Photo 1 : Par un beau soir de cet été qui s'achève, je ne sais plus exactement quand, on a observé cette petite famille de huards bien sympathique qui habitait les rivages des îles pas loin de chez nous. Le petit a bien grandi depuis...
Photo 2 : Le même soir, dans le soleil couchant qui les enluminait d'or, Papa Huard et Maman Huard avaient dû coucher le petit, je suppose?
La couleur des sentiments
On s'en parlait encore ce matin, Crocodile Dundee et moi, puisque nos déjeuners-causeries seront toujours probablement parmi nos meilleurs moments de la journée, avant qu'on se laisse envahir par cette vie qui va trop vite et ces responsabilités qui nous submergent. On a grandi dans cette ville, on a été à l'école ensemble pendant tout notre secondaire, on a travaillé partout, on s'est impliqué, on aime le monde, et donc, on passe notre temps à avoir de la peine pour l'un, à aider l'autre, à être touchés, sollicités, remués ou interpellés pour comprendre et intervenir dans toutes sortes de situations. C'est la vie. Enfin, c'est la nôtre.
Parmi ces gens autour de nous qui vivent des choses difficiles, je pense à ces deux couples d'amis dont la conjointe, dans la jeune cinquantaine, souffre de la maladie d'alzheimer. C'est de l'un des deux que je veux vous parler, A et J qui font partie de notre entourage. J a été diagnostiquée il y a trois ans, alors qu'elle avait à peine 50 ans, elle en a aujourd'hui 53 et sa maladie dégénère rapidement, de façon dramatique.
Son conjoint, A, ne la laissera jamais tomber, il en prend bien soin, il y laissera sa santé et peut-être même sa vie, on le sait, il nous l'a dit, il le prouve tous les jours et l'on ne peut rien y faire. Sauf être là, parfois, quand l'occasion se présente, qu'il a besoin de nous, lui offrir notre amitié, notre complicité tacite, notre regard bienveillant et compréhensif, notre humour aussi, il ne faut pas négliger cet aspect-là dans ce qu'il vit.
Pourtant, ça ne devrait pas être si difficile...
On a connu J dès qu'elle a fait partie de sa vie à lui, ça fait longtemps. Dans nos soupers d'amis, nos rencontres au hasard de nos courses en ville, nos sorties, les sports d'équipe et partout, A et J formaient un drôle de couple avec lequel on avait plaisir à parler, rire et échanger sur tous les sujets. Il arrivait souvent que J se retrouve dans le même cercle que moi, je sentais qu'elle m'aimait bien et c'était réciproque.
Depuis trois ans, depuis que cette affreuse maladie a pris beaucoup de place dans leur vie, les gens se sont faits plus rares autour d'eux, on ne les invite plus comme avant, on les fuit, j'ai vu le phénomène se produire insidieusement très souvent sous mes yeux, j'ai observé nos amis communs et j'ai été déçue de leur attitude. A s'en est déjà ouvert à moi, il en souffre énormément, il se sent coupé du monde, lui qui en aurait tellement besoin comme d'une brise rafraîchissante dans cette canicule qui ne finira jamais.
Je ne peux plus rien pour J qui ne me reconnaît plus, qui ne rit plus de mes mimiques et avec laquelle je ne peux plus entrer en communication d'aucune manière, même non verbale. Elle n'est plus là, cette J qui me trouvait drôle et qui cherchait ma compagnie, qui venait s'asseoir avec moi tout naturellement, après m'avoir fait la bise. Au début de sa maladie, elle me souriait quand même, comme si je lui rappelais quelque chose d'agréable. Mais maintenant, dans sa phase très agressive de la maladie, je représente sans doute une menace pour elle, en tout cas, quelque chose de très désagréable et de dérangeant. C'est devenu difficile pour moi de les côtoyer.
