lundi 26 mai 2008

Pourquoi écrire?


Ce n’est pas moi qui ai pris cette photo, évidemment… C’est Nathalie, sa marraine, à l’été 1987. Isa avait 9 mois et je célébrais tout juste mes 30 ans. S’il vous semble qu’il n’y a pas de lien entre le titre, la photo et le billet que je m’apprête à écrire, attendez pour voir, parce que dans mon cœur, tout est lié.

Pourquoi écrire?

Dernièrement, deux événements en lien avec l’acte d’écrire sont venus ébranler mon « feu sacré », ce goût de fixer sous ma plume les visions aperçues à l’heure fugitive de l’inspiration. Ce n’est pas la première fois que ça m’arrive et ça risque de se produire encore. Bien sûr, je gagne ma vie de cette manière, puisque dans mon travail, j’ai à faire beaucoup de rédaction mais je parle ici d’écrire à partir de mon espace à moi, en dehors de mon travail. Écrire librement, sans contrainte ni obligation, par plaisir ou par besoin. L’acte d’écrire. Pourquoi?

Le premier événement que j’ai beaucoup observé et auquel j’ai participé en allant voter et voir les résultats, c’est ce gala des Blogues d’or, une heureuse initiative très québécoise qui voulait récompenser des blogues dans plusieurs catégories. J’y ai découvert, parmi les blogues proposés, des talents incroyables, d’une richesse et d’une variété insoupçonnées, tant dans le contenu, la forme, les tendances, l’esthétisme, la technologie de pointe et le multimédia, une pluralité des genres et des sujets. Je me suis sentie très loin et pas rapport du tout dans cet univers. J’étais émerveillée mais en même temps, complètement dépassée par ce monde de l'auto publication virtuelle qu’on appelle la blogosphère.

Le deuxième, c’est le Salon du livre de l’Abitibi-Témiscamingue qui avait lieu en fin de semaine dernière, à La Sarre. Notre Salon du livre a ceci de particulier qu’il est baladeur, puisqu’il se déplace d’une ville à l’autre à chaque année. Dans l’ordre, il se déroule à La Sarre, Amos, Val-d’Or, Rouyn-Noranda et Ville-Marie. C’était la 32e édition et je n’en ai pas raté beaucoup en 32 ans. J’ai même coordonné la 26e édition, à Rouyn-Noranda, j’en connais donc tous les dessous. Cet univers est tout à fait le mien... d'habitude.

Les écrivains d’ici, je les ai côtoyés depuis longtemps dans le défunt Regroupement des écrivains et auteurs de l’Abitibi-Témiscamingue. Je les ai présentés souvent aussi, alors que j’animais les Cafés littéraires. Quand j’étais écrivain public, ils me considéraient comme l’une des leurs. J’en ai découvert d’autres encore quand je travaillais au Conseil régional de la culture. Plusieurs sont des amis de longue date.

Quand je vais au Salon, je les revois à peu près tous. Ce sont toujours des retrouvailles joyeuses, animées, parfois émouvantes pour moi, parce que je m’y retrouve comme en pays de connaissance, auprès de gens avec qui j’ai beaucoup vécu et partagé, c’est difficile à expliquer.

Cette année, ça a été très différent. Oui, je les ai revus, ils m’ont dédicacé leur p’tit nouveau, m’ont raconté comment ils en étaient venus à publier celui-là, les difficultés qu’ils avaient dû surmonter, etc. Et puis, chaque fois, à la fin de nos conversations, beaucoup plus par politesse que par un intérêt réel, cette question :

- Et toi, écris-tu encore?

- Oui, c’est sûr, il faut bien gagner sa vie!

- Mais est-ce que tu publies tes écrits personnels?

- Oui, sur mon blogue!

- … (Malaise)

- En tout cas, je suis content de t’avoir vue, j’ai hâte que tu me lises, que tu m’en redonnes des nouvelles!

Publier sur un blogue, ça ne compte pas. Pas grave. Je m’en doutais pas mal. C’est encore moins bien perçu que de publier à compte d’auteur, c’est tout dire. Le pire, c’est que j’ai réalisé cette fois-ci que chez tous les écrivains de mes amis, ceux qui m’invitent à leur lancement comme ceux qui m’amènent par la main en courant vers le stand de leur maison d’édition, il y a une constante : Ils veulent tous que je les lise mais ils n’ont aucun intérêt à me lire. Je ne suis plus l'une des leurs, je suis une lectrice amie, bon public, c'est tout. Alors, pourquoi écrire?

