Photo 1 : Août 1942, 102 Madelinots (de Havre-aux-Maisons) quittent leurs chères Iles de la Madeleine pour venir s'établir en Abitibi, à Ste-Anne de Roquemaure et à l'Île Nepawa. Certains ont fait le voyage sur le SS Lovatt mais la plupart étaient embarqués à bord de « la goélette à Clopha » qu'on voit ici s'éloigner des Iles. J'ai tiré cette photo d'un livre acheté là-bas, lors de mon dernier voyage : « Les Îles de la Madeleine, Une histoire d'appartenance », par Caroline Roy, aux éditions GID.
Photo 2 : Elle montre de plus près une partie des gens sur la goélette à Clopha, ce jour-là. Ma grand-mère m'a raconté qu'ils étaient partis du port de Cap-aux-Meules, qu'ils avaient navigué jusqu'à Pictou, Nouvelle-Écosse. De là, ils prenaient le train jusqu'à Québec, où il y avait un arrêt d'un jour ou deux. Ensuite, de Québec jusqu'en Abitibi, ils voyageaient encore en train. « On aurait dit la Déportation des Acadiens! ». Et plus loin, elle me confiait : « On quittait nos parents, mais à partir de là, notre famille, c'était nos enfants, on s'en allait vers l'avenir... »
Photo 3 : Par un hasard incroyable que je n'arrive toujours pas à m'expliquer, Jeannot le Madelinot m'a fait cadeau de cette photo la semaine dernière. Elle a dû être prise quelques secondes avant ou après celle que j'avais déjà et depuis, je n'arrête pas de me demander où il a bien pu la dénicher. J'attends sa réponse...
Une photo = 100 histoires
L'histoire, la petite comme la grande avec un grand H, la généalogie, l'attachement à nos racines et le sentiment d'appartenance sont des passions pour moi, des repères dans ma vie, une source continuelle d'émerveillement... et de questionnement!
Quand j'avais fait la biographie de ma grand-mère, en 1993, j'avais cherché à consigner pour nous tous des pans de notre histoire familiale, quelles étaient les motivations, les buts, les espoirs et tout ce qui avait amené nos familles, des Iles jusqu'en Abitibi, comprendre ce qui avait bien pu nourrir cette pas pire épopée!
Plus tard, avec ma mère, à l'été 2008, j'ai pu comprendre davantage, grâce à la photo 2, qui est qui, sur cette photo de la goélette à Clopha, en même temps qu'elle me racontait des détails qui lui revenaient et qui complétaient à merveille les récits de ma grand-mère. Tout se tenait.
À mon retour des Iles avec cette photo et plusieurs autres, en juin 2008, j'avais le vent dans les voiles! J'ai eu l'idée de faire imprimer plusieurs agrandissements 8 x 10 de trois photos très représentatives de ce moment charnière de notre histoire, pour les offrir à mes oncles et tantes, ceux-là même qui sont présents sur la photo. Et ils sont très nombreux, de la famille de mon père et de ma mère!
Si vous saviez tout ce qu'on m'a raconté par la suite... Cette photo ravivait des souvenirs de leur enfance, en même temps qu'ils m'en racontaient des petits bouts, de leur vie aux Iles, comme du voyage, jusqu'aux premiers jours en Abitibi, ce pays qui était tellement encore à faire... C'était riche riche riche pour chacun et chacune d'entre eux et quelques-uns en étaient même très émus.
Ma mère est là, sur la goélette à Clopha, on la voit très peu, elle se tenait tranquille, cachée derrière une autre fille, plus grande qu'elle. C'est son genre, plus elle vit des sentiments intenses, des choses profondes, plus elle s'efface et se réfugie à l'intérieur d'elle-même. Je me reconnais pas mal là-dedans moi aussi. Vous pouvez cliquer sur la photo pour l'agrandir si vous voulez, je vais vous la présenter, ma mère, quand elle était une petite fille. Attendez, ce sera pas long...
Vers la gauche, première rangée complète, vous voyez des enfants debout sur des barils? Le premier, c'est le petit garçon qui a un bérêt et un chandail de laine, les mains dans ses poches : c'est Roland à Léon à Emmanuel, pas mon oncle mais un parent que je connais bien et que je croise souvent. J'ai appris dernièrement que lors de ce voyage, comme la goélette à Clopha carburait au charbon, il était arrivé à Pictou, Nouvelle-Écosse, avec son beau linge tout noirci. Il avait de la peine, le petit Roland. Il a 80 ans aujourd'hui et s'en souvient encore.