L'autre soir, on allait au cinéma ensemble, trois couples d'amis, dont A et J. Comme toujours, on avait rendez-vous à la terrasse du bistrot-bar d'en face une heure avant, histoire de prendre un verre avant le début de la projection du film qu'on voulait voir. C'est le seul genre de sortie que A et J peuvent se permettre de faire avec les amis que nous sommes et qui n'ont pas encore déserté. J est devenue extrêmement agressive et méprisante envers A mais il semble résigné à ça, c'est son lot quotidien, et il la laisse faire, sauf quand elle le frappe, il lui prend les poignets pour l'immobiliser et lui parle doucement pour qu'elle cesse. C'est rendu là.
Ce soir-là, je me suis assise à côté d'elle, nous étions arrivés bons derniers et il y a toujours une place libre à côté d'elle, vous comprenez pourquoi. J'ai commandé mon Perrier-citron, j'ai allumé une cigarette (on était dehors, sur la terrasse quand même!...) et j'ai vu dans son expression que ça la dérangeait. J'ai éteint tout de suite ma cigarette et mis le cendrier sous la table, sur le trottoir. Par la suite, elle ne m'a pas lâchée de toute l'heure, me traitant de tous les noms, m'ordonnant de m'asseoir par terre, que c'était ma place, me jetant des regards méprisants, murmurant des insultes à profusion, les disant plus fort à d'autres moments, dont certaines bêtises, ce n'est pas de sa faute et je le comprenais, mais certaines me blessaient beaucoup.
Je n'en veux pas à J, pas deux secondes, elle n'est plus elle-même, la maladie fait son oeuvre. La question n'est pas là. Mais passer une heure assise à côté d'une personne qui vous déteste, vous méprise, et le manifeste verbalement sans ménagement, j'ai trouvé ça pénible et je ne savais pas quoi faire, je ne pouvais pas réagir. Il y avait un grand malaise à notre table et autour, parce que personne n'osait réagir non plus. À un moment donné, elle a pris son bol de café moka presque vide dans ses mains, en me dévisageant avec toute sa rage, j'ai cru qu'elle allait me le lancer. Je me suis levée debout, j'ai dit qu'il serait temps qu'on traverse au cinéma avant de devoir faire la file...
J'ai eu beau par la suite me rappeler les beaux moments vécus avec J dans le passé, de nos discussions enjouées du temps où elle m'aimait bien, du plaisir qu'on a eu, des rires qui fusaient jadis quand on était ensemble, subir un pareil rejet de sa part aujourd'hui, dans un lieu public ou même en privé, c'est au-dessus de mes forces, je le confesse en toute franchise.
Je ne suis pas fière de moi, je commence à comprendre tous ceux et toutes celles qui se sont éloignés du couple A et J ces trois dernières années. Je ne laisserai jamais tomber A, c'est toujours un ami pour lequel j'ai des sentiments colorés d'amitié, d'affection, de compassion et d'empathie, mais je ne m'obligerai plus à subir pareil rejet de la part de J, trop affectée par cette terrible maladie.
36 commentaires:
Maudite maladie, qui t'enlève ton passé, ton présent et t'interdit un futur.
Maudite maladie, qui t'amène à insulter même tes meilleures amies, tout comme tes proches parents.
Maudite maladie qui t'isole dans un monde lointain, où tout semble hostile et malfaisant, même les amies, les amis, les frères, les soeurs, le conjoint,
maudite maladie qui te tue mais te laisse bouger et semer la terreur autour de toi...
Maudite maladie qui, enlève tout espoir de jours meilleurs.
J'espère que cette bonne amie que la maudite maladie t'a enlevée, puisse connaitre une fin de vie un peu plus calme et avec un peu de sérénité pour ses proches qui s'en occupent avec amour...
Tu sais Zoreilles, ce n'est pas une personne qui te déteste. C'est l'être qui n'est plus elle, qui n'est plus son être. Le verbe être de la maladie.
Personnellement je me garderais bien un petit cocktail à portée de main avant de ne plus être moi. Je n'aurais pas le courage de notre cinéaste. Quelle horreur. Il y en a pas mal dans ma famille, des deux côtés. J'ai peur pour quelqu'un qui est près de moi. À tort, j'espère. Vivement la recherche.
