Photo 1 : Photographié à l'heure du souper, ce colibri s'exécutait dans une lumière plus belle que ce matin, donc, je l'ajoute après avoir mis en ligne mon billet d'aujourd'hui!
Photo 2 : J'ai toujours sous les yeux ces deux restos pour les oiseaux de passage. Ces jours-ci, j'ignore pourquoi, c'est le chic Colibri Express qui attire une clientèle nombreuse, empressée et fidèle.
Photo 3 : Même à contrejour dans ce matin gris, celui-là a encore réussi à m'éblouir tout à l'heure.
Voir petit
Chaque fois que je m'émerveille de voir les colibris s'empresser autour de la mangeoire, je repense à la promesse que j'ai faite à France à l'automne 1991 et à la dernière fois que ma grand-mère est venue ici, à l'été 1993. Ce matin, j'ai même fait le lien avec une troisième pensée qui m'habitait et qui pourrait se résumer en deux mots : Voir petit. Attendez que je vous raconte...
Promesse à France
En septembre 1991, je suis venue ici pour la première fois et j'ai fait la rencontre de France, qui habitait tellement ces lieux. J'avais l'impression de la connaître depuis toujours, tant il y avait des affinités nombreuses et étonnantes entre nous. Sylvain m'avait laissé entendre que leur maison pourrait être à vendre si l'on voulait y mettre le prix. La suite de l'histoire est si irraisonnable et rocambolesque que je vous la résumerai en disant qu'on avait réfléchi plutôt avec notre coeur qu'avec notre tête, qu'on ne l'a jamais regretté et qu'un mois plus tard, on emménageait dans cet aquarium tout vitré, avec une énergie folle qui n'avait d'égale que notre volonté farouche de s'y faire une vie heureuse avec notre Isabelle qui allait célébrer ses 5 ans.
Au moment de quitter sa maison, France aurait pu me demander n'importe quoi, j'aurais dit oui, tant j'avais l'impression qu'elle me faisait un cadeau d'une valeur inestimable en nous cédant la propriété même si Sylvain, lui, donnait une valeur précise et fort estimable à ce qu'il considérait pour nous vendre ce chalet rafistolé en petite maison qui représentait plus une façon de vivre qu'un investissement immobilier digne de ce nom. Non mais, c'est vrai, il y a des choses qui ne se monnayent pas. Elles se négocient encore moins... C'est alors que France m'a fait promettre de ne jamais négliger de tenir bien remplie d'eau sucrée la mangeoire des colibris, parce qu'ils comptaient sur elle pour survivre comme ils allaient dorénavant compter sur moi.
Promesse tenue depuis 19 ans. Moi, quand je m'engage, c'est pour la vie!
Grand-Maman
Par une belle journée du mois d'août, en 1993, j'avais demandé à ma grand-mère si elle voulait venir dîner avec nous et passer l'après-midi ici, sur la terrasse, à regarder passer les bateaux et prendre son p'tit thé faible assise dehors, à l'abri sous les arbres. Elle avait dit oui avec une légère hésitation mais quand je l'avais rassurée qu'on irait à son rythme, elle s'était montrée enthousiaste et enjouée comme une petite fille.
Cet après-midi-là, je ne l'oublierai jamais. Un moment doux, tendre et fort avec elle, de ceux qui restent imprégnés dans les souvenirs, hors du temps, délicieux, parfaits. On n'entendait pas un bruit, le soleil était jaune pâle, pas aveuglant du tout, on suivait des yeux les voiliers entre les îles, le vent se faisait berçant, les petites vagues ridaient juste assez le lac bleu pour y faire danser les diamants, les colibris allaient et venaient à la mangoire dans un ballet rapide et gracieux, pendant que notre conversation était à l'image de tout cela. Tout à coup, les colibris se sont mis à se rentrer dedans comme des boxeurs enragés et elle m'a dit : « Sont beaux, c'est pas croyable, mais sont tellement chicaniers! » et nous avons ri comme des gamines devant cette petite scène banale qui illustrait tellement la vie telle qu'elle est.
