dimanche 5 février 2017

TOMBER DU RADEAU


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Voilà comment je vais tâcher d'illustrer en photos l'impression que j'ai eue et quelques réflexions qui me sont venues à l'esprit à la suite des événements survenus dimanche soir dernier, à Québec, et que j'ai de la misère à nommer tellement j'ai été déstabilisée. J'ai vraiment eu l'impression de...

TOMBER DU RADEAU

... mais je me suis relevée.  

Je vais finir par arrêter de le dire et passer à l'action : Je ne devrais pas écouter le Téléjournal avant de dormir, c'est très toxique. En tout cas, dimanche soir dernier, je n'aurais pas fait d'insomnies si je n'avais pas su en grande primeur ce qui s'était passé dans la soirée lors de cette tuerie qui a fait 6 morts et plusieurs blessés dans cette mosquée de Québec, où des gens s'étaient réunis pour prier. Que des tragédies pareilles surviennent ailleurs dans le monde me blesse déjà beaucoup et trop souvent mais quand c'est chez nous que ça se passe, là, c'est ma société québécoise qui avait commencé à me faire peur. Oui, j'ai eu peur de nous, je ne m'en cache pas, je me suis sentie comme une étrangère dans mon propre pays. 

La société québécoise dans laquelle je me reconnais, elle est faite d'ouverture aux autres, de pionniers qui carburent à la solidarité et à l'entraide, au courage de se relever les manches et de construire ensemble quelque chose de mieux. Dans une région comme la mienne, on vient tous d'ailleurs et on contribue chacun à notre façon à apporter quelque chose de différent pour « habiter » ce pays dans tous les sens du mot. 

Lundi, dans la journée, j'étais branchée les zoreilles grandes ouvertes sur la radio, la télé, les réseaux sociaux, j'avais vraiment besoin de comprendre ce qui venait de nous arriver. Même chose lundi dans la soirée. 

Spontanément, des vigiles se sont organisées dans plusieurs villes du Québec. On avait besoin de lumières, de câlins, de chaleur humaine dans cette froidure de janvier qui nous glaçait le sang, on avait besoin aussi de mains tendues, d'esprits ouverts, de conscience sociale, et finalement, on avait besoin d'être ensemble et de se rassurer. L'un de mes amis a lancé ici un appel à tous, organisant à la hâte, Place de la Citoyenneté, à Rouyn-Noranda, une vigile où plusieurs sont allés s'abreuver à la source, essayer de remonter tant bien que mal sur le radeau de sécurité et de paix qui nous échappait désespérément. 

Stéphane Laporte, dans La Presse, écrivait une phrase qui rejoignait mon état d'âme dans cette tourmente : « On croyait être la patrie de la paix. Mais rien n'est jamais acquis. Ça va prendre encore plus d'amour. » 

Mardi matin, Yves Boisvert, toujours dans La Presse, a écrit un texte qui m'a fait du bien à lire, dont voici un extrait : « Mais hier soir, dans le froid, à la lueur de quelques chandelles, des milliers étaient là pour dire notre commune humanité ». 

Mais c'est un ami des Îles de la Madeleine qui, me racontant ce qui s'était passé lundi soir chez eux, a fini par mettre un peu de baume sur cette plaie vive que je ressentais. Je vous résume ça dans mes mots...

Comme à plusieurs autres endroits, en réaction aux événements de la veille, aux Îles, lundi soir, par un vent d'hiver qui fouettait l'archipel et un froid humide qui sévissait, on a organisé spontanément une vigile dans l'île centrale, à Cap-aux-Meules, et le lieu du rendez-vous était fixé au centre communautaire. On avait juste oublié qu'il y avait une soirée de bingo ce soir-là et qu'il n'y aurait pas de stationnement suffisant pour tout le monde alors on a changé de place et on est tous allés à l'église St-André. Comme le prêtre faisait partie de la cinquantaine de personnes venues à cette vigile et qu'il avait les clés de l'église, il a offert à tout le monde d'entrer à l'intérieur puisqu'il faisait un temps à ne pas mettre un chien dehors. 

Et c'est là que s'est produit quelque chose de très beau : Les gens présents se sont tous placés en cercle autour de l'autel, se tenant par la main et ils se sont mis à chanter « Quand les hommes vivront d'amour/Il n'y aura plus de misère/Et commenceront les beaux jours/Mais nous, nous serons morts, mon frère... »  

Ils ont chanté tous ensemble (ça, c'est bien les Madelinots tels que je les connais, tels que je les aime!...) cette chanson qui nous ressemble et qui nous rassemble, qui ouvre les coeurs et les esprits, qui nous empêcherait même de sombrer dans les moments difficiles. Parce que oui, une société c'est comme une personne, elle doit vivre parfois des moments difficiles pour arriver à comprendre quelque chose avant de pouvoir continuer d'avancer. On a mal sur le coup, on perd des illusions, on se remet en question et on s'aperçoit qu'on a encore de l'ouvrage à faire, on se dépêche alors de se retrousser les manches et on passe à l'action, il y a des affaires à comprendre là-dedans. Ne perdons plus de temps à se justifier et s'expliquer, regardons plutôt comment on pourrait faire mieux. Ça s'appelle de la résilience et certains peuples, comme certaines personnes, en ont plus que d'autres.  

C'est tout de suite après avoir appris ça, mardi dans la journée, que j'ai décidé de me fermer à ce qui se disait, s'écrivait, s'étalait avec plus ou moins d'émotions trop vives à la radio, la télé, les journaux, les médias sociaux. Je n'étais plus capable d'en prendre, je voulais rester sur ces images et cette chanson entonnée avec tant de force et de solidarité qui me faisaient du bien à imaginer comme si j'avais été là, avec eux. J'avais besoin de temps pour essayer d'intégrer tout ça et d'en dégager un peu d'espoir à venir,  peut-être, à condition de faire une bonne analyse sérieuse et non complaisante. 

Gilles Vigneault chantait : « Il me reste un pays à comprendre... » et je lui laisse le mot de la fin.