lundi 28 juin 2010

La saison d'abondance




Photo 1 : C'était la fin de semaine juste avant notre Fête nationale. Vous voyez la couleur plus pâle des aiguilles de sapin au bout des branches? Ce sont les jeunes pousses que je cueille pour en faire du sirop de sapin quand j'en aurai besoin. J'ai pu en ramasser un gros sac que j'ai mis au congélateur. J'en aurai suffisamment pour en faire beaucoup de potions magiques. Vous voulez la recette? Je l'ai déjà expliquée dans mon billet du 27 juin 2007, c'est ici : http://chez-zoreilles.blogspot.com/2007_06_01_archive.html.

Photo 2 : Samedi soir après souper, avec Crocodile Dundee, on a été voir là-bas là-bas loin loin s'il y avait des petites fraises des bois et si elles étaient mûres. Mon intuition était bonne, voici ce qu'on a trouvé!

Photo 3 : Félixe et son Papa, le 24 juin dernier, chez nous, avec leur veste de bateau, trop contents d'aller jouer dans le sable sur les îles.

La saison d'abondance

À cette période de l'année, je ne sais plus où donner de la tête. La nature est trop généreuse. La période de la cueillette débute avec les jeunes pousses de sapin gorgées de sève printanière. Ensuite, pendant tout l'été, il y a la pêche et samedi dernier, en après-midi, j'ai étrenné mon permis de pêche 2010 avec deux petits brochets que j'ai remis à l'eau en leur disant : « Allez nager encore un peu, vous reviendrez quand vous aurez grandi ». J'aurais pu les garder, ils avaient le format réglementaire mais disons que je ne me serais pas fait poser avec ces petites prises de bébé lala qui n'auraient pas rempli notre dent creuse ni fait la une du Sentier Chasse et Pêche!

Après souper, il faisait beau, calme, doux et comme le soleil se couche tard, on a décidé d'aller à la chasse aux tites fraises, juste pour voir. Non mais vous ne sentez pas l'odeur enivrante, juste à voir la photo? Ça vous saoule les narines pour longtemps, ça vous ramène des souvenirs toujours tendres, des mémoires olfactives de l'enfance, du temps où on les mangeait à mesure, directement dans le champ. La quantité n'est pas importante. C'est d'en avoir cueilli un petit peu qui compte. Et on en a cueilli un tout petit peu justement.

De retour au camp, sur la galerie, je les ai équeutées bien délicatement, nos tites fraises. Crocodile Dundee a offert de m'aider pour cette tâche de minutie et de patience mais avec ses mains de menuisier, il n'a pas insisté quand je lui ai proposé plutôt d'aller prendre des photos du castor qu'on voyait s'affairer avec vaillance sur la rivière en face de nous. Il a fait de très belles photos d'ailleurs.

J'ai fait une petite confiture pour dimanche matin. Oh à peine sucrée, naturelle, tout juste jeter un petit bouillon de rien du tout, plus par acquis de conscience... et pour l'odeur qui allait flotter dans le camp, à l'heure du dodo. Je vous le dis, y a de la dope là-dedans, j'ai fait zéro insomnie, et nous avons claqué dix heures de sommeil en ligne. SANS INTERRUPTION. Ça nous tentait tu de nous lever, nous autres, dimanche matin? Oui, c'est sûr, on avait de la confiture aux tites fraises au déjeuner!

La semaine prochaine, en plus de la pêche, je vais cueillir le ti thé, cette plante qu'on trouve en quantité à notre camp et qui s'appelle linée boréale, je crois. On en fait un ti thé, vous savez? Ça goûte comme le « paparmanne » rose de nos grands-mères, une tisane qui saoule aussi nos narines... C'est comme l'odeur de sapin aussi. Moi, mes narines sont alcooliques, je pense, saoulées en permanence, en cette saison d'abondance. Les pivoines, sentez-vous le parfum des pivoines encore? Et les roses? Et le foin coupé?

Et comme si ce n'était pas assez de générosité de la nature et d'abondance de bonheur, en arrivant chez nous hier soir, on a trouvé sur la table de la cuisine deux petites notes manuscrites, des calligraphies qu'on reconnaît bien... Isa, Dom et Félixe étaient venus souper, veiller, dormir et déjeuner à la maison en notre absence, alors qu'ils nous avaient dit qu'ils iraient plutôt camper avec leurs amis au lac Témiscamingue. Ces petites lettres ne dévoilant rien d'intime, je vous les retranscris :

Salut vous deux!