Elle avait senti le besoin de me reparler de cette biographie qu'on venait de faire ensemble et qui racontait sa vie, ses amours, ses souvenirs, son héritage, ses rêves, ses réflexions, ce qu'elle savait de la vie et qu'elle voulait partager avec sa très nombreuse famille, ses proches amis. Elle en était contente, ravie, sereine et reconnaissante, à cause des témoignages qui affluaient à la lecture de tous ces exemplaires offerts dans sa famille, quand on la remerciait de s'être autant livrée, de nous avoir tant donné d'elle-même.
Elle remerciait la vie et le petit Jésus pour tout ce bonheur qui était le mien... « Tu dois être heureuse ici, à voir passer les bateaux, toujours au bord de l'eau, avec ton mari qui t'aime tant, ta petite fille si belle, si fine, il me semble que ça doit être ça le paradis... » et la suite, je vous le dis franchement, j'ai de la misère à l'écrire...
Avec une infinie douceur, elle m'avait confié qu'elle ne viendrait plus chez moi, qu'elle acceptait avec sérénité que c'était la dernière fois qu'elle voyait ce site enchanteur, parce qu'elle était trop fatiguée maintenant, et qu'elle allait se contenter de mes visites chez elle mais qu'elle m'imaginerait toujours dans ce décor d'après-midi de fin d'été qu'elle emportait avec elle comme une prière.
Elle est décédée cet automne-là.
24 commentaires:
Bien jolie association du colibri avec ta mère-grand. Moi cet oiseau me fascine. Vraiment. Et ces chicanes imaginées par ton aieule me les rend encore plus sympa !!!
Des colibris, j'en ai déjà à deux reprises, pris un dans mes mains, il bat vite le petit coeur à l'intérieur de ces petits oiseaux...
La visite de ta grand mère, c'est tout un cadeaux, à la veille de son départ pour l'autre coté du miroir; un souvenir inoubliable et réconfortant tout à la fois.
Quelle belle photo !
Difficile de capter un colibri en plein vol, bravo.
L'analogie de ta grand-mère avec ton petit paradis est grandiloquente. On aurait dit qu'elle posait un voile diaphane avec un effet moiré sur ta propre vie.
Le factotum.
Qu'elle belle façon de se détacher tout en conservant le souvenir.
@ Crocomickey : Je pense à elle à chaque fois. Le mot « chicanier », elle a dû l'inventer mais ça dit bien ce que ça veut dire. Elle le disait aussi à propos des équipes de hockey qui affrontaient SES Canadiens de Montréal : « Je les aime pas, les Boston, ils sont trop chicaniers! »
@ Barbe blanche : T'en as déjà pris dans tes mains? Comment t'as fait? Ils étaient blessés? Pour ma grand-mère, elle est venue souvent chez moi mais cette fois-là, c'était la dernière. Je l'ai revue souvent ensuite, mais chez elle. Elle me disait plein de choses qui étaient des adieux, je ne l'ai compris qu'après coup.
@ Le factotum : Bonjour et bienvenue chez moi. Merci pour le compliment sur la photo, ça fait trois jours que j'ai l'appareil à portée de la main, en attente, sur la table de la cuisine. Ce matin, en déjeunant, j'ai capté ce colibri en vol à travers la porte patio! Ma grand-mère, comme tu dis, posait un voile diaphane avec un effet moiré sur ma propre vie. À sa manière, elle me disait, je crois, de prendre soin de ça, et surtout qu'elle partait tranquille à me savoir heureuse.
@ P.-É. Larivière : Elle était passée maître dans l'art de ne voir que le meilleur en toutes choses et en chaque personne. En me racontant sa vie, en me confiant ses réflexions pour que je les consigne par écrit et les partage avec sa famille, elle se détachait tout doucement, ça, je l'ai compris seulement après. Avec elle, j'ai pu boucler la boucle de la vie, apprivoiser la mort un peu...
J'ai un ami qui m'a dit il y a longtemps qu'il n'avait plus de temps pour me parler, qu'il allait être père, qu'il lui fallait vivre autrement. C'était un moment pénible, mais je pense que c'était bien courageux de me le dire. C'est comme ça que nos amis chéris nous quittent. Je pense qu'il est bien courageux de reconnaître la vie comme elle est, trop courte, belle et parfois chicanière !