Un élément de réponse venu de loin

Pourquoi écrire? Je n’aurai jamais de réponse à cette question-là. Mais un élément nouveau s’est présenté, venu de si près et de si loin en même temps. En vous le racontant, j’amène jusqu’à vous, chères âmes généreuses qui me lisez ici, une nouvelle que nous et nos proches partageons déjà depuis un bon moment.

Pour vous mettre dans le contexte, Isabelle et Dominic, dont je vous ai déjà parlé, sont en voyage pour 5 semaines en Espagne, au Maroc et au Portugal. Plus que jamais, nous avons eu besoin de garder bien vivant notre lien, et c’est directement des différents cafés Internet de Essaouira, Agadir et Taroudant, au Maroc, que me sont parvenus cette semaine les plus beaux écrits que j’ai pu lire de toute ma vie.

Dans un de ses messages, Isa me raconte une histoire très touchante. Les petits Marocains de ce village demandent la charité pour leur famille. L’un d’eux qui l’observait écrire dans son carnet de voyage, lui a chaviré le cœur, particulièrement. Elle avait dû lui faire signe que non, elle n’avait plus de monnaie sur elle mais elle aurait tellement voulu lui donner de l’argent, à lui spécialement, à cause de la manière dont il s'intéressait à elle, qu'il la regardait écrire. C’est alors qu’il lui a dit dans un français approximatif : « Pas l’argent, pas l’argent, madame, votre crayon madame, pour l’école ».

Elle lui a tendu son crayon pour qu'il écrive dans son carnet de voyage qu’elle lui tendait. À partir de là, je la laisse parler :

« Dire non à un enfant, c'est encore plus difficile... Celui d'aujourd'hui était différent des autres... Je pouvais sentir chez lui une grande volonté de savoir écrire dans ses jolis barbouillages faits de sa petite main, me rappelant mes propres gribouilles d’avant la première année... mais pour ce petit bonhomme, Maman, il n’y aura pas de première année. Je lui ai donné mon super stylo, en me disant que pour moi comme pour lui, un crayon représente en lui-même une possibilité infinie. Merci Maman, pour ce goût d’écrire, tu m’as outillée pour la vie, je ne serai jamais seule… »

Je ne partagerai pas l’ensemble de son message mais je me permettrai de vous retranscrire une partie de ma réponse :

« Papa se joint à moi dans ce message. Je sais que tu aurais aimé qu’il puisse te répondre mais comme tu le dis toi-même, il n’est pas très courriel. Tu sais aussi qu’il ferait tout pour nous. Il faut l’aimer comme il est, avec son cœur grand comme le monde! Il communique avec les outils qu’il a : son cœur, ses sourires, ses grandes mains expressives, ses chansons décomposées, son humour, son temps et ses silences… »

... « Non, c’est vrai, faire la reposette, comme tu dis, alors qu’il y a tant à vivre, ça ne te ressemble pas du tout, tu as toujours eu tellement d'énergie, comme ton Papa, c'est-à-dire que tu ne connais aucune limite. Dominic a raison, c’est fascinant mais très exigeant de fabriquer un petit être humain. C’est même phénoménal. Un voyage intérieur, en quelque sorte. Petit Mini, comme vous l’appelez, a beau avoir été conçu dans l’amour, on sait bien, toi et moi, que l’amour, c’est ben d’l’ouvrage! »...

... « Je n’en reviendrai jamais du miracle de la vie. Peut-être parce que pendant huit ans, j’ai eu amplement le temps de décortiquer tout ça, d’espérer tant de fois et de réaliser au moins une fois ce rêve. Je te l’ai dit souvent, tu es la plus magnifique chose qui me soit arrivée dans la vie. »...

