vendredi 28 septembre 2007

Plaidoyer pour mes amis autochtones



La première photo illustre un moment heureux au lac Clérion où notre ami Lylas, un fier Algonquin, construisait sa maison de bois où il vit en ermite avec Evelyn. Pour connaître un peu mieux Lylas, je vous invite à lire mon billet du 25 janvier dernier, « Lylas, mon frère autochtone ». On le voit ici à côté de Crocodile Dundee, ensuite, il y a Richard, un ami commun, tout ce qu'il y a de plus blanc et au bout complètement, Inimiki, métis, Algonquin par son père, sa mère, Evelyn, ayant grandi au sein d'une famille bourgeoise à Winnipeg.

Ma deuxième photo a été prise il y a plus de 20 ans au Vieux Fort à Ville-Marie, au Témiscamingue, tout près de la Forêt enchantée. Je me souviens de ma révolte au moment où j'ai aperçu cette plaque qui n'est probablement plus là d'ailleurs ou alors, elle a été corrigée pour ajouter un fait important qu'on a trop souvent négligé : Les Autochtones étaient là bien avant nous et nous n'avons pas découvert ces terres mais nous nous les sommes appropriées sans tenir compte de la présence autochtone.

Cette fois, je sais que je ne pourrai publier un billet qui sera court. Je m'en excuse à l'avance. À ma défense, je vous dirai qu'il y a deux ou trois choses qui me révoltent dans la vie : L'injustice, le manque d'écoute et le mensonge. Je lutte contre ça à ma manière, avec mes convictions et mes passions pour tout bagage, avec mes mots comme seules armes. Je suis pourrie dans les conflits et la controverse, je ferais 5 milles sur les genoux à reculon pour les éviter, c'est dans ma nature.

À ce propos, je veux vous raconter une légende autochtone qui est devenue ma philosophie de vie. Un jour, un jeune Autochtone voyant que sa vie était tout à l'envers décide d'aller en parler avec un sage du village, un vieil Amérindien qui connaissait les hommes mais qui aimait mieux les arbres. Il lui dit : « Il y a en dedans de moi deux loups qui se battent constamment, je n'en peux plus. Il y a en a un qui est doux, accueillant, qui respecte mes frères et la nature mais il y a l'autre, plein de haine, de révolte et de ressentiment. Dis-moi lequel des deux va continuer à vivre » et le vieil Amérindien lui a répondu après un long moment de réflexion : « Celui que tu vas nourrir ».

Alors, je ne veux entretenir aucune haine, révolte ou ressentiment, je ne crois pas que je puisse changer les choses de cette manière. Il y a longtemps que j'ai tué ce loup en dedans de moi, que j'ai laissé vivre l'autre.

Oui, je sais, les Autochtones n'ont pas bonne presse. D'ailleurs, on ne devrait jamais dire les Autochtones puisque leur situation est tellement différente, qu'on parle des Cris, des Algonquins, des Hurons Wendat, des Innus, des Mohawks, etc. Mais ils ont quelque chose en commun, ils connaissent des problèmes de santé et sociaux incroyables. Je refuse pourtant de les voir comme des victimes, je les respecte trop, je tenterai plutôt de vous raconter ce que quelques-uns d'entre eux m'ont apporté de merveilleux, de vrai et de différent.

Dorothée, métisse, moitié Acadienne, moitié Huron Wendat

Je l'ai connue à cause de notre moitié Acadienne mais c'est sa moitié Huron Wendat qui me fascine toujours. Dorothée est écrivaine, mais pour gagner sa vie, elle a été infirmière sur les réserves de Lac Simon et Kitcisakik, auprès des Algonquins. Une Mère Térésa pour eux, elle les aimait profondément et leur était dévouée. Aujourd'hui retraitée, elle vit à Kuujjuaraapik, sur le bord de la baie d'Hudson, là où trois peuples cohabitent à peu près en paix : les Cris, les Inuits et les blancs.

Un jour, dans une des rencontres du Regroupement des écrivains et auteurs de l'Abitibi-Témiscamingue, Dorothée nous a proposé d'animer la rencontre, ce qui ne lui ressemblait pas. Nous avons acquiescé à sa demande avec étonnement et grand plaisir. Elle a sorti de son livre une longue plume blanche, elle a demandé le silence puis nous a expliqué que pour une meilleure écoute et un plus grand respect, seule la personne qui avait la plume en main pouvait parler, sans être interrompue, et qu'il fallait qu'il y ait des silences entre chaque intervention pour permettre à la plume de voyager d'une personne à l'autre. Vous dire tout le non verbal qu'il nous a fallu décoder avec beaucoup de respect pour chacun et chacune... mais je ne pourrais vous décrire l'ambiance merveilleuse qu'il y a eu ce soir-là dans la salle du fond d'un restaurant de Val-d'Or.

Mélissa Pash, métisse, moitié Crie, moitié Québécoise

C'est de cette manière que Mélissa Pash se présentait sur la scène du Théâtre du Cuivre, jeudi de la semaine dernière, lors d'un spectacle où elle nous donnait tout ce qu'elle est, tout ce qu'elle a comme trésors. J'avais hâte d'aller voir ce show qui rassemblait sur la même scène trois de nos auteurs compositeurs interpètes de la région : Robert Gagnon, un vieux chum avec qui j'ai déjà fait de la musique et que je présentais toujours fièrement lors des Cafés littéraires, Stéphane Gosselin, que je connaissais à cause de son premier album mais qui m'a littéralement impressionnée quand je l'ai vu sur scène et puis, il y avait elle, Mélissa...