Les photos sont tout à fait réussies en effet, Zoreilles.
Elles le sont pour la qualité de l'image et de l'instant où elles ont été captées.
Il faut un petit rien du tout pafois pour donner vie à un coin de chez soi. Et l'allusion à ta grand mère est à la fois touchant et significatif de ton univers.
@ Ren du Braque : Oh que c'est triste, ça, un ami qui vous quitte de son vivant, parce qu'il décide qu'il privilégie une autre manière d'aborder sa vie, sans vous. Était-ce incompatible avec sa paternité? Vous l'avez trouvé courageux? Alors, vous étiez son grand, son très grand ami...
@ Jacks : Merci pour le compliment sur les photos. J'aime bien celle que je viens d'ajouter, la première, je l'ai prise il y a une trentaine de minutes à peine. Quand j'ai commencé à écrire ce billet cet avant-midi, avec ce titre-là, Voir petit, j'avais une troisième pensée en tête, très en lien avec l'actualité sociale et politique. Finalement, j'ai mis un point final à ce billet sans aller au bout de ce que je voulais dire. Et j'ai pensé à Grand-Maman le reste de la journée, le sourire aux lèvres, le rire en coin, le coeur en paix.
Partir d'un tout petit oiseau et raconter des choses si touchantes. Ta grand-mère réalisait ton bonheur et c'est comme si elle se disait maintenant je peux partir tranquille.
Certaines personnes âgées sont des trésors sans prix. Riches de vie, de savoirs et d'histoires au fil d'un temps que nous n'aurons connu que par elles. Très touchant, Zoreilles.
Chicaniers? C'est pas courant par chez vous?
Zed (Je penserai à tout cela quand j'installerai ma bouteille à colibris, l'an prochain. ¦))
Depuis que je suis déménagée il y a 4 ans, je n'ai plus de mangeoire à colibris... mais je pense que l'an prochain je recommencerai à les nourrir. Ça me manque trop! Et comme mon balcon est bien fleuri, je vais essayer!
Tu vois, quand je pense à ma propre mère, je trouve qu'elle ressemble elle-même à un petit oiseau: rendue si fragile et inquiète avec l'âge (91 ans) mais toujours allumée et attendrissante avec ses beaux yeux!
Ce sont de beaux moments que tu as vécus...
Comme tu livres bien tes messages Zoreilles... tu écris tellement bien! Et les photos! Tu m'impressionnes et m'inspires... Une vraie Abitibienne quoi!!!...
@ Solange : Nous étions très proches et pourtant, je n'ai compris qu'après son décès qu'elle faisait ses bagages et ce que je me demande, c'est si elle savait elle-même qu'elle partirait bientôt ou si elle se préparait au « grand voyage » inconsciemment. En tout cas, elle avait un espoir immense et profond pour son après-vie...
@ Zed : Dans son couple, dans sa famille, aucune revendication de quelque nature que ce soit. Tout se vivait dans la bonne entente, la musique, l'harmonie et le respect de chacun, homme ou femme, petit ou grand. Ça m'a toujours impressionnée, ça, je n'ai pas vu ça ailleurs que dans sa famille, je sais que c'est elle et mon grand-père qui ont instauré cette façon-là et l'ont transmise. Ma mère est l'aînée de cette famille-là, elle ne revendiquait pas, elle prenait sa place, et je plains celui qui aurait voulu la lui enlever! C'est comme un monde idéal, on dirait...
@ Soisig : Tiens, une mangeoire à colibris, ce serait une belle idée cadeau pour la Fête des Mères... Ta maman a-t-elle eu ses 91 ans? Il me semble que vous venez tout juste de célébrer en grand ses 90... Ta Maman est belle comme un coeur, attachante aussi, avec une attitude formidable. Elle se sait bien entourée... tu es là!
@ Fitzsou : « Une vraie Abitibienne, quoi!!! », ça, c'est le plus beau compliment que tu peux me faire, toi la vraie Abitibienne qui travaille et vit « dans le vrai Nord »!
Les colibris que j'ai pris dans mes mains n'étaient pas blessés, ils étaient dans un espace restreint, sans issues. Je leur ai en fait redonné leur liberté.
