jeudi 23 mai 2013

Il chantait la liberté


L'été dernier, du petit aéroport de Havre-aux-Maisons aux Îles de la Madeleine jusqu'à celui de Gaspé, au pays de Barbe blanche, ce petit saut de puce qui signifiait la fin du voyage, où j'embrassais du regard une partie intime et maritime de mon pays, créait en moi, dans mes veines, comme une grande marée de l'eau salée qui y circule encore,  faite de sentiments très forts de joie profonde, de paix, d'attachement et de nostalgie. 


Plus on s'approchait des rivages de la Gaspésie et plus la vague d'émotions me ramenait loin en arrière, du temps de mon adolescence, à mon premier voyage aux Îles. Dans mon coeur, il y avait une musique, celle de Georges Moustaki, « La mer m'a donné sa carte de visite/Pour me dire je t'invite à voyager... » et « Ma liberté, longtemps je t'ai cherchée... »


Je ne compte plus les moments de ma vie où j'ai été accompagnée par les chansons de Georges. Il est décédé à l'âge de 79 ans à Nice et je l'ai appris ce matin à mon réveil. J'ai l'impression d'avoir perdu un ami et je veux me souvenir de lui avec tendresse et reconnaissance. 

Il chantait la liberté

Devant moi, en ce moment, j'ai son visage barbu qui illumine de ses yeux de braise deux de ses microsillons usés que j'écoute encore parfois : Georges Moustaki Bobino 70 et l'autre, le plus connu sans doute, Le Métèque. 

Il y a quelques années, j'avais entendu dire que Georges Moustaki viendrait faire une série de spectacles au Québec et qu'il allait prolonger sa tournée jusqu'en Abitibi-Témiscamingue, à Val-d'Or et à Rouyn-Noranda. J'aurais tout fait pour avoir un billet comme tous ceux qui faisaient la file en même temps que moi. Il y a seulement 750 places au Théâtre du Cuivre, ça allait être à guichet fermé en quelques minutes, je m'en doutais. Je comptais les jours qui me séparaient de cette « rencontre » avec l'artiste. 

Par un beau soir ensoleillé de printemps, il nous est apparu, tout vêtu de blanc, sur la scène du Théâtre du Cuivre à Rouyn-Noranda. À l'heure. On lui aurait pardonné n'importe quel retard mais il est arrivé à l'heure. Presque sur la pointe des pieds. Discret. Calme. Souriant. Lui-même, tellement lui-même comme on l'avait rêvé. Et la magie a commencé à opérer dans cette salle si tant tellement subjuguée par sa voix, sa guitare, ses mots, ses chansons, sa présence. 

Comme dans un rêve. Il était là à nous chanter ses plus belles, ses plus tendres. On les connaissait toutes. On les chantait avec lui. J'ai chanté avec Georges Moustaki, moi. Ah oui, j'ai tant chanté ce soir-là, toute seule avec lui. Nous étions tous en tête à tête avec Georges. 

« Nous prendrons le temps de vivre/D'être libre, mon amour... »

« Votre fille a vingt ans/Que le temps passe vite... » 

« Pour avoir si souvent dormi avec ma solitude/Je m'en suis fait presqu'une amie, une douce habitude... » 

« La mer m'a donné sa carte de visite/Pour me dire je t'invite... »

« Pendant que je dormais/Pendant que je rêvais/Les aiguilles ont tourné/Il est trop tard... Pour l'enfant que j'étais/Pour l'enfant que j'ai fait/Passe passe le temps/Il n'y en a plus pour très longtemps... »

Bien sûr, il a chanté Le Métèque, Gaspard, Voyage, Le facteur, La carte du tendre, Joseph et lorsqu'il a entonné

« Ma liberté, longtemps je t'ai cherchée... »

C'était comme une prière que je récitais avec lui. 

Il nous a tant donné et la soirée a passé trop vite. Encore une fois, je le redis, comme dans un rêve. Un rêve magnifique, tendre et doux, du genre qu'on veut refaire chaque fois qu'on s'endort. 