Au lieu de faire du camping sur le bord du lac Témiscamingue dans une tente pas d'étoile, on est venu profiter du lac Dufault dans votre 5 étoiles. La-baignon-la-baignette, BBQ sur la terrasse, petite lecture devant une lune grosse comme une pizza X-large. Bref, une super soirée! Merci! Dominic xx

J'espère que vous avez passé une belle fin de semaine! Merci beaucoup pour votre « bed and breakfast self service »! Isabelle xx

Il n'y a que Félixe qui n'a pas écrit sa petite note mais là, je me demande si... Peut-être qu'elle l'a écrite à la craie dans la porte de la maisonnette?


samedi 26 juin 2010

Pour mon ami Jacques alias Jacks




Photo 1 : Le 23 juin dernier, soleil couchant entre les îles du lac Dufault. Je veux rappeler à Jacques un paysage, des moments que nous avons déjà vécus ensemble, avec Laure, avec Crocodile Dundee et Isabelle. Une image de sérénité, un souvenir heureux, parfois, ça peut consoler d'un grand chagrin.

Photo 2 : Une petite famille de huards particulièrement inspirante. Les huards sont fidèles l'un à l'autre pendant toute une vie. Le mâle éduque les petits avec la femelle, ils sont solidaires. Ils reviennent toujours au même lac.

Photo 3 : Même si les huards sont pacifiques et que j'aime tout ce qu'ils représentent, ils sont aussi capables d'une grande colère quand ils se sentent envahis ou menacés. N'ayez crainte, je ne les ai pas approchés d'aussi près, c'est ma caméra qui m'a permis de le faire. Mais ce mâle m'avertissait qu'il était temps de partir.

Pour mon ami Jacques alias Jacks

Vous connaissez sans doute Jacks qui laisse parfois de ses savoureux commentaires ici et ailleurs. Son blogue s'appelle, ou plutôt s'appellait, Détour improvisé. Il figure comme beaucoup d'autres de mes fidélités dans la liste de mes blogues-amis.

J'ai connu Jacques par l'entremise du monde virtuel alors que nous étions tous les deux animateurs de la Place Publique de Sympatico, où nous étions arrivés en même temps, avec la même fougue et l'émerveillement qui caractérisait cette époque d'avant les blogues. Nous avons vécu plein de choses ensemble qui ont soudé de plus en plus cette amitié qui nous unit maintenant. Nous avons même collaboré à d'autres projets communs, dont une conférence conjointe devant des étudiants du Cegep de l'Abitibi-Témiscamingue à Rouyn-Noranda, en direct et à distance, sur les relations humaines et l'éthique dans le monde virtuel. C'était en 1998 je crois...

Jacques en a pourtant vu de toutes les couleurs dans ce monde-là. Mais quelqu'un vient de lui causer un choc et il en est tellement dégoûté qu'il sent le besoin de s'éloigner de tout ça. Il vient donc de fermer son blogue et sa décision est peut-être sans appel, je l'ignore. Si c'est le cas, je la respecterai. Parce qu'il est mon ami.

C'est dans son commentaire sous mon billet précédent qu'il m'en informait. Voici ce que je lui ai répondu :

Jacques,

Ta peine est immense, je peux le comprendre... Sachant tout ce que représentait pour toi l'abbé Jules Beaulac qui vient de décéder alors que tu t'apprêtais à le recevoir chez toi, cet ami, ce grand frère, ce confident, cet homme qui n'a fait qu'aimer, comprendre et donner aux autres tout au long de sa vie, qui t'a tellement inspiré aussi et qui continuera de le faire...

À cause d'une illustration parfaite de la bêtise humaine, maintenant, ta révolte est aussi immense que ta peine. Et que cette absurdité survienne par l'entremise d'un ancien collègue de la cohorte 57-65 dont tu es le président à vie (parce que le rassembleur que tout le monde connaît) me semble encore plus cruel.

Ainsi, tu as le réflexe de tout mettre à OFF. T'éloigner du monde virtuel parce que c'est là que tout est arrivé? Seras-tu préservé de toutes les insanités de notre monde? Non. Toi et moi, on le sait, le virtuel et le réel se rejoignent toujours parce que derrière chaque écran, c'est un humain qui pitonne.

Je respecte ta décision. Je te remercie de m'en avoir avisée. Je viens d'aller vérifier et effectivement, l'accès à ton blogue m'est refusé, on me dit que je ne suis pas invitée. Sur le coup, la formulation de Blogger me fait toujours sentir tellement « rejet ».

Je m'inquiète aussi de ta cohorte, tu voulais rassembler tout le monde cet été, tu as travaillé là-dessus depuis si longtemps.