J'ai été ébranlée, littéralement bouleversée, le mot n'est pas trop fort, par Mélissa, si douce, si fragile et si forte. Son chant vient de loin, de milliers d'années d'occupation du territoire, de la nature, de la simplicité, de la vérité de son âme pure. Ses mélodies qui raisonnent dans nos battements de coeur, son petit tambour traditionnel qu'elle cajole presque et sa voix, puissante, qui retentit comme un cri, un appel à l'amitié, à la solidarité entre nos peuples. Et belle, tellement belle... Avec ses mains, quand elle chante, on dirait qu'elle nous dessine des paysages!

Une pacifique, une amoureuse de tout, un soleil du Nord, une aurore boréale. Elle nous tend la main et nous offre tout ce qu'elle possède, sa culture, sa voix, sa musique et son univers. J'avais acheté son album avant le show, c'était le seul que je n'avais pas encore et depuis une semaine, je l'écoute et n'en finis plus de m'émerveiller. Certains de ses titres sont assez évocateurs : The Worst Beautiful Thing, My Salvation, United, Echo of the Land, etc. Dans Nmywaytaan, elle chante « River's in my view, I'll build my own bridge, Call it after me and follow in my trail », ce qui m'a rentré dedans, moi qui dis toujours que j'aime mieux construire des ponts qu'ériger des barrières. Melissa est en nomination aux Canadian Aboriginal Music Awards et je souhaite qu'elle gagne, juste pour qu'elle puisse pendant 45 secondes apparaître sur la scène de Toronto et livrer son message.

Mon ami, mon frère, Lylas, Algonquin

Avant que cette photo ne soit prise, comme Lylas vit en forêt, là où il construisait sa maison, il nous fallait prendre rendez-vous pour aller jusque là au moment précis où il avait prévu avoir besoin d'aide. Ce n'est pas évident de s'y rendre, c'est très loin en forêt et pour ne rien arranger, il est de l'autre côté d'un lac qu'il faut traverser, au bout d'une dizaine de kilomètres de route impraticable où l'on ne peut apporter de canot. Disons qu'il est plus facile de le visiter l'hiver, en motoneige. En d'autres saisons, il doit venir nous chercher à l'heure dite et au jour dit. Crocodile Dundee lui avait demandé de préciser une date, une heure et qu'on serait là, sur le rivage, avec tout ce qu'il faut d'outils et de bras.

Alors, Lylas lui a dit : « Mon frère, tu es Autochtone plus que moi, tu vas comprendre... À 10 heures pile, un samedi, quand les feuilles des bouleaux seront de la même grosseur que les oreilles des castors » et Crocodile Dundee a compris tout à fait, Lylas ne pouvait être plus précis que ça et ce matin-là, sur le bord du rivage, il y avait Richard, Crocodile Dundee et moi, Lylas est arrivé dans son vieux bateau tout rafistolé avec son grand sourire, pendant qu'Evelyn nous préparait du thé.

Lylas est un sage, voilà pourquoi il vit en forêt. Il ne manque de rien. Il a tout. Comme tous les Algonquins, il ne reçoit aucune somme d'aucun gouvernement, aucune aide. On l'a dépossédé de tout, même de son enfance, on l'a envoyé dans un pensionnat, on a voulu le dénaturer mais on n'y est pas arrivé. Pourtant, lui, il donne tout ce qu'il a. Encore dernièrement, il est venu chez nous me remettre la clé de sa maison du lac Clérion. Je lui ai dit que je n'avais nul besoin de cette clé, que je n'irais jamais là en son absence. Il y tenait pourtant. Il m'a dit : « Gilles, c'est mon frère, toi, t'es ma soeur, ma maison, c'est votre maison... »

Lors du tournage de leur film, Le peuple invisible, Richard Desjardins et Robert Monderie ont passé deux jours au lac Clérion, chez Lylas et Evelyn. Lylas a gardé des liens avec Richard, qui est devenu aussi son frère. Lylas lui a chanté quelques chansons dans sa langue d'origine, le soir, sur sa galerie, après que les caméras aient été bien rangées. Lylas n'en a rien à foutre que Desjardins soit Desjardins, il voulait partager sa musique avec lui, ce à quoi Richard a répondu en lui chantant des siennes. De beaux instants qu'on ne verra pas lors de la projection du film sur nos écrans mais qui construisent des ponts. En douce.

Le peuple invisible, film documentaire de Desjardins/Monderie, sera la primeur de cette année à la soirée d'ouverture du Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue. Ce film dira la vérité et dénoncera la situation vécue par les Algonquins, cette nation de chez nous, celle qu'on dit la plus proche de la nature, celle qui vit des injustices innommables mais celle qui nous tend la main. Bien sûr que je verrai le film, non pas lors de la soirée d'ouverture où il y aura tout le gratin des médias et les VIP hypocrites de l'establishment social et politique. Desjardins a exigé d'obtenir une foule de billets lors de la première projection, il les a donnés à tous ses amis Algonquins, dont Lylas et Evelyn. Je suis fière de lui, quand bien même ce serait juste pour ça.

