jeudi 17 novembre 2016

RIEN QUE SUR UNE PATTE!


Le 25 octobre dernier, c'est ma soeur Céline (toutes mes belles-soeurs sont devenues mes soeurs depuis 40 ans que je suis la compagne de leur seul frère!...) qui a pris cette photo de moi avec mon plâtre au restaurant d'Amos où nous étions allées bruncher à ma sortie de l'hôpital où je suis née, celui d'Amos. 


Dimanche matin, le 30 octobre, j'allais avec Félixe au Ciné-muffin dans le cadre du Festival du cinéma international de chez nous. Ce n'est sûrement pas parce que j'étais en béquilles et temporairement handicapée que j'allais passer à côté de la tradition qu'on a mis en place depuis de nombreuses années. 

RIEN QUE SUR UNE PATTE!

Les premiers jours et premières semaines après l'incident, je n'en pouvais plus de répondre à la question : « Mais voyons, Francine, qu'est-ce qui t'est arrivé? » mais là, à quelques jours de ma libération, ça ne me dérange plus autant d'en parler, je vais même prendre les devants pour vous le raconter!

Le dimanche 23 octobre, ma fille qui est très occupée par son travail et ses études en plus d'être maman de deux enfants en bas âge, passait la journée à l'urgence avec sa plus jeune qui était fiévreuse et moche depuis le début de la fin de semaine. Pendant ce temps, je passais du bon temps avec sa plus vieille. Je lui avais offert de préparer le souper pour nous tous, qu'on se retrouverait chez nous pour un petit souper rapide du dimanche soir comme on fait souvent. Elle a accepté mon offre, ça l'arrangeait. 

Vers 17 h 30, elle m'appelle pour me demander si ça me dérangeait d'apporter plutôt mon souper chez eux étant donné que la belle Blanche était toujours moche et fiévreuse même si on ne lui avait rien trouvé à l'urgence après avoir analysé son état de santé. Félixe et moi, on a apporté tout le souper à leur maison et ce fut un beau petit souper de famille. 

À 19 h 30, après la vaisselle, je les laisse à l'heure des bains et des dodos des petites et comme ils ont un grand escalier extérieur en pierres, je fais un petit coup vite, un voyage de paresseuse comme on dit. J'ai les bras chargés de tous mes plats en pyrex vides, la bouteille de vin qu'on n'a pas ouverte finalement et  mon sac à main qui contient à peu près tout ce dont j'aurais besoin sur une île déserte et quoi encore! Je ne voyais pas trop en avant de moi avec les bras si chargés, je pense avoir manqué la dernière marche... Le pied droit m'a tordu, j'ai piqué par en avant avec une élégance qui devait être belle à voir, dommage qu'il n'y avait pas de témoin...

Mon pied droit me faisait affreusement mal. J'ai regardé derrière moi toutes ces marches et je n'avais pas le goût de les remonter. J'avais mal au genou gauche aussi ainsi qu'à la main droite avec laquelle j'avais amorti ma chute. J'avais juste le goût de m'en aller chez nous pour constater les dommages mais j'avais envie de rire quand j'ai réalisé que je n'avais rien cassé de tout ce bazar que je transportais. Rien du tout. Pas même la bouteille de vin que j'étais contente d'avoir réchappée! Elle me porterait bonheur que je me disais, elle avait été sauvée de la catastrophe. 

Une fois à la maison, j'ai constaté que malgré les blessures que j'ai nettoyées à mon genou gauche et ma main droite, je n'avais pas déchiré mes jeans ni même sali mon manteau. Mais mon pied droit était enflé, je n'étais pas capable de me supporter dessus du tout, je sautais sur un pied pour mes déplacements réduits au minimum. Je croyais avoir une bonne entorse. 

La nuit se passe, je ne dors pas beaucoup. Le lendemain matin, je décide d'aller à l'urgence chez nous, à Rouyn-Noranda. Je me déplace toujours sur mon pied gauche, en traînant le pied droit, je me dis que j'aurai besoin des béquilles pour les prochains jours. On m'envoie passer une radiographie et le verdict tombe : fracture du 5e métatarse, l'os est même déplacé. Vu l'heure tardive dans la journée, on m'envoie en orthopédie à l'hôpital d'Amos le lendemain. Il faut que j'y sois à 7 h 45 et j'ai un bon 90 minutes de route à faire. Ah c'est vrai, dans ma région, il faut que je vous le rappelle, on compte toujours les distances en temps et non en kilomètres. Crocodile Dundee étant absent de la maison pour une bonne semaine, je demande à Céline si elle veut bien m'accompagner. Elle accepte gentiment. Comme une sœur. Elle me dit en plus qu'elle est ravie de me rendre la pareille puisque dans la dernière année, c'était moi qui l'avait accompagnée à Amos à deux reprises.