Toujours dans cette même rangée d'enfants debout sur les barils, on compte : un, deux, trois (j'y reviendrai à lui) quatre, cinq. La cinquième, c'est une fille à la robe foncée, bérêt foncé. Voyez-vous la petite fille cachée derrière elle? Le bout du nez qui dépasse à peine, une robe foncée, un bérêt pâle? C'est elle, ma mère! Chaque fois qu'elle voyait passer des bateaux, elle voulait embarquer à bord, aller voir plus loin que les Iles. Ce jour-là était enfin arrivé et pourtant, elle avait de la peine, parce que c'était un voyage sans retour et qu'elle le réalisait... Et puis, elle venait de se faire chicaner par son oncle parce qu'elle était tout le temps trop proche du danger, elle voulait tout voir et il avait peur qu'elle tombe par-dessus bord.
Revenons au troisième de cette rangée. Avec son petit habit chic, sa cravate, son allure fière, je l'ai reconnu à l'instant où je l'ai vu, parce que la ressemblance avec son petit-fils Jérémie est frappante... C'est mon oncle Eddy, le frère de mon père, quasiment son jumeau. Lui, quand je lui ai apporté cette photo, il était tellement ému. On a parlé des Iles pendant longtemps. Il y retourne souvent et voulait tout savoir de mon voyage.
Et moi, je voulais tellement savoir ce qu'il y avait dans son sac, dans sa main gauche, j'espérais tant qu'il s'en souvienne. Qu'est-ce qu'un petit garçon apporte quand il quitte ses Îles pour s'en aller en pays neuf? Je pensais que ça pouvait être son jouet préféré...
Sa réponse a été vive comme l'éclair et là, c'est moi qui en ai été émue : « Ben non, on n'avait pas de bébelles, dans mon sac, c'était des galettes blanches que Maman m'avait fait pour le voyage... »
Je sais, il n'y a peut-être rien d'émouvant là-dedans mais moi, ce que je comprends, c'est plus que ça. Beaucoup plus que ça. Quand t'es un petit garçon, que tu quittes ton pays pour en adopter un autre que tu ne connais pas encore, que tes parents sont embarqués sur le SS Lovatt quand t'es avec les autres enfants sur la goélette à Clopha, tu tiens aux galettes blanches de ta mère comme à la prunelle de tes yeux parce que c'est le seul lien que t'as avec ton histoire et tes racines. Tu te tiens droit et fier, parce qu'en dedans de toi, tu le sais qu'à partir de là, tu seras un bâtisseur de pays.
Et que de retourner aux Iles, ça te fera toujours retrouver ton enfance, ton paradis, ton histoire et tes racines. Et ce sera d'une telle force que tu le transmettras à tes enfants.
Cette photo raconte encore tellement d'autres histoires.
40 commentaires:
C'est tellement une belle (difficile) aventure extrordinaire que les tiens ont vécue. Et comme j'ai été d'une façon ou l'autre en contact avec plein de gens de ta famille (même avant de te connaître!), j'en savais des ptits bouts...
Il en a fallu du courage et de la vaillance pour affronter tous ces obstacles: froid, moustiques, forêts, etc. Quitter sa terre natale pour bâtir ailleurs...
Je n'ose imaginer aujourd'hui, avec tous les gadgets qu'on a, ce qu'il adviendrait...
:) Soisig
Mais c'est bien beau!
Comme c'est merveilleux de posséder ces photos-liens où des personnes encore bien vivantes peuvent se reconnaitre, reconnaitre d'autres et raconter!
Je ne sais presque rien de mes ancêtres, à part le fait que certains viennent de la Lorraine et qu'il y a eu au moins un patriotes, comme tant d'autres, parmi eux.
Bravo, je suis contente pour toi que aies cela près de toi et merci Zoreilles.
Zed ¦)
@ Soisig : T'en sais des p'tits bouts, ouais, c'est sûr!!! Du courage et de la vaillance, t'as raison, je dirais de l'espoir au coeur aussi, une sorte de confiance en la vie. En quelque sorte, ils étaient comme des immigrants. Ils se sont enracinés dans cette terre d'accueil (l'Abitibi) sans jamais oublier leur pays d'origine (les Iles). Dans la génération de mes parents, les Madelinots se mariaient entre eux énormément, on aurait dit que ça allait de soi, que c'était une chose naturelle. Dans ma génération à moi, on a épousé « des étranges »!!!
Leur plus grand défi n'a pas été d'affronter le froid, les moustiques, les forêts, mais plutôt de cultiver la terre, de bûcher dans le bois, alors qu'ils avaient toujours été pêcheurs et ne connaissaient pas autre chose. Les insulaires (ceux de l'Île Nepawa) ont même déjà fait la pêche commerciale, c'était plus fort qu'eux et le lac Abitibi était poissonneux, aussi grand que la mer...