À un journaliste qui lui demandait si son film allait avoir autant d'impact que L'erreur boréale qui a tout changé de notre rapport avec la forêt, voici ce qu'a répondu Desjardins : « Non, pantoute. Dans les forêts, il y a de l'argent, beaucoup d'argent mais un Autochtone, ça vaut rien! », ce qui donne le ton à ce qu'on verra dans ce documentaire attendu depuis de nombreuses années. Il y en a, comme Desjardins, qui peuvent changer le monde, sensibiliser, toucher, dénoncer, faire bouger les choses, à leur manière. Je les admire.

Pour ma part, je ne suis pas capable de faire cohabiter deux loups en moi, j'ai dû choisir le doux et le nourrir du mieux que je peux mais je voudrais que vous preniez conscience que ce qu'on entend, ce qu'on voit, ce que les médias nous présentent des Premières Nations, c'est souvent le plus spectaculaire, le plus négatif, le plus médiatiquement vendeur, le plus hypocrite et réducteur, le plus loin de la réalité. Comme Mélissa Pash, je crois que si on n'est pas à l'aise dans la revendication, alors, il faut aimer, donner, dire qui on est et chanter tout ce qu'on a dans le ventre.

Ce billet, je le porte en moi depuis trop longtemps. J'ignore pourquoi il a été si difficile à écrire, je n'ai pas une seule petite goutte de sang autochtone dans mes veines, j'aurais été fière d'en avoir pourtant. Et au moment d'y mettre le point final, comme si je venais de mettre au monde une « lettre délivrée », j'ai très envie de pleurer...

mardi 25 septembre 2007

Quand c'est le coeur qui mène

J'ai pris cette photo en fin de semaine, environ à deux kilomètres de notre camp, dans le sentier qui mène à la tourbière où j'ai pu cueillir quelques atocas, juste assez pour m'empêcher de conclure que ma saison des petits fruits n'aura pas tout à fait été bredouille... Il faisait chaud, le vent était bon, ça sentait l'automne et au retour, avec mes bottes qui calaient dans le moelleux tapis vert jusqu'aux genoux, j'ai aperçu ce curieux champignon en forme de coeur juste avant d'y mettre le pied et je me disais qu'un jour, il faudrait bien que je l'écrive ce billet que je porte en moi depuis un an au moins et qui a été le moteur de mon plongeon comme blogueuse.

Parce qu'il faut que je vous dise que quelques temps avant de plonger à mon tour, je lisais déjà un ami blogueur ainsi que plusieurs des blogues qu'il recommandait. Et puis, sur la pointe des pieds, j'ai commencé à laisser des commentaires, à échanger avec des gens auxquels je me suis attachée. Beaucoup. Énormément. Trop peut-être. Juste parce qu'ils écrivent et qu'on est si près des gens quand on leur écrit et qu'on les lit.

Dans notre petit monde qui n'a pas de frontière, la blogosphère, il y a des gens de partout mais il y a surtout des idées, des réflexions, des questions, des préoccupations, des expériences et des points de vue à partager. Et puis, il y a du respect, de l'admiration, une solidarité, de l'amitié, de la complicité, j'y vois même parfois de grands élans de tendresse et de l'humour, un désir commun de vivre dans un monde meilleur. Ça crée des méchants liens, ça!

En ce moment, j'ignore pourquoi et comment, certains de mes amis quittent la blogosphère, d'autres réfléchissent à leur motivation à écrire et je respecte ça, si vous saviez jusqu'à quel point je les comprends et je ne voudrais pas le moins du monde les influencer dans leur décision. Mais comme je n'ai absolument aucune pudeur (virtuelle), je ne vous cacherai pas que j'ai de la peine.

Je sais que ceux qui partent ne reviendront plus, ils me manquent déjà et j'ai le sentiment de perdre ces amis, ceux que je ne connais pas et que, pourtant, je connais tellement. Pour ceux qui réfléchissent encore, ils croient qu'ils n'ont plus rien à dire alors qu'ils savent m'enchanter rien qu'avec deux petites phrases, un petit bout d'eux-même, juste assez pour me permettre de leur envoyer la main, une fois de temps en temps, leur dire qu'on est toujours là, à l'écoute. Mais en vous disant cela, j'ai l'impression de leur faire du gros chantage émotif, je suis gauche, pourtant pas du tout mal intentionnée.

Auprès des étudiants du Cégep de chez nous, en informatique et bureautique, on m'a déjà demandé de prononcer une conférence sur « Les relations humaines dans le monde virtuel » et à cette époque, j'avais surtout vécu l'expérience des forums de discussion que j'animais, avec d'autres, sur la Place Publique de Sympatico. A la fin de la conférence, je démontrais que ces amitiés sont bien réelles, elles en ont toutes les caractéristiques, je vous assure, je racontais comment. Aujourd'hui, avec ma petite expérience des blogues, j'en arriverais encore bien plus convaincue à ces mêmes conclusions.

Finalement, je n'aborderai pas aujourd'hui ce sujet qui me tient tant à coeur parce que celui que je viens de vous écrire a pris le dessus. C'est comme ça, parfois, dans la vie de blogueur et de blogueuse. On s'installe au clavier, on a mille choses à raconter mais seulement 30 minutes devant soi, on se dit « mais ça ne va intéresser personne? », « pourquoi on me lirait? » et puis encore « Faut pas que je les écoeure, je vais faire ça court et puis, ils aiment les photos, en général » et on fait un autre petit bout, on appuie sur « publier le message » et advienne que pourra.