Même si je respecte ta décision et que je comprends ta réaction, je trouve que nous serons plusieurs à payer la note pour la bêtise humaine que vient de commettre ton ancien collègue de classe.

Je dois quitter tout à l'heure pour aller rejoindre Gilles qui m'attend au quai de Rapide Deux. Mais tu m'inspires un billet que je vais mettre en ligne avant de partir et ce faisant, je souhaite que tous nos amis virtuels sauront trouver les mots pour mettre un peu de baume sur ta blessure si vive.

Virtuellement et réellement, nous avons partagé tant de choses que je serai toujours,

Ton amie,

Francine xx


26 juin 2010 08:13

lundi 21 juin 2010

Maman Canard a perdu le Nord...




Photo 1 : Cet avant-midi, 11 h 15, entre deux courses urgentes, je dois passer au guichet automatique d'une institution financière du centre-ville. Qui c'est qui me bloquait la porte d'entrée? Maman Canard et ses 7 ti poussins. Confiants et disciplinés qu'ils étaient à part ça! Mais elle semblait avoir perdu le Nord, à tout le moins son GPS de canard...

Photo 2 : J'avais beau être pressée, il n'était pas question que je les abandonne de même au centre-ville, pauvres ti choux... Pendant que je prenais ces photos, je parlais à un monsieur qui me disait qu'il les suivait presque depuis le lac Edouard (au Parc botanique À fleur d'eau) à quelques rues de là. Il voulait les amener jusqu'au lac Osisko, le plus proche cours d'eau en ville. Je trouvais que c'était une très bonne idée.

Photo 3 : En continuant sur cette rue, les voilà presque arrivés à la terrasse de l'Abstracto, café bistrot où Isabelle allait bientôt commencer sa journée. On a suivi l'aventure.

Maman Canard a perdu le Nord...

L'histoire se termine bien même si je n'ai pas les photos pour le prouver. Le gentil monsieur a arrêté le trafic sur cette rue pour faire traverser les canards, ce qu'ils ont réussi sans aucun problème, apparemment soumis à sa voix chaude et calme.

Pour ceux qui connaissent un peu ce coin de la ville de Rouyn-Noranda, une fois la rue traversée, ils n'avaient plus loin à marcher, clopin clopant, pour se rendre jusqu'au lac Osisko, en passant dans le stationnement du cinéma Paramount, traversant la ruelle qui mène à l'Avenue du Lac près de la Maison Dumulon et hop! dans le lac. Les petits choux n'ont jamais su qu'ils avaient été en danger, ils ont visité le centre-ville, ont presque pris une tite frette sur la terrasse de l'Abstracto et Maman Canard n'a jamais perdu la face devant ses petits. Non mais, ne riez pas, c'est très important pour un parent de ne pas perdre sa crédibilité auprès de ses petits!

jeudi 17 juin 2010

L'empowerment




Photos 1, 2 et 3 : Hummm... Difficile d'illustrer l'empowerment, même avec mon nouvel appareil photo! Ça aiderait peut-être que je vous dise que la philosophie de la chose ne tient pas tant aux réalisations qu'aux processus qui rendent possibles ces réalisations... Pas clair non plus, hein? Regardons-y de plus près... C'est comme en canot. On fait corps avec le véhicule, on est à la fois le moteur et le gouvernail, on mène sa barque à bon port. Tout seul, on va plus vite, ensemble, on va plus loin!

L'empowerment

Il y a des rencontres qui tiennent lieu de révélations. Madame Carmen a incarné quelque chose du genre pour moi, tant j'avais soif de tout ce qu'elle me racontait des résultats de ses travaux, de ses recherches et de la mission sociale qu'elle épousait avec enthousiasme pour « faire plus et mieux ensemble », selon ce qui était écrit sur l'affiche à l'honneur dans son environnement de travail. Pourtant, je ne l'ai rencontrée qu'une seule fois, Madame Carmen, au début de l'année 2005. Elle était la coordonnatrice régionale d'un programme innovateur en santé publique et j'étais là pour recueillir l'essence de son propos, en faire un article informatif et mobilisateur pour Monsieur-et-Madame-Tout-le-Monde de l'Abitibi-Témiscamingue.

