mardi 17 mars 2009

Ma maman avant-gardiste

Photo : J'ai toujours aimé cette photo de mon enfance, alors, Maman me l'a donnée. C'est la seule où je souris autant et je me souviens de ce moment-là et de mon état d'âme exactement. Pour la petite fille de 5 1/2 ans que j'étais, il ne pouvait pas y avoir de plus grand bonheur : J'avais enfin ce petit frère que j'avais toujours voulu, tellement mignon, et Maman n'allait plus travailler, je n'allais plus jamais me faire garder.

Ma maman avant-gardiste

Elle était belle ma mère, à la fin vingtaine. Elle l'est toujours, à 77 ans, elle fait partie de ces femmes sans âge justement. Quand j'étais petite, j'étais un peu amoureuse d'elle, est-ce que ça se peut? Je l'admirais en cachette en train de brosser ses cheveux, nettoyer son visage avec des petits tampons de ouate imbibés dans les flacons aux couleurs douces qui sentaient bon, assise sur son petit banc gigogne à la coiffeuse avec son grand miroir rond, les tiroirs de chaque côté où j'aimais fouiller, fascinée par tous les mystères de sa féminité, y compris dans son coffret à bijoux laqué noir avec des voiliers qui voguaient sur des mers déchaînées. J'aimais la regarder s'habiller aussi, très lentement, avec une grâce si délicate quand elle enfilait ses bas de nylon au bout de ses doigts en faisant attention de ne pas faire d'échelles avec ses ongles. Elle déroulait celui de gauche d'abord, l'enfilait à partir de son pied pointé puis jusqu'à la cheville, en remontant vers le mollet, toute la cuisse et je prenais conscience qu'elle avait de si longues jambes, ma mère, qu'elle était grande, il me semble, en plus, elle avait des seins parfaits. Ah je l'ai observée si souvent que j'en garde des souvenirs très précis.

Ces souvenirs d'enfance sont toujours suivis par ce qui venait rompre le charme à tout coup : Il fallait qu'elle parte travailler et moi, que j'aille me faire garder. Ma mère était avant-gardiste, elle a travaillé à l'extérieur tant que j'ai été enfant unique. À son époque, dans notre milieu, elle était la seule maman qui travaillait. Dans nos familles, aucune autre maman n'avait un emploi. Dans ma rue, tous les enfants avaient leur maman à la maison. J'étais consciente que chez nous, c'était différent d'ailleurs et je ne comprenais pas pourquoi.

Maman me disait toujours qu'il fallait qu'elle aille travailler pour nous acheter des belles choses. Je répondais toujours que je n'en voulais pas des belles choses, je voulais ma maman comme les autres. Ma gardienne, c'était la voisine, elle avait déjà 3 enfants et ne m'aimait pas vraiment. J'étais très jeune, mais je savais ça, je le ressentais très fort. Je me rappelle qu'elle donnait du jus de fruits à ses enfants mais pas à moi, ça coûtait cher du jus de fruits qu'elle disait. Quand il y avait quelque chose de travers, elle me chicanait toujours, mais jamais ses enfants. Elle posait sur moi un regard méprisant, elle me parlait fort. Je me demande pourquoi je ne me défendais pas mais j'étais une enfant timide (difficile à croire aujourd'hui) et je crois que c'est parce qu'elle ne m'aimait pas que je trouvais qu'elle n'en valait pas la peine.

Un matin, ma mère avait dû me chicaner d'aplomb pour m'amener chez la gardienne. J'en avais un souvenir vague alors j'ai demandé à ma mère dernièrement pourquoi ça avait été si mal, qu'elle était partie travailler en pleurant ce jour-là...

J'avais 3 ans. À cause de ce qui s'était passé la veille, j'avais décidé que je n'irais plus jamais chez Madame B. Maman m'avait expliqué encore une fois qu'il fallait absolument qu'elle aille travailler et elle a commencé à m'habiller elle-même parce que je refusais de le faire. Elle me mettait une manche de manteau et pendant qu'elle mettait l'autre, j'enlevais la première. Il paraît que je ne disais pas un mot mais que je la regardais fixement avec les yeux pleins d'eau en enlevant ma manche... Elle ne m'avait jamais vue aussi silencieuse et déterminée. À plusieurs reprises, elle remettait une manche, puis l'autre, pendant que j'enlevais la première. Petite Zoreilles était devenue non négociable, du haut de ses 3 ans. Mon petit manège silencieux de larmes contenues l'avait ébranlée à un point tel qu'elle le revit encore quand elle me le raconte aujourd'hui. Pauvre Maman...