Alors, il se produit quelque chose de fabuleux, on a un commentaire, puis deux, parfois plus si on est chanceux et là, on sait pourquoi on écrit et qu'on publie sur un blogue : pour communiquer, connaître des gens extraordinaires qu'on ne croiserait pas autrement sur notre route...

mercredi 19 septembre 2007

Nounours en détresse


Hier soir, 20 heures 30, dans notre cour, près du garage. Je vous le concède, ma photo n'est pas très claire mais vous pouvez cliquer dessus pour l'agrandir et voir de plus près le nounours apeuré qui s'était réfugié dans les bouleaux. Remerciement à André Bérard, un ami blogueur (Blogue-notes) qui m'a offert si gentiment de retoucher ma photo et la rendre ainsi beaucoup plus... lumineuse!

N'allez pas croire qu'on vit parmi les ours et les orignaux, même si on est en Abitibi-Témiscamingue! Cette année 2007 passera à l'histoire à cause d'un gel survenu sournoisement à la fin du mois de juin et il n'y a pas eu de petits fruits sauvages à cueillir, comme les fraises, framboises, gadelles, poires sauvages (les fruits de l'amélanchier) et surtout, les bleuets. Je me suis déjà désolée de ça dans un billet précédent et j'ajoutais que les ours allaient en être les principales victimes, bien plus que moi...

Le phénomène a semblé être plus marqué à Rouyn-Noranda. À la fin du mois dernier, il y avait eu au moins 150 signalements d'ours dans la ville et au lac Dufault, où j'habite, nous avons eu plus que notre part, à tel point qu'on ne le signalait même plus aux agents de la faune quand on en voyait. On faisait tout ce qu'il faut pour ne pas les attirer, rester prudent et tout mais « ousqu'y a de l'homme, y a de l'hommerie » et des personnes mal renseignées ou apeurées pour rien ont agi à l'encontre du bon sens et contre nature. J'y reviendrai.

Il m'est arrivé, lors de ma marche de 5 km avec ma voisine Lise, qu'on tombe un soir sur un gros ours qui traversait l'avenue des Iles juste devant nous et ne semblait pas du tout nerveux de notre présence, continuant son chemin sans même se retourner. Le sachant dans le petit boisé, je vous assure qu'on marchait les fesses serrées et qu'on parlait fort jusqu'à ce qu'on soit rendues au chemin des Castors!

Un autre soir, lors de notre marche quotidienne, on rencontre un cycliste, avec son enfant dans un siège, un touriste vraisemblablement, qui me dit, les yeux exorbités, incrédule : « Can you believe it, I just saw a BEAR? » et il nous montre le petit boisé qu'il vient de franchir, je lui explique qu'ici, c'est plutôt courant ces temps-ci mais il ne m'écoute pas vraiment, trop pressé de s'en retourner d'où il vient et le monsieur, il avait l'air en grande forme, en tout cas, il pédalait très vite!

Samedi matin encore, un ours passait dans ma cour, puis dans celle de mon voisin, qui a des arbres fruitiers, et puisqu'il n'avait pas vu l'affiche « cul-de-sac », (c'est une presqu'île) il s'en revenait quelques minutes plus tard en marchant tranquillement sur l'asphalte. Décidément, les ours n'avaient plus peur de personne et leur instinct de survie les entraînait à ne plus faire preuve d'aucune méfiance. Comme on dit, « chien affamé n'a plus de loi ». C'est ainsi qu'en juillet dernier, quelqu'un du village a abattu une grosse mère ours, laissant orphelins ses trois petits qui, depuis ce temps, rôdent toujours dans notre secteur.

Ici, on connaît bien les 3 petits nounours et on ne reste plus surpris de les voir dans nos cours, nos jardins et les boisés des alentours. Mais hier soir...

Crocodile Dundee était dans le garage comme d'habitude, avec la porte ouverte, les voisins viennent souvent jaser, emprunter un outil, demander un conseil de construction, fumer leur cigare, etc. À un moment donné, il entend quelque chose, il regarde en direction de la porte, il voit un des nounours qui a l'air complètement perdu. Il lui dit : « Qu'est-ce que tu fais là, toi? » et en sortant, il aperçoit le deuxième petit ours dans la cour du voisin. Il cherche le troisième mais ne le voit pas, il doit s'être déjà sauvé. Alors, il parle au plus curieux bien doucement mais le nounours prend peur et grimpe dans les bouleaux où vous le voyez sur ma photo. Et là, il pleure à fendre l'âme comme un bébé.

Crocodile Dundee a beau lui parler d'une voix rassurante, le petit nounours est en panique. Rapidement, les voisins accourent, admirent la scène, le deuxième ours se sauve mais celui qui est dans les bouleaux s'angoisse de plus en plus et pleure de plus en plus fort. Je vous le dis, mon coeur de Maman n'en pouvait plus de l'entendre et je n'étais pas la seule. On voulait se tasser, lui laisser le passage libre pour qu'il puisse s'enfuir, retrouver un petit coin boisé, ses p'tits frères, quelque chose...

