mardi 29 mai 2012

N'est pas dragon qui veut




Photo 1 : Un tétras mâle (communément appelé perdrix) ne sait pas encore que je l'observe.

Photo 2 : Il vient de s'en apercevoir, il se tourne pour me présenter son meilleur profil.

Photo 3 : Là, il pense de m'impressionner! 

N'est pas dragon qui veut

Je ne regarde pas beaucoup la télé mais depuis quelques semaines, il y a une émission diffusée les lundis soir, à 20 heures, à Radio-Canada : Dans l'oeil des dragons, ou quelque chose du genre. Je n'arrive jamais à l'écouter au complet, je suis toujours dérangée pendant cette heure-là, on dirait que ça le fait exprès, et  je m'en suis fait une idée sans toutefois pouvoir la défendre mais cette émission me fascine. Cinq dragons, quatre hommes et une femme, sont des gens d'affaires qui reçoivent, jaugent et jugent des propositions d'investissement présentées par de jeunes entrepreneurs qui cherchent à les convaincre d'embarquer avec eux dans leur entreprise, à différents pourcentages. Ils recherchent du financement, de nouveaux marchés, de la publicité, du mentorat de toute nature. Fascinant! Et formateur. À tout point de vue.

Les dragons ont la réputation d'être durs en affaires. L'émission est conçue et montée pour qu'on pense ça aussi. C'est assez réaliste. Ça se passerait pas mal comme ça dans la réalité, mais on ne verrait pas tout et ça nous prendrait plus de temps à comprendre quelles sont les motivations, les questionnements, les inquiétudes, les points favorables et défavorables qui font que certains se vendent mieux que d'autres et que le principal capital d'une entreprise, c'est d'abord et avant tout l'entrepreneur lui-même.

Autrement dit, les gagnants, dans cette émission comme dans la vie, sont ceux et celles qui savent se vendre. Mauvais exemple à suivre : mon tétras. À partir du moment où il était conscient d'être en représentation, il ne me montrait pas le meilleur côté de lui mais plutôt ce qu'il croyait comme étant le meilleur de lui. Erreur de bébé lala très courante. Nous autres aussi, les humains, on fait souvent cette erreur.

Anecdote : Ce matin, à 8 heures, le téléphone sonne chez nous. Au bout du fil, une voix féminine s'adresse à moi sans se nommer, elle m'appelle par le nom de mon entreprise et pas mon nom, elle me demande si je fais de la traduction. Elle a vu mon site internet, où il n'est question nulle part de traduction, et comme je le fais souvent quand je refuse un mandat, je lui donne des noms d'entreprises où elle pourrait trouver ce qu'elle cherche. C'est là qu'elle m'arrête et me dit qu'elle se cherche du travail pour l'été, qu'elle est en études anglaises. En voilà une autre qui ressemble à mon tétras...

Si j'avais été un dragon, je lui aurais donné ces quelques conseils :

- Quand tu te cherches un travail, même un travail d'été, tu n'appelles pas chez les gens à 8 heures du matin.

- Tu commences par t'identifier quand tu téléphones quelque part. Ensuite, tu poses tes questions.

- Quand tu veux un travail dans une entreprise, tu devrais au moins savoir dans quel domaine cette entreprise offre ses services.

Je ne crois pas que cette fille trouvera un travail d'été dans son domaine. Je lui ai quand même souhaité bonne chance, elle en aura bien besoin. Dans son attitude, juste au téléphone, je n'aurais pas eu envie de l'embaucher, même si j'avais eu un poste à combler, ce qui n'est pas mon cas, je suis travailleuse autonome. Mais j'aurais peut-être pu la référer ailleurs, ce que j'ai fait souvent quand je pouvais jumeler une chercheuse d'emploi avec une entreprise qui cherchait à combler un poste. 

On dit souvent que le monde des affaires est impitoyable. Moi, je trouve pas. Pour avoir côtoyé cet univers, et en faire encore un petit peu partie, je peux témoigner qu'il s'y pose beaucoup de gestes gratuits, qu'on y trouve souvent de la passion, de l'entraide, des alliances, des collaborations et des échanges de bons procédés. Sauf que ces gens s'en tiennent aux faits établis, pas aux idées bien exprimées. Ils n'agissent pas dans le but de se faire aimer mais de faire de l'argent. Ce qui ne les empêche pas, dans leur vie personnelle, de vouloir se faire aimer comme tout le monde. C'est clair. Et même transparent. Honnête, je dirais. Moi, j'aime ça de même.