... « Qu’on puisse, rien qu’en s’aimant, donner vie à une personne et vouloir le meilleur en tout pour cette personne-là, ça amène mon âme à une telle émotion que je n’ai plus de mots. Et là, c’est vous deux qui vivez ça, vous deux que j’aime tant. Vous deux qui êtes en train de devenir trois… »

... « Nous avons eu si peu de temps avant votre départ, tout ça était tellement soudain, inattendu, en même temps que vos derniers préparatifs, les ajustements, urgences de dernière minute et contraintes extérieures... J’ai eu besoin de te serrer très fort et très longtemps dans mes bras avant que tu partes, j’aurais voulu te communiquer quelque chose… J’étais incapable de trouver les mots mais j’aurais eu tant à te dire, si tu savais. Sur la beauté et la force de la vie, bien sûr, mais plus encore au sujet de ces autres sentiments si forts qu’on ressent quand le miracle s’est produit et qu’on porte un enfant. J’aurais voulu te prendre en otage, rien qu’une petite heure, t’amener sur mon île secrète, dans ma maison mère imaginaire, juste une petite heure de rien, pour que tu me parles, pour que je t’écoute, pour qu’ensemble on se rassure… Heureusement qu’il y a les mots, ceux que je peux t’écrire même à l’autre bout du monde, ceux que je DOIS t'écrire parce que je ne peux pas les exprimer autrement… »

Pourquoi écrire?

« Pour n’être jamais seule », c'est elle qui me l’a écrit, de Essaouira, au Maroc, Isa qui sera Maman... en compagnie de Dominic qui sera Papa. Et moi, j'ajoute mon nouvel élément de réponse au sien : Pourquoi écrire? Parce que ça nous rapproche, et ça, c’est une possibilité infinie...

mardi 20 mai 2008

C'était le 20 mai 1978

Cette photo de notre mariage, comme toutes les autres prises cette journée-là, est l'oeuvre de mon cousin Jean-Guy. Il avait cru bien faire en insérant partout, sur tous les clichés, LA DATE, comme si nous pouvions l'oublier! J'avais 20 ans, Crocodile Dundee venait d'en avoir 22, nous avons 15 mois de différence. En signant le registre des mariages, on s'engageait pour la vie.

Un mariage intime, c'est ce que nous avions voulu. Nos deux familles étaient là. De mon côté, il y avait mes parents, ma grand-mère, mes deux petits frères non accompagnés, parce trop jeunes, ne s'intéressant pas encore aux filles! Du côté de Crocodile Dundee, ses parents, ses quatre soeurs, toutes accompagnées, même que ses aînées avaient déjà de jeunes enfants. Pour le reste, c'était assez conventionnel. Mariage religieux, bien sûr, nous n'aurions pu l'imaginer autrement, ça faisait partie de nos valeurs. Une petite réception chaleureuse avait suivi chez mes beaux-parents, où nous étions une vingtaine.

Maintenant que j'y pense, ça nous ressemblait pas mal, c'était empreint de simplicité. Même déjà un peu simplicité volontaire avant le courant! J'avais magasiné toute seule ma robe de mariée, sur mon heure de dîner, dès le mois de janvier, au moment où c'est tranquille dans les boutiques. Elle m'avait coûté 79 $, c'était un modèle des années précédentes, la dernière du fond, celle qu'on ne montre jamais aux clientes. Elle était faite pour moi. On a voulu me vendre plein d'accessoires : chapeau, jarretelle, fleurs de soie, bijoux, chaussures, etc. J'avais dit non merci, je me suis bricolé un chapeau à mon goût pour 4 $ et quelques sous, je n'avais pas besoin de jarretelle ni de bijoux, j'avais déjà des chaussures blanches très confortables et j'aimais mieux des fleurs naturelles. Pour Crocodile Dundee, son complet avait été acheté une semaine avant, il ne pouvait se résoudre à en magasiner un... et ce fut la seule fois de sa vie qu'il en a porté un!

Ça fait tout de même 30 ans aujourd'hui...

D'ailleurs, j'aimerais que personne ne nous félicite pour ça. Je considère que si notre mariage a aujourd'hui 30 ans, nous ne sommes pas encore rendus à destination, ce n'est qu'une autre escale dans ce voyage au long cours, comme le furent nos 20 ans, nos 25 ans et comme le seront sans doute nos 35 ans, 40 ans, etc. Quand nous en serons au 50e anniversaire de mariage, peut-être que notre fille voudra souligner ça à sa manière. D'accord, 50 ans de mariage, c'est tout de même une réalisation digne de mention. Nous aurons à ce moment-là 70 et 72 ans, nous aimerons encore plus les choses toutes simples, vraies, intimes et sans fla fla.