Aujourd'hui, un pareil contingent aussi solidaire que ces 102 Madelinots venus rejoindre l'autre groupe des Iles partis l'année précédente (dont mon père faisait partie) et installés à l'Île Nepawa, ça ne pourrait plus se faire. Pour mille raisons...
@ Zed : C'est mon histoire familiale mais à travers elle, c'est aussi un pan de l'histoire de la Colonisation de beaucoup de régions du Québec. L'Abitibi, c'est la petite dernière, l'histoire est donc très récente. Mais en faisant de la généalogie, j'ai pu remonter jusqu'à la Déportation des Acadiens (1755) où tous mes ancêtres se sont retrouvés quelques années plus tard, (aux Îles St-Pierre et Miquelon, France) après des parcours exceptionnels, à peine croyables, et ne se sont plus jamais quittés. Même avant 1755, je sais où étaient les familles de ma mère et de mon père, de son côté à elle, avant leur arrivée en Acadie, (1604, avant Champlain...) on venait du Poitou, et du côté de mon père, on est descendants de pêcheurs basques, de farouches indépendantistes, ça te dit tu quelque chose sur moi, ça? Et toi, du côté de la Lorraine, ce sont tes ancêtres maternels ou paternels?
@ Zed : Ah oui j'oubliais, il y avait au moins un Patriote dans ta famille, ça dit autant sur toi aujourd'hui, que moi qui suis descendante de pêcheurs basques, ces farouches indépendantistes!
Vivent nos ancêtres... dans notre coeur du moins ♥
Comme ça devait être difficile de tout quitter pour venir dans un endroit où tout était à faire. Que de courage il leur a fallu, que de misère ils ont eu à traverser pour donner à leurs enfants un pays. Très touchantes tes photos.
Que ce sont de belles histoires à raconter à notre belle jeunesse ...
Mon arrière grand-mère a été la première femme en Abitibi a gagné le Mérite agricole ...
Ma grand-mère du côté de ma mère, sage-femme a donné son nom à une des nouvelles rues à Malartic ...
Et ainsi de suite ...
Mes ancêtres viennent aussi de France.
Je n'ai malheureusement pas beaucoup de photos pour appuyer les histoires qui circulent dans ma famille.
Bonsoir Zoreilles
J'ai lu dernièrement,que Bernard Clavel a été fasciné par la période de la colonisation de l'Abitibi dans les années 30. Cet homme a écrit plusieurs livres dont...Le Royaume du Nord...
http://libertaire9.space-blogs.com/blog-note/69926/bernard-clavel-auteur.html
»Chère Zoreilles
J'aime mieux ne pas me péter les bretelles au sujet de mes ancêtres, va!!! Que non... Surtout pas. Je n'ai que le mérite ou le démérite d'être ici, qui je suis essaie de devenir... C'est pas beau en haut! Beaucoup de Québécois ont des ancêtres patriotes.
Lorraine ou Alsace-Lorraine du côté paternel.
Je trouve vraiment fascinant de pouvoir remonter comme tu peux le faire, ne serait-ce que pour savoir, mieux comprendre! Dans ton cas, un sentiment d'appartenance. Si je pouvais rayer le reste, je garderais juste le patriote, mais même là, je ne sais pas ce qu'il a fait et encore moins si je serais d'accord avec! :DDD
La déportation des Acadiens... J'en étais triste et angoissée quand je voyais les dessins d'embarcation et de familles séparées dans notre livre de déshistoire du Canada quand j'étais petite. Ça m'a beaucoup frappée.
Zed ¦D
Fascinant.
Tout simplement fascinant.
@ Solange : Des photos touchantes de cette époque, j'en ai quelques-unes encore, je les collectionne depuis longtemps et je les documente autant que je le peux. Je les partage aussi, avec ceux qui ont vécu « cette pas pire épopée ». C'est surtout le récit de ma grand-mère qui est tellement encore plus touchant, si tu savais... Ce que j'aime, c'est qu'elle ne le racontait jamais en se plaignant, en mettant l'accent sur la misère ou les difficultés, elle passait vite là-dessus en insistant plutôt sur tout ce qu'il y avait de positif, de louable, d'humain. C'était du bon monde, des coeurs gros de même, ça raconte la vie dans ce qu'elle a de plus beau, des attitudes, des motivations, des espoirs, de la solidarité, de l'entraide, ça nous fait presque regretter de ne pas avoir vécu ça nous-mêmes et de ne plus retrouver ça aujourd'hui autour de nous. Enfin, je sais que ça existe encore, mais qu'on n'en entend jamais parler...