Nous l'avons applaudi chaleureusement, debout, longtemps. Des moments d'éternité. Nous avions besoin de lui manifester notre affection et notre reconnaissance pour cette soirée et pour l'ensemble de son oeuvre. On entendait des « je t'aime Georges » qui fusaient d'un peu partout, tant du parterre que du balcon. 

À regrets, nous sommes sortis du Théâtre du Cuivre, lentement, comme sur la pointe des pieds nous autres aussi, toujours dans l'ambiance de sa musique et de ses mots. 

C'est là que j'ai revu tous ceux qui avaient reçu le même cadeau que moi, du monde de mon âge, avec lesquels j'avais étudié, au primaire, au secondaire, à l'université, des gens avec lesquels j'avais toujours eu des affinités et je comprenais pourquoi, on aimait tous Georges Moustaki, il nous avait bercés pendant les plus beaux moments de notre vie qu'on revivait ce soir-là. 

Les gens regagnaient leur voiture, mais une cinquantaine de nous sont restés agglutinés à la porte d'entrée à vivre ces retrouvailles magiques. Et puis, quelqu'un s'est mis à rechanter ses chansons. On a tous suivi. Que c'était beau. On chantait tous en harmonie. On prolongeait ce moment. On se disait qu'il nous entendrait peut-être... de sa loge! Que ça le ferait sourire...

Pour tout ça et plus encore, merci Georges Moustaki. 

« L'art aide à vivre ». 

mardi 21 mai 2013

Aimer la pluie


Photo prise l'été dernier au « p'tit château », notre camp d'été à Rapide Deux. On l'a retrouvé en fin de semaine dernière après le long hiver et tout ce qu'il y avait de dérangé, c'était ma watch (mirador) qui s'est un petit peu effondrée (le toit) mais c'est pas grave, je connais un bon menuisier débrouillard qui va m'arranger ça en deux temps trois mouvements. 


Le même camp, toujours l'année dernière, mais cette fois, avec la galerie très habitée qu'il pleuve ou qu'il fasse beau. C'est simple, on est toujours dehors, on n'entre dans le camp que pour manger (pas toujours) et dormir. 


Vendredi dernier, nous nous y sommes rendus à bonne heure et nous avions toute la fin de semaine de 4 jours devant nous. On voulait pêcher (c'était l'ouverture de la saison dans notre zone), se reposer, passer du bon temps avec Luc et Céline qui venaient nous y rejoindre samedi matin au quai de la marina. Ce sont nos amis mais aussi de la famille puisque Céline est la « p'tite soeur » à Crocodile Dundee. Elle était mon amie avant d'être ma belle-soeur. Et je suis allée à l'école avec mon beauf. Le monde est petit à Rouyn-Noranda! 


Il a fait super beau vendredi, de même que samedi toute la journée. Nous avons pris 3 beaux brochets en après-midi qu'on a apprêtés et dégustés pour souper. Le poisson était délicieux, il ne pouvait pas être plus frais! 


Même si la température était magnifique au début et la pêche excellente, c'est dimanche qu'on a passé peut-être la plus belle journée ensemble... assis sur la galerie... bien au sec tous les quatre à regarder la pluie tomber doucement et sans interruption. 

Aimer la pluie 

Je serai toujours reconnaissante à ma mère de m'avoir un jour appris à aimer la pluie autant que le soleil. J'avais 4 ans, j'étais alors enfant unique, mes deux petits frères ne sont arrivés qu'après, lorsque j'ai eu 5 ans et 7 ans.  De ça aussi, je lui suis reconnaissante, de m'avoir fait deux petits frères! 