Ces années de mariage ne nous méritent pas de reconnaissance des autres ni de félicitations spéciales, mais elles me confèrent par contre une petite crédibilité quant à ma vision toute personnelle de l'amour qui dure, de la vie à deux qui se renouvelle. Curieusement, je n'aurais aucun conseil à donner à personne, nous sommes les premiers, lui et moi, et c'est ce qu'on se disait ce matin en déjeunant, à s'étonner mais à être heureux, d'être toujours ensemble!

À 20 ans, je m'engageais pour la vie. Lui aussi. C'est ce que raconte cette photo. Nous ne savions pas trop ce que ça voulait dire mais nous avions une confiance absolue l'un dans l'autre, en la vie surtout, en cet avenir qui nous appartenait. Nous allions nous défricher un chemin à la largeur de nos épaules et à la mesure de nos ambitions, de tous nos rêves. Ce qui cimentait tout ça? L'amour, bien sûr. La fidélité, l'intégrité, la confiance, l'amité et l'humour, je dirais, ont été nos bases les plus solides. Et ce drôle de courage, qui est fait, comme je le dis souvent, de beaucoup d'inconscience! Mais quand même, nous avons eu de la chance. Beaucoup, beaucoup de chance.

Aujourd'hui, je crois que cette union, c'était le début d'une longue traversée de tous les océans. Notre bateau, tout petit, mais bien construit, était fait pour naviguer, par tous les temps, même contre vents et marées. Nous étions deux capitaines tellement fiers de prendre la mer. Nous avons quitté le port, le vent était bon, notre bateau voguait allègrement sur les flots bleus, les voiles bien gonflées, et bientôt, sans s'en rendre compte, nous étions au large, largués en pleine mer.

Au fil de l'eau, notre bateau a accosté sur tellement d'îles, certaines que je qualifierais de paradisiaques. Nous avons connu des couchers et des levers de soleil qui nous ont émus, des rivages sauvages et inconnus, des paysages qui nous ont séduits et charmés, des phares qui nous ont guidés dans la nuit, quand il n'y avait pas de lune ni d'étoiles. Mais nous avons croisé aussi des récifs, des hauts fonds, nous avons même fait naufrage à quelques reprises mais nous arrivions toujours à réparer les avaries et sauver le navire en nous promettant l'un à l'autre d'être plus vigilants.

Mais quand, au milieu de la mer déchaînée, il fallait se désâmer pour assurer à deux toutes les manoeuvres pour que notre bateau ne sombre pas, je n'aurais pas voulu d'autre capitaine que lui et il n'en voyait pas d'autre que moi pour lutter contre les intempéries de la vie et les misères de la mer. Ce sont ces tempêtes-là qui nous soudent à jamais et dont on se rappelle avec le plus de force et d'émotion quand la mer redevient calme et qu'elle nous fait voyager encore plus loin.

Ces trente années ne sont qu'une escale. Notre bateau s'est aujourd'hui amarré au port d'une île déserte où nous sommes seuls, sans beaucoup de ressources. Mais la plage est magnifique et le ciel, serein. Nous allons y passer la journée, la nuit, et peut-être allons-nous y trouver des fruits, on a cru en apercevoir en abordant l'île du côté du Nord.

Demain, nous reprendrons la mer, ensemble comme toujours, « à la grâce de Dieu ». Nous n'aurons pas besoin de planifier les manoeuvres de départ, nous allons les faire en souriant, avec un clin d'oeil complice, chacun à son poste, et nous allons encore une fois larguer les amarres, en mettant cette fois le cap sur nous deux, c'est qu'on a compris qu'il faut prendre grand soin des capitaines que nous sommes, maintenant qu'on a la certitude chèrement acquise que notre bateau est tout petit mais qu'il est fait pour naviguer!

mardi 13 mai 2008

Fuir pour comprendre?



Ces deux photos, parmi celles que j'ai prises en fin de semaine dernière à notre camp de Rapide Deux, ne seraient normalement pas publiables. Un vrai photographe en serait gêné parce qu'elles sont un peu floues mais que voulez-vous, je suis une amateure, j'ai une vieille caméra numérique et seulement de la bonne volonté mais surtout, ces animaux-là qui sont comme mes amis(es) en forêt, ils sont vivants, libres et sauvages, et c'est comme ça que je les aime. Pire encore, ils bougent sans arrêt, surtout si je les approche d'un peu trop près!