@ Le factotum : Ça te tenterait pas d'écrire ça? Un beau projet de début de retraite, non? Et ton père est toujours à tes côtés, tu le vois tous les jours... Quand j'ai fait la bio de ma grand-mère, j'avais procédé ainsi : pour ne pas la fatiguer, j'avais fait plusieurs entrevues à quelques jours de distance. Mais on parlait d'autres choses aussi à travers ça, et j'apportais ma guitare pour l'amadouer, et on chantait, parce qu'elle n'aimait pas « la tite machine » mais elle l'oubliait après quelques minutes. À la fin, j'avais 270 minutes d'enregistrement. J'en ai fait un « best of » de 90 minutes, une cassette que j'ai multipliée et donnée dans toute sa famille, en même temps que je leur remettais un exemplaire de sa bio. Elle a reçu ensuite des témoignages de reconnaissance, des visites, des lettres de remerciement, etc. J'avais eu de l'intuition, elle est décédée quelques mois plus tard, après nous avoir légué notre histoire et ce qu'elle avait de meilleur en elle.
@ Linda : Oui, Bernard Clavel est littéralement tombé sous le charme de notre région, comme beaucoup de Français d'ailleurs. Il a beaucoup fouillé les archives, il a été fasciné par les débuts de la Colonisation en Abitibi, dont Amos est le berceau. Il en a fait plusieurs romans, dont « Harricana » est le plus connu. Merci pour le lien.
@ Zed : Sans vouloir vraiment me péter les bretelles avec mes ancêtres, j'aime leur rendre hommage, parce que ces gens-là n'ont jamais rien fait pour passer à l'histoire vraiment, aucun titre, pas beaucoup d'argent ni d'instruction, pas de rang social particulier, aucune implication politique ou sociale digne de mention dans les vrais livres d'histoire. Et c'est dommage, je trouve, parce qu'ils ont réellement été représentatifs de leur époque, ils ont cherché l'espoir et l'ont trouvé, ils ont été perçus comme des gens ordinaires mais ils étaient extraordinaires dans leurs courages au quotidien, leur volonté de construire du neuf, du beau, du bon, du solide, du vrai.
Quant à la Déportation des Acadiens, nos livres d'histoire en ont tenu compte mais ils n'en disent pas tout le drame. Des familles, des couples, ont passé tout le reste de leur vie à se chercher, c'est une quête qui dure encore, tous les descendants Acadiens, dont je suis, cherchent toujours à faire des liens, à se trouver de la parenté, ça marque encore nos destins. Tous les Acadiens que je connais sont fiers de leur langue, leur drapeau (le bleu blanc rouge français avec une étoile jaune) leurs coutumes, leur culture, qu'ils défendent avec passion et fierté. Malheureusement, après 250 ans, à certains endroits, comme en Louisianne, ils s'en viennent pas mal assimilés. Mais la plupart résistent encore.
@ Guy : Toi qui connais bien Ti-Mile, tu connais maintenant ses racines, qui sont aussi les miennes! ;o)
J'ai un beau-frère acadien pure-laine avec l'accent du Nouveau-Brunswick ...
Toujours beaucoup de choses à dire au sujet de ses ancêtres.
Un Robichaud!
Lui aussi cherche toujours à faire des liens, à se trouver de la parenté. Il affiche fièrement son drapeau sur la plaque avant de sa voiture.
Si cela t'intéresse, je t'enverrai ses coordonnés ...
@ Le factotum : Je suis contente que tu reconnaisses ton beauf Robichaud dans ma description des Acadiens d'aujourd'hui. Tu vois, j'invente rien!
L'Acadie, ce n'est pas un pays, mais c'est une nation, sans terre et sans frontière, avec une identité propre, une histoire avec un grand H, fortement marquée par la Déportation, une diaspora forte de par le monde entier, c'est ce que représente l'étoile de leur drapeau, sur fond bleu blanc rouge du drapeau français. Un symbole de fierté et de résistance.
On parle peu de ces choses-là au Québec, on aime mieux les passer sous silence. Au Canada, disons qu'on n'a pas intérêt à ce que des alliances se développent entre Acadiens et Québécois. Pour des raisons politiques que je n'ai pas besoin de t'expliquer.