Oui, pauvre Maman, je lui ai fait de la peine ce matin-là. J'étais trop petite pour comprendre qu'une maman qui travaillait avait des raisons de le faire, que d'être mère ne l'empêchait pas de vouloir se réaliser dans un travail, de vouloir améliorer nos conditions de vie, de participer au budget familial, aux décisions, d'être l'égale de Papa en tout. J'ignorais alors combien j'allais être fière un jour d'avoir une maman qui n'avait pas peur de sortir des sentiers battus, qui savait se faire respecter et se battre pour ce qu'elle croyait juste, même quand ce serait difficile ou qu'elle se sentirait jugée par d'autres femmes ou, pire encore, quand sa petite lui ferait un gros coup de chantage émotif.

Cette photo-là, je la chéris particulièrement parce que chaque fois que je la regarde, je ressens le bonheur de mes 5 1/2 ans, d'être enfin à la maison à jouer avec mon petit frère Yves et aider Maman à bien s'occuper de lui, (c'est ce qu'elle me disait) à repasser les débarbouillettes et les linges à vaisselle, que j'apprenais à bien plier, à en faire des piles parfaitement symétriques (je suis encore incapable de procéder autrement que ma mère me l'a montré!...) et de la regarder vivre, elle, ma mère, si belle, si habile en tout, avec le sentiment merveilleux qu'elle serait toujours à la maison avec nous même si elle était tout à fait capable de faire autre chose. À la naissance de mon premier p'tit frère, Maman revenait à la maison par choix.

Quelques mois plus tard, j'ai commencé l'école mais je savais qu'en revenant chez moi après la classe, il y avait une maman et un si beau petit frère qui m'attendaient.

Environ un an plus tard, et parce qu'un bonheur n'arrive jamais seul, nous avons eu un autre bébé, Jocelyn, un autre p'tit frère à aimer, tout mignon, un vrai petit clown, avec de grands yeux qui voulaient tout voir. La famille était complète. Mon bonheur aussi.

29 commentaires:

Jackss a dit…

Ma mère aussi était avant-gardiste.

Elle était monoparentale. À 28 ans, elle travaillait à l'hôpital. Elle avait 6 enfants. Nous ne nous sommes jamais posé la question de savoir pourquoi elle travaillait.

Elle nous aimait. Nous l'aimions. Mais je ne peux y penser sans un peu de tristesse. La fin fut difficile, comme inachevée. Son Alzheimer m'a laissé sous une faute note.

C'est beau de voir toute l'admiration, toute la nostalgie qui t'habite. C'est bon d'apprécier le souvenir qui t'en reste et de pouvoir vivre ces moments précieux avec ta mère pendant qu'elle est encore là.

Je ne sais pas si tu as vu l'entrevue de Sophie Thibeault avec Stéphane Bureau à Art-Tv dimanche dernier. Elle disait qu'elle sentait la présence de sa mère maintenant décédée. Elle est sûre que sa mère l'entend et l'aide de là-haut. Ele est chanceuse de voir les choses ainsi.

Est-ce indiscret de te demander où travaillait ta mère? Tu peux dire oui sans problème, Zoreilles.

Anonyme a dit…

voilà des souvenirs à la fois joyeus et d'une grande tristesse...ce devait être très pénible aussi pour ta maman....la voisine te faisait vivre une profonde injustice pour un petit enfant....au-delà de tout ça, il importe que l'amour ait survécue..!!!

bisous

ly

Guy Vandal a dit…

Oh ce que tu devais être jolie... quand, du haut de tes trois ans, tu n'étais pas négociable.

C'est un très bel hommage que tu rends à ta maman. Et une autre belle histoire pour nous... les privilégiés!!!

