vendredi 13 mars 2015

HOMMAGE À ELISE


Ce texte hommage, je le portais en moi depuis des années. Lorsque, le mardi 3 mars dernier, nous avons été convoqués par le médecin de garde et le personnel soignant, nous étions plusieurs membres de la famille présents, à apprendre et consentir en même temps aux soins de confort qui s'imposaient et qui allaient la protéger dorénavant de toutes ces souffrances qu'elle n'avait plus besoin de vivre, même si elle était déjà dans un semi coma. Je n'ai pas dormi cette nuit-là... et quelques autres qui ont suivi... 

L'écrire ensuite pour vrai, au lendemain de son décès, a été facile, en une heure ou deux, c'était réglé, même s'il y avait plein de monde autour, j'étais dans ma bulle. Ma plume plongeait dans l'encrier de mon coeur et courait sur mes feuilles lignées. La famille l'a approuvé sans en changer une virgule. On la reconnaissait comme on l'avait connue et aimée. C'était ça. On m'a demandé si je me sentais capable de le lire devant les gens. J'ai dit oui sans aucune hésitation. J'avais été capable de le faire pour mon père, sans que la voix me casse, sans verser une larme, et même avec un sourire tendre, une sérénité profonde. J'ai même été jusqu'à chanter le petit bout de chanson de Gilles Vigneault pour que tout le monde la reconnaisse. L'amour, ça peut aller jusque là, des fois. 

Il me venait des milliers d'images, le film de sa vie se déroulait dans mon esprit et mon coeur à mesure que je livrais ce texte que je savais presque par coeur tellement je me l'étais approprié, ce qui me donnait la force et l'élan nécessaires pour raconter aux gens présents qui était notre chère Elise. 

Dans le déroulement de la cérémonie des derniers adieux, je savais que tout de suite après l'hommage, Isabelle enchaînait avec sa guitare et sa belle voix, alors que Félixe tenait absolument à accompagner sa maman dans une chorégraphie dansée, improvisée, très douce et très belle... 

Plusieurs m'ont demandé s'ils pouvaient garder ce texte en souvenir. Voilà pourquoi je le publie ici. 

HOMMAGE À ELISE

Gilles Vigneault débutait sa chanson Gens du pays par ce couplet plein de sagesse et de vérité : « Le temps qu’on a pris pour dire je t’aime est le seul qui reste au bout de nos jours… »

Notre chère Elise en a pris du temps tout au long de ses 93 années pour dire et vivre ses « je t’aime » à sa façon si personnelle et généreuse, tellement touchante et attachante.

D’abord, dans sa famille au Témiscamingue, à Ville-Marie, auprès de ses parents, de ses 12 frères et sœurs, oncles tantes, cousins cousines, ainsi que ces familles du voisinage dont plusieurs étaient originaires de la Bretagne comme les Rannou. Étant l’aînée d’une si grande famille, dès son plus jeune âge, elle a bercé avec bonheur tout plein de vrais petits bébés qui lui servaient de poupées et qu’elle aimait tant cajoler. Elle gardait de cette époque si heureuse de son enfance des souvenirs attendris qui avaient pour décor ce qu’elle appelait « la petite montagne sur la terre à Papa » qui la rattachait pour toujours et à jamais à son Témiscamingue natal.

Devenue une belle jeune femme souriante comme elle l’a été toute sa vie, elle a vite été remarquée par le voisin de son âge qui habitait la terre d’en face, chez les Rivest. Emilien lui a tout de suite plu. Ensemble ils ont été une super équipe, une alliance remplie d’amour, à la base d’une famille qui a toujours été leur fierté. Cinq enfants : Gisèle, Claudette, Nicole, Gilles et Céline.

L’affection n’a jamais manqué dans cette maison où Elise était le cœur et l’âme, comme le sont toutes les mamans si aimantes. Plus il y avait de monde, plus l’amour se multipliait, comme par enchantement. Et c’est ainsi que nous aussi, les conjoints, avons été accueillis à bras ouverts et tels qu’on était, à mesure qu’on arrivait dans la famille, qu’on se joignait à la tribu d’Emile et Elise.

Et puis, la nature étant ce qu’elle est, les petits-enfants sont arrivés, un par un, chacun leur tour, dix en tout, multipliant le capital d’amour à rendement très élevé qui donnait à Grand-Maman Elise le bonheur et l’occasion de créer des moments magiques et inoubliables avec tous ceux et celles qu’elle appelait tendrement « ses petits chatons », même lorsqu’ils devenaient grands. Elle avait cette capacité d’amour infini qui a toujours été la source à laquelle chacun s’abreuvait allègrement.

C’est parce que notre chère Elise était une usine à bonheur.

Elle savait créer la chaleur, le confort, les événements, les bons moments, les plaisirs simples de la vie.