Je me demande s'il existe pire maladie. À cette phase, elle me fait penser à un monsieur atteint du syndrome de la Tourette, rencontré dans un bus et qui déblatérait des saletés sexuelles et sexistes inimaginables, l'une à la suite de l'autre, sans pouvoir s'arrêter. Je l'avais engueulé comme du poisson pourri. Je ne connaissais pas la maladie en question. Je pense qu'il aurait dû utiliser un autre moyen pour voyager, pauvre monsieur. Parce que c'est l'enfer pour ces personnes et pour les gens qui sont captifs dans le bus, des tout-jeunes, des enfants...
J aurait besoin d'aide, d'un placement, à tout le moins, quitte à ce que son conjoint aille la visiter tous les jours, je crois. C'est si triste à dire, je sais.
Et je pense souvent à notre ami Omo-Erectus, qui nous avait parlé de son père dans un billet magnifique. Son père, rongé par cette saloperie.
Comment donc fait son conjoint... ne se détruit-il pas? Car on ne peut rester insensible à un tel mépris, même s'il vient d'un haut-parleur et de collisions entre les neurones brisés.
Tu n'as pas de photos qui pourrait ramener des souvenirs positifs car je te comprends tellement de plus pouvoir fréquenter la maladie qu'elle est devenue, hélas, parce que personne n'a osé intervenir alors qu'elle était encore une PERSONNE malade, elle-même. Qu'est-ce qui aurait été le mieux? Je l'ignore. Qu'est-ce qu'elle aurait souhaité, l'a-t-elle jamais dit?
Tout le monde ne sera pas d'accord avec moi, je comprends. Peut-être que je fais aussi de la projection.
Courage, chère Zoreilles et que l'amour autour de toi t'accompagne dans ces moments où la mémoire heureuse ne fait plus le poids.
Tes photos : la seconde, avec sa lumière saumon, me fait penser à d'anciennes cartes postales. Toute douce, la lumière. Peut-être est-ce le cri si particulier du huard qui se fait entendre en toi.
Zed
Sage attitude, Zoreilles
Nous avons connu un couple d'amis dans la même situation au même âge. Lui, il s'est occupé d'elle de façon héroïque pendant de nombreuses années. Au début M, sa compagne, avait une attitude très adéquate. Puis, graduellement elle est devenue méfiante, puis agressive.
Finalement, lui J,il a dû se résigner, la placer dans un foyer pour gens non autonomes. Les 2 sont travailleurs sociaux. Je l'ai connu en 1966, à l'Université de Mtl.
Le problème se pose au moment où une partie de leurs souvenirs leur échappent. Alors ils interprètent la réalité tronquée, en imaginant des faits irréels. J'ai connu cette réalité avec ma mère. Encore un peu lucide, elle mêlait ses rêves et sa réalité. Souvent, elle m'en voulait énormément pour des choses que je n'avais jamais faites. Elle perdait ses clés, ses bijoux, des vêtements et pensait que je l'avais volée.
C'est une maladie terrible. Ça prend du courage, du renoncement. Mais je crois qu'il est est sage de prendre ses distances à partir où nos propres forces en subissent les conséquences. On n'a pas le choix. Sinon, c'est comme courir la chance de se noyer en sauvant quelqu'un en train de le faire.
Connaissant ton grand coeur, je comprends que la situation ne doit pas être évidente. Et, à mon humble avis, c'est une bonne idée de s'occuper principalement de cet ami qui a besoin d'êre entouré.
@ Barbe blanche : Tu dis : « Maudite maladie... qui t'interdit un futur... » et c'est ce qui me dérange le plus moi aussi, elle n'a plus de présent ni d'avenir mais lui non plus, encore plus malheureux qu'elle, parce que tout à fait conscient et lucide, lui, et tout aussi isolé. Tous ses proches l'ont abandonnée, elle avait une famille, elle n'en a plus, il est le seul à s'en occuper, à prendre cette responsabilité. Il ne peut même plus aller travailler, lui qui pouvait au moins vivre normalement durant le jour à son travail, à cet âge, il n'était pas à la retraite encore. Il est avec elle, 24/24, 7/7, 365 jours/par année. Il a un obtenu un congé indéfini « par compassion », c'était prévu dans sa convention collective. Il s'entête, il s'acharne, il se débat tout seul, j'ai peur pour sa santé à lui maintenant.