Richard, un voisin et ami, avait sur lui son cellulaire, il a donc appelé les agents de la faune, pris ailleurs, dans un autre secteur où les ours se faisaient plus menaçants. Les agents nous demandaient si c'était possible pour nous de le tenir à l'oeil pendant la prochaine heure, le temps qu'ils arrivent jusqu'ici pour lui injecter de quoi l'endormir, le capturer et le déménager ensuite au nord de La Sarre comme ils l'ont fait si souvent cet été, la fin de semaine dernière encore, près de chez nous.

Mais au bout de deux ou trois minutes, on ne pouvait plus endurer la détresse du petit nounours et on a fait comme on devait, on s'est tous tassés dans la rue pour lui dégager un grand passage et il s'est enfui à la course sous nos regards soulagés. Ces trois nounours qui n'ont plus de maman essaient de survivre à cette famine qui les touche si dramatiquement. J'ose espérer que les agents de la faune pourront les récupérer pour les amener loin en forêt ou encore au Refuge Pageau à Amos, (voir le site www.ilparleaveclesloups.com) là où on les soigne le temps qu'il faut pour les retourner dans la nature quand ils sont assez forts.

Parce que la nature et la civilisation ne font pas toujours bon ménage et qu'à la fin, c'est souvent la civilisation qui gagne...

Attention, bonne nouvelle de dernière heure : J'écrivais ce billet vers 8 heures ce matin et voici le dénouement de l'histoire, telle que ça s'est produit autour de 11 heures, alors que j'étais à un visionnement de presse en ville, et comme vient de me le rapporter une voisine, il est 14 h 30.

Vers 11 heures, deux nounours se trouvaient dans la cour chez Suzanne, ma voisine d'en face, qui a reconnu nos nounours d'hier soir. Vile fait, avec la complicité de son voisin, Monsieur L., ils ont fait tout ce qu'il fallait. Monsieur L. a appelé les agents de la faune qui connaissent bien notre secteur et pour ne pas énerver les petits ours, Suzanne a fait entrer Lady, son gros Labrador, dans la maison, elle a donné à manger aux deux nounours pour les garder bien à l'oeil, le temps que les agents de la faune arrivent. Et les nounours ne demandaient pas mieux que de s'empiffrer de tout ce qu'elle leur lançait comme nourriture.

À leur arrivée, les agents de la faune n'ont pas eu de difficulté à tirer leurs fléchettes sur les deux petits ours, les capturer et, mon souhait s'est réalisé, ils les envoient tous les deux au Refuge Pageau à Amos où ils seront au meilleur endroit possible pour eux. Ils y passeront l'hiver, seront nourris, protégés et on fera bien attention à ne pas les habituer à l'homme, on pense beaucoup à leur avenir au Refuge Pageau. Au printemps prochain, quand ils seront assez forts, on les relâchera dans la nature, leur vraie maison. Il nous manque un des nounours, on ne le voit plus, on croit qu'il serait peut-être mort mais deux sur trois auront une belle fin à leur histoire, grâce à Suzanne, à Monsieur L. et aux agents de conservation de la faune.

La prochaine fois que je boulange, je leur amène chacun un bon pain chaud. Quant aux agents de la faune, ils ont fait leur travail de tous les jours et je ressens une grande reconnaissance à leur égard, même que je viens de penser que mon voisin Alain, biologiste, travaille au même ministère qu'eux et qu'il pourrait leur faire part de notre message. Ouais, je vais en parler à Alain, dès ce soir!

jeudi 13 septembre 2007

Mille façons de dire nos amours


Photos que j'ai prises le 2 septembre dernier à notre camp de Rapide Deux, ça ne vous étonnera sans doute pas. Sur la première, je vous présente « mon macho », celui qui essaie de m'impressionner depuis quelques années, surtout au printemps et à l'automne. C'est un tétras des savanes, qu'on appelle communément ici « perdrix » et sur la deuxième photo, on voit très bien que ce n'est pas moi qu'il cherche à conquérir mais une superbe poulette qui, elle, a l'air complètement sous le charme malgré son petit air indépendant. On dirait même qu'il lui a déposé des fleurs mauves à ses pieds!

Non mais, avouez qu'il a du charme quand même, mon macho. Il affiche une certaine confiance en lui avec son superbe plumage, sa tache rouge flamboyante, une belle prestance, de quoi séduire toutes les poulettes des alentours, ce dont il ne se prive pas. N'allez pas le répéter à cette beauté fatale qui a reçu des fleurs mauves mais son beau mâle n'est pas du genre fidèle, je peux en témoigner personnellement même si ce don juan ne pourra jamais se vanter d'avoir eu Zoreilles parmi ses conquêtes.

Ce qui m'amène à vous parler d'amour ou plutôt de la façon qu'on a de nommer nos amours.

À l'époque de mes parents, on parlait de nos conjoints en les appelant « ma femme », « mon mari », ça avait une certaine signification de long terme, d'engagement personnel et social. Il y avait un seul modèle, c'était celui-là. D'ailleurs, c'était tellement officiel comme appellation que quand Papa doutait de la réaction de Maman à quelque chose, il prenait un petit air spécial avec un sourire entendu pour dire « je vais en parler à « mon épouse » en voulant dire que c'était loin d'être gagné d'avance. Ici, le mot épouse avait une connotation de présidente de conseil d'administration, un sens officiel immense et trrrrrrrès important.