Zoreilles a dit…

@ Modotcom : Si on les admire, nos mamans, c'est probablement qu'elles sont... admirables! Et la mienne n'est pas parfaite. Mais quand j'étais une enfant, je croyais que oui. L'imperfection est pour moi un grand signe d'humanité et ma mère est profondément humaine!!! Isa m'a écrit à quelques occasions les plus beaux mots d'amour qui soient. Elle ne parlait pas de moi mais de notre relation. Ce sont des choses qui restent gravés dans le coeur à tout jamais. Comme l'enfance. ;o)

@ Jacks : Ta mère était une femme exceptionnelle, Jacks, c'est ce qui se dégage de tout ce que tu écris à son sujet. Sa maladie te l'aura enlevée avant son décès et c'est toujours un drame humain qu'on doit vivre comme une injustice. Je profite beaucoup de la présence de ma mère, t'en fais pas. Je n'ai pas vu l'entrevue de Sophie Thibault à ARTV mais je l'ai entendue à la radio lors du lancement de son livre. Où travaillait ma mère? Elle a été enseignante surtout (et l'est tellement jusqu'au fond de son âme) mais à l'époque où j'étais enfant, elle travaillait dans une épicerie, elle savait tout faire, les commandes, la gestion, tout.

@ Ly : La seule tristesse qui me reste de mes années d'enfance, c'est cette gardienne, Madame B. J'ai habituellement une mémoire sélective mais Madame B. s'est incrustée dans mes souvenirs, faut croire!

Zoreilles a dit…

@ Guy : Ça ne m'étonne pas que tu cautionnes avec joie mes premiers pétages de coche!!! Mais c'est drôle, quand Maman me raconte ça, je reconnais tellement celle que je suis maintenant, on ne change pas tant que ça, finalement. Même aujourd'hui, on dit de moi que je suis d'une patience infinie mais quand j'en ai ras le bol, mais vraiment là, jusque là, t'sais? Je deviens non négociable, je ne parle plus, j'agis. Mais c'est rare que ça se produit!

voyageuse du monde a dit…

Quelle merveilleuse histoire, tellement touchante.
tu as bien raison d'admirer ta mère, c'est une femme exceptionnelle. Depuis que je la connais, elle m'a toujours impressionnée. C'est vrai qu'elle est avant gardiste. Et là tu vas me reconnaître, je me rappelle combien je l'enviais de partir dans leur maison sur roues avec ton père, et de voir la complicité qu'ils partageaient à travers tous ces voyages. La leçon que je tire d'avoir cotoyé ta mère, c'est qu'elle a su faire son devoir, s'occuper de sa famille (ta grand mère, vous autres, ses frères et soeurs), mais en même temps, elle a travaillé, elle a aussi su préservé son couple et elle a profiter de beaux moments de la vie. Et elle le fait encore.
Je l'adore et tu peux lui transmettre le message!!!
Et à quelque part, tu lui ressembles, tu es un beau mélange de tes 2 parents.
Moi, ma mère a été un modèle parfait et quand je dis parfait de mère à la maison, jusqu'à ce que la petite dernière aille à l'école. Là, elle est allée travailler avec bonheur pour elle, le monde lui ouvrait les bras. Mais moi, j'étais déjà partie de la maison à ce moment là. Et j'avoue qu'avoir toujours eu ma mère à la maison a été un beau cadeau. Mais inversement, pour balancer, mon père n'y était jamais. Il devait travailler fort pour les 7 enfants que nous étions.
Qu'est ce qui est bon ou pas pour les enfants, je ne sais pas. Je ne crois pas que j'aurai pu être une mère à la maison, ma carrière a pris une place importante dans ma vie et en plus, étant monoparentale, le choix ne s'est jamais vraiment imposé. Que fera la prochaine génération... en tout cas, ils profiteront de la vie plus que nous...

Anonyme a dit…

Un texte hommage magnifique...
Cruelle, mesquine et sordide cette gardienne...
Quand on sait à quel point les enfants sont de véritables éponges pour absorber et ressentir tout celà.
Mais tout ce qui ne détruit pas rend plus fort ; c'est sourtout vrai pour les personnalités qui savent s'interroger, faire le point, distinguer le bon du mauvais, se forger ainsi.
Mon petit fils de 3,5 ans parfois tout à coup et sans raison se met en mode "non négociable".
On s'interroge : que c'est-il passé dans la journée à la maternelle ou à la garderie, est-il trop gâté ? (parce qu'il l'est) etc... Il a une forte personnalité, une mémoire d'éléphant, et beaucoup d'humour. Il me fait craquer, je ne le gronde jamais sans explication et lui dis toujours que je l'aime... parce que je suis son papy et que je serai toujours là. Je veux établir avec lui une relation de confiance totale, ne jamais le décevoir, et qu'il comprenne que tout ce qu'il me confie restera toujours un secret entre nous.
Dans sa vie qui ne sera pas sans tourments, je veux être une île où il pourra tant que je serais là, venir s'ancrer et se ressourcer.