Tout en discutant de ce qui s'était fait ici, dans les petites collectivités, de ce qui s'en venait et de ce qui pouvait se faire encore, elle a laissé tomber ce mot, « empowerment » en regrettant qu'il n'existe pas l'équivalent en français qui voudrait dire autant. Mais elle n'avait pas besoin de m'expliquer longtemps pour que je comprenne, ses yeux brillants voulaient tout dire, et je comprenais l'étymologie du mot, même en anglais, assez pour imaginer l'infinitude du concept qui menait à cette trouvaille extraordinaire : un mélange d'autonomie, de responsabilisation de soi, de son environnement, de sa communauté, de sa région, de son pays, une sorte d'appropriation des ressources et des acquis par l'implication, le sentiment d'appartenance, le renforcement positif, la reconnaissance, la collaboration, la concertation des forces vives pour en arriver à « faire plus et mieux ensemble ».

Il me semblait que tout s'éclairait, s'illuminait, se magnifiait, en l'écoutant. J'y voyais tout à coup des applications dans le travail, dans la vie, en politique, sur l'avenir de ma région, mon pays, le Québec, dans les réseaux sociaux de toute nature, sur le sort qu'on réserve aux petites collectivités, les villages éloignés, nos villes monoindustrielles, nos régions qui se prennent en main, les universités, les causes environnementales et tout ce qui nous tient à coeur. J'y voyais même une panacée universelle pour ce qu'on doit affronter dans notre propre vie. Et c'est le seul lien que je ferai avec mon billet précédent mais l'empowerment a été à la base du long chemin qui m'aura permis de fermer la parenthèse : me réapproprier dans l'action la confiance perdue, l'estime baffouée, l'attitude libre et dégagée qui devait me servir encore.

Depuis la rencontre de Madame Carmen, l'empowerment veut dire tellement de choses pour moi. J'arrive difficilement à l'expliquer et en transmettre l'essentiel mais j'y crois dur comme fer. D'ailleurs, dans l'article que j'avais rédigé, ce mot n'était jamais là mais il était en filigrane tout au long, dans chaque phrase, chaque paragraphe.

Depuis, je me suis intéressée à cette façon de travailler, de penser et d'agir. Non pas pour mon gagne-pain mais pour l'ensemble de ma vie. Sur Wikipédia, on traduit ce terme anglais par autonomisation ou capacitation. C'est peu, trop peu, je trouve. On dit aussi qu'il s'agit de la prise en charge de l'individu par lui-même, de sa destinée économique, professionnelle, familiale et sociale. L'empowerment est le processus d'acquisition d'un « pouvoir » (power) sur son travail, son destin, cette autonomie qui lui permet d'exister dans sa communauté, de prendre part aux décisions, interventions et actions qui ont de l'impact sur sa vie et celle des autres.

À partir de là, on peut s'approprier la sorte d'empowerment qui nous convient et pour les causes qui nous intéressent. Par exemple, pour ma part, je ne suis pas très à l'aise avec les notions de contrôle et de pouvoir. J'aime mieux parler d'influence, de motivation, de collaboration, d'actions concertées, d'initiatives efficaces, de synergie, de transparence, de changement social à petits pas, de mettre des efforts à transformer un problème en solution, une intention abstraite en un objectif concret. Ce faisant, le processus proactif de l'empowerment est centré sur les forces, les habiletés des individus, plutôt que sur les déficits et les difficultés. Ça fait toute la différence du monde!

J'aurais tant voulu vous donner des exemples concrets pour illustrer le meilleur de cette philosophie d'alliances et de participation qui a obtenu ses lettres de noblesse dans l'univers du travail social, je crois, ou en sociologie peut-être? Ça me prendrait encore des pages et des pages pour y arriver comme je le voudrais. J'ajoute encore que dans un processus d'empowerment, tout le monde gagne. Et je vous laisse avec cet extrait de l'article que j'avais rédigé après ma rencontre avec Madame Carmen : « En partant du principe que la santé dépasse largement l'absence de maladie, elle se définit comme un état de bien-être supposant une capacité physique, psychologique et sociale qui permet à une personne de faire des choix et d'agir dans son milieu ».

vendredi 11 juin 2010

Fermer la parenthèse



Photo 1 : C'était tout à l'heure, en sortant de la Maison des invités de l'entreprise qui m'avait... invitée au visionnement du film corporatif qui était présenté pour la première fois devant public et pas n'importe lequel, celui de notre région d'abord, avant d'être diffusé en trois langues et partout dans le monde. Voici donc une vue du lac Osisko comme on ne le voit pas souvent, dans une petite baie tranquille qui avoisine la Maison En Sol Mineur, juste à côté.