Avec Crocodile Dundee, nous sommes mariés depuis 29 ans. Il ne m'a jamais appelée sa femme et je ne serai jamais capable de l'imaginer comme mon mari. Un gars d'action, avec une gueule à faire du cinéma, pas le genre à être le mari de personne. Il est bien trop jeune et moi aussi, ce n'est pas comme ça que nous envisageons notre histoire, toujours libres que nous sommes de se rechoisir chaque matin qu'on se réveille l'un à côté de l'autre. Jusqu'à maintenant, c'est oui mais il y a eu quelques périodes de juste peut-être, n'allez pas vous imaginer que notre vie a été un long fleuve tranquille, admettons qu'il y a eu des bouts qui ressemblaient à une expédition de canot sur la rivière Rupert!

Donc, je suis sa blonde et il est mon chum. Nous ne sommes pas différents des couples qui vivent en union de fait. J'ai entendu souvent chez les filles les expressions « mon chum, mon homme, mon amant, mon conjoint, mon amoureux, l'homme de ma vie » et quelques autres du même genre. Chez les hommes, on entend parler de « ma blonde, mon amoureuse, ma conjointe, la femme de ma vie, ma douce, ma belle » et autres titres de noblesse amoureux. Chez les couples gais, je crois qu'on peut parler des mêmes expressions, en tout cas, j'ai entendu ces mêmes appellations chez ceux et celles que je connais et qui vivent ensemble.

Au chapitre des noms moins gentils, je n'en retiens qu'un seul, c'est un gars qui se trouvait drôle et qui appelait sa conjointe « mon break à bras » laissant sous-entendre qu'elle avait pas mal de contrôle sur sa vie à lui! Ça, c'est pas fin...

Mais le titre amoureux qui m'a fait littéralement craquer un jour et m'a fait voir mon p'tit frère comme un homme, c'est quand il nous a présenté Guylaine, celle qu'il avait rencontrée lors d'un voyage au sud des États-Unis. Ils ne se sont plus quittés depuis. Au début, il ne savait pas trop quel titre lui donner, cette relation amoureuse n'en était qu'à ses premiers balbutiements, alors, il nous a dit : « Je vous présente Guylaine » puis, il a eu une petite hésitation avant de poursuivre... « Guylaine, c'est... mon plus beau souvenir de voyage! » et on avait compris à ce moment-là à son expression qu'en plus de partager avec elle la passion des voyages, il vivait aussi un amour naissant. Mon frère et « son plus beau souvenir de voyage » partagent toujours des projets et des rêves, un quotidien fait de toutes petites choses et... deux merveilleux enfants qui portent en eux un héritage fabuleux : le goût de vivre, de l'amour, du bonheur, des voyages et des découvertes.

jeudi 6 septembre 2007

Les plaisirs démodés



Ces deux photos ont été prises lundi dernier sur l'heure du souper, alors que je sortais du four ma première boulange de l'automne. Isa et son amoureux arrivaient à la maison et il paraît qu'ils ont senti l'arôme du bon pain en débarquant de la voiture. J'ai pris la deuxième photo mais la première est l'oeuvre de l'amoureux qui m'a emprunté ma caméra pour faire « une expérience », en m'avouant qu'il se sentait très inspiré par l'odeur. Disons qu'en plus d'avoir le pif, il a l'oeil, c'est un cinéaste!

Je suis parfois d'une autre époque, vous l'aurez deviné. Passéiste un peu, je dois l'admettre, surtout que ces photos pourraient avoir été prises il y a 50 ans : Un poêle à bois (un Lislet 1937) trône dans ma cuisine, et pour tout vous dire, la table et les chaises en bois sont les mêmes qu'on a fabriqués, Crocodile Dundee et moi, en se chantant la pomme, pendant l'hiver 1977. J'avais appris dans les vieux livres comment tisser du foin de mer pour les assises, parce qu'on se disait en rêvant qu'on fabriquait un mobilier qui allait durer éternellement. En effet, le bois, comme le foin de mer, est à peu près inusable, à tout le moins, ça vaut la peine de l'entretenir ou de le réparer. Une sorte d'allégorie?

Notre poêle à bois, on s'en sert beaucoup pendant l'automne, l'hiver, le printemps mais ce n'est pas dans ce four-là qu'a cuit mon pain de lundi dernier. Il s'agit plutôt d'un chauffage d'appoint, confortable, parce que notre cuisine est très grande et même si elle donne au sud, elle comporte d'immenses fenêtres, alors, durant l'hiver, quand la nuit tombe, toujours toujours trop tôt, on fait « une bonne attisée » et là, on peut vivre certains plaisirs démodés : un poulet qui cuit dans le four du poêle à bois, dans mon gros chaudron de sorcière, c'est... divin, veiller avec les pieds sur la bavette du poêle, en surveillant notre « toast » de pain de ménage ou en se faisant des « tailles », petites tranches de pommes de terre minces qu'on place directement sur la fonte du dessus, qu'on laisse griller à notre goût des deux bords et qu'on déguste avec un peu sel...

Et là, j'arrive au pain. Quel plaisir d'en faire et d'en offrir. Quand l'automne arrive, je retrouve ces bonheurs-là dont je me prive aux beaux jours de l'été. Je procède vraiment à l'ancienne, comme nos grands-mères, c'est plus long peut-être mais comme dit Maman, « le temps ne nous pardonne pas ce qu'on fait sans lui » sans compter que la maison s'emplit d'odeurs subtiles et délicates pendant toute la journée.