@ Zed : Je ne le prends pas personnel, ces bêtises qu'elle peut m'envoyer et c'est arrivé plus d'une fois dernièrement mais les sentiments ne sont ni bons ni mauvais, ils SONT et quand on a passé une grande partie de sa vie à se reconstruire une toute petite estime de soi bien fragile, il ne faut pas faire exprès de se la laisser bousiller, même par une personne malade. Le petit cocktail à portée de main, j'y ai pensé aussi pour moi-même si jamais, mais comment expliquer que personne, à part notre cinéaste Claude Jutra, ne soit allé au bout du geste quand le diagnostic est venu? Son conjoint ne veut pas la placer, il est catégorique, ça équivaudrait à la tuer de ses propres mains, il me l'a dit en pleurant dans mes bras la nuit de Noël, au sortir de la messe de minuit où nous allons encore, lui et moi, comme c'était notre tradition dans notre patelin... C'est la seule fois depuis trois ans où je l'ai vu tout seul, sans elle, parce qu'il l'avait confiée à sa visite, le temps de s'éclipser une heure ou deux pour aller entendre des chants de Noël dans l'église. Oui, A se détruit à peu près au même rythme qu'elle, mais consciemment, lui. Je crains vraiment pour eux.
@ Jacks : Voilà pourquoi je crois qu'il est de mon devoir de rester forte pour l'entourer, lui, puisque je ne peux plus rien faire pour elle. Je lui ai conseillé déjà de la placer en institution où elle recevrait des soins, avant d'y laisser lui-même sa peau, ce qui n'arrangerait rien pour elle non plus s'il s'épuise ou s'il meurt au combat. Il ne veut pas en entendre parler pour le moment. Et qui lui fera entendre raison? Tout le monde les abandonne, ces deux-là...
Allo Zoreilles,
Je pense que A a beaucoup plus besoin de votre présence que J.
Il devrait pouvoir prendre du temps pour fréquenter ses amis, même si J ne l'accompagne pas et d'ailleurs, peut-être qu'une partie du problème est justement que A tient à amener J avec lui partout, comme auparavant.
Ce n'est plus comme avant et c'est peut-être ça, le plus difficile à accepter de cette maladie.
Le plus pénible de cette histoire est l'idée que sa propre présence fait du mal en face de cette maladie. Il faut du courage, et je vous en souhaite beaucoup.
Il y a Pauline julien, qui atteinte de cette maudite maladie, a décidée de traverser de l'autre côté du miroir, pour ne pas connaitre l'horreur de cette maudite maladie.
J'ai un beau frère qui a été atteint par cette maudite maladie, pour sa part, il était plutôt tranquille, il est resté à la maison jusqu'à la fin, ce n'était pas facile tous les jours, son décès fut un peu come un soulagement pour sa famille proche, même si ils avaient tous une peine très profonde...
Il était rendu à 84 ans, quand il est mort, ma soeur en avait 79, elle était très fatigué à la fin...
Quand la maladie est rendue à ce point, je crois que s'il veut la garder avec lui, il devrait la faire garder quand il sort. De toute façon c'est pénible pour lui aussi et elle n'apprécie plus. J'ai fait du bénévolat pendant douze ans dans une résidence et quand les personnes étaient trop agressives on leur donnait de la médication qui les calmait.
C'est une histoire d'amour qui finit bien tristement...
Il faut beaucoup de courage et d'abnégation pour ne pas baisser les bras devant cette maladie voleuse de vie. "A" a toute mon admiration et ma compassion.
Oh, quel sujet d'actualité.
Malgré les difficultés engendrées par cette terrible maladie, jamais au grand jamais je n'abandonnerais ma compagne de vie. Je la protégerais de tout mon être mais j'irais chercher les ressources nécessaires à mon bien-être tant physique que moral auprès de mes amis.
Comme Zoreilles, ils seront toujours là si j'ai besoin d'eux.
Par contre, je n'imposerais pas ces difficultés à mes amis. Je ne crois pas qu'ils aient à subir cette ignominie de la vie.