À mon premier emploi comme étudiante, c'était à ce temps-ci de l'année, j'avais presque 15 ans, disons un gros 14, et j'étais tellement fière qu'on me fasse confiance, si jeune, pour commencer à travailler derrière le comptoir chez Lou's Tobacco Shop.  C'était comme de jouer au magasin, avec plein de choses à vendre, des clients faciles à satisfaire, une reconnaissance immédiate, une caisse enregistreuse qui faisait dring dring et merci beaucoup, à la prochaine! Je n'étais pas bilingue mais je me débrouillais en anglais et je voulais tellement apprendre, d'autant plus que le salaire minimum à 1,55 $ l'heure me semblait comme trop beau pour être vrai. Encouragée par mes petits succès, j'avais accepté aussi de travailler au Noranda Bakery et je continuais toujours d'aller garder chez le voisinage chaque fois qu'on me le demandait, j'adorais les enfants, les clients, le monde, et cette impression d'avoir de l'argent plein mes poches!

Aujourd'hui, j'ai un gros 54 ans. Ça fait 40 ans que je suis sur le marché du travail. C'est pour ça que des fois, je suis fatiguée, à bout de souffle et de motivation. Je n'ai plus l'impression d'avoir de l'argent plein mes poches, ça, c'est ce qui est parti en premier! Je commence à regarder en arrière et faire des bilans, c'est plus fort que moi. J'ai tellement appris tout au long de ces 40 ans qu'il me semble que j'en sais trop!

Si j'étais un dragon, je n'investirais pas 5 cennes dans une entreprise comme la mienne. Et j'aurais tellement de bons conseils à me donner!

Hier soir, je disais à Crocodile Dundee : « Qu'est-ce que ça m'a donné, à part de rendre service à tous les achalants du monde,  de savoir rédiger et de voir les fautes dans le journal, les magazines et les bouquins que je lis? » ce à quoi il m'a répondu avec son aplomb habituel : « À gagner ta vie! ». N'empêche que je demeure convaincue que j'aurais pu la gagner beaucoup plus facilement et dans le plaisir surtout, derrière un comptoir où je serais devenue bilingue avec le temps, en ayant la satisfaction de rendre le monde plus heureux, en jouant au magasin avec une vraie caisse qui fait dring dring et des enfants qui hésitent en faisant des calculs savants derrière la vitrine des bonbons à la cenne. Avec de l'argent plein mes poches! En 40 ans sur le marché du travail, je pense que j'ai régressé. Je suis vraiment pas un dragon...

28 commentaires:

Gino a dit…

Bonjour Zoreilles

Un bel article bien façonné, c'est intéressant.

J'aime bien écouter les Dragons quand je peux mais je sens un peu de regret dans ton propos à la fin.

En tout cas, ton article est bien amené et le parallèle entre ton tétras et l'émission est une excellente idée.

Avoir de nouveaux projets nous motivent à continuer, si tu es lasse de la vie que tu as présentement je suis certain qu,une personne aussi articulée que toi pourra se remotiver et revenir à ce que tu désires vraiment.

Bon envol!

Bye

Gino de Vers la Réussite

crocomickey a dit…

Tu devrais remplacer la Dragonne qui est tellement prétentieuse. Mais j'avais oublié, toi il va te manquer des sous pour investir ...

:-)

Zoreilles a dit…

@ Gino de Vers la réussite : Bonjour et bienvenue ici. Je me demande comment vous êtes arrivé jusqu'ici, sous ce billet... Mon blogue doit être référencé plus que je l'imagine et comme je n'y connais rien, je m'étonne toujours!

Merci beaucoup pour « l'article bien amené » et la « personne articulée », êtes-vous un dragon qui trouve que je me vends bien? ;o)

Si vous sentez un peu de regret dans mon propos, c'est que vous lisez très bien entre les lignes, en effet, je suis plus proche de l'atterrissage que de l'envol, en ce qui a trait à ma vie professionnelle. Évidemment, je pose un regard très détaché là-dessus.

Après avoir fait tant d'erreurs (disons plutôt des expériences où j'ai beaucoup appris) il me semble que là, je serais rendue bonne... mais je n'ai plus le feu sacré!

Zoreilles a dit…

@ Crocomickey : T'as tout compris!

Si j'étais à la place de la dragonne, je me ferais plein d'amis mais je ferais faillite avant la fin de la série ;o)

Elle n'a plus rien à prouver, la madame, elle a réussi sa vie, elle est indépendante de fortune.