Savais-tu qu'il y a déjà eu ici l'Association acadienne de l'Abitibi-Témiscamingue? Plus de 10 % de la population témiscabitibienne est de descendance acadienne. J'ai été parmi les fondateurs de cette association, j'en étais aussi la responsable des relations publiques. Ils m'ont remis une plaque « pour implication exceptionnelle » quand l'association s'est dissoute... 5 ans après sa fondation. J'en aurais long à te conter sur les projets qu'on a menés et les apprentissages qu'on a faits, les liens qu'on a créés et qui sont encore tissés serré!
Ne me donne surtout pas les coordonnées de ton beauf, ce n'est pas que je ne veux pas le connaître, mais j'en ai déjà plein les bras avec tous les Acadiens qui me demandent encore des exemplaires de la bio de Grand-Maman ou des photos historiques et plein de demandes auxquelles je m'efforce encore de répondre, parce que je ne peux tout simplement pas les ignorer...
Désolée Zoreilles, l'expression s'appliquait vraiment juste à moi. Je serais contente d'avoir eu des battants comme ancêtres, Tant mieux si jamais il y en a eu parmi eux. Pour toi, c'est clair. Je te comprends.
Là... Je retire toutes mes bretelles! Et les expressions qui vont avec. :DDD
Zed ¦)
Là, je reconnais ton grand ♥.
Tu ne peux dire non à ces bonnes gens de l'Acadie!
Pour Zed:
Je te vois bien sans bretelles ...
Zoreilles,
Pure merveille! Ce n'est pas pour rien que tu es si racée, comme on dit parfois. Il y a de quoi être fiers de ses racines.
Ce qui me fascine aussi, ce sont tous ces hasards qui te permettent de remonter le temps. Je me souviens de la première photo que tu étais si fière d'avoir trouvé par hasard d'un voyage aux Iles. Et voilà que tu as la 2è.
Ce qui me frappe aussi, c'est cet instinct de solidarité qui se développe quand on fait face à une menace ou un grand malheur. Ce sentiment est tellement fort ici, à Havre-Saint-Pierre. Les gens sont fiers, attachés à leur racine, à leur communauté tricotée serrée. Le drapeau de l'Acadie flotte partout. Je m'intéresse à leur histoire comme si c'était la mienne.
@ Zed : Peut-être y a-t-il tout plein de battantes et de battants dans ton arbre généalogique, c'est juste que tu ne les connais pas. À cette époque, pour survivre, il fallait l'être un minimum. La plupart des gens ne connaissent pas leur histoire familiale, leur histoire tout court. Je suis encore une fois en dehors du courant! Ça a probablement quelque chose à voir avec le fait que ma grand-mère habitait chez nous (on partageait la même chambre) qu'elle avait une mémoire vive, une sensibilité très grande, qu'elle aimait raconter autant que j'aimais qu'elle me raconte. J'ai été « contaminée » dès ma plus tendre enfance et ça ne s'est jamais arrêté! D'ailleurs, dans sa propre famille à elle, donc mes cousins et cousines qui ont eu accès facilement à sa bio, aux photos, à ses souvenirs et récits, on est généralement d'une indifférence totale à tout ça...
@ Le factotum : Bof, tu sais, le grand ♥ c'est plutôt mon maudit grand sens des responsabilités... C'est mon grand drame!!!
J'ai envoyé le lien de ton texte à ma soeur Line ...
@ Jacks : Je savais qu'avec toi, j'aurais un bon public!!! Parce que tu t'intéresses autant que moi à l'histoire, la petite histoire qui, multipliée par mille, devient la grande Histoire, la nôtre, si proche de l'attachement à nos valeurs et le sentiment d'appartenance à un territoire, une région, un pays.
Par un beau hasard (!) dont tu as le secret, tu côtoies à Havre-Saint-Pierre ces mêmes Madelinots, ceux du premier contingent qui ont « émigré » sur la Côte-Nord pour y fonder villes et villages, au XIXe Siècle. Dans leurs cas, il y a eu plusieurs départs et la Côte-Nord était une destination naturelle pour eux... Au début du siècle suivant, il y a eu des contingents de Madelinots partis vers la Gaspésie (entre autres à Lac-au-Saumon), une autre communauté madelinienne s'est dirigée vers le Saguenay-Lac St-Jean et finalement, en Abitibi, nous sommes le dernier contingent, pas du tout documenté, sauf dans la tradition orale, de deux groupes, l'un en 1940, dont mon père était, le dernier en 1942, dont ma mère, sa famille, et toute la famille de mon père faisaient partie.
Là, tu te demandes sûrement comment se fait-il que mon père était arrivé en Abitibi deux ans avant sa famille? Une longue histoire, à la fois touchante, incroyable et très belle. Un peu triste mais quand même faite de résilience et d'espoir.
