
Photo 1 : Le 14 janvier 2009, à 8 heures, j'ai pris cette photo en pensant qu'un jour nouveau était en train de se lever sur mon lac gelé et dans ma vie, par une température extrême de moins 37 degrés. Quelques minutes auparavant, Isabelle me téléphonait : « Maman, je t'appelle de l'hôpital, on est là depuis 2 heures cette nuit, attends... (silence)... ah, c'en était une bonne, celle-là... je suis aux minutes et demi-deux minutes là... ça va... j'avais juste envie de te parler... parle-moi! »Photo 2 : Félixe est née le 14 janvier à 19 h 28, elle pèse 7 livres 13 onces, mesure 20 1/2 pouces. J'ai pu prendre cette photo le lendemain après-midi. Je suis une amoureuse de la Vie. Imaginez comment je ressens l'arrivée de cette vie nouvelle qui me touche d'aussi près... J'aimerais vous dire tout l'amour, le bonheur, la chaleur, la reconnaissance, la tendresse infinie qui m'habitent en ce moment. Je ne trouve plus mes mots... Alors, j'ai fouillé dans mon fonds de tiroir pour partager avec vous des extraits de cette lettre que j'avais écrite à Félixe en septembre dernier, que j'ai remise à Isabelle et Dominic, au cas où il m'arriverait quelque chose, pour qu'elle sache un jour que sa mamie l'a aimée de tout son coeur avant même qu'elle vienne au monde, parce que j'avais un besoin viscéral de lui transmettre quelque chose, là, tout de suite... Certains passages peuvent être partagés, je crois, même si je ne vous livre pas l'intégrale de cette lettre.
« Rapide Deux, camp « Le p'tit château », septembre 2008 - En ce dimanche matin de début d'automne, je viens de mettre un quartier de bouleau dans le poêle qui ronronne et j'abandonne mon café tiédi pour admirer la forêt de pin gris autour du camp et le sentier qui mène jusqu'à la rivière. L'eau, c'est la vie, Félixe, j'ai besoin de la sentir partout présente autour de moi, tu vois, on a déjà quelque chose en commun, toi et moi!
Sous mes yeux, les écureuils disputent aux pies les restes de notre déjeuner, dans la cabane installée pour elles (mais surtout pour moi) par ton papi Gilles. Le héron pêche, immobile, dans le méandre de la rivière. Il sait que tôt ou tard, il aura sa pitance et c'est aussi simple et vrai que le soleil qui se lève tous les matins même si on ne le voit pas toujours aussi flamboyant qu'aujourd'hui.
En ce moment si parfait, je pense à toi, petite Félixe...
Je me réjouis de ta venue prochaine dans ce monde que je voudrais endimancher d'espoir, d'amour, de tendresse et de beauté vraie.
D'abord, qui suis-je pour t'écrire ainsi avant même que tu me connaisses? Ta mamie, Francine, qui t'aime déjà. Oh, je ne sais pas encore être une mamie mais je compte sur toi pour m'apprendre. Il y a 22 ans, je ne savais pas non plus être une maman, c'est Isabelle qui me l'apprend chaque jour depuis. Et tu verras, j'ai la meilleure volonté du monde, je n'hésiterai jamais à me remettre en question pour faire de mon mieux.
Et pour bien qu'on se connaisse, il faut que je te dise que je suis amoureuse de ton papi. Depuis très longtemps et ça se renouvelle toujours. Une vraie boîte à surprise! Avec lui, la vie est passionnante, on ne s'ennuie jamais une minute, tu verras. Il saura t'entraîner dans son univers de forêt et de nature, tu sauras me le dire. Oui, lui et moi, on s'aime très fort. C'est ainsi qu'est venue au monde ta maman, notre soleil, celle qu'on aime inconditionnellement et dont nous sommes si fiers.
Avec elle, dans ta vie, il y a Dominic, ton papa. Nous en sommes aussi tombés amoureux, mais ta maman reste la première et la plus passionnée! Avec les parents que tu as, petite Félixe, tu arriveras au monde déjà choyée par la Vie. Un jour, tu réaliseras ta chance de naître et grandir auprès de deux personnes aussi merveilleuses qu'aimantes, aussi sensibles à tout ce qui fait le bonheur, le leur comme celui des autres de leur entourage, de près comme d'aussi loin qu'au bout du monde. Des horizons d'amour illimités, à travers eux, s'offent à toi...
Et ce qu'il y a de magique avec l'amour, c'est qu'il engendre encore plus d'amour. Bien sûr, je parle de toi, de tes parents, de nous, mais encore beaucoup plus largement, je pense à ton autre mamie, Nicole, à ton autre papi, Guy. Plus la vie nous place en situation de les rencontrer et de les côtoyer, plus nous comprenons avec émerveillement d'où vient ton papa, son goût du monde, son aptitude au bonheur et son art de vivre.
Si tu savais, Félixe, comme je ressens à cette pensée une grattitude infinie, du bonheur et de la reconnaissance plein mon coeur à t'imaginer dans cet univers qui sera le tien...