Photo 2 : Cette même petite baie du lac Osisko, entre les deux troncs d'arbres qui me rappellent deux parenthèses. C'est là que j'ai repris mon souffle, mine de rien, que j'ai remis de l'ordre dans les émotions que je venais de vivre, pour réaliser que la vie m'avait donné l'occasion aujourd'hui de raccomoder mon petit coeur blessé professionnellement en l'an 2000. Dix ans plus tard, je venais de...

Fermer la parenthèse

J'aime mieux vous avertir, ça risque d'être long. Allez vous chercher un café, installez-vous confortablement si vous voulez, j'en ai long à raconter et j'irai jusqu'au bout, c'est sûr. Je ne vous oblige à rien mais moi, j'en ai besoin. Pour vraiment fermer la parenthèse.

J'avais reçu mon invitation il y a quelques semaines et j'avais hâte d'assister à l'événement. Ce film, j'avais travaillé dessus au début de l'année 2008, bien avant le premier coup de manivelle, alors que Dominic m'avait proposé le mandat de l'écriture du scénario pour le très large public cible auquel il était destiné. Ensemble, on allait élaborer le canevas selon les attentes très précises du client mais c'était lui, le producteur et le réalisateur de « notre gros corpo » comme on l'avait baptisé. On avait eu un plaisir fou à collaborer ensemble dans le travail, assister aux réunions avec les dirigeants d'ici et ceux de Toronto par vidéoconférence, essayer de comprendre les procédés, démêler toute l'information qu'il fallait s'approprier d'abord et vulgariser ensuite. Innover tout en restant fidèle à la tradition dans l'industrie et pour des publics à l'internationale. Des heures de plaisir!

À ce moment-là, Dominic était le nouveau conjoint d'Isabelle. Donc, mon nouveau beau-fils que j'apprenais à mieux connaître dans le travail. Je mesurais bien ma chance. Et son sérieux. Et son talent. Nous en gardons, lui et moi, un souvenir attendri et plein d'anecdotes savoureuses. Là où il voyait des images, des plans, des prises de vue, il me venait des mots, des phrases, des expressions animées, on carburait à la même énergie créatrice. En coulisses, je lui disais en boutade qu'il m'avait embauchée pour gagner des points avec sa belle-mère mais il me répondait toujours qu'il ne travaillait qu'avec les meilleurs. On appelle ça un gars qui sait se faire aimer! Évidemment, on ne révélait à personne le lien « familial » qui nous unissait. Mon mandat s'est terminé après l'approbation finale de la scénarisation par la multinationale et sa filiale d'ici. Mais il restait à faire le film! Dominic a travaillé à ce projet en dilettante depuis deux ans et je n'avais plus participé à « notre gros corpo » depuis, sauf qu'il me disait de temps en temps « ça avance, j'ai hâte que tu vois ça!»

Y a des journées de même

Et aujourd'hui en était une... Tu te lèves le matin, tu fais ce que t'as à faire, tout va tellement vite et bien, t'es comme au-dessus de tes affaires. Juste parce que t'as quelque chose qui te tente et qui va avoir lieu en milieu de journée. Tu contrôles ton horaire, la vie est belle, tu sens qu'il va se passer quelque chose d'agréable, le téléphone sonne même pas, il te laisse tranquille. Tu sors tes plus belles fringues, tes cheveux sont corrects sans que t'aies besoin de te battre avec, tu passes devant le miroir en prenant tes clés pour sortir et tu te dis : « Ouais, méchant pétard » et tu pars le coeur tout léger!

Je savais qu'il y aurait beaucoup de monde là-bas. De l'industrie touristique, des organismes du milieu, du développement régional, de l'industrie, etc. En arrivant sur place, je vois des gens qui entrent, d'autres qui attendent dehors en jasant, en profitant du paysage. Ils sont nombreux. En m'approchant, je reconnais... Ah non, pas elle, c'est pas vrai, qu'est-ce qu'elle fait là, elle, ah oui, c'est vrai, elle a dû être invitée en tant que... Ah non, elle ne va pas me gâcher ma journée, elle, la seule personne au monde entier que je peux pas supporter... ELLE!

Bulldozer à babord

Oui, c'est bien elle, ma Bulldozer... Elle se tourne vers moi et veut me parler, je le sens, mais je suis tout à coup habitée intensément par le magnifique paysage qui s'offre à moi, avec une concentration qui ne déroge pas d'un quart de pouce. En fait, j'essaie de ramasser le peu d'estime de moi qui me reste encore en sa présence et qui vient de fondre comme neige au soleil en l'apercevant. Ma Bulldozer... Me voilà replongée à la fin de 1999, quand je l'ai connue.