Je fais mon pain blanc avec du lait écrémé, j'aime que la mie soit moelleuse et la croûte bien craquante. Au temps des fêtes, j'en fais des couronnes de pain tressé, bien dorées, que j'emballe avec des beaux fromages au milieu, des rubans colorés, ce sont mes cadeaux de Noël pour les voisins et amis ou ma contribution lors de nos soupers de Gaulois. Mais pour tous les jours, je boulange plutôt du multigrains, j'ai mon petit mélange bien spécial de farines variées et dans un cas comme dans l'autre, ça donne 5 pains ou l'équivalent. Par exemple, sur la photo, il y a 4 pains ordinaires et une douzaine de petits pains. Quand je fais une couronne de pain tressé, j'y mets la valeur de 3 pains, alors, les gens en ont pour un souper d'une vingtaine de personnes et il leur en reste en masse pour déjeuner le lendemain.

Ouais, je suis vraiment d'une autre époque! Pourtant, je suis moderne pour d'autres choses. Par exemple, j'ai un blogue, ça, c'est moderne, hein? Fiou, une chance que j'ai ça! Et puis, en fin de semaine dernière, j'ai assisté à un show de hip hop. Pas pire, hein? Et ce matin, j'ai rendez-vous avec mon webmestre et ma comptable mais ça se peut que ce soir, je fasse mon ketchup aux fruits, j'ai un panier de tomates qui me fait de l'oeil et les pêches sont en spécial cette semaine...

lundi 3 septembre 2007

Retrouvailles et révélations


Cette photo que j'ai prise hier n'est pas vraiment réussie, la lumière n'abonde pas du tout et on ne peut y reconnaître vraiment les personnes. C'était parfait pour que je puisse l'insérer ici et vous raconter ce qui me trouble encore ce matin...

En fait, la journée d'hier a été riche en événements et en émotions pour moi. Tellement que je ne sais plus trop quelles conclusions en tirer mais ça me chatouille le coeur quand même, d'une drôle de façon et je ne sais pas comment je vais réussir à intégrer tout ça dans les prochains jours. Crocodile Dundee a vécu tout ça au même titre que moi, étant impliqué au même niveau dans les deux événements. Oui, nous aurions pu en discuter ensemble mais nous sommes rentrés trop tard et ce matin, il est déjà au boulot, alors, c'est en votre compagnie que j'essaierai de démêler tout ça en vous le racontant.

Retrouvailles

Ça faisait quelques mois déjà que ces retrouvailles des 50 ans se préparaient pour notre groupe d'une cinquantaine de personnes qui avons fait notre secondaire ensemble, joué dans les mêmes équipes de volleyball, handball, hockey, ou encore, fait partie des Vagabonds, sorte de collectif culturel et créatif en musique, théâtre, spectacles de toutes sortes. Une gang un peu floue : Qui en faisait partie, qui formait le noyau dur, qui était satellite ou membre allié? Difficile à trancher mais il suffisait que trois ou quatre personnes se souviennnent de vous pour que vous soyiez invité. Ainsi, Crocodile Dundee et moi, avons eu la chance d'avoir plusieurs invitations mais pas des mêmes personnes.

Évidemment que j'ai participé à envoyer mes meilleures photos de l'époque pour le montage, à retracer des personnes, donner des renseignements, faire circuler les messages, etc. L'événement des retrouvailles se déroulait pendant deux jours, les 1er et 2 septembre. Nous ne pouvions être aux retrouvailles de samedi mais on nous attendait hier, dimanche, chez l'un de nous qui habite au bord du lac Dufault, de l'autre côté du lac d'où l'on pouvait apercevoir notre maison. Juste avant de partir, Crocodile Dundee n'avait plus le goût d'y aller du tout et moi, je me sentais fébrile et anxieuse, j'avais peur que personne ne me reconnaisse après tout ce temps, parce qu'il faut vous dire que si nous croisons encore quelques-uns de ces amis parfois, pour d'autres, ça faisait un méchant bail que nous ne nous étions pas revus...

En arrivant au lieu des retrouvailles, on aperçoit des véhicules de toutes sortes. Le coeur me débat un peu. Autour d'un Harley Davidson sont rassemblés 7 ou 8 gars, Crocodile Dundee panique, il n'en reconnaît aucun. Il me dit : « Il est encore temps de virer de bord, on s'en va tu? » lorsque je reconnais de loin notre beauf, je m'empresse de rassurer CD, « Heille, c'est Luc, c'est son Harley! » et à ma grande surprise, quand on arrive tout près, tous les gars me reconnaissent et à mesure qu'on se salue et qu'on se fait la bise, je les reconnais tous moi aussi. Sauf un. Et là, je cherche au fond de ma mémoire, ça presse, parce qu'il s'en vient vers moi avec un grand sourire, les bras ouverts, « Heille, les gars, tassez-vous, ça fait 35 ans que je l'ai pas vue, Francine! »

J'ai plein de trucs d'habitude quand ces choses-là m'arrivent mais là, j'étais désarçonnée et tentais que ça ne paraisse pas mais entre vous et moi, je n'avais aucun souvenir de ce Robert pour qui je semblais être une vieille connaissance. Par contre, en jasant avec lui, je me rendais compte que c'était un gars très intéressant, ça devait être pareil à l'époque mais ça ne m'avait pas marquée... Puis, j'ai continué mon périple à travers les gens sur place. On venait à moi, on me faisait des bisous, des câlins, on me disait de belles choses, comme « T'as pas changé une miette », « J'avais tellement hâte de te voir » et autres cadeaux du même genre. Ça fait plaisir, je sentais que c'était sincère mais ça me bouleversait aussi.