Je me sens un peu la personne dépositaire de toute cette histoire des Madelinots en Abitibi. On dirait que j'ai comme une mission de la faire connaître. J'avais promis au directeur du Musée de la Mer, à Havre-Aubert, Iles de la Madeleine, de lui remettre la bio de ma grand-mère ainsi que des extraits d'entrevues audio que j'avais réalisées avec elle... Je n'ai pas encore tenu parole.
Je pense le faire en personne à la fin juin 2012...
Si ce n'était pas si long, je te raconterais les hasards émouvants qui me sont « tombés dessus » à mon dernier voyage...
@ Crocomickey : J'en suis honorée, la « voix des Iles » viendra me lire, alors que c'est plutôt moi, d'habitude, qui me plais à « l'écouter »... Quand je l'entends à la radio, je vois tellement de belles images ♥
Zoreilles
Ce que j'ai voulu dire, c'est simplement que je ne me sens aucune responsabilité (donc aucune fierté ni honte) en tant que personne face aux « bons » ou « mauvais » coups des gens qui m'ont précédé. C'est sûr que malgré tout, j'étais un peu contente de savoir que j'avais un ancêtre patriote! Mais je ne suis pas particulièrement heureuse de me sentir contente de ça. Ce sont ces mots fierté, qui va avec honte... Je trouve, personnellement, qu'ils devraient porter sur le travail, l'effort ou l'erreur individuels.
En même temps, je comprends que ce que tu fais, toi, c'est leur rendre hommage, puisque tu as la chance de connaitre cette importante partie des histoires, majuscule et minuscule et qu'elles valent la peine d'être soulignées mille fois plutôt qu'une.
J'aurais bien aimé connaitre « mon histoire », pour apprendre, mais en même temps, comment dire...ce n'est pas moi qui vais chercher plus que ce que je n'ai déjà trouvé, le patriote en question.
Zed ¦)
@ Zed : C'est tellement personnel, tout ça, comment on est inspiré (ou pas) par ceux qui nous ont précédés.
Je pense bien que j'en tire une certaine fierté, ça se peut, mais je dirais plutôt qu'ils m'inspirent, parce que tout ce qu'ils ont vécu, les choix qu'ils ont faits et surtout assumés, je voudrais que ce ne soit pas pour rien, qu'on en tire quelque chose qui s'actualiserait très bien si l'on voulait... Ils ont construit des pays... avec pour seuls bagages des coeurs gros de même, de l'entraide, de la jarnigoine, des chansons, des initiatives qui ne manquaient pas d'audace et quelques mots écrits sur des bouts de papier pour ceux qui étaient capables de le faire.
Je cherche souvent des réponses, des chemins à suivre, de la motivation et du réconfort dans les choix qu'ils ont faits, les gestes qu'ils ont posés, comment ils abordaient la vie et les épreuves, leur résistance farouche mais pacifique, leur confiance en l'avenir.
Zoreilles,
comme toujours tu partages avec nous des moments chargés d'émotions...et d'histoire; moi j'en serais incapable pour l'histoire (mes ancêtres, du Poitou et du nord de la France, je les connais seulement sur papier), et pour ce qui est de l'émotivité je baigne dedans un peu trop, ce que tu sais déjà.
Ma mère est à l'hôpital, et mon outlook a des ennuis: impossible d'envoyer un courriel même si je les reçois (j'aurais voulu t'écrire en privé), mais je suis là pour elle, même si je me sens totalement inutile. Elle devrait sortir d'ici quelques jours...
Lise ♥
@ Lise : Ta mère est hospitalisée et je peux bien mesurer dans quel état d'inquiétude ça te plonge... Mais elle sortira dans quelques jours, alors, j'aime mieux penser que ce n'est rien de grave et qu'elle sera sur pieds d'ici peu.
Quant à ton Outlook qui ne fonctionne pas, ça m'est déjà arrivé de pouvoir envoyer sans pouvoir recevoir, donc l'inverse de ce qui t'arrive, et c'était un petit quelque chose d'insignifiant qui avait été coché (ou décoché) accidentellement. Cherche du côté de « options » ou « compte », tu pourrais tomber dessus.
Mes ancêtres (contemporains) je les ai bien connus, surtout ma grand-mère maternelle. Ce qui m'a facilité les choses, c'est qu'ils ont eu des parcours semblables depuis la Déportation, je n'avais qu'à suivre cette trace.