Moi, si je meurs, il va y avoir plein de monde au salon, jusque de l'autre bord de la rue. J'aurai réussi ma vie!!!

J'ai toujours été une entrepreneure dans l'âme mais il me manquait une chose très importante : le désir de faire de l'argent. On aurait dit que ça passait en dernier, ça m'aurait pris un gérant ♥

Le factotum a dit…

"en jouant au magasin avec une vraie caisse qui fait dring dring et des enfants qui hésitent en faisant des calculs savants derrière la vitrine des bonbons à la cenne."

Ah ben, c'est ce que j'ai fait pendant les vingt premières années de travail. Moi aussi, j'ai bien aimé!

Et voilà ce que je suis devenu...

Solange a dit…

Je n'ai pas écouté cette émission, je n'ai rien d'une femme d'affaires. Je comprends que tu aies aimé ce premier travail, j'ai déjà eu un travail de caissière et j'aimais ce contact avec le public. Pour ce qui est de ta lassitude, je crois que quelque soit le travail, il doit y avoir des moments comme ça.

Zoreilles a dit…

@ Le factotum : C'est sûrement pas dans ces vingt premières années que tu t'es gagné ta retraite!

Tu auras connu toutes sortes de milieux de travail, dis donc...

Mes clients préférés étaient les enfants, comme de raison. En deuxième, je dirais les gars de la mine qui venaient s'acheter des journaux, magazines, cigarettes, ou un petit quelque chose pour compléter leur boîte à lunch. Un sourire, une petite farce et ils étaient contents. C'était donc pas compliqué!

Zoreilles a dit…

@ Solange : Le contact avec des collègues ou des clients nous manque beaucoup lorsqu'on y a goûté et qu'on a aimé ça...

Ce n'est pas une lassitude passagère, cette fois, c'est plus sérieux. Je ne trouve plus de sens à ce que je fais, je n'y crois plus. J'avais un ex beau-frère qui travaillait dans le même domaine, il disait qu'à 40 ans, t'es trop vieux pour ces jobs-là. Et il avait raison. Il est décédé récemment, il allait enfin prendre sa retraite, il arrivait à 65 ans.

Guy Vandal a dit…

Tu fais là un constat qui peut s'avérer triste à première vue... mais qui pourrait se retourner "pour" toi.

Tu sais que t'es encore bien jeune et qu'un nouveau projet pourrait te motiver au maximum. Moi en tout cas je le pense.

T'es bourrée de talents. T'es une femme formidable, pis la vie a besoin de toi. J'ai pas dit les autres, j'ai dit la vie.

T'es peut-être rendu à comprendre combien il est important de très bien prendre soin de toi.

Prend une pause chère Zoreilles... et rappelles-toi que demain y'é trop tard pour être heureux(se).

Zoreilles a dit…

@ Guy : Nenon nenon, mon constat, il n'est pas triste, mais réaliste.

Ah oui, je suis suuuuuuuper jeune, là-dessus, t'as entièrement raison, j'ai plein de projets de vie emballants, si tu savais... Mais aucun en lien avec mon travail, ni en ce moment ni à plus long terme. Comme on dit, « l'élastic est pété », « le spring, il spring pu pantoute! »

Une pause? Comment on fait? Mais je te rassure, ça m'empêche pas d'être heureuse, icitttte pis tusuittttte. C'est juste que la fille des comm., a l'a perdu toutes ses illusions. Heille, c'est rendu que je peux te dire d'avance de quoi ils vont parler aux actualités régionales télévisées de ce soir, quelle station de radio va traiter tel événement et telle conférence de presse, ce qui va être écrit dans nos hebdos régionaux, qui va signer les articles et les reportages et sous quel angle ils vont « non aborder » la question, quelles sont les images qui vont défiler en arrière du journaliste et quels seront les extraits d'entrevue qui vont « wrapper » le topo de 2 minutes, avec quel porte-parole de quels organismes ou institutions. Tout est prévisible et mis en scène. Le coeur me lève! Je fais une overdose d'information!

Bien sûr, je prends soin de moi. Merci pour la tendresse de ton commentaire. Je fais de l'esprit de bottine mais je suis pas de mauvaise foi, je t'écoute quand même, t'sais...