Mon tétras mâle (perdrix) est en pleine saison des amours. Donc, de la séduction. Je le savais pourtant mais chaque année, ça m'amuse de le voir se pavaner, plumes exposées, torse gonflé, devant toutes les poulettes qu'il cherche à conquérir autour du camp, son territoire de prédilection, son baisodrome, sa garçonnière, son cruising bar. Il semble toujours croire, en plus, que je suis très sensible à ses charmes qu'il déploie à longueur de journée, grimpant même sur son petit monticule devant moi, d'un air tellement sûr de lui qu'il en devient arrogant. S'il savait que moi, les beaux gars de l'école ne m'ont jamais fait le moindre effet. J'aimais mieux les comiques sympathiques qui cachaient leur grand coeur...

Mon petit lièvre, lui, dont la fourrure arbore encore un peu de blanc, est venu me rappeler que l'hiver dernier n'est pas si loin qu'on voudrait le croire. En marchant en forêt, j'ai vu quelques plaques de neige qui subsistaient, à l'ombre des grandes épinettes.

En me sauvant dans le bois, vendredi dernier, j'allais jouer à l'ermite jusqu'à dimanche midi. Les tétras, lièvres, pies, écureuils, castors et rats musqués nous ont accompagnés pendant ces journées de calme et de repos. J'aurais tant aimé voir un orignal mais non, je n'en ai vu aucun. Me sauver en forêt m'a souvent été salutaire. J'y trouve souvent des réponses aux questions que je me pose, sans rien forcer, sans trop chercher, sans me casser la tête, on dirait que c'est la nature, dans sa splendeur et sa simplicité qui m'amène sa vérité.

En fin de semaine, je cherchais à comprendre comment il se faisait qu'après avoir tant cherché une vie plus simple, plus calme, plus riche, et plus belle, je me retrouvais tout le temps au milieu d'un éternel tourbillon, avec des obligations de toutes sortes, un agenda de premier ministre, une course effrénée contre la montre, un sentiment d'urgence et la sensation de n'avoir que très rarement la sérénité du devoir accompli, du repos bien mérité...

Fuir pour essayer de comprendre... Des fois, ça marche mais pas tout le temps. Je ne ramène cette fois-ci aucune réponse, la nature était trop occupée à faire la transition entre l'hiver, le printemps et l'été et la saison des amours chez plusieurs animaux a pris toute la place. On le sait bien, l'amour, c'est plus fort que la police!

Comme cette question me trotte toujours dans la tête, j'observe autour de moi comment vivent les autres. Je vous raconte un petit fait très anodin qui s'est produit hier matin. Ça m'a laissée perplexe... J'ignore quelles conclusions vous allez pouvoir en tirer mais j'aimerais toutes les connaître. Je sens qu'il y a là un élément de la réponse que je cherche à ma question : Pourquoi courons-nous notre vie?

Voici. J'avais rendez-vous très tôt, là où ils vendent des « pneus canadiens » pour changer les pneus et l'huile de ma petite brouette. Dans la salle d'attente vitrée où j'allais profiter d'une heure trente d'attente en compagnie d'un fameux bouquin, la vue donne sur le comptoir de service où les messieurs se dévouent au service à la clientèle. En général, les gens vont magasiner pendant qu'ils attendent leur voiture. Moi pas. Je déteste magasiner. Donc, j'ai hâte de continuer ma lecture, je suis seule dans la salle d'attente vitrée. D'ailleurs, cet aquarium me fait penser à ma maison!

Au bout d'une couple de minutes, le charmant jeune homme qui m'avait reçue, rempli le formulaire et pris mes clés, voulant bien faire sûrement, est entré dans mon aquarium, a ouvert la télé, sur le canal RDS, mis le son assez fort, m'a regardée, avec son plus grand sourire, a tourné les talons, satisfait, et il est retourné derrière son comptoir. Je croyais qu'il voulait savoir les résultats d'un match mais non, il n'avait pas le temps, avec tous les clients qui se succédaient. J'avais de la misère à me concentrer pour lire avec les sons tellement changeants, saccadés et spectaculaires de RDS... Il avait voulu me faire plaisir... Il devait penser que je faisais pitié toute seule avec mon bouquin...