Bonne travailleuse, toujours avec une attitude d’ouverture, ses collègues de travail de l’époque n’en sont pas encore revenues, elle savait se faire aimer instantanément et c’était si tant tellement réciproque.

Elle voyait la vie avec des lunettes roses, imaginant tout le temps l’aspect positif et agréable des choses, et surtout le meilleur de chaque personne. Elle vous faisait sentir unique et aimé inconditionnellement. Un petit rien lui faisait plaisir et nous valait ses sourires avec ses yeux rieurs, son rire cristallin, ses bisous, ses câlins et ses remerciements chaleureux.

Ah c’était une artiste aussi… Elle a créé des robes si belles pour ses petites filles, des poupées de chiffons avec des bouilles sympathiques, des gâteaux d’anniversaire et de Pâques avec les petits lapins en guimauve qu’elle fabriquait, des œufs de Pâques en chocolat qu’elle personnalisait pour ses petits-enfants, et tant de choses belles et utiles, en céramique et en poterie. Elle y peignait souvent des fleurs, des tiges de blé, des volutes harmonieuses, des paysages de toutes les saisons.

Elle créait même des jardins et des environnements fleuris, à la maison comme au chalet, aidée en cela par Émile et ses brouettées de terre, qui allaient s’échoir du gazebo jusqu’au sentier des amoureux qu’elle fleurissait de tous ses talents. Elle leur donnait des noms évocateurs qui la faisaient rêver. Elise était une grande romantique même si elle s’en défendait avec un clin d’œil, sans en être convaincue elle-même.

Elle aimait l’amour, c’était son pain quotidien!

Elle aimait lire aussi : surtout des romans et des récits historiques. Et la musique… Comme elle aimait écouter de la musique! Elle aurait bien voulu savoir danser, elle nous l’a dit si souvent. Encore dernièrement, un heureux moment pour elle, lorsque nous sommes allées au 2e étage de la Maison Pie XII entendre les musiciens et leurs airs d’autrefois qu’elle semblait reconnaître et apprécier. Elle, assise dans son fauteuil, et moi debout à ses côtés, on dansait avec nos mains et son sourire m’habite encore comme l’ultime cadeau que j’ai partagé avec toute sa famille, une grande famille maintenant enrichie de ses dix arrière petits-enfants qui sont nos petits chatons à nous. Oui, la vie continue…

Elle nous aura donné tellement d’amour tout au long de sa vie que nous saurons maintenant en être imprégné et inspiré pour poursuivre la nôtre. Elle connaissait un grand secret sur l’art d’aimer et d’être aimé, un secret qu’elle nous aura révélé au fil du temps, sans faire de discours, simplement en la regardant vivre. Le voici :

1) L’essentiel, pour être heureux, c’est de sourire à la vie en toutes circonstances.

2)  C’est en semant de l’amour qu’on récolte du bonheur.

Et depuis quelques jours, nous en avons découvert un troisième :

Même si son cœur a cessé de battre,
l’amour qu’il y avait dedans continuera de vivre
à travers nous tous qui l’avons tant aimée

18 commentaires:

Fitzsou, l'ange-aérien a dit…

Toutes mes sympathies, à toi et toute la famille Rivest.
xoxoxo

Zoreilles a dit…

@ Fitzsou : Merci beaucoup, très chère toi...

Barbe blanche a dit…

Il y a de par le monde,du vrai bon monde qui longtemps après leur départ, inspirent encore et toujours, paix,tranquilité grandeur d'âme et amour, à te lire, je constate que Madame Élise était et est toujours, de ce monde plus grand que nature.

Je suis sur, que bien assise sur un beau gros nuage,au bras de son Émile, Élise a à quelque occasions, sourit discrètement à t'entendre la raconter si tendrement.

Zoreilles a dit…

@ Barbe blanche : J'aime tellement ce que tu imagines, je voudrais qu'il en soit ainsi : Elise au bras de son Émile, ils poursuivent leur histoire d'amour...

Le factotum a dit…

Un très bel hommage plein de vérités.
Repose-toi bien au campe.

Zoreilles a dit…

@ Le factotum : Ce qui nous reste, ce ne sont que les souvenirs les plus beaux, les plus vrais, le meilleur de cette personne qu'on a tant aimée.

Cette fin de semaine au campe, en compagnie de Gilles, Luc et Céline, de qui nous sommes très proches (elle est la sœur de Gilles) a été extraordinaire de soleil, de repos, de calme, de bonne humeur, de beaux moments, de liberté. On la sentait même encore parmi nous mais sans inquiétude, sans tristesse, avec beaucoup de tendresse.

Guy Vandal a dit…

WOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOWWWWWWWWW

C'est vraiment un beau texte. Je sais que tu as pris bien soin d'elle jusqu'à la fin. Et là, avec ce texte, c'est la cerise sur le sundae.