Une parenthèse de dix ans

En ces années-là, j'avais fermé ma petite entreprise comme écrivain public, je n'arrivais pas à vivre de mon métier que j'adorais. Une décision difficile. Un échec personnel et professionnel. Encore peu de temps après, avec mon père, on avait dû fermer l'entreprise familiale également, on n'arrivait plus à rivaliser avec notre concurrent qui était, lui, subventionné à 50 % sur les salaires de ses employés. Même à 69 ans, pour Papa aussi, c'était un deuil difficile. Je pouvais le comprendre. Il allait pouvoir au moins prendre sa retraite. Moi, j'avais besoin de travailler. Besoin, oui, grand besoin. Dans tous les sens du mot.

C'est dans cet état-là que je suis arrivée à l'entrevue au poste de responsable des communications. Je la voulais, la job. J'en avais besoin. J'étais défaite mais encore très capable de me faire une face de relations publiques. Question de survie. Devant moi, la directrice générale, le secrétaire trésorier, membre influent du conseil d'administration et la dernière mais non la moindre, la directrice générale adjointe, ma Bulldozer. La conversation se déroule à merveille tout au long de mon entrevue, deux sur trois sont charmants avec moi, mais ma Bulldozer, les bras croisés, le regard durci, fixe le plancher et ne sourit pas. Ça me dérange pas, les deux autres sont tellement gentils que je m'imagine que ma Bulldozer joue un rôle pour m'intimider, pour voir comment je réagis devant l'adversité, genre...

Finalement, de retour chez moi, j'ai déjà le message de la directrice générale sur mon répondeur : Je suis embauchée. Je commence lundi. Mon premier jour de travail se fait dans l'allégresse, ma Bulldozer n'est pas là. Elle a décidé de prendre une journée de congé. Ce sera comme ça trois jours d'affilée. Le quatrième jour, en rentrant, elle me convoque dans son bureau, m'ordonne de fermer la porte et me dit que c'est toujours pas de sa faute si je travaille là, que ce sont les deux autres qui ont décidé de m'embaucher sans son accord, qu'elle avait caché mon c.v. en dessous de la pile parce qu'elle trouvait que je n'avais « aucun talent, aucun charisme et que j'avais juste l'air d'une mère de famille qui voulait sortir de chez eux ».

Moi, ne sachant trop comment réagir, naïvement, je lui ai répondu qu'elle était franche, que ça avait le mérite d'être clair et que j'avais l'intention de gagner sa confiance, de lui prouver que j'étais capable de faire un excellent travail. Mais en dedans de moi, j'étais défaite. À ramasser à la petite cuillère. Je braillais rien que dans mon char par exemple. Ou chez nous. Jamais je ne laissais rien paraître au travail. J'étais plutôt dynamique et enjouée. Plus mes collègues m'appréciaient, plus elle prenait plaisir à me discréditer ou m'humilier. Devant les clients, les autres employés, certains membres non influents du conseil d'administration ou les journalistes. Et dans mon travail, c'est très important de ne pas perdre sa crédibilité auprès des journalistes.

Autre exemple de mon quotidien : Dans mon bureau, il y avait trois portes, toujours ouvertes : une qui donnait sur l'entrée, toute vitrée celle-là, la deuxième, à ma gauche, sur le bureau de la directrice générale, la troisième, à ma droite derrière moi, sur le bureau de ma Bulldozer. Elle arrivait derrière moi sans crier gare, sur la pointe des pieds par son bureau, me coupait la ligne téléphonique alors qu'un journaliste voulait me parler ou me criait dans les oreilles pour me faire faire une crise de coeur et s'en retournait dans son bureau en riant à gorge déployée. Sa spécialité, quand j'étais débordée de travail, c'était de me faire chercher des documents qui n'existaient pas.

Elle me répétait souvent qu'avec elle, je n'arriverais jamais à bluffer, qu'elle ne comprenait pas ce que les autres me trouvaient. J'étais rendue au point que je la croyais, j'étais nulle, elle voyait plus clair que les autres et j'étais démasquée. Mais pendant ce temps-là, au fil des jours et des semaines, je découvrais des choses qu'elle voulait cacher, comme le fait que des clients allaient payer des petites factures chez elle, le soir, et qu'elle ne remettait pas cet argent dans la caisse, que son fils avait volé 200 $ au bureau et que personne ne le dénonçait par peur de ses foudres à elle, des représailles, que le financement de l'organisme était douteux, comme la comptabilité sous sa gouverne, non vérifiable, et plein d'autres irrégularités du genre que j'ai voulu oublier parce que c'était trop gros et que le coeur me levait. Plus je comprenais le fonctionnement de l'organisme et sa mission véritable, plus je réalisais l'étendue de la magouille, le nid de couleuvres dans lequel j'étais plongée, et pire encore, duquel je devenais complice si je continuais à me taire.