Zoreilles,
mon problème avec Outlook s'est réglé tout seul: étrange et bizarre! Et pour ma mère, ce n'est rien de sérieux pour une fois et elle doit sortir demain. Soulagement! Mais je me suis fait à l'idée que ça se produira sans doute de plus en plus souvent, à mesure qu'elle avance en âge, et j'essaie de ne pas paniquer. Je me souviens de l'an dernier à l'urgence après une journée à attendre, où je me suis mise à pleurer hystériquement devant elle, et me suis promis que ça n'arriverait plus jamais. Je tiens parole, pour ne pas la bouleverser et... pour ma santé mentale.
Bonne fin de semaine chère Zoreilles qui sait si bien écouter.
@ Lise : C'est donc aujourd'hui que ta mère sort de l'hôpital? Un souci de moins pour toi, enfin, de l'inquiétude de moins. Mais tu es réaliste, tu sais que ça peut se produire encore puisqu'elle avance en âge. Si ça peut te renforcer dans ton attitude, je te dirais que Belle-Maman est transportée en ambulance quelques fois par année à l'hôpital où l'on doit être à son chevet constamment. Chaque fois, elle ressort de là au bout de quelques jours, elle est rendue à 90 ans et se porte très bien de sa santé physique. L'hôpital, en principe, c'est supposé de guérir les gens!
Comme pour les petits enfants, en leur présence, on fait abstraction de nos sentiments et nos besoins, il faut penser à EUX d'abord pour les entourer de toutes nos attentions et nos délicatesses. Notre rapport change avec eux... à mesure qu'ils deviennent plus âgés, plus fragiles et plus vulnérables.
Bonne fin de semaine à toi aussi.
Allo Zoreilles!
Je suis plutôt délinquante par les temps qui courent!
Je viens de te rendre visite et ça fait certainement 3 semaines que je ne suis pas venue voir ce que tu nous offrais!
Merci pour les belles photos et les histoires!
Ce qui pouvait se passer dans la tête des enfants? Mon père m'en a souvent parlé.
Pour lui et ses frères, c'était l'aventure, le bonheur total! La vie n'était pas facile, quitter la pauvreté pour l'aventure, on y gagnait au change, du moins provisoirement car on ignorait si c'était le malheur ou le bonheur qui nous attendait.
Dans le cas de mon père,de ses frères et soeurs, et même de la "bonne" que j'ai tellement bien connu, c'est le bonheur qu'ils ont connu. Quand on s'oublie dans un projet, on ne se plaint pas de la misère.
Accent Grave
@ Accent Grave : C'était presque comme vous le dites, dans le cas des miens aussi. Sauf qu'ils partaient en groupe, (104 en 1941 et 102 en 1942) ils se connaissaient déjà, certains étaient parents, et l'aventure en pays neuf, ils l'ont vécue ENSEMBLE, ça a renforcé leurs liens de parenté ou de solidarité. C'est pourquoi ma mère peut encore identifier tous les enfants qui sont sur cette photo!
Mais n'empêche que le jour du départ, il y avait beaucoup de tristesse sur le bateau, parce qu'ils laissaient derrière eux de la famille et des amis. Et la mer... Ça explique ces retrouvailles toujours chaleureuses et émouvantes avec ceux qui sont restés aux Iles...
Ils ont laissé un avenir bouché aux Iles pour trouver ici une sorte de pauvreté qu'ils n'avait jamais connue, avec de la forêt en masse pour se réchauffer et pour bâtir, pour gagner leur vie, de la terre pour cultiver, ils n'avaient rien mais ils ne manquaient de rien. Et la plupart des hommes ont fini par travailler dans les mines.
Pour favoriser la Colonisation, il y a eu le Plan Gautrin, le plan Gouin et en 1941-1942, pour les Madelinots, c'était le Plan Gorden. Tous ne tenaient pas leurs promesses mais on le découvrait seulement une fois rendus ici...
Aujourd'hui, on parle du Plan Nord... Le passé est garant de l'avenir, vous savez!
Quant à l'épopée qu'a vécue la famille de votre père, à Rollet, aux frontières du Témiscamingue, je devrais pouvoir lire ça très bientôt (ma belle-soeur Gisèle qui vient chez nous en octobre m'a promis de me donner son vieil exemplaire de « La rivière Solitaire »). Je vous en reparle dès que je mets la main dessus! Je me souviens qu'il s'agit d'un roman de Marie Le Franc mais que c'était beaucoup « inspiré »...
@ Talou : T'es délinquante? J'adore ça!!! Ça faisait trois semaines? Bah, quand on aime on ne compte pas!
Non mais sérieusement, c'est ce qui est formidable avec les relations virtuelles : juste du plaisir, pas d'obligations. Tu reviens quand tu veux, je fais pareil de mon côté, on aime ça de même ♥
À tous, votre attachement à l'histoire, celle du Québec et de votre famille me fait rougir...