Michel

Zoreilles a dit…

@ Voyageuse du monde : L'hommage que tu écris à ma mère est bien plus complet que le mien, en fin de compte, tu dis qu'elle a réussi sa vie, rien de moins. Et tu la comprends mieux qu'elle ne l'a jamais été, il faut que tu l'aimes beaucoup pour ça, et je sais qu'elle te le rend bien... Ta mère m'a fait un tel effet aussi, j'ai été séduite par sa personnalité, les trop rares fois où je l'ai rencontrée. Pour te faire sourire, je te raconte une anecdote où tu vas bien reconnaître Maman : Ça se passait à la même époque où j'étais enfant unique. Papa travaillait tout le temps. Les vendredis et samedis soir, il était waiter à l'Hôtel La Sarre, les pourboires étaient généreux, la clientèle sur le party, c'était payant. Maman a décidé que ce serait ultra profitable et agréable qu'elle travaille sur le plancher avec lui les samedis soir. Papa avait beau lui dire que pour une femme, ce n'était pas l'endroit idéal, avec des gars sur le party, elle lui répondait qu'elle avait une excellente mémoire, qu'elle comptait vite, etc. et plus il émettait des doutes, plus elle se braquait solide, elle le prenait comme un défi personnel, elle allait lui montrer qu'elle était capable! Le samedi arrive, Maman se met belle, part travailler avec Papa qui, lui, est extrêmement nerveux. Pourtant, Maman est très efficace, c'est vrai qu'elle est vite. Vers minuit, la place est remplie, l'endroit enfumé, la bière coule à flot, les tablées de gars sont sur le party, tout va bien. À un moment donné, Papa, qui surveille quand même du coin de l'oeil pour qu'elle n'ait pas de misère, voit un gars d'une tablée de gars chauds lui pincer une fesse, à ma mère... Oh la la qu'il n'a pas eu le temps d'intervenir pour la défendre, c'était vif comme l'éclair, le gars a eu sa main étampé dans 'a face avec son regard qui tue! Silence lourd et désolation subite dans l'Hôtel La Sarre... Maman a marché d'un pas décidé jusqu'au comptoir, a garroché son tablier à Papa en lui disant : « Tu me ramèneras mes tips, je m'en vais à la maison avec la petite ». Quand Papa racontait ça, c'était drôle, il y mettait des détails et de l'expression!

@ Michel : Juste à la façon dont vous en parlez, je sais que vous êtes déjà pour ce petit-fils une île où il pourra toujours s'ancrer et se ressourcer. Et c'est précieux, ça, autant pour vous que pour lui!

crocomickey a dit…

Ce texte va si bien avec la chanson de Luis :

Maman tu es la plus belle du monde
Aucune autre à la ronde
N'est plus jolie que toi

Solange a dit…

Ce doit être très difficile d'aller porter son enfant à la garderie tous les matins. Tu raconte tellement bien ces moments de ta vie tout en nous faisant partager l'admiration que tu éprouves pour ta maman. On dit souvent qu'il y a une rivalité mère fille, c'est beau de voir que ce n'est pas toujours vrai.

Anonyme a dit…

Chère Zoreilles, quel joli billet! J'ai un peu de retard dans mes lectures pour cause de grand chambardement, mais tout de même... "Pas négociable à trois ans". L'expression est forte!
Lorsque j'ai fait le grand saut d'Europe au Québec, j'ai choisi de passer quelques années à la maison avec mes enfants. Quel beau cadeau je nous ai fait que celui de ne plus avoir à courir tous les matins, tous les soirs, et de laisser à la gardienne le plaisir de beaucoup de premières fois, de mots d'enfant que je n'étais pas là pour écouter...
Ma mère à moi avait fait ce choix de ne pas travailler hors de la maison, quelle chance j'ai eue, d'une maman disponible!

Zoreilles a dit…

@ Crocomickey : Ça ne nous rajeunit pas!!!

@ Solange : J'ai vécu aussi l'autre côté de la médaille, où c'était moi la maman qui allait reconduire sa petite chez la gardienne 4 jours/semaine, c'est le mieux que j'avais pu négocier. Oui, il y a des matins où c'est très difficile de la laisser, où l'on aurait envie de brailler plus fort qu'elle sur le bord de la porte!... La gardienne de ma fille (ce n'était pas une garderie) était une vraie perle, douce et aimante, une sorte de deuxième maman. Nous l'aimons beaucoup, elle fait toujours partie de notre vie.