Ce soit être vraiment spécial de tenir un si minuscule oiseau dans ses mains Barbe blanche... Émouvant même!
Oui Zoreilles, elle aura 92 ans en février et sa grande soeur 98. Leurs fréropts ont passé l'arme à gauche depuis belle lurette! Le plus beau c'est qu'elles sont toutes les deux très allumées et au courant de l'actualité hihihi! On ne leur en passe pas une, elles n'ont pas une cervelle... d'oiseau!
@ Barbe blanche : Tu sembles avoir un don avec les animaux... Avec ta barbe blanche, tu me fais penser à Michel Pageau, un personnage légendaire ici, un homme très attachant. C'est lui, l'âme du Refuge Pageau, j'ai toujours bien en évidence le lien en haut à droite de mon blogue.
@ Soisig : Sa grande soeur a 98 ans? Je n'ai aucun doute, elles sont allumées toutes les deux, après avoir rencontré ta mère, je te crois sur parole. Dis donc, toi, tu as une génétique d'enfer? ♥
Non, pas un don, juste la chance d'être là au bon moment...
Pour le refuge, je suis déjà allé voir le lien, absolument impressionnant, j,en avais déjà entendu parlé à la télévision...
Zoreilles,
je comprends que le souvenir de cette journée avec ta grand-mère soit un souvenir inoubliable pour toi; ce fut un pur moment de bonheur pour vous deux. Rien de plus gratifiant que de savoir que l'on a apporté du bonheur à une personne aimée. Ce doit être très réconfortant!
Un beau billet Zoreilles, pas petit du tout, même si les colibris sont minuscules...
J'ai lu ce billet en écoutant The Side of a Hill de Simon & Garfunkel, un heureux hasard concocté par iTunes! Les harmonies des voix s'entremêlant aux mots de ce beau texte, ça commence bien la journée! J'aime aussi le titre «voir petit», à notre échelle, voir ce qui doit vu, ce qui se cache au sein de l'ensemble, ce qui lui donne sa substance.
@ Barbe blanche : Mais la chance d'être là au bon moment, c'est aussi parfois un don!
@ Lise : De ma grand-mère, ce qui me reste de plus précieux et qui ne mourra jamais, c'est le sentiment d'avoir été aimée inconditionnellement...
@ André Bérard : Quel honneur! Que ce texte « tout petit tout petit » soit enrobé des harmonies de voix de Simon & Garfunkel...
Bonjour Zoreilles,
je viens de partir à la recherche du temps perdu et j'ai lu ton dernier billet, celui que tu avais laissé pendant mon long périple en Estrie.
Compte tenu du sujet, heureusement que j'ai pu le ratrapper. Tu as laissé là des propos qui me rejoignent beaucoup: Croyez-vous à la synchronicité? Moi, un peu. Je n'ai pas le choix. Il m'en arrive trop souvent de ces clins d'oeil du destin qui me font sourire ou m'attendrir. Je dis tout le temps qu'il n'y a pas de hasard, juste des rendez-vous. Je me demande bien par exemple qui c'est qui nous organise les rendez-vous!
Dans ton cas, il me semble que tu réponds à merveilles aux rendez-vous. Tu les provoques, les anime drôlement bien.
@ Jacks : Toi et moi, on a depuis qu'on se connaît, une formidable histoire incongrue et étonnante de synchronicité. Ça a commencé le jour où nous sommes arrivés tous les deux en même temps pour animer des forums de discussion de la Place Publique de Sympatico, dans les années 90... Toi, de l'Estrie, moi de l'Abitibi, avec un même amour fou pour le Québec!
Sais-tu où j'étais pendant que t'écrivais ce commentaire chez moi? Tu ne devines pas?
Ben oui, j'étais en train de reprendre mon retard dans mes lectures chez toi et de commenter tes deux derniers billets.
Il n'y a pas de hasard, juste des rendez-vous...
Un ptit oiseau m'a amené là dans mes recherches...
Un article intéressant sur les gaz de schiste:
http://www2.lactualite.com/valerie-borde/
@ Soisig : Merci, j'irai lire ça. On commence à entendre parler beaucoup, des gaz de shiste...
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