Barbe blanche a dit…

Tout au long de ton texte, j'ai vu passer mes dix dernières années passées au travail,la motivation qui s'effrite,le sentiment de ne plus être à la bonne place, et le désir profond de partir aileur.
Autrement dit, le feu sacré n'y était plus.
Tout ce qui m'y retenait, c'était le fond de pension, si durement acquis, et le plaisir, de tenir tête à des gestionnaires...
ici, j'allais mettre un qualificatif, mais c'eut été redondant...
Tu dis avoir plein de projets qui n'ont rien à voir avec le travail,
fonce droit dessus,et qui sait, certain peuvent même s'avérer de bonnes sources de revenus...

Zoreilles a dit…

@ Barbe blanche : Je suis contente que tu t'y sois reconnu, ça me rassure!

Et moi, comme je n'ai pas de fonds de pension, je tiens pas solide solide... ;o)

Je suis en train, avec Crocodile Dundee, de repenser toute notre façon de vivre, c'est super parce qu'on discute dans la bonne humeur, l'affection et le respect. On est à la même place, lui et moi, chacun dans nos jobs respectives. Je me demande ce qui va ressortir de ça mais ce ne sera pas le statu quo longtemps de même, la vie est trop courte!

Ici et maintenant, j'ai pleine liberté jusqu'à 14 heures cet après-midi. Rien que ça et je flotte sur un nuage parce que ma « p'tite » et ma « tout p'tite » ont justement quelques heures à partager, je vais les chercher et on ira probablement pique-niquer toutes les trois au Parc botanique À fleur d'eau (c'est dans notre ville) voir les lilas en fleurs et toutes ces fleurs printanières.

Le bonheur, ça coûte rien, ça demande juste du temps de libre et du monde qu'on aime.

On dirait que je n'ai plus de temps à perdre!

Anonyme a dit…

Tu n'as plus le "feu sacré", et je comprends tout à fait ton dégoût de la surinformation, sauf que moi j'ai la chance de ne pas devoir écouter toutes les nouvelles "because" un travail astreignant.

Plus ça va et plus je suis dégoûtée par la télé. J'admire ta persévérance, parce qu'il faut bien gagner sa vie il est vrai.

Ton écriture est impeccable, sans fautes de frappe ou d'orthographe, contrairement à la mienne. Et il m'arrive aussi de voir des fautes dans des livres publiés, où sont doc les correcteurs?

Vivement les vacances pour toi et Crocodile Dundee, elles seront plus que méritées pour vous deux!

Lise

Zoreilles a dit…

@ Lise : Ça fait longtemps que je n'ai plus le feu sacré, que je décode bien trop la « game » des relations publiques, que je vis les communications et relations de presse comme étant le département des menteries publiques. À un moment donné, tu ne peux plus ignorer ce que tu sais, quand ça se confirme à tous les jours et que ça te saute dans la face! Alors, j'accorde de moins en moins de valeur à mon travail, puisque je n'en comprends plus le sens, et pour rester en santé, je donne de l'importance à tout le reste... Après tout, je ne travaille pas à l'encontre de mes valeurs, ma conscience est en paix et je gagne ma vie honnêtement. Mais je n'avais pas prévu que ma démotivation deviendrait si grande.

En 40 ans sur le marché du travail, chaque fois que je me sentais comme ça, je quittais, j'acceptais autre chose, un contrat, un mandat, une mission, ce qu'on m'offrait... Là, je me sens pas apte à recommencer ailleurs. Je n'ai plus cet élan.

À court terme, oui, une semaine de vacances s'en vient ce mois-ci (le 24 juin!...) et j'ai très très hâte. Crocodile Dundee aussi.

D'une vacances à l'autre, on va tenir le coup mais on réfléchit quand même...!!!

Joce a dit…

40 ans derrière un comptoir de dépanneur.....Tu serais blasée depuis au moins 30-35 ans...tu serais pas bilingue tu serais tannée de répéter les mêmes 4 phrases en anglais comme en français d'ailleurs ...t'aurais probablement moins d'argent dans tes poches que le petit kid qui te fait agenouillée pendant 20 minutes pour repartir avec 1.50$ de framboises suédoises.
Pis t'aurais des varices, mal au dos pis..les genoux....et 54 ans, donc une approche et surtout une candeur disparue.
Mais le pire c'est que tu te dirais à chaque jour.....je pourrais faire autres choses je pourrais écrire j'aime tellement ça, je pourrais ensoleillé des vies, je pourrais mettre mon talent au profit de quelques choses d'engagent, je pourrai mettre en .........bonsoir Monsieur, un 6/49 avec ça?.....Merci là!....valeur des idées, débattre m'insurgés,convaincre,doutée,reprendre interagir,écoutée, apprendre,enseignée....vivre!
Et ça ....ça n'as pas de prix!
C'est juste que tu ne le sais pas encore assez.....Tu as reçus mardi cette semaine ton 10 000e commentaires depuis l'instauration de ton blogue, (ça représente un commentaire par jour pendant 27 ANS) je ne te l'ai pas dit parce que toi tu ne mesure pas en nombre tu mesure en émotion.Avec une échelle graduée en mot....
C'est juste pour cela que tu ne seras jamais un dragon...