On me disait à l'hôpital de Rouyn que je devais rester à jeun au cas où l'on déciderait de m'opérer à Amos le lendemain. On m'interdisait entretemps de me supporter sur mon pied, on m'avait fait un demi-plâtre temporaire et on ne voulait même pas que j'aille récupérer ma voiture dans le stationnement pour aller me louer des béquilles à la pharmacie et revenir chez moi. J'ai donc appelé mon super gendre Dominic à mon secours puisqu'il me l'avait offert. Il est venu à ma rencontre en taxi, c'est ma fille qui avait l'auto ce jour-là. Je lui ai remis les clés de ma voiture, ensuite il est venu me chercher à la porte de l'urgence, il voulait me prendre dans ses bras pour m'amener à l'auto mais je n'ai pas voulu, je lui ai dit de garder ça pour ma fille, on a beaucoup ri. Il a été me louer des béquilles à la pharmacie, il me les a ajustées à ma grandeur, est venu me reconduire à la maison et il est reparti seulement quand je l'ai supplié de retourner à son travail. Un bon fils pour sa belle-mère!

Alors mon sourire sur la première photo en est un de soulagement. À Amos, ils sont forts en orthopédie, ce sont des pros. Pas eu besoin d'opération. Ouf! Pour me faire un plâtre, on m'a proposé un plâtre synthétique, moins lourd. Pour un petit surplus de 60 $, c'est ce que j'ai choisi. J'avais même le choix de la couleur! Deuxième bonne nouvelle de la journée, moi qui pensais que j'en aurais pour 6 semaines, on me disait qu'on voulait me revoir le 21 novembre, ce qui donnait 4 semaines plutôt que 6, j'étais encore bien plus soulagée, je gagnais 2 semaines. 

J'avais donc hâte d'aller manger un petit quelque chose avec Céline en sortant de l'hôpital d'Amos. J'étais quasiment euphorique de toutes ces bonnes nouvelles après avoir cru que ça allait être pire que ça, je me trouvais chanceuse dans ma malchance. Et c'est l'attitude que j'ai eue depuis ce temps-là. Je me débrouille quand même bien pour faire toutes mes choses, c'est seulement que je suis beaucoup ralentie.

J'ai donc passé une semaine merveilleuse de convalescence au Festival du cinéma. Mon amie Chantale est venue une journée à l'avance comme on l'avait planifié, comme on l'avait rêvé depuis des mois qu'on attendait ce moment qui nous rassemble chaque automne. Elle a été ma proche aidante le temps qu'elle était chez moi et tout au long du Festival, c'était sympathique et joyeux. Et puis, on a trinqué ensemble pour nos retrouvailles, c'est là que la bouteille de vin sauvée de la catastrophe nous a porté bonheur. 

Pendant ce mois que j'ai passé en béquilles et qui s'achève, j'ai quand même pris des leçons que je devrai apprendre à mettre en pratique. D'abord, apprendre à demander de l'aide, ce qui est très difficile pour moi. Ce n'est pas seulement de l'autonomie chez moi, je crois que j'ai poussé ça à l'extrême depuis toujours, qu'il y a sans doute pas mal d'orgueil mal placé là-dedans... Ensuite, je devrais ralentir le rythme, c'est vrai que je m'en demande beaucoup, J'ai eu le temps de réfléchir là-dessus pas mal dernièrement. Troisièmement, les maudits voyages de paresseuse, pour aller plus vite, pour gagner du temps, des pas, de l'énergie, être plus efficace, c'est fini. Je m'en fais la promesse à moi-même! 

Et socialement, j'en tire aussi une leçon que j'ai bien le goût de partager. C'était déjà compris pour moi que lorsque je croisais une connaissance qui se déplaçait en béquilles, avec un plâtre, une blessure apparente, je leur disais toujours : « Je ne te demanderai pas ce qui t'est arrivé, tu dois être écoeuré de la conter, mais en as-tu pour longtemps comme ça? » et maintenant, j'en rajoute avec ce petit conseil : Ne leur racontez pas votre histoire à vous, la fois où vous vous étiez fracturé la cheville, le bras, la clavicule, le tibia, on n'en peut plus à la longue d'entendre ces mésaventures et de voir vos vieilles cicatrices!

Mais y a tellement du bon monde dans le monde comme disait toujours mon cher Papa! J'ai remarqué surtout que beaucoup de personnes, dans des petites villes comme les nôtres, sont sensibles à vouloir nous aider : on nous sourit, on nous demande si on a besoin d'aide, on nous ouvre la porte, on nous offre une chaise, on veut nous sauver des pas, on nous dit un petit commentaire gentil, rigolo et plein de compassion. Il se vit des complicités instantanées avec de parfaits inconnus croisés sur notre route. Ça fait du bien de constater que le monde est bon et la dernière fois que ça m'était arrivé, c'est lorsque j'étais enceinte... ça fait 30 ans!

Maintenant que toutes ces leçons ont porté fruit, je peux tu vous dire que j'ai hâte au 21 novembre pour retourner à l'hôpital d'Amos voir l'orthopédiste et qu'on m'enlève ce maudit plâtre!!!