J'ai attendu en vain qu'il se libère, je voulais lui demander de baisser le volume (la télé était bien fixée au plafond, il fallait être grand) mais les clients défilaient l'un après l'autre à son comptoir, je n'ai pas eu ma chance. Je suis sortie dehors, j'ai été en griller une, au soleil, avec mon bouquin, bien tranquille, en me disant que notre société ne tolère ni le temps libre, ni la réflexion, ni la solitude et que le silence est trop souvent perçu comme une tare, une source d'anxiété, une chose rare et étrange qu'il faut s'empresser de meubler de n'importe quelle façon.

lundi 5 mai 2008

Journée internationale contre l'homophobie

Photo prise en juillet dernier à Wakefield, dans la région de l'Outaouais. J'ai choisi cette photo pour illustrer mon billet parce que je crois toujours qu'il vaut mieux bâtir des ponts qu'ériger des clôtures...

Le 17 mai prochain sera la « Journée internationale contre l'homophobie ». L'initiative de ma blogueuse amie, Zed, dont vous trouverez le lien dans ma liste des carnetiers libres, propose qu'on écrive un billet personnel sur le sujet. Par solidarité et par conviction, je tenais à faire ma part, dans la mesure de mes petits moyens. J'aime l'action concertée, la solidarité entre les êtres humains, les simples gestes de bonne volonté qui proposent dans la non violence des avenues qui viendraient enrichir notre société.

Mais ici, vous le savez, je ne sais pas écrire autrement que d'un point de vue intime et personnel et l'essence de mon blogue est typiquement Abitibi-Témiscamingue. C'est comme ça. Alors, j'ai choisi de m'impliquer sous un angle particulier pour rejoindre l'universel, dans la perspective peu souvent abordée de « vivre son homosexualité en région ».

J'ai cherché dans mes expériences personnelles ce que je pouvais connaître du sujet. Malheureusement très peu. Un souvenir douloureux s'impose dans mon esprit et vient prendre toute la place. Une belle journée de juillet, il y a quelques années, j'ai été traumatisée d'entendre, au retour des vacances, les nouvelles de ma région. Je voulais reprendre contact tranquillement avec chez nous à travers les médias radiophoniques : « À Val-d'Or... trouvé mort chez lui, dans son appartement de la rue... gisant dans son sang... une affaire de moeurs... la police recherche toujours le suspect important dans cette affaire... on connaît maintenant l'identité de la victime... » Puis, son nom. LE MÊME QUE MOI. Une description de la scène que je veux oublier.

Le p'tit frère de Papa... Lui qui n'aurait jamais fait mal à une mouche. Une bonté naturelle, probablement même un peu naïf, quand j'y repense. Sympathique, enjoué, d'un naturel heureux et sensible, aimant les gens et la vie. Ah oui, tellement. Nous avons toujours su et n'en avons jamais fait une histoire mais il aimait les hommes. Il aimait la mer aussi. Et puis la vie de chalet, la musique de mononk, ses frères, soeurs, neveux, nièces, les restaurants, faire la cuisine et surtout sa fille, Nathalie, son plus grand amour. Il me semble qu'il n'a jamais souffert de l'homophobie, de vivre dans notre région la vie qui était la sienne. En suis-je bien certaine? À la réflexion, peut-être pas. Peut-être qu'il s'était marié et qu'il avait fait un enfant pour échapper à l'homophobie? Quoiqu'il en soit, il n'avait jamais considéré comme une erreur ce mariage qui n'avait pas duré puisque Nathalie en était issue.

Est-ce qu'il a été assassiné aussi lâchement parce qu'il aimait les hommes? Non. L'homme qui l'a tué aussi violemment avait abusé de lui et de sa bonté bien avant ce jour-là. Une histoire d'amour, de dépendance affective, d'abus, mais pas un meurtre homophobe. Quand nos médias parlaient de cette affaire, qui d'ailleurs les a émoustillés bien trop longtemps, ils disaient toujours que c'était « une affaire de moeurs ». Et ça me frustrait chaque fois.