Zoreilles a dit…

@ Joce : Ah toi là... À 6 heures à matin, tu me faisais tordre de rire quand je lisais ta « conversation » avec Jean-Mi et à 8 heures, tu me fais venir les larmes aux yeux!

Je sais pas comment tu fais... Tu me connais mieux que personne pis tu m'aimes pareil ♥ C'est vrai que je serais blasée si j'étais restée derrière un comptoir depuis 40 ans. J'aurais mal aux genoux, au dos, des varices, là, j'ai juste des tendinites!

J't'ai tu déjà dit que j't'aimais, toi?

Ta non dragonne de soeur, xxxxx

Grand-Langue a dit…

Je me pose aussi certaines questions. Nous avons travaillé pour gagner nos vies. Vous n'êtes pas riche? Pourquoi être riche? Vous en seriez à vous poser les mêmes questions.

Je me demande souvent si mon travail a servi à quelque chose. À me faire vivre, tout simplement. À part cela, nous ne servons pas à grand chose.

Vous avez mis au monde une fille qui apportera beauoup de choses à l'humanité. Elle aussi se posera des questions plus tard, comme votre petite fille.

Je crois que nous avons tous un devoir de survie, c'est élémentaire. Ensuite, quand nos besoins primaires sont comblés, il reste la Vie. Vous êtes pleine de Vie et la Vie profite de votre personne.

Le bilan est positif. Le bilan de chacun de nous peut être positif. Serait-ce une question de perspective?

Quand vous passez proche de la mort, vous comprenez que le simple fait de marcher, de respirer et de vous assoir sur la galerie constitue un bonheur que peu de gens sur cette Terre ne vivent.

Nous avons le même âge, le même nombre d'années de travail. À 14 ans je bossais comme un fou dans le construction, à bon salaire. Deux ans plus tard on m'a offert de quitter mes études pour devenir contremaître, à 16 ans. j'en veux encore à mon oncle de m'avoir proposé ça. Heureusement j'ai refusé, le très dur labeur m'avait marqué.

Que serais-je devenu? Je l'ignore. Peut-être ni plus ni moins malheureux qu'aujourd'hui.

Mon travail actuel est aussi très dur, très exigeant. Comme tous ceux qui ont décidé d'arrêter de travailler, les dernières années semblent plus diffificles. Je préfère ne pas trop penser à cela mais y'a des jours où j'aimerais servir du café chez Tim Horton! Cela se produit de plus en plus souvent.

Grand-Langue

Zoreilles a dit…

@ Grand-Langue : Je suis contente d'avoir votre point de vue, surtout que nous avons le même âge et le même nombre d'années sur le marché du travail.

Je n'ai jamais voulu être riche et n'ai rien fait pour ça non plus. Aujourd'hui encore, je saurais pas comment et ça me dérange pas. Mais je voudrais plus de liberté et pour ça, il me faudrait une quelconque sécurité sous mes pieds.

J'ai été utile dans mon travail, je n'en doute pas. J'ai souvent débroussaillé des chemins que d'autres ont suivi après moi, pendant que je débroussaillais d'autres chemins. C'était comme ça, j'avais tout d'une débroussailleuse!

Vous avez bien fait, tout jeune, de choisir autre chose qu'un métier dans la construction. Mon conjoint n'en peut plus de ce travail harassant où il est devenu un « senior », un responsable de tout, un « fiable », un faiseur de miracles qui respecte les échéances et les budgets des clients. À - 30 l'hiver et à + 30 l'été, comme il dit souvent, grimpé dans les échafauds, à manger ton lunch en 15 minutes, dans la poussière, assis sur une pile de gyproc pendant que tu réponds aux questions des plombiers, électriciens, gars de planchers et gars d'armoires, clients insécures et employeurs qui sortent pas de leurs bureaux!

Oui, nos dernières années sur le marché du travail sont les plus difficiles, je fais le même constat. Quand tout ça n'a plus de sens, qu'on en cherche et qu'on n'en trouve plus... N'y pensons pas trop, vous avez raison, mais soyons-en conscients tout de même.