J'étais rentrée dans la cuisine avec la mine basse... Pas d'amis, personne pour jouer, il avait commencé à pleuvoir. Maman m'avait raconté de si belles choses à propos de la pluie, que c'était essentiel pour les animaux, les arbres, les fleurs, l'herbe, les petits ruisseaux qui se gonflent... Elle m'avait sorti mon petit imperméable, un parapluie, des bottes de couleur (elles étaient rouges, il me semble). Elle m'avait suggéré de retourner dehors et de remarquer combien la pluie était chaude et douce. Je pouvais même y goûter en ouvrant ma bouche et en me sortant la langue. Je pouvais sauter dans les flaques avec mes bottes et c'était très amusant, il fallait essayer. J'allais avoir tous les modules de la cour d'école (l'école Victor-Cormier à La Sarre était au bout de ma rue) à moi toute seule si je voulais. Il n'y avait personne sur les balançoires. 

Après ça, je n'ai plus jamais vu une pluie d'été avec le même regard morose. J'ignore si ce que j'aime tant de la pluie, c'est ma mère qui me l'a raconté ce jour-là ou bien si c'est moi qui l'ai découvert ensuite mais quand il pleut, moi, je pète le feu et je ne m'empêche rien du tout, bien au contraire. J'ai le goût d'entreprendre mille projets. Je trouve la lumière si douce, les couleurs deviennent plus chaudes, plus vibrantes, les arbres plus flamboyants, les cours d'eau plus généreux, les flaques d'eau plus invitantes. J'ai toujours le goût de sauter dedans!

Dimanche, il pleuvait à mon goût! Nous avons été à la pêche en début de journée mais nous sommes revenus bredouille au milieu de l'avant-midi quand la pluie s'est mise à tomber. On s'est fait un petit gueuleton et après, nous sommes sortis sur la galerie pour étirer la tasse de thé. Et puis, on s'est refait bouillir de l'eau pour une tisane. Et un peu plus tard, les gars se sont pris une p'tite frette (une bière) pour faire plus « vacances ». Et les filles, on les a imités avec un verre de rouge. Et quelques fromages. Parle parle jase jase, l'après-midi est passé comme ça, dans la douceur du temps qui s'arrête et qu'on s'en fiche parce qu'on est juste bien. 

Céline a dit : « Comment ça qu'on est bien de même, pourtant on pourrait faire ça n'importe quand, c'est à la portée de tout le monde? ». La discussion qui a suivi entre nous quatre était aussi douce qu'animée, ça fait drôle à dire mais je la décrirais comme ça.

Bien vrai. Pourquoi on ne fait pas ça plus souvent? Parce qu'en ville (à la maison) on ne se serait pas permis de flâner sur la galerie couverte tout un après-midi sans être « productifs ». Le téléphone aurait sonné, quelqu'un serait retonti, on aurait fait du ménage, des courses, du lavage, une fournée de biscuits pour prendre de l'avance ou je ne sais pas quoi, mais on ne se serait pas permis de « ne rien faire » pendant tout un après-midi à regarder tomber la pluie toute douce qui donne une si belle couleur aux paysages et à la vie qui bat. 

Il y a des bouts où l'on était si calmes et si sereins, tous les quatre, qu'on ne parlait pas. Ça aussi, on ne se le permet pas souvent, des silences... Et pourtant, on devrait, ils sont remplis de mots d'amour et d'amitié, de ceux qu'on ne dit pas... justement. De ceux qu'on tait parce qu'ils méritent une écoute très spéciale... 

Ah j'ai passé un vrai beau dimanche au campe. C'était pareil hier, lundi. Toujours sous la pluie, nous avons célébré  en toute simplicité 35 ans de mariage, c'est pas rien. Tout un bail. Ça méritait bien un jour de pluie... et quelques silences habités! 

lundi 6 mai 2013

La vie continue


Il était une fois... l'été d'après le décès de notre petit Léo de course (notre Papa) nous étions allés toute notre famille ensemble à Rapide Deux pour revivre la fois où, quelques années auparavant, il avait été si heureux de retrouver le décor, la forêt et le campe de ses jeunes années, du temps où il bûchait dans les chantiers de la Coopérative, dans le secteur de Rapide Six. Ici, on voit Jocelyn et Noémie qui rament de chez mon frère Yves à chez nous. 