Je suppose que non mais je ne saurai jamais s'il a souffert du regard et de l'attitude des autres de son vivant mais je sais qu'il en a été victime après sa mort. À ses funérailles, j'ai vu ma cousine Nathalie pour la dernière fois. Elle vit son homosexualité dans une grande ville et ne remettra plus jamais les pieds ici. L'Abitibi-Témiscamingue, pour elle, qui y a grandi, c'est la région qui a tué son père.

Est-ce que j'ai vécu l'homophobie, moi, pour pouvoir en parler? Oui, une fois. En 2005. Je produisais et travaillais à la rédaction d'un magazine annuel régional de santé publique. Distribué gratuitement dans la population d'ici en 20 000 exemplaires, j'étais consciente que je pouvais y passer de l'information et des messages que je trouvais importants. C'était plein de balises et de paramètres très sérieux, bien sûr, mais j'avais confiance que je pouvais naviguer à travers ça.

J'ai écrit tous les articles en tâchant de vulgariser l'information scientifique et/ou médicale, les données régionales, en insistant sur les bienfaits d'une saine alimentation, de l'activité physique, en présentant aussi les organismes communautaires, les ressources d'aide, etc., en suivant les axes établis par le Ministère. Chaque virgule, chaque mot, chaque phrase et même les illustrations devaient être approuvées par la direction qui m'avait donné ce mandat. Dans un article intitulé « Conjuguer sa vie au présent (les jeunes de 15 à 30 ans) », j'abordais la question de notre taux de suicide très élevé, des actions possibles pouvant prévenir la détresse, des partenariats avec les organismes dédiés à la jeunesse, en milieu urbain comme en milieu rural.

Très rapidement, dans cette page qui s'adressait aux 15-30 ans, j'en suis venue à présenter, et c'était mon objectif, la Coalition d'aide aux lesbiennes, gais et bisexuel-les de l'Abitibi-Témiscamingue, http://www.coalitionat.qc.ca/ qui avait pour mission de créer un environnement favorable à l'épanouissement des personnes, à leur santé et leur mieux-être, favoriser l'adaptation des services de santé et services sociaux, briser l'isolement, mettre en place des actions pour réduire l'homophobie au sein de la population, intervenir comme mobilisateur et porte-parole. J'étais fière de cet article-là qui mettait en lumière tout ce qu'on prônait dans cet exemple d'une réalisation issue des gens eux-mêmes, en réponse à un besoin criant de bâtir des ponts. Ainsi, on favorisait un rapprochement essentiel entre les jeunes et la société qu'ils sont en train de nous construire.

L'article se terminait ainsi : « Dans toutes nos interventions, nous devons investir temps, énergie, volonté et ressources, en gardant à l'esprit que ces jeunes portent en eux aujourd'hui, dans leur présent, les promesses, la richesse et l'essence de tout notre avenir en même temps que le leur ».

L'article n'a jamais été sérieusement considéré, revu, corrigé, discuté. Non. L'article a sauté au complet sans plus d'explication et n'a jamais été publié. Je l'ai pris vraiment personnel. J'ai dû rédiger autre chose qui s'adressait aux 15-30 ans, et si je me souviens bien, on leur a encore parlé des ITSS (infections transmissibles sexuellement et par le sang). Ce jour-là, c'est comme si j'avais été victime d'homophobie. Je sais, ce n'est rien comparé à ce que doivent vivre d'autres personnes...

En terminant, je voudrais exprimer une opinion toute personnelle en rapport avec l'orientation sexuelle des personnes. Je rêve du jour qui n'arrivera jamais où l'on n'identifiera plus les gens autrement que par leur prénom ou leur nom de famille. Qu'est-ce qu'ils font comme travail? Quelle est la couleur de leurs cheveux ou de leur peau? Quelle est leur orientation sexuelle? On s'en fout, ce n'est là qu'une partie de leur vie. Pas une définition de ce qu'ils sont. Mon oncle, à qui je dédie ce texte, n'était pas qu'un homosexuel. Il était beaucoup plus que ça. Il s'appelait Gérald, il aimait la vie et les gens mais son plus grand amour, c'était sa fille Nathalie et je sais qu'il a été un père très aimant, il ne pouvait en être autrement, c'était le p'tit frère de Papa. C'était ça, sa « marque de commerce », s'il faut absolument lui en donner une.