Je suis bien certain que vous sentirez toujours la présence de cette chère Élise. Une présence bienveillante, paisible, sereine.

Pis toi chère Zoreilles, ton écriture m'épatera toujours.

Bonne journée!

Zoreilles a dit…

@ Guy : Merci! C'était facile de parler d'elle, tu sais, c'était tellement une belle personne et bien longtemps avant qu'elle meure, on s'ennuyait d'elle de plus en plus à mesure que la maladie et la souffrance prenaient toute la place.

C'était même libérateur d'écrire à son sujet et de pouvoir partager cela de notre point de vue, celui de sa famille, dont je fais partie depuis bientôt 39 ans...

On dit souvent des personnes décédées (et avec raison) qu'elles sont parties trop jeunes. Et avoir plus de 90 ans ne veut pas dire nécessairement être vieux, en tout cas, pas tout le temps. C'est pas le chiffre qui est important, c'est la condition de vie de la personne.

Ces temps-ci, je fais tellement toutes sortes de constats...

Nanou La Terre a dit…

Chère Zoreille,
voici un témoignage vraiment touchant... À lire, on dirait bien que tu as eu la chance d'avoir une 2e mère aimante, bonne et cela n'est pas donné à tout le monde. Je sens toute l'estime et la tristesse aussi suite à la perte de cet être cher. Rien qu'à la regarder, on sent la bonté dans son visage. Reçois toute ma sympathie et ma tendresse xxx

Pierre Forest a dit…

"Une usine à bonheur", j'adore l'expression. Bel hommage à Belle-Maman dont tu étais si près. Je pense qu'elle a probablement entendu aussi cet hommage et qu'elle t'a souri.

Zoreilles a dit…

@ Nanou : Un gros merci pour ta sympathie et ta tendresse. Tu as bien saisi les sentiments que j'avais pour elle, qui a été plus qu'une deuxième mère, dès l'instant où nous nous sommes connues, au mois d'août 1976 quand je suis devenue la blonde de ton ti-gars... Je lui dois beaucoup. Elle a « réparé » un tas de choses chez moi...

C'est vrai que rien qu'à la regarder, on voit toute la bonté et l'affection dont elle nous entourait. Tout le monde la trouvait belle, elle dégageait cela en personne aussi.

Son décès nous laisse pourtant dans une profonde gratitude pour tout ce qu'on a reçu. La sachant libérée de ses souffrances des dernières années où nous l'avons si tant tellement accompagnée, c'est nous qui revivons enfin, avec le meilleur d'elle-même qui nous revient au centuple.

Zoreilles a dit…

@ Pierre : Je suis certaine aussi qu'elle m'a entendue... et plus d'une fois à part ça. Parce que ces choses-là et bien d'autres plus personnelles, je les lui ai dites tellement souvent au cours des années. On avait une vraie belle relation, elle et moi. Pas pour rien qu'elle m'appelait sa 5e fille, c'est comme ça que je me sentais avec elle, autant aimée que ses 5 enfants.

Elle m'aura tant appris... Elle m'aura tout appris. Et j'avais tant à apprendre...

Une femme libre a dit…

Wow! Tu as un vrai talent d'écrivaine. Touchée!

Zoreilles a dit…

@ Une femme libre : C'était facile, elle était si inspirante!

C'est comme pour mon père, je l'aimais tellement que j'ai écrit et livré son hommage, « Les héros ne meurent jamais tout à fait » avec une facilité qui m'étonnait moi-même. C'était en février 2005...

Dans un cas comme dans l'autre, ce sont des mots que je leur ai dit souvent, en privé, il ne me restait plus qu'à les partager avec les autres.

Solange a dit…

C'est un très bel hommage à cette grande dame. Il y a des personnes comme ça qui sèment l'amour autour d'elles et qui restent inconnues pour la majorité des gens, mais qui marquent profondément leurs proches.

Zoreilles a dit…

@ Solange : Oui, et c'est grâce à ces personnes qui sèment tant d'amour, même toujours discrètement, qu'il y a encore et toujours plus de bonté dans le monde et qu'on peut garder confiance en la vie.

mijo a dit…

Oh j'apprends pour ta belle-maman. Un hommage touchant et poignant.

Zoreilles a dit…

@ Mijo : Merci à toi. J'ai été très touchée par cette personne que j'ai tant aimée et que j'aimerai toute ma vie. Son décès le 7 mars dernier, après de longues années de maladie où nous avons été toujours présents à ses côtés, ne me bouleverse pas autant que l'ensemble de sa vie qui était tout amour et pleine inspiration... J'ai une photo d'elle que je traîne partout avec moi, on dirait qu'elle m'accompagne.