@ Pierre : Si A est toujours accompagné de J, c'est parce qu'il ne peut pas la laisser seule du tout. Ce n'est pas n'importe qui qui veut « garder » une madame de 53 ans qui peut devenir agressive n'importe quand. A était quelqu'un de très sociable, il aimait les sorties au resto, dans les spectacles, le cinéma, le sport. Il étouffe maintenant. C'est pourquoi je crains pour sa santé, son équilibre. Il ne pourra pas tenir le coup bien longtemps... Le rapport qu'il y a entre eux, ce n'est plus de l'amour, loin de là.
@ Ren du Braque : À mon avis, le plus pénible dans cette histoire, c'est que leur avenir est bouché à tous les deux. Que peuvent-ils espérer encore? Moi aussi, je lui souhaite beaucoup de courage à lui, si vous saviez, mais je lui souhaite encore plus de trouver sur son chemin quelqu'un qui le convaincra de « placer » sa conjointe en institution, et d'aller plutôt la visiter tous les jours.
@ Barbe blanche : Pour Pauline Julien, c'était une autre maladie dégénérative que l'alzheimer, je ne sais plus laquelle, mais elle a eu toute sa lucidité jusqu'à la fin. C'est mon amie, Louise Desjardins, qui a eu la délicate mission d'écrire ses mémoires, Pauline n'était pas capable de le faire elle-même mais c'était une femme de parole qui voulait léguer quelque chose avant de mettre fin à ses jours. Ton beau-frère et ta soeur ont connu des années difficiles, tu es bien placé pour le savoir. Leur histoire est classique et ta soeur a résisté plus longtemps que la moyenne et ne l'a jamais placé mais à quel prix? Connaît-elle de belles années maintenant au moins? A-t-elle trouvé chez ses enfants, sa famille, le support dont elle avait besoin?
@ Solange : Malheureusement, les proches aidants sont beaucoup laissés à eux-mêmes, avec toute cette charge sur leurs frêles épaules. C'est là tout le problème. Souvent, ce sont les enfants qui disent à l'un des parents : « Là, ça va faire, on ne veut pas vous perdre tous les deux » et ils organisent les choses.
@ Fée : C'est la plus triste fin pour une histoire d'amour, en effet. Il a toute mon admiration et ma compassion aussi.
@ Le factotum : Tu es fait de cette même fibre que lui qui n'abandonnera jamais sa compagne. Il l'aime plus qu'il s'aime lui-même, plus que la vie elle-même. Les ressources sont rarissimes, les répits encore plus et les amis se tassent comme par enchantement. Il faut le voir pour le croire.
Je trouve dette dame bien jeune pour connaître les affres d'Azlheimer. Ça me fait quasiment peur. Tu connais mes expériences avec ce maudit Al = papa de 1989 à 1991 et maman aux iles de 2000 2009. Leurs phases agressives n'ont pas été aussi impressionnantes même si elles étaient bien là. Aujourd'hui, le temps passant et l'expérience médicale aidant, la médication a beaucoup amélioré cet aspect de la maladie de la mémoire. Peut-être la dame n'est pas bien suivie ou peut-être ont-ils décidé de passer au travers sans aide chimique. Dommage pour votre amitié mais je te comprends absolument. Cette non-communication (ou cette agressivité à sens unique) , j'aurais beaucoup de difficultés à composer avec je crois. Puisse ton ami partir au plus tôt, raccourcissant ainsi sa souffrance et celles de son entourage.
@ Crocomickey : Tu as déjà parlé chez toi de ce qui a affecté la santé de tes deux parents aujourd'hui disparus, j'imagine que ça doit t'affecter quand tu y penses. C'est rare de souffrir de l'alzheimer dans la jeune cinquantaine, autour de moi, il y a deux cas semblables. L'autre en est au début, ça vient d'être diagnostiqué, son conjoint doit maintenant lui enlever sa voiture, son permis de conduire, prévoir de l'accompagnement quand elle sort, etc. C'est une première étape. Elle lui fait promettre à peu près tous les jours de ne jamais la placer. C'est trop cruel...
Tu as fait un drôle de lapsus :
« Puisse ton ami partir au plus tôt, raccourcissant ainsi sa souffrance et celles de son entourage ».