J'ai perdu de vue Crocodile Dundee qui faisait la même chose que moi, à son rythme et à son pas. On redevenait des vieux chums, très indépendants l'un de l'autre, deux célibataires... de 50 ans. Les conversations se multipliaient à travers les rires, les éclats de voix, les vieux souvenirs racontés et les mises à jour de nos vies en résumé. Les deux phrases les plus entendues : « Attends, ta face me dit quelque chose » et « Où t'es rendu maintenant? ».

Quelques constats qui m'ont frappée : 1) Tout le monde m'a reconnue et sauf Robert, c'était réciproque. 2) Les couples durent beaucoup plus dans cette gang-là que dans les statistiques, même si hier, nous étions tous redevenus un peu célibataires. 3) À 50 ans, ceux qui étaient pleins de vie à 15-20-25 ans le sont encore, c'en était rassurant. 4) Beaucoup ont quitté la région mais y reviennent toujours avec un bonheur renouvelé une fois l'an, la plupart du temps à la Fête du travail et en quittant l'Abitibi-Témiscamingue, pour le travail ou pour l'amour, on se dirige tout naturellement vers l'Outaouais plus qu'ailleurs. 5) Aussi, plusieurs d'entre nous sont déjà papy ou mamie.

Finalement, j'aurai reçu hier une immense vague d'amour en allant à ces retrouvailles, moi qui avais peur que personne ne me reconnaisse ou se souvienne de moi. Crocodile Dundee a apprécié aussi revoir les vieux amis même s'il a réalisé que plusieurs avaient « pris un coup de vieux » et qu'il connaissait beaucoup plus de gars et très peu de filles, toutes époques confondues!

Révélations

Et comme si ce n'était pas suffisant comme émotions, nous avons dû partir du lieu des retrouvailles, Crocodile Dundee et moi, pour aller à un spectacle dans le cadre du FME, le Festival de musique émergente à Rouyn-Noranda. Isa, notre fille, partageait la scène avec un groupe puisqu'elle avait fait des textes et la voix féminine, tant sur leur album CD, lancé hier soir, que sur scène où ils se produisent de temps en temps.

Nous avons toujours entendu Isa chanter, à la maison comme au cours de nos soirées d'amis, qu'on appelle nos « soupers de Gaulois » parce qu'ils se déroulent toujours dehors avec des grandes tablées. Oui, elle est auteure compositeure interprète à ses heures, elle fait parfois des spectacles improvisés et dans son entourage, on connaît toutes ses chansons. Mais là, elle participait au show de d'autres amis, elle n'allait pas chanter son matériel, elle avait peur de prendre trop de place, étant la seule fille du groupe, elle voulait se la jouer « low profile ».

Mais la salle était bondée, survoltée, conquise, avant même l'arrivée sur scène du groupe. Lorsqu'elle chantait, la foule scandait son prénom, applaudissait, allumait des briquets, les projecteurs l'éclairaient et sa voix retentissait, pure et puissante, je la trouvais... je ne peux pas vous dire... mais là, Crocodile Dundee et moi, on n'était plus deux célibataires, notre coeur battait au même rythme, on était émus et troublés, émerveillés aussi. Elle nous a fait un petit signe, nous sommes les seuls à l'avoir vu mais le courant a passé entre nous trois à cet instant. D'ailleurs, après le show, elle est venue vérifier. Oui, définitivement, il s'est passé quelque chose à cet instant.

Elle enregistre bientôt un CD, un producteur lui court après. Elle a son style, unique, ses chansons, ses mélodies, son petit public fidèle. Elle tient à poursuivre ses études mais des spectacles sont prévus cet automne. Guitare et voix, elle donne tout ce qu'elle a quand elle chante. Elle vient de faire des arrangements musicaux pour inclure le violon de son amoureux à ses chansons, ils se produiront en duo, elle préfère toujours partager la scène... et le trac.

Bien sûr que je l'aime, que je l'encourage et que je suis fière d'elle mais j'ai peur. Elle a un talent fou et des choses à dire, c'est ça qui me fait peur. N'essayez pas de me rassurer, vous ne pourriez rien me dire que je ne me suis pas déjà dit moi-même dans mon coeur de mère. Le mieux que j'ai pu faire jusqu'ici, c'est de ne pas lui dire mes craintes, ne pas lui faire mes mises en garde. Mais le monde artistique est un univers difficile où l'on peut se faire mal, ça lui est déjà arrivé quand elle a publié son livre à l'âge de huit ans, j'en ai parlé dans un billet précédent, en février dernier. Alors, ce matin, j'essaie de mettre de l'ordre dans mes émotions et la seule chose qui me vienne en tête, c'est elle, sur scène, qui rayonne, souriante, si belle, et sa voix si chaude...