J'ai de la chance, je suis toujours en vie et je sais trouver mon bonheur dans les petites choses. Alors, je pars de ça pour essayer de voir comment sortir de ma job en n'ayant pas de fonds de pension! Un sacré défi, hein? Ça, c'est le genre de chemin que j'aimerais bien débroussailler prochainement.

Si je trouve, je vous en reparle, promis...

P.S.: J'ai un ami, qui était travailleur autonome, comme moi, mais dans un autre domaine. Il n'en pouvait plus de son travail, de son bureau à la maison, de ses clients, des fins de mois, tout ça le minait par en dedans. Il a reconsidéré tout ça sous un autre angle, il a fermé son bureau, s'est trouvé un travail de commis dans une quincaillerie, et il est tellement heureux depuis ce temps-là. Une vraie renaissance. Même quand il finit tard, quand il sort du magasin, c'est fini, il est libre jusqu'au lendemain. Inspirant, n'est-ce pas? Au Tim Hortons, y a trop de monde, je vous souhaiterais un bistrot café sympathique où l'on fait des pourboires!

Grand-Langue a dit…

De Crocodile Dundee,

Côté travail, bien que je ne suis pas dans la construction, je joue un rôle semblable. C'est épuisant, usant. Je me demande si "être fiable" est un atout. La personne ressource qu'il est permet aux autres de négliger leur boulot et de tout larguer sur lui. Je me sens ainsi.

On m'a souvent demandé de me joindre aux dirigeants, j'ai toujours refusé. La vraie raison était la suivante: l'équipe de dirigeants était trop faible, j'aurais écopé. Je préfère de loin travailler avec des gens de métier.

Nous avons toujours bossé, nous avons investi dans nos enfants. Vous avez beaucoup donné à votre société et aux gens autour de vous. Comment réagissez-vous face à ceux et celles qui blament les boomers que nous sommes de l'avoir "facile" et ne rien laisser aux autres?

De mon côté, je ne supporte plus ces récriminations.

Je prédis que vous changerez de cadence mais que vous travaillerez encore plusieurs années. En effet, un p'tit job dans un bistrot sympathique m'irait très bien. Discutter avec les clients...

Grand-Langue

Zoreilles a dit…

@ Grand-Langue : Être fiable, est-ce un atout? Pas pour vous, ni pour lui, ni pour moi, mais pour ceux qui nous confient de véritables « missions », définitivement, OUI! J'ai refusé des offres dans le passé comme directrice générale d'un organisme qui me tenait pourtant très à coeur. J'avais été coordonnatrice, ça m'avait ouvert les yeux, ce sont des postes où l'on a toutes les responsabilités mais pas de pouvoir, avec les mains bien attachées... Être fiable et responsable, dans mon travail comme dans ma vie, ça a été mon drame!

Comment je réagis quand on blâme les boomers de l'avoir eu facile et de ne rien laisser aux autres? Je me sens pas concernée du tout, je ne réponds pas à la définition qu'on en donne, à ce qu'on leur reproche. Je sais bien qu'en théorie, je fais partie de ce groupe mais sincèrement, je ne m'y reconnais pas. Mes parents ne m'ont pas payé des études, je m'organisais pour être autonome financièrement très jeune. La seule fois de ma vie où j'aurais pu recevoir quelque chose du gouvernement, c'était un congé de maternité, et comme j'avais fait un retour aux études, je n'ai rien eu du tout, sauf que je n'évalue pas ça comme une injustice, je voulais tellement cette enfant depuis longtemps...

Je ne crois pas être représentative de mon groupe d'âge. Mes parents ont tout donné à leurs parents, c'était comme ça. Moi, je donne encore tout à mes parents... et aussi à « mes enfants », et leur enfant ainsi que les autres enfants qui suivront. Peut-être que je sais juste donner? Ou bien je suis trop responsable?

J'entends parfois chez des amis de « mes enfants » (en fait, je considère mon beau-fils un peu comme mon enfant!...) ce genre de récriminations. J'écoute. J'interviens pas. Ou si peu. Parfois, je rétablis un petit fait au passage mais pas plus. Je remarque qu'il s'agit souvent d'enfants gâtés qui n'auraient pourtant rien à se plaindre.