C'est elle qui souffre d'alzheimer et pas lui mais j'ai peur que tu aies une trop grande intuition parce que tu viens de dire une grande vérité...
C'était pas un lapsus mais une faute de frappe manquante ! Ton texte était assez clair !
:-)
@ Croco : Ouais mais en écrivant le mot ami au masculin, je comprenais que tu parlais de A et tu exprimais vraiment ma peur à moi : Qu'il ait l'idée de mettre fin à ses souffrances, à son avenir bouché ben dur. T'sais?
Chère Zoreilles,
tu fais bien de ne plus vouloir être blessée par les mots (même si elle n'en est pas consciente) de J, ne serait-ce que pour préserver tes souvenirs heureux de votre amitié. Les mots s'envolent selon le dicton: faux, archifaux! Ils pénètrent à l'endroit le plus sensible et travaillent longtemps, quoi qu'on en dise.
Votre ami A va y laisser sa santé, morale et physique, et certains diraient que c'est son choix. Pas moi! Lorqu'on aime vraiment une personne, on fait tout son possible pour l'aider, la soutenir, en dépit du bon sens. Il est à souhaiter que cet homme se décide à confier sa compagne à des gens ( la "placer" oui ) qui sauront en prendre soin, cette sale maladie détruisant tout sur son passage. Mais à sa place, quel dilemme...
Je n'ai plus beaucoup le temps de visiter mes blogues préférés, tu sais pourquoi, mais je m'inviterai dimanche matin de manière privée, pour un gros café, très fort!
Et je me souviens que tu avais déjà parlé de cet ami, dans un billet précédent. Dans son malheur, au moins il vous a...
Lise xx
Barbe blanche,
il y a quelques années, Laure avait pris l'autobus pour se rendre à Montréal à partir de Sherbrooke.
Par hasard, elle s'est trouvée assise aux côtés de Pauline Julien. Je ne me souviens plus de tous les détails.Mais je me souviens qu'elle avait trouvé le voyage très long, à cause justement des difficultés de Pauline Julien au plan cognitif. Elle s'en sentie mal à l'aise et bouleversée.
On n'apprécie jamais assez cette faculté que nous avons de pouvoir communiquer clairement ce qu'on vit et ressent. Et personne de peut prédire le temps qu'il lui reste à être ainsi.
En même temps, on voit de plus en plus des centenaires lucides, enjoués et vigoureux.
@ Lise : Ce n'est pas pour préserver notre amitié (entre elle et moi) qui n'existe plus pour elle mais plutôt pour ne plus être défaite par tant de violence et de mépris. Je la verrai encore, c'est sûr, et je l'ai croisée rapidement depuis (elle est toujours avec A) mais je place maintenant une sorte de mur invisible entre elle et moi (je ne la regarde même pas, je l'ignore) et ça marche. A m'a jeté un regard complice qui voulait dire : « Tu fais bien, je suis d'accord ». Je peux comprendre A de s'entêter à ne pas la placer mais je ne sais pas comment il fait pour vivre dans ce mépris et cette violence, ces regards accusateurs, ces explosions de colère en public (à l'épicerie, une fois, j'ai assisté à ça, impuissante, les passants croient qu'elle est gelée ou victime de violence conjugale, le jugement des autres, c'est terrible). Sa phase agressive dure depuis trop longtemps, je ne l'imagine même plus autrement. En tout cas... J'ai connu plusieurs personnes (âgées) atteintes de cette maladie mais J, c'est le pire cas que j'ai vu. Et bien sûr, tu peux t'inviter pour un gros café fort demain matin, je serai là.
@ Jacks : Dans mon souvenir, Pauline Julien avait un problème au niveau du langage, une sorte de dysphasie qui n'était pas reliée à un AVC mais à une maladie dégénérative. Pour une femme de parole, c'était terrible. Tu as raison, on n'apprécie pas toujours cette faculté que nous avons de pouvoir communiquer, d'être lucide et conscient.