Pas que je ne sois pas attachée aux miens et au Québec, mais l'histoire ne m'a jamais attirée. Probablement que mes profs, plus qu'ennuyant au secondaire, n'ont jamais su éveiller cette fibre en moi.
Bien sûr, je suis heureuse de savoir que mes ancêtres viennent de la Bretagne. Qu'une iroquoise est dans mon arbre généalogique - je ne pourrais pas le nier avec le profil de mon nez!!!
Quand même, je ne suis pas suffisamment passionnée pour faire toutes ces recherches moi-même. Je les lirai si on me les propose, mais jamais je n'aurais la curiosité d'initier quoique ce soit.
Pourtant s'il y en a une qui aime raconter des histoires, c'est bien moi. Paradoxal un peu, je sais.
Je pense que je suis très ancrée dans le présent... que c'est l'histoire des gens AUJOURD'HUI qui me stimule...
Il est bien connu que : Celui qui ne sait pas d'où il vient ne peut savoir où il va.
Une chance que vous êtes là...
@ Talou : Je t'annonce officiellement que tu es très normale! La plupart des gens sont comme toi, ils s'intéressent à l'aujourd'hui et ça ne les empêche pas de savoir où ils vont...
Ce ne sont pas du tout (loin de là) mes profs qui m'ont intéressée à l'histoire, c'est ma grand-mère qui habitait chez nous, alors on baignait là-dedans, elle était elle-même un vrai livre d'histoire! Et bonne conteuse.
Ce que j'aime le plus dans l'histoire, c'est ce qu'on ne lira jamais dans aucun livre, le petit quotidien, les anecdotes, l'inventivité, les travers, la jarnigoine, les leçons de vie, la résilience, les mouvements, les tendances, tu vois le genre? Plus je connais la nature humaine au passé, plus elle me fascine et plus ça m'aide à comprendre l'aujourd'hui.
Et même si je sais tellement d'où je viens, je t'assure que je sais pas tout le temps où je m'en vais parce qu'au fond, j'aime réinventer ma vie ♥
"On quittait nos parents, mais à partir de là, notre famille, c'était nos enfants, on s'en allait vers l'avenir".
C'est vraiment magnifique et émouvant ce qu'a dit ta grand-mère.
@ Mijo : C'était tout un renoncement quand même... mais c'était plein de sagesse aussi. D'ailleurs, sa bio, je la connais par coeur, c'est moi qui l'ai menée, mais je la relis encore parfois, je peux jamais décrocher avant la fin. C'est un vrai livre de sagesse qui contient tant de choses belles et vraies dont je veux m'inspirer.
Juste pour te dire, la première phrase, et je me souviens très bien, je venais de peser sur le bouton « enregistrement », je n'avais pas encore posé une seule question, elle m'a dit :
« Je peux dire que j'ai heureuse toute ma vie... » (silence)
Ensuite, elle me parle de ses parents, frères et soeurs, son enfance, ses amours avec un homme qu'elle avait beaucoup aimé mais pas assez pour l'épouser, et mon grand-père, l'homme de sa vie, ses belles années dans l'enseignement, ses enfants, sa vie quotidienne aux Iles, le départ pour l'Abitibi, leurs motivations, leurs espoirs, leur vie au quotidien, la vie de famille et en société, ce qu'elle voulait léguer, transmettre, donner, communiquer, vivre encore... Et même ce à quoi elle croit, à quoi elle s'attend après la vie, comment elle entrevoit la fin.
Et puis, surtout, ce qu'on ressent à chaque ligne, c'est qu'elle nous a tant aimés...
Parfois, j'écoute encore ces cassettes d'enregistrement, à la fin, elle chante... Et moi, je chante avec elle...
@ Mijo (encore) : Maintenant que je t'en ai parlé, j'ai cette chanson de ma grand-mère dans la tête pour tout le reste de la journée!
Écoute, je t'en chante un bout, le premier couplet et le refrain :
« Il est un sentiment vivace/Plus doux qu'un soleil de printemps/Un souvenir que rien n'efface/Pas même la marche du temps/Dans les passages de la vie/Quand s'agite le désespoir/L'ombre d'une image chérie/Apparaît dans notre ciel noir »...
Refrain : « On se rit d'une folle ivresse/On oublie un jour sa maîtresse/On brûle ses lettres d'amour/Mais de sa mère, mais de sa mère/On se souvient toujours ».
C'est beau, hein? Imagine-là maintenant chantée par une petite voix chevrottante puis plus assurée, comme cristalline, avec des beaux yeux bleus qui te regardent et voient en dedans de toi...
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