Il me semble que je serais rendue à récolter quelque chose. Mais j'ai semé à tout vent depuis 40 ans... Et je suis trop jeune (!) pour espérer à court terme une rente quelconque. Je n'ai ni assurance-emploi ni CSSST, ni assurance salaire ni REER. Mais je fais confiance à la vie, parce que tout le reste va bien, c'est ça que je récolte parce que c'est là que j'ai investi probablement le meilleur de moi-même. La même chose s'applique à Crocodile Dundee.

Il me semble aussi que je vais changer de cadence, je suis en train de réfléchir à tout ça... En tout cas, CD, lui, il va changer de cadence, à compter de l'an prochain. Dans son métier, c'est possible, il lui suffit de changer sa perspective et c'est ce qu'il est en train de faire depuis quelques mois. Il n'arrêtera pas mais il va changer de cadence!

Si vous allez travailler dans un bistrot sympathique, dites-le moi, j'irai y prendre un décaféiné un après-midi et je vous laisserai un bon pourboire!

Jackss a dit…

Bonjour Zoreilles

Belle réflexion! Encore une fois, on se retrouve. L'oeil du Dragon, c'est une émission que je ne réussis pas à regarder au complet. Et poutant, c'est la seule émission que je me promets toujours de ne pas oublier d'une semaine à l'autre. Je n'écoute que les bulletins de nouvelles et rarement en entier.

Ta vie, tu l'as bien remplie. Souvent, c'est elle qui nous choisit. Et je suis sûr que si tu faisais un vrai bilan de tout ce que tu as vécu, tu en éprouverais une grande fierté.

J'ai parlé dernièrement d'un ami que j'ai visité à l'occasion des funérailles de sa compagne. Il a quitté après 2 années de médecine réussies à l'Université de Montréal. Il a quitté cette profession pour devenir travailleur social. Il a travaillé la majeure partie de sa vie au CLSC Centre Sud de Montréal. Il n'a pas ramassé une fortune pendant sa vie active. Mais que de belles réalisations!

Je me fais moi aussi le même genre de questionnement que toi. Je pense à tous ces chemins que jaurais pu empruntés. J'aurais pu être pus riche, plus reconnu. Mais à la fin de tout, c'est seulement ce qu'on a donné qui compte, l'amour qu'on a semé autour de soi, les parents que l'on a chéris et accompagnés, les enfants qu'on a armés pour être heureux, le bénévolat qui a permis à des organismes sans moyen d'avancer... Et ça, tu l'as réussi plus que la majorité des gens que je connais.

Selon une légende urbaine, les baby boomers ont eu toutes les chances du monde, ils ont tout eu, ne laissant pas grand choses aux autres générations qui ont suivi. Je crois que plusieurs baby boomers ont presque tout donné à leurs parents quand ils étaient jeunes. Ils ont ensuite tout donné à leurs enfants.

Dans une émission sur Michel Chartrand, en sa compagnie, Yvon Deschamps disait en fin de semaine. Quand mon père a pris sa retraite, après 50 ans à piocher comme ouvrier, il a dit à sa femme: Comment je vais faire pour vivre maintenant. Le père d'Yvon Deschamps a pris conscience que la société ne lui avait pas donné les moyens de ramasser quelque chose pour lui. C'est ce qui lui a inspiré: Les Unions quossa donne?

Zoreilles a dit…

@ Jacks : Eh qu'on se comprend!

Quand tu dis ça : « Mais à la fin de tout, c'est seulement ce qu'on a donné qui compte, l'amour qu'on a semé autour de soi, les parents que l'on a chéris et accompagnés, les enfants qu'on a armés pour être heureux, le bénévolat qui a permis à des organismes sans moyen d'avancer... », c'est tellement tout ce que je pense aussi et jusqu'ici, la vie n'arrête pas de me le prouver.

Donc, je ne regrette rien, si je pouvais recommencer, je ferais pareil, c'est juste que je suis fatiguée et démotivée de mon travail, il y a tant d'autres choses à faire, d'endroits où être utile, de gens qui ont besoin de moi, de présence, d'attentions, du TEMPS que je ne veux plus gaspiller à faire quelque chose dans lequel je ne crois plus. Par exemple, aujourd'hui, j'ai passé la journée avec ma mère, elle n'est pas malade mais elle avait besoin de moi et moi d'elle, tandis que je l'ai encore. Quand j'ai perdu mon père, en 2005, j'avais de la peine mais je me reprochais rien, j'avais tout vécu avec lui, j'avais bouclé la boucle, la tête et le coeur remplis de beaux souvenirs et de moments heureux.