@ Renée : Ton expression est très juste, c'est un beau cadeau que vous vous êtes fait, tes enfants et toi. Tu avais reçu ce même cadeau de la grande disponibilité de ta maman. Comme quoi, on reproduit souvent les « patterns » qu'on a connus!

Rosette ou Rosie, c'est pareil a dit…

Ah mon Dieu, Zoreilles, tu m'as fait pleurer avec l'hommage superbe que tu rends à ta maman!

Quel texte remarquable, Zoreilles, si remarquable que j'en sens tout l'amour, toute la tendresse et toute la chaleur qui s'en dégagent.

Tu es vraiment chanceuse, ma chouette, d'avoir eu une enfance inoubliable, une maman si aimante, une famille si attachante et je sais que ton coeur est rempli de souvenirs que seule ta plume peut exprimer.

Merci de nous avoir fait partager cette merveilleuse histoire.

Quant à la mienne, l'histoire de ma maman et de notre relation mère-fille, je ne suis pas encore parvenue à la raconter... Je ne trouve pas les mots... Par ailleurs, il faudrait des pages et des pages de blogue. Un livre, un jour, peut-être ? Qui sait ?

Je t'embrasse et oui, en passant, être un peu amoureuse de sa maman, c'est bel et bien possible selon moi...

Anonyme a dit…

J'aime relire en début de ta page...qu' Espoir et Rêve vont de pair...!!!
tellement vrai...!

bisous

ly

Zoreilles a dit…

@ Rosie : Ah, ma chère Rosie, Rosie, Rosie, si tu savais... Ce que j'écris ici, c'est toujours la stricte vérité mais pas toute la vérité. Je ne peux pas te laisser sur une fausse impression. Ce moment que je raconte est vrai mais il n'est pas représentatif du tout de la relation que j'ai eue avec ma mère. Oui, j'étais amoureuse d'elle durant ma petite enfance, j'ai été d'autant plus blessée de n'être jamais à la hauteur de ses aspirations, de la décevoir constamment et de me le faire dire sans ménagement. Tu dis qu'elle est une femme aimante, moi, je te dis qu'elle est une femme admirable. Disons que ça prend toute une vie de thérapie et de remise en question (de ma part) pour en arriver à cette conclusion! Mais je l'aime. Comme elle est. Avec tout ce qu'elle est. ;o)

@ Ly : Et moi, ce sont tes photos qui m'inspirent! Parfois, je peux regarder la même pendant de longues minutes... Bisous.

Soisig a dit…

Oui, on les aime nos mamans. De vraies pionnières. La mienne aussi a été assez avangardiste. À sa seule fille (moi!), elle disait: "tu ne seras pas la servante de tes frères comme je l'ai été." Tout le monde (4 gars et moi) faisait son lit, la vaisselle, mettait la table et la débarrassait, ramassait sa chambre, hihihi! Je portais des pantalons et des shorts l'été (un crime dans nos petits villages!) confectionnés par elle parce que c'était plus pratique pour jouer dehors!

Elle a été une femme au foyer, à coudre, cuisiner et aimer tout son ptit monde. Elle a du se débrouiller seule, loin de sa famille et de sa belle-famille comme c'était si courant à l'époque.

Personnellement, j'ai été une femme au travail avec le privìlège d'avoir une gardienne à la maison ("matante" X)et ensuite une madame T si attachante, qui a continué à les recevoir à dîner chez elle et après l'école... tout au long de leur petite école.

Ma mère était celle à qui je pouvais les confier sans aucune crainte lorsque je m'absentais... La seule en qui j'avais vraiment confiance pour y laisser mes petits trésors.

Mais j'ai toujours été une petite fille indépendante et très autonome, hihihi. Et mes enfants ont hérité de leur mère... :)

Oui elles sont belles nos mamans, la mienne l'est encore à ses 90 ans, pétillante et allumée!

Rosette ou Rosie, c'est pareil a dit…

Voilà ce qui est important, ma belle Zoreilles... De l'aimer comme elle est et avec tout ce qu'elle est...
C'est si difficile parfois, non ?
Je t'aime, toi!