J'ai toujours aimé cette photo que j'ai prise alors que Joce et sa fille revenaient de leur petite virée en canot et qu'on partait pour la pêche, cette même fin de semaine de juin 2006. Pour continuer mon histoire, notre famille avait sans doute besoin de se redéfinir dans sa nouvelle dynamique, après le décès de Papa. Certaines familles auraient préféré aller se recueillir au cimetière. Cela ne nous ressemblait pas. Nous avions choisi inconsciemment de retourner sur ses traces, là où il avait été jeune et fort avec toute sa vie devant lui, là où il s'était tellement ennuyé de Maman qu'il lui écrivait alors qu'il était amoureux d'elle et pas encore marié, là où il était retourné avec nous, 50 ans plus tard, et qu'il avait retrouvé plein de souvenirs et des vestiges et des preuves tangibles des histoires qu'il nous racontait de cette époque où il était jeune homme et qu'il trimait dur. 


Dans notre famille, on est fous des arbres et de la forêt, c'est inscrit dans notre code barre! Ici, mon frère Yves faisant une accolade bien sentie à un bouleau!!!



Bien sûr, Maman était de l'expédition à Rapide Six, plus précisément au fond de la baie Ferguson, sur la rivière des Outaouais. 


Nous étions deux bateaux à faire l'expédition, à s'arrêter souvent, à pêcher, et puis les enfants aimaient bien changer d'embarcation, un petit bout avec mon oncle Yves, un petit bout avec mon oncle Gilles, oups, pardon, je veux dire mon oncle Dundee. 


Nous avions la journée parfaite pour l'occasion, pas trop chaud, pas trop frais, pas trop de vent, pas trop de vagues. Nous n'étions ni tristes ni joyeux, nous nous sentions sereins, en communion de pensée avec Papa, lui qui avait un grand sens de la famille, il aurait tellement aimé être au milieu de nous... Et il y était... en quelque sorte. 


Jamais nous n'oublierons cette vieille souche que nous avons aperçue tout près de l'endroit où Papa avait fait chantier autrefois. Nous avons baptisé cette image : « La vie continue » parce que ce symbole est très fort. Comment une jeune pousse peut-elle émerger si vivante de cette vieille souche morte depuis des années? 


C'est fort, la Vie! Même encore plus que la mort... ... ...


Notre famille avait établi sa nouvelle dynamique. « La vie continue... » Et c'est vrai. Maman a poursuivi son chemin toute seule, elle a dû réapprendre à vivre sans lui. Nous, les enfants, avons fait notre deuil, nos conjoints aussi, les 5 petits-enfants sont devenus des adultes, l'une est mariée, l'autre qui planifie de le faire l'hiver prochain, les trois garçons poursuivent leur route. Papa et Maman sont devenus des arrière grands-parents en 2009 et qui sait combien d'autres petits trésors suivront? 

La vie continue

Et moi, je vous quitte pour quelques jours d'escapade, d'aventures et de repos sur les routes du Québec. Je m'ennuie trop du Québec de partout, de ma famille qui vit au loin et que j'ai hâte de retrouver. Je veux déployer mes ailes et m'envoler jusqu'à eux. Je pars mercredi dans la journée et je reviendrai lundi ou mardi de la semaine prochaine. Oui, je sais, c'est très rapide et je traverserai quelques-unes de ces régions en coup de vent : l'Abitibi, l'Outaouais, les Hautes Laurentides, les Basses Laurentides, Lanaudière, Québec, Chaudière-Appalaches. 

Je voudrais aller plus loin encore, jusqu'en Gaspésie, aux Îles de la Madeleine, revoir le Bas-du-Fleuve, découvrir enfin la Côte Nord, revisiter le Saguenay Lac St-Jean, faire une petite poussée en Mauricie, dans les Bois Francs aussi, en Montérégie, à Montréal... 

Mais je me reprendrai, je suis encore jeune!