Ma Bulldozer m'avait réduite à néant. Elle avait eu raison d'affirmer que j'étais « sans talent, sans charisme et que j'étais juste une mère de famille qui veut sortir de chez eux ». Tous les employés, sauf un temporaire qui terminait son contrat, étaient sous sa domination et ils marchaient par la peur. Je ne pouvais plus faire confiance à personne. Et je ne pouvais plus travailler sans qu'elle me mette des bâtons dans les roues. La directrice générale venait d'annoncer son départ en congé de maternité avant la date prévue. D'ailleurs, elle me fuyait les rares fois où elle était au bureau. J'en savais trop. Les membres du conseil d'administration ne me connaissaient pas beaucoup, mais ils la connaissaient, elle, depuis plus de 20 ans. J'ai bien essayé en dernier recours de dire ce que je savais au secrétaire trésorier mais il en savait presqu'autant que moi et il se taisait. Il laissait sa place au conseil d'administration à un autre, il avait fait son purgatoire, un an sur le conseil d'administration, tout le monde savait ça à l'interne. Ceux qui y étaient depuis de nombreuses années étaient soit complices soit terriblement innocents, non menaçants.

Je suis partie de là sans faire de vagues en juin 2000. Deux semaines d'avis. Dans les règles de l'art. Ma lettre de démission disait « pour des raisons personnelles », sans plus. Je crois qu'il était devenu dangereux pour moi de rester là. J'avais peut-être trop persisté même. Ça a laissé des cicatrices pendant longtemps. Jusqu'à tout à l'heure, en fait. À ce moment-là, je croyais que je n'allais plus jamais retravailler dans mon domaine, dans ma ville, dans ma région. Avec le recul, j'avais fait ce qu'il fallait, on a préféré oublier que j'existais, on ne m'a fait aucun tort, on n'a plus jamais parlé de moi dans ce milieu-là, ni en bien ni en mal. Et ma Bulldozer y travaille toujours. Après mon départ, on lui a enlevé la responsabilité du financement et de la comptabilité. Le secrétaire trésorier y avait vu avant d'être remplacé par son successeur. Moi, quelques semaines plus tard, j'étais appelée en renfort pour travailler aux communications du Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue où j'avais tout à prouver, avec l'énergie de désespoir.

Dix ans plus tard...

... Ma Bulldozer n'a pas de coeur, elle veut me saluer et me parler comme si de rien n'était parce qu'en ce moment, n'étant pas sur son territoire, elle serait prête à s'abaisser à mon niveau, s'entretenir joyeusement avec quelqu'un de « sans talent, sans aucun charisme... » Mais pas moi. Le mieux que je peux faire, c'est de l'ignorer. Elle m'avait blessée profondément, c'était il y a longtemps, je me suis refaite une santé psychologique dans mon travail depuis, tout va bien.

Je passe à côté d'elle en jasant avec quelqu'un de vraiment intéressant à écouter, je sens qu'elle me suit de près, je reprends mon allure de « méchant pétard » avec mes belles fringues et mes petits cheveux full plein de charisme (!) et nous entrons dans la Maison des invités où je suis accueillie par la directrice des communications, tellllllement contente de me revoir, elle me traite comme une collègue en quelque sorte, d'autres viennent me saluer, me faire un bisou, je vais rejoindre Dominic, les deux gars de la direction photo et j'oublie complètement ma Bulldozer, charmée par ces chaleureuses retrouvailles...

Après les petites bouchées, nous sommes dirigés vers le grand salon où aura lieu la projection, on a prévu où j'allais m'asseoir, avec les trois autres artisans de l'équipe du film, les vedettes du jour. On nous présente à tour de rôle, dans mon cas, on parle de la scénarisation, de la vulgarisation de l'information, ce qu'a été mon travail et ma participation. On présente Dominic très chaleureusement, on l'invite à prendre la parole, il raconte en quelques minutes sa motivation et sa démarche, il a tant de charme, « de charisme et de talent... » qu'il ne prend pas de crédit pour son magnifique travail de réalisation mais il met l'accent avec ferveur sur le travail de ses collaborateurs, qu'il présente avec enthousiasme, dont moi, on dirait qu'il veut passer un message à ma Bulldozer, c'est pas mêlant! Pourtant, il ne sait rien de tout ça...