Anonyme a dit…

Allo Zoreilles,

Ta maman était courageuse. Aller à l'envers de la façon de faire de la majorité demande du courage, accepter d'être jugée et continuer malgré tout. Je comprend que ce fut également une période difficile pour toi et que ça t'a également demandé du courage. Cette scène, si bien décrite où tu t'entêtais avec conviction à ne pas vouloir aller chez la gardienne a sans doute eu plus d'effet sur ta mère que ne l'aurait fait une crise.

Zoreilles a dit…

@ Soisig : Quelle admiration tu as pour ta mère. Elle a été une pionnière à bien des égards. Je dis de mes grands-parents qui ont colonisé l'Abitibi : « Ils nous ont inventé ici un paradis à la mesure de leurs rêves et ils rêvaient grand! ». Oui, elle était avant-gardiste, ta maman, elles étaient rares celles qui prônaient qu'une fille n'avait pas l'obligation plus que les gars d'être au service de la maisonnée. Ça nous semble difficile à croire aujourd'hui mais c'était courant il n'y a pas si longtemps encore. L'autonomie, l'indépendance, c'était aussi une religion chez nous. Et ça, on l'a transmis à nos enfants sans même le faire exprès!

@ Rosie : Difficile? Oui, il faut oublier les blessures du passé, comprendre qu'elles étaient infligées sans le vouloir vraiment, en aimant mal mais en aimant tout de même. Faire la paix avec tout ça. Pardonner. Quel mot démodé : Pardonner...

@ Pierre F.: Cette anecdote m'en dit beaucoup sur la petite fille que j'ai été! Je me rappelle exactement du raisonnement et des sentiments qui m'habitaient à trois ans quand j'ai décidé que mes actes allaient parler bien plus fort que n'importe quelle parole, c'est très éclairant de se replonger parfois dans notre enfance, notre essence, notre nature profonde. D'ailleurs, je n'ai jamais cru à « faire des crises », comme manière d'intervenir ou de régler un problème. La violence, c'est un manque de vocabulaire et parfois, il n'y a que le silence et les gestes pour exprimer sa pensée. Ma mère m'aura appris beaucoup par sa détermination, la force de ses convictions et ça ne la dérangeait absolument pas de n'être pas dans le courant de la majorité, même que... je pense qu'elle valorisait ça!

Rosette ou Rosie, c'est pareil a dit…

Si démodé en fait que tu pourrais écrire un billet sur le pardon, ma belle Zoreilles, toi et tes mots aux couleurs de l'espoir, de l'amour et de la chaleur humaine...

Anonyme a dit…

Des témoignages bouleversants, je n'ai jamais eu d'excellents rapports avec ma mère. Une éducation judéo-chrétienne très très stricte contre laquelle je me suis toujours rebiffée dès mon plus jeune âge. Elle m'en veut toujours et me le fait payer dès qu'elle le peut. ça surprend toujours mon Homme.
Heureusement, nous n'habitons pas proche l'une de l'autre.

Zoreilles a dit…

@ Rosie : Oh ma belle Rosie, si j'en savais plus long sur le pardon, je pourrais peut-être en improviser un billet mais qui suis-je pour en parler? Est-ce que je pardonne, moi? Avec le temps, oui, souvent, pas tout le temps, mais est-ce que j'oublie? Hummm... Pas si sûre que je trouve toujours dans mon coeur une manière de me mettre à la place de l'autre pour m'expliquer le comportement qui m'a blessée.

@ Mijo : Quelle franchise. Ce que tu dis est très éloquent et plus fréquent qu'on le pense. Je crois qu'il y a des mamans qui auraient eu plus besoin de soins que d'enfants, alors, la maternité aura été beaucoup plus difficile à vivre pour elles... et pour leurs enfants. Je perçois que tu as fait la paix avec tout ça, que tu as trouvé un modus vivendi. Bravo. Parfois, ça prend toute une vie...

OMO-ERECTUS a dit…

La qualité d'une mère, d'un père ou d'un ami ne se mesure pas en nombre d'heures passées en notre présence, mais bien selon la pureté du sentiment amoureux, de son intensité et de sa qualité.

Votre mère était avant-gardiste, oui, mais elle était et demeure avant tout une mère, avec tout ce que cela comporte de grandeur et de beauté.

Alors voilà. Aujourd'hui, je fais relâche. Ce n'est pas vous, Zoreilles, que je veux honorer par ce petit commentaire, mais bien votre mère que je ne connais pas mais que j'admire déjà!