Zoreilles,
quand je parlais de placer J, tu te doutes bien que je ne voulais pas dire l'abandonner. Je pensais que A pourrait aller la voir aussi souvent (tous les jours...) qu'il le souhaite.
Ce que j'avais oublié c'est la distance; j'ignore si un endroit spécialisé existe près de là où ils demeurent. Et tu as raison, ce doit être terrible pour A d'être dans une situation qui le fait tant souffrir, quelle que soit l'issue. J'ignorais aussi que cette maladie pouvait détruire la vie d'une personne dans la jeune cinquantaine
Et à toi qui a connu leur situation avant-après, et ne peut t'empêcher de comparer, ça demande du courage pour en parler...
@ Lise : Tu sais pas quoi? J'arrive du petit marché public de chez nous où j'ai fait de belles rencontres, comme toujours, entre autres Isabelle et Félixe, quand j'allais partir après mes achats de bonnes choses du jardin! Alors, j'ai refait la tournée des kiosques avec elles, nous avons rencontré A et J justement, et je l'ai à peine saluée puis ignorée, c'est vraiment ce qu'il y a de mieux à faire. A me parle tout le temps, il a tant besoin de voir du monde... Isabelle s'en est rendue compte aussi, J me fusille du regard, c'est épouvantable et Isabelle a émis une hypothèse que je trouve assez juste... A s'intéressait beaucoup ce matin à Isa et Félixe, pas vues depuis un bout de temps dans son cas. Il a dit à J : « Regarde si elle est belle, la petite, hein? » et là, pour un instant, J a retrouvé le sourire que je lui connaissais, la tendresse aussi, toute sa physionomie a changé. Un enfant, ça peut faire des miracles, c'est un peu moi qui ai reçu sa tendresse par procuration ce matin, sous le soleil réconfortant de septembre... Et puisque que A m'a demandé si j'écrivais encore Chez Zoreilles, j'ai dit oui, mais je suis devenue un tantinet mal à l'aise... Je vais donc m'empresser d'écrire un billet dès que j'ai une minute, je ne voudrais pas que A trouve celui-là à l'affiche s'il s'avise de revenir me lire...
Comme titre, j'aurais plutôt opté pour "la grisaille des sentiments".
"Une maladie horrible qui touche parfois la seule chose qui vous reste: votre passé, votre mémoire... Toutes les maladies affectent toujours votre entourage, celle-ci le détruit."
L'impuissance des proches (est-ce qu'ils ont des enfants?), c'est terrible... surtout qu'elle est encore très jeune.
Je te reconnais bien là, désolée de ton impuissance à donner toute l'aide que tu voudrais...
xox
@ Soisig : Pour répondre à ta question « ont-ils des enfants? », ma réponse se devra d'être très délicate... ELLE a deux fils, maintenant adultes. Il n'est pas le père, elle est arrivée dans sa vie quand ils étaient jeunes ados, le père étant mort très jeune. Tu vois le problème? Les deux fils vivent au loin, très loin, ils n'ont vraiment pas l'intention de se rapprocher, ils semblent incapables de faire face à la réalité. A est vraiment tout seul pour s'occuper d'elle. La vitesse avec laquelle les gens, même de la famille, se tassent? T'as pas idée! Ça fait partie de ce qui me révote beaucoup dans leur situation.
Cette maladie m'effraie tellement, si tu savais...
@ Fitzsou : Et moi donc. Tant que cette maladie touchait des personnes âgées, je trouvais ça horrible à vivre pour les proches mais là, deux filles de mon âge dans mon entourage proche... Ça fait peur!
ET quand c'est hériditaire comme mon chez mon amie Rolande, c'est encore plus terrible. Vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de sa tête, c'est sûrement insoutenable... Tout le monde est à l'affût des dernières nouvelles, des derniers recherches...
Quand je vois ma Mémé et ma tante, j'en suis bien heureuse...mais personne n'est à l'abri, ce n'est pas que génétique...
Bon courage ♥
J'ai vu cet extrait avec Latulipe comme appui à son témoignage sur l'audace du direct à l'époque et comment il fallait être fort pour éviter les fous rires en ondes. Le Pirate Maboule lui avait d'ailleurs remis un oeuf "fraîchement" cuit et donc très chaud, ce qui avait fait sursauter Latulipe dans le bateau. Du bonbon !