Et puis le film. Comme on l'avait rêvé. Avec ses images, son montage, sa facture originale, sa réalisation soignée, « notre gros corpo » va rayonner de par le monde, en français, en anglais, en espagnol. La narratrice a le ton juste, un débit parfait, une voix enveloppante, une diction très radio-canadienne. Mes mots, je les reconnais, ils prennent vie en images devant moi et la narratrice nous raconte une belle histoire que j'assume totalement. Je suis fière de sa réalisation. C'est toujours sa signature, à nulle autre pareille. Mais en même temps, puisque j'ai fait partie du projet au début, et qu'on m'accorde du crédit et une reconnaissance pour ça après deux ans, chaque petit bout du scénario que j'ai écrit vient au monde devant moi, comme un cadeau bien emballé que je découvre sur cet écran. Et Dominic en a dit tellement de bien de ma partie du travail, c'était presque trop, il me semblait. Ma Bulldozer était là, aux premières loges, elle a entendu ça, c'est certain, et moi, je n'avais pas de temps à perdre avec elle. Je ne lui en voulais même plus. J'étais trop occupée à être fière. La vie, aujourd'hui, m'a permis de raccomoder mon petit coeur déchiré professionnellement depuis tout ce temps. Je suis guérie. J'ai fermé la parenthèse.

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Je réouvre une mini parenthèse pour partager le lien à suivre pour lire l'article de La Frontière (notre hebdo régional) qui rend compte de l'événement du point de vue médiatique. Pas mal plus court que mon billet!!!

Merci à Henri, ex-collègue de l'an 2000 (c'était lui, le temporaire qui terminait son contrat) et grand ami depuis ce temps, pour le lien vers l'article. Et surtout pour l'amitié fidèle...

dimanche 6 juin 2010

Jamais plus de billet temporaire




Photo 1 : Bon, tout n'est pas au point encore. En apprenant à aimer les fleurs et les respirer, tout de suite après, il faut apprendre à ne pas les arracher...

Photo 2 : C'est ça, Félixe, doucement doucement avec les fleurs, c'est comme dans les visages, tu sais, quand on chante ensemble et qu'on caresse nos visages?

Photo 3 : Écrire, c'est le bonheur. À tout âge... C'est Papi l'autre jour, qui avait écrit et dessiné à la craie, à l'intérieur de la porte de la petite maisonnette. Depuis ce temps, Félixe veut toujours y aller, elle sait très bien où sont les craies. Elle adore écrire et dessiner! On aurait dû ben dû donc dû lui apprendre qu'on n'a pas nécessairement toujours le droit d'écrire dans les portes...

Jamais plus de billet temporaire

Pour ceux et celles qui étaient venus ici en fin de semaine, j'avais écrit un billet temporaire, parce que j'avais plein de photos de notre Fête des voisins de vendredi soir et j'étais mal à l'aise avec ça, parce que je n'avais pas l'autorisation de personne pour publier ces photos. Je n'oublie pas, n'ayez crainte, que les blogues sont aussi des espaces publics.

Donc, vous êtes venus commenter, on a eu du plaisir, on a rigolé, échangé, on a été libres et délinquants juste un petit peu, on ne s'est pas pris au sérieux et c'était formidable... parce que temporaire, justement. Alors, cet avant-midi, j'ai fait comme j'avais promis, j'ai supprimé le billet au complet comme je m'étais engagée à le faire. Savez-vous ce qui m'a fait de la peine? De perdre vos commentaires.

Aujourd'hui, je passe du bon temps avec Félixe pendant que ses parents travaillent. Tout à l'heure, ils viendront tous souper avec nous deux. Papi Dundee reviendra de Rapide Deux et sûrement qu'on ira faire un petit tour de bateau. C'est fou, ce qu'on a en commun, elle et moi, on s'émeut des mêmes choses, les bateaux qui passent, les fleurs colorées, les oiseaux et les papillons, sans oublier Lady, la grosse Labrador d'en face qui fait toujours dodo. Pendant que Félixe fait un petit roupillon (c'est qu'on a beaucoup joué) j'ai eu envie de partager ce bonheur, pour me faire pardonner non pas d'avoir écrit un billet temporaire samedi midi mais d'avoir supprimé 24 heures plus tard ce billet et vos commentaires qui allaient avec.

Là, c'est un billet permanent. Une façon de parler, bien sûr, il n'y a rien de plus éphémère qu'un billet sur un blogue, ça se conserve moins longtemps que du poisson frais. Mais c'est que la petite, elle s'en fout royalement que je publie des photos d'elle sur mon blogue!