Cette phrase de Yvon Deschamps à propos de son père, je l'ai entendue aussi dans le film qui présentait Chartrand, je me souviens, j'en avais été émue moi aussi. Ça fait partie de ce qui a « construit » Yvon Deschamps, ses premiers monologues, ses valeurs, son besoin d'aider les moins bien nantis, les gens vulnérables, les femmes, les enfants.

Je trouve la vie de plus en plus belle... et de plus en plus courte, j'ai tellement plus de temps à perdre!

Il y a tant à faire... et tant de monde à aimer... ;o)

Le factotum a dit…

Oser très chère! ♥
Depuis que je suis à l'extérieur du marché du travail, je vois toutes les belles opportunités qui existent dans tellement de domaines. Il s'agit juste de prendre un moment d'arrêt pour voir de l'autre côté de la lucarne...
Prenez le temps ...

Fitzsou, l'ange-aérien a dit…

J'ai survolé ce millier de mots qui s'unissent pour se rallier à ceux de ton billet. Mon attention a été retenue par quelques uns: "lassitude" dans ton commentaire à Solange... Comment ça que je me sens aussi depuis plusieurs semaines...
Et quand tu parles d'un emploi "pleins de responsabilités sans pouvoir"... ça que j'ai ici... et je commence à en avoir marre...
Contrairement à toi, j'aurai un bon "fonds de pension". Mais je ne veux pas en arriver un jour, à travailler pour étirer le temps... Mais c'est un peu ça qui se dessine...
Je me souhaite que revienne cette passion qui m'a habitée toutes ces années passées. J'ai beau essayé par tous les moyens de me donner des coups de pied au derrière pour avancer, il y a quelque chose de brisé en moi, je crois... Comme si je n'aimais pas ce que je vois...
Tu as tous les talents Zoreilles, pourquoi ne pas suivre les conseils de Barbe Blanche: allez, fonce! Bisous nordiques xoxoxo

Zoreilles a dit…

@ Le factotum : Tu vois plein d'opportunités, toi? J'ai même essayé de m'imaginer dans la peau de quelqu'un d'autre, histoire de prendre du recul pour mieux voir, mais je vois toujours pas ce que je pourrais faire pour gagner des sous, à part ma job que je fais déjà...

Aller faire une run à Raglan peut-être? ;o)

Gagner à la loterie? ;o)

As-tu découvert des opportunités qui pourraient s'appliquer à mon cas? Allez, je suis preneuse!

Zoreilles a dit…

@ Fitzsou : On a le même âge! Et j'en vois beaucoup, particulièrement dans le réseau de la santé et des services sociaux, qui en arrivent au même constat que toi. Et moi!

Il te reste 2 ans si j'ai bien compris avant d'accéder à ton fonds de pension? Tu pourrais toujours travailler dans le privé, le MSSS s'arrache littéralement les infirmières d'expérience, tu pourrais choisir ton horaire et ton rythme. Et les conditions sont plus avantageuses dans le privé que dans le réseau public. Ou bien encore, muter sur un autre poste dans le même réseau, promotion ou pas, pour faire du neuf avec du « vieux », on ne sait jamais, de nouveaux défis, avec des problèmes que tu ne connais pas encore, ça peut amener un vent de fraîcheur pour terminer ta carrière sur une note plus... confortable?

Je te souhaite sincèrement que ce quelque chose de brisé en toi (ça s'appelle des illusions perdues, je pense) se répare tout seul avec un temps de repos. Que la passion revienne. Sinon... ben... que ces 2 ans passent vite vite vite, parce que tu auras un nouveau projet de vie emballant.

Je n'ai pas tous les talents, non. Je n'ai surtout plus la motivation. Hier encore, j'ai refusé une proposition de travail, disons un contrat du genre « mission » où j'aurais laissé mon coeur et je n'aurais pas pu facturer ce que ça valait. J'ai dit non mais je les ai mis sur la piste pour trouver eux-mêmes, je leur ai réglé leur problème. C'est rendu que ça me vire à l'envers qu'on fasse appel à moi pour le faisage de miracles, je voudrais qu'on m'oublie!!!

Souhaitons-nous du meilleur pour notre proche avenir ♥

Mijo a dit…

Si tu étais un dragon, tu aurais perdu ta simplicité et ton humilité.

Zoreilles a dit…

@ Mijo : Oui, mais j'aurais de quoi m'en payer d'autres! Ma simplicité, tu sais, elle n'est pas toujours volontaire! ;o)