Je t'imagine depuis des mois. Il me semble qu'il y a un lien qui se tisse doucement entre nous, un fil de soie très délicat, transparent, mais déjà immensément solide. L'autre jour, Isabelle voulait que je ressente tes pirouettes et tes cabrioles et c'était drôle, chaque fois que je posais mes mains sur ton nid douillet, t'arrêtais tout ton cirque! J'ai trouvé que t'avais une écoute exceptionnelle, une très grande sensibilité et pas mal de sagesse! Mais si tu arrêtais de bouger à mon approche, j'avais tout de même la sensation bouleversante et le pur ravissement de sentir ton coeur battre dans les paumes de mes mains. En cet instant, je n'avais plus de mot, juste les yeux pleins d'eau et le coeur débordant de mille sentiments. Le miracle de la vie, comme la beauté, ça m'émeut plus que tout. Et depuis, je te connais un petit peu plus et je t'aime encore davantage. Dimanche dernier, j'ai pu te sentir bouger à quatre reprises. T'avais le goût de jouer avec moi, hein? Tu donnes de bons coups de pied, toi, dis donc!
Mais revenons à ta vie, tu as deux parents qui s'aiment et qui t'aiment, deux mamies et deux papis qui voudront redécouvrir le monde à travers ton regard, quatre univers différents qui savent déjà être complices pour mieux bercer tes rêves et paver ta route de découvertes et de bienfaits.
Nos familles élargies sont ouvertes et sans limite, enjouées et aimantes, imparfaites et vivantes, impliquées, allumées, animées de toutes les idées que tu peux imaginer dans des sphères d'activités qui enrichissent les passions les plus diversifiées et les projets de notre société, celle dans laquelle tu contribueras de ta présence, à ta manière, à ton heure et à ton pas, je n'ai pas le moindre doute.
Dans ta maison, ton papa et ta maman préparent ton arrivée. Il y a de la magie et de l'enfance partout, partout, partout. Dans ta chambre si coquette, tu as même un mini bibliothèque et une caméra jouet! Au coeur de la maison, il y a le violon de ton papa qui trône sur une étagère antique, les guitares de ta maman, juste au-dessous, un flûte, un djambé et à deux pas de là, un piano ancien et très rassembleur par son histoire. Je me dis, Félixe, qu'une maison où il y a tant de musique, même dans le silence, ça doit être comme une sorte de garantie de bonheur?
En t'écrivant ces mots, j'ai l'impression qu'une bonne fée s'est penchée au-dessus de ton berceau pour t'amener tout ce qui nous rend la vie si belle.
Pour un instant et pour toi, j'aimerais aussi jouer à la bonne fée. Avec ma baguette magique, si je n'avais qu'un seul souhait à exaucer, je voudrais que tu sois gratifiée d'un cadeau que je tiens à te transmettre, une merveille qui transcende et englobe tout le reste. J'ai hésité entre ....
Pour moi, c'est de la Vie, de la lumière et de l'espoir en concentré. Croire. Juste ça. Croire, Félixe... Ne pas douter. Ni avoir peur. Être solide d'au moins une grande certitude. Et rêver. Ensuite, agir. Créer. Partager. Comprendre. Sourire. Pardonner. Accueillir. Se tenir debout, fière. Rassembler. Chercher mais trouver parfois. Souvent, même. Construire. Donner. Aimer. Ah oui, aimer tellement!
Si les larmes me montent du coeur jusqu'au yeux en t'écrivant mon voeu le plus cher, c'est que mes mots ne peuvent traduire en ce moment toute la force et l'intention bienveillante qui y participent. Ça vient de loin, de mes familles acadiennes, de tous ceux qui étaient là avant moi, qui ne sont plus là mais qui seront toujours présents dans ma vie, et qui ont fait pour moi ce voeu, un jour, qui m'ont transmis ce cadeau, avant même ma venue au monde. C'est ce qui a coloré mes jours de tant d'espérance.
... l'essentiel de la vie et de ma vérité, toute naturelle et toute nue, le respect et l'ouverture aux autres, la justice et l'intégrité, l'amour et la liberté. C'est ce que j'appelle « Construire des ponts plutôt qu'ériger des barrières » ou qui m'a été enseigné et légué par tous les miens dans le « Aimez-vous les uns, les autres ».
Au fil de tes jours, Félixe, à mesure que tu grandiras, quand tu voudras retrouver ton essence et ta foi, ta lumière et ta vérité, retourne à la nature, à nos forêts, à nos rivières, loin du bruit, des contraintes et de la tourmente. Prends le temps de voir, d'entendre, de ressentir et de toucher, de te laisser envelopper et atteindre par tant de beauté vraie et de simplicité. C'est ce que je voudrais te transmettre de tout mon coeur.
Peut-être que tu t'attendriras aussi sur le travail des castors, la force tranquille des orignaux, la ruse des renards, la vulnérabilité des lièvres, la confiance des pies, la beauté des mésanges, l'agilité des loutres, l'abondance des petits fruits, l'odeur des sapins, de la terre après la pluie, la douceur de la mousse au pied des pins gris, le soleil du matin, l'aube si riche de promesses, l'immensité du ciel étoilé et la foi du héron qui pêche, immobile, dans le méandre de la rivière, sachant que tôt ou tard il aura sa pitance et que c'est aussi vrai que le soleil qui se lève tous les matins, même si on ne le voit pas toujours aussi flamboyant qu'aujourd'hui.
Mamie Francine, qui t'aime infiniment »