en groupe du CCM pour aller au lieu de tournage. Mais nous restions à l'écart des autres tant que notre scène n'était pas tournée. L'une après l'autre, on jouait nos scènes individuelles. Enfin, pas si individuelles que ça, parce que chacune de nous donnait une « entrevue » filmée et répondait aux questions de Marie, le rôle principal joué par la belle Sophie Desmarais, une comédienne de talent qui s'est illustrée ces dernières années dans plusieurs productions cinématographiques et télévisuelles.
Nous autres, on n'avait pas de rôle écrit. On avait les consignes d'Éric mais on n'avait pas le droit au scénario, on ne savait rien des questions qu'elle allait poser pour que justement on puisse répondre ce qui allait émerger, sans être appris par coeur, ce qui venait de notre « fond », comme femme, comme citoyenne, comme dans un vox pop... mais en 1968. Il y a une partie de cinéma vérité dans ce long métrage, c'est voulu, c'est ce qu'il faut comprendre. Après notre scène individuelle jouée, nous avions le droit d'assister aux scènes des copines, les autres femmes Moose. En fin d'après-midi, retouches coiffure et maquillage pendant le changement de décor, avant de jouer les scènes collectives, et nous étions devenues au cours de la journée les femmes membres d'une même association ou regroupement d'aide, les seuls groupes de femmes de l'époque, on a suivi les consignes du réalisateur et j'ignore encore ce qu'ils vont garder et ce qu'ils vont couper au montage. Le réalisateur sait exactement où il va. C'est beau de le voir travailler. Je lui fais entièrement confiance!
D'ailleurs, puisqu'on parle de confiance, ça faisait rire les copines, à chaque fois qu'on me demandait la permission de retoucher mon costume, mes cheveux, mon maquillage, moi je répondais « je suis une motte de plasticine entre vos mains expertes! » et je prenais plaisir, comme toutes les autres, à discuter de comment on avait vécu cette année-là, quel âge on avait, où l'on vivait, ce que faisaient nos parents, nos grands-parents, nos enseignantes, les femmes de ce temps, quelle avait été l'évolution de la société et des femmes depuis ce temps, le contexte historique et social de l'Abitibi au temps où l'on ouvrait des villages au lieu d'en fermer, etc.
Au cours de la journée, entre les scènes ou dans les pauses, on a vécu des choses à la fois drôles, touchantes et intenses. Parmi ces femmes que j'aime et que je voyais débarquer au CCM à 15 minutes d'intervalle, il y a eu des retrouvailles avec Rachel, comédienne et metteure en scène, enracinée dans notre région pour le meilleur et pour le pire, une collègue que j'admirais quand nous étions voisines de bureau, deux profs d'université que j'ai tant aimées, dont l'une qui m'enseignait la psychologie et pédagogie de la créativité, qui m'a forcée à me dépasser dans la vie et dans mes projets de jeune femme, et tellement d'autres de ces femmes qui se sont battues pour qu'on ait des chances égales, qui sont des pionnières dans leur domaine, dans une région comme la nôtre.
La photo 3, c'est un autre beau moment. Notre journée de tournage terminée, toute l'équipe avait rendez-vous pour souper, après avoir passé par le CCM, où l'on a pris trois photos de chacune de nous, l'une de la tête au pied pour le costume, l'une de face montrant le haut du corps pour la coiffure, et la dernière, de très près et sous un éclairage puissant, pour le maquillage. Ça c'est pour être raccord la prochaine fois. Après, on pouvait enlever chaque pièce de vêtement et chaque accessoire, entreposé et bien identifié à notre nom, au CCM. Donc à partir de ce moment-là, exit les bas culottes couleur chair, les ti souliers de memére, les robes en fortrel et les boucles d'oreilles à clip, là on voulait les oublier, on retrouvait nos habillements de 2012! Méchant coup de jeune au souper!!! On se trouvait donc cutes!
En fin de semaine, j'ai eu un coup de fil de Joëlle, l'assistante à la production. On voulait savoir si le jeudi 15 mars me convenait parce que, imaginez-vous que je pourrai vivre une autre journée de tournage, d'autres scènes sont encore à tourner ou à retoucher. De là toute l'importance d'être raccord la prochaine fois. C'est tu parce qu'on a été pourries ou bien qu'on a été trop bonnes? Moi, je veux même pas le savoir, j'ai dit oui de manière très enthousiaste avant qu'ils changent d'idée. Je me débrouillerai bien pour être là, « comme une motte de plasticine entre leurs mains expertes » et vivre ça avec les femmes Moose auxquelles je me suis attachée... et j'ai senti que c'était réciproque.