@ Soisig : Sans compter que plus notre espérance de vie augmente, plus il y a de risque... On s'en sort pas!
@ Croco : Cette conversation-là, on l'avait commencée sur mon autre billet mais peu importe, je te suivrai partout comme une tache, t'es mon nouveau pirate Maboule! ;o)
Zoreilles,
tu le sais que je lis tous tes billets et les commentaires, y compris toutes tes réponses à chacun. Tu connais DEUX personnes dans la jeune cinquantaine souffrant d'Alzheimer? Ça fait peur oui, car qui a envie de perdre ses souvenirs, et de devenir l'ombre de la personne qu'elle était..
Ceci dit, ma mère sort demain de l'hôpital (tu sais pourquoi) afin d'aller en réhabilitation, à l'endroit que j'espérais. Je vais l'accompagner il va sans dire, et si tu avais vu sa joie lorsque je je lui ai annoncé la nouvelle, c'était à briser le coeur! J'ai préparé sa valise, et si j'ai oublié quelque chose, ce n'est pas grave, puisque la résidence se trouve à cinq minutes de marche.
Je t'écrirai plus tard cette semaine, en privé. Là je suis vraiment fatiguée et vais me coucher, même s'il est tôt. Je serai en forme demain matin...
:)
Zoreilles,
le commentaire précédent je suis très très très tentée de le supprimer, le trouvant trop personnel. À toi de le faire après l'avoir lu si tu veux...
Bonne journée!
@ Lise : Nenon nenon, ne supprime rien du tout, de toute manière, tu es la seule personne que je connaisse qui vienne lire un billet qui n'est plus à l'affiche et qui lit les commentaires précédents pour suivre la conversation avant de laisser un nouveau commentaire. C'est presqu'un lieu secret, ici, sauf une exception de temps en temps!
Donc, c'est la bonne nouvelle que t'espérais? Que t'attendais avec une grande fébrilité? Alors, je me réjouis pour toi, pour elle, votre vie en sera d'autant plus facilitée. J'avais l'intuition (et l'espérance) que les autorités concernées allaient pouvoir respecter cela, sachant grâce à toi et à ton intervention, combien ça pouvait être important pour vous deux. Cela peut arriver parfois qu'ils n'agissent pas en « fonctionnaire », surtout quand une personne âgée a la chance d'être aussi bien entourée dans sa vie. Tu es une fille aimante, ils ont probablement voulu collaborer.
Bonne journée à toi, à ta mère, c'est un nouveau départ, tu verras, ça ira...
ça fait tellement peur cette maladie qui mange tout cru le présent, le passé et le futur du malade tout en grignotant insidieusement la santé de la personne qui accompagne.
ça fait encore plus peur quand tu réalises que ça peut toucher des personnes bien jeunes.
@ Mijo : Tu l'as dit, ça fait peur. Avec deux filles de mon âge qui en sont atteintes dans mon entourage (mais c'est vrai que je connais beaucoup de monde) je le réalise encore davantage au quotidien. Ce qui me sidère et me désole encore plus, c'est cette phase d'agressivité tellement grande et dévastatrice que traversent certaines personnes atteintes comme J.
Je comprends ton désarroi, comment ne pas être touchée quand une personne qu'on apprécie est prise dans cet enfer. Enfer surtout pour son entourage mais jusqu'à quel point on peut savoir ce qui se passe dans son cerveau et son coeur à elle. Tu dois te protégée puisque son agressivité semble dirigée surtout vers toi mais je crois qu'il ne faut pas lâcher complétement prise, surtout pour A mais aussi pour elle, qui sait un jour si un geste ou une parole pourrait faire la différence.
bon courage.
@ Voyageuse : T'inquiète pas, tu me connais, je ne laisserai jamais tomber A, un ami de longue date, qui n'est plus beaucoup entouré et qui a tellement besoin de tous ceux qui restent et qui n'ont pas encore déserté. Quant à J, je sais mieux comment « dealer » avec elle, sans qu'elle se sente agressée et que je me sente blessée.
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