Zoreilles a dit…

@ Omo-Erectus : Que vous l'honorez me touche beaucoup, c'est ce que j'avais voulu faire moi aussi dans ce billet. Ça ne lui est pas arrivé souvent qu'on lui rende hommage, qu'on la comprenne, qu'on se rende compte de sa valeur. Elle « n'appelle pas ça ». Elle a une force morale, une volonté, un leadership hors du commun mais ça n'empêche pas qu'elle soit aussi une personne très sensible et presque fragile à certains moments...

Soisig a dit…

Un peu tard, mais voilà, je l'ai retrouvé ce poème inconnu que j'avais gardé sur mon ordi:

Maman, tu as été le premier visage qui est entré dans ma mémoire.
Maman a été mon premier mot, haute d'une vingtaine de cerises je te regardais avec attention en me disant à moi-même que tu étais très belle !
Ma foi tu me nourrissais, et tu me faisais tout le tralala habituelle mais tu le faisais d'une façon différente de celle des autres : tu y mettais tant d'amour de patience…
Quand je prenais mon bain dans ma mini baignoire je te regardais, j'essayais de te comprendre, de t'amuser et je bafouillais. Je ne demandais pas grand-chose à part quelque preuves d'affections mais toi tu me donnais toujours plus !!
Maintenant je suis grande et je trouve à présent les mots pour te parler !
Je sais que des fois mes mots te blessent par manque de délicatesse !
Je sais aussi que parfois je te procure du chagrin car je suis partagée, tu sais, il y a des fois, j'aimerais te dire des choses mais je n'ose pas car ça pourrait te blesser et dans ce cas je n'aurais pas assez de courage pour lever la tête et te voir pleurer ; ça me déchire et me froisse, mon sang se glace et je te suis, je pleure à mon tour !
Mais malgré tout ça je t'aime énormément n'en doute jamais !!
Je ne fais que grandir comme un papillon pour l'instant je suis dans mon cocon mais un jour, ce jour que tu redoutes ce cocon s'ouvrira et le papillon s'envolera ne crois pas que je ne t'aime plus mais la vie est ainsi et je ne trouverai pas les mots pour t'expliquer pourquoi. Sache que parfois je me sens partagée et qu'une fois dans mon lit je craque, car je suis avant tout humaine ! Alors ce jour-là ne me demande pas pourquoi !! Mais pour l'instant j'ai tant besoin de toi et j'aurai toujours besoin de toi, jamais je n'oublierai tes sourires, tes joies, tes rires, tes peines, tes regrets, tes blague…
Tu es ma maman et tu le seras toujours !!!!

Et Félixe pourra peut-être dire ça à sa mamie aussi, plus tard!

bisous, Soisig

Zoreilles a dit…

@ Soisig : C'est un très beau texte en effet... On peut s'y retrouver dans plusieurs phrases, en tant qu'enfant ou en tant que parent.

Je ne sais pas quels seront les liens qui se tisseront entre Félixe et moi au fil des années, mais déjà, elle n'a que deux mois d'existence et on communique tellement bien!!! Si tu la voyais quand elle essaie de me parler, elle émet des respirations saccadées et des sons tellement délicats avec sa petite voix, ses yeux grands mais grands qui m'interpellent... Quand elle finit par me dire : « aaaaeeee » ou encore « agggrrrreeee » , ça me chavire le coeur de bonheur!

Anonyme a dit…

ha moi aussi je plis les débarbouillettes très symétriques, avec grand soin...Je dirais même que c'est ce que j'exécute dans la maison avec le plus grand souci du travail bien fait...il y a quelque chose de sécurisant là-dedans, je comprends maintenant pourquoi!
maman de Félixou xxxx

Anonyme a dit…

bonne idée....que d'envoyer une bouteille à la mer....suffirait d'y mettre un espoir...un rêve...et de la lancer vers l'uniers...!

bisous
ly

Zoreilles a dit…

@ Isa : Ah toi aussi? Alors, ça se transmet de génération en génération! Ça va être drôle quand on va voir Félixe plier des débarbouillettes en perfectionniste elle aussi, ça va venir vite ce temps-là, tu sais, dans quelques années... On devrait bien pouvoir lui transmettre autre chose, hein? ;o)

@ Ly : N'est-ce pas ce qu'on fait un peu dans nos petits gestes quotidiens? On sème à tout vent, comme si on jetait des bouteilles à la mer. Sans espoir précis, sans attente, mais avec la force tranquille qui contribue à embellir le monde...