Ce texte hommage, je le portais en moi depuis des années. Lorsque, le mardi 3 mars dernier, nous avons été convoqués par le médecin de garde et le personnel soignant, nous étions plusieurs membres de la famille présents, à apprendre et consentir en même temps aux soins de confort qui s'imposaient et qui allaient la protéger dorénavant de toutes ces souffrances qu'elle n'avait plus besoin de vivre, même si elle était déjà dans un semi coma. Je n'ai pas dormi cette nuit-là... et quelques autres qui ont suivi...
L'écrire ensuite pour vrai, au lendemain de son décès, a été facile, en une heure ou deux, c'était réglé, même s'il y avait plein de monde autour, j'étais dans ma bulle. Ma plume plongeait dans l'encrier de mon coeur et courait sur mes feuilles lignées. La famille l'a approuvé sans en changer une virgule. On la reconnaissait comme on l'avait connue et aimée. C'était ça. On m'a demandé si je me sentais capable de le lire devant les gens. J'ai dit oui sans aucune hésitation. J'avais été capable de le faire pour mon père, sans que la voix me casse, sans verser une larme, et même avec un sourire tendre, une sérénité profonde. J'ai même été jusqu'à chanter le petit bout de chanson de Gilles Vigneault pour que tout le monde la reconnaisse. L'amour, ça peut aller jusque là, des fois.
Il me venait des milliers d'images, le film de sa vie se déroulait dans mon esprit et mon coeur à mesure que je livrais ce texte que je savais presque par coeur tellement je me l'étais approprié, ce qui me donnait la force et l'élan nécessaires pour raconter aux gens présents qui était notre chère Elise.
Dans le déroulement de la cérémonie des derniers adieux, je savais que tout de suite après l'hommage, Isabelle enchaînait avec sa guitare et sa belle voix, alors que Félixe tenait absolument à accompagner sa maman dans une chorégraphie dansée, improvisée, très douce et très belle...
Plusieurs m'ont demandé s'ils pouvaient garder ce texte en souvenir. Voilà pourquoi je le publie ici.
HOMMAGE À ELISE
Gilles
Vigneault débutait sa chanson Gens du pays par ce couplet plein de
sagesse et de vérité : « Le temps qu’on a pris pour dire je t’aime
est le seul qui reste au bout de nos jours… »
Notre
chère Elise en a pris du temps tout au long de ses 93 années pour dire et vivre
ses « je t’aime » à sa façon si personnelle et généreuse, tellement touchante
et attachante.
D’abord,
dans sa famille au Témiscamingue, à Ville-Marie, auprès de ses parents, de ses
12 frères et sœurs, oncles tantes, cousins cousines, ainsi que ces familles du
voisinage dont plusieurs étaient originaires de la Bretagne comme les
Rannou. Étant l’aînée d’une si grande famille, dès son plus jeune âge, elle a
bercé avec bonheur tout plein de vrais petits bébés qui lui servaient de
poupées et qu’elle aimait tant cajoler. Elle gardait de cette époque si
heureuse de son enfance des souvenirs attendris qui avaient pour décor ce
qu’elle appelait « la petite montagne sur la terre à Papa » qui la rattachait
pour toujours et à jamais à son Témiscamingue natal.
Devenue
une belle jeune femme souriante comme elle l’a été toute sa vie, elle a vite
été remarquée par le voisin de son âge qui habitait la terre d’en face, chez
les Rivest. Emilien lui a tout de suite
plu. Ensemble ils ont été une super équipe, une alliance remplie d’amour, à
la base d’une famille qui a toujours été leur fierté. Cinq enfants : Gisèle, Claudette, Nicole, Gilles et Céline.
L’affection
n’a jamais manqué dans cette maison où Elise était le cœur et l’âme, comme le
sont toutes les mamans si aimantes. Plus il y avait de monde, plus l’amour se
multipliait, comme par enchantement. Et
c’est ainsi que nous aussi, les conjoints, avons été accueillis à bras ouverts
et tels qu’on était, à mesure qu’on arrivait dans la famille, qu’on se
joignait à la tribu d’Emile et Elise.
Et
puis, la nature étant ce qu’elle est, les
petits-enfants sont arrivés, un par un, chacun leur tour, dix en tout,
multipliant le capital d’amour à rendement très élevé qui donnait à Grand-Maman
Elise le bonheur et l’occasion de créer des moments magiques et inoubliables
avec tous ceux et celles qu’elle appelait tendrement « ses petits chatons »,
même lorsqu’ils devenaient grands. Elle avait cette capacité d’amour infini qui
a toujours été la source à laquelle chacun s’abreuvait allègrement.
C’est parce que notre chère Elise était
une usine à bonheur.
Elle
savait créer la chaleur, le confort, les événements, les bons moments, les
plaisirs simples de la vie.
Bonne
travailleuse, toujours avec une attitude d’ouverture, ses collègues de travail
de l’époque n’en sont pas encore revenues, elle savait se faire aimer
instantanément et c’était si tant tellement réciproque.
Elle
voyait la vie avec des lunettes roses, imaginant tout le temps l’aspect positif
et agréable des choses, et surtout le
meilleur de chaque personne. Elle vous faisait sentir unique et aimé
inconditionnellement. Un petit rien lui faisait plaisir et nous valait ses
sourires avec ses yeux rieurs, son rire cristallin, ses bisous, ses câlins et
ses remerciements chaleureux.
Ah c’était une artiste aussi… Elle a créé des robes si belles pour ses petites
filles, des poupées de chiffons avec des bouilles sympathiques, des gâteaux
d’anniversaire et de Pâques avec les petits lapins en guimauve qu’elle
fabriquait, des œufs de Pâques en chocolat qu’elle personnalisait pour ses
petits-enfants, et tant de choses belles et utiles, en céramique et en poterie.
Elle y peignait souvent des fleurs, des tiges de blé, des volutes harmonieuses,
des paysages de toutes les saisons.
Elle créait même des jardins et des
environnements fleuris, à la maison
comme au chalet, aidée en cela par Émile et ses brouettées de terre, qui
allaient s’échoir du gazebo jusqu’au sentier des amoureux qu’elle fleurissait
de tous ses talents. Elle leur donnait des noms évocateurs qui la faisaient
rêver. Elise était une grande romantique même si elle s’en défendait avec un
clin d’œil, sans en être convaincue elle-même.
Elle aimait l’amour, c’était son pain
quotidien!
Elle
aimait lire aussi : surtout des romans et des récits historiques. Et la
musique… Comme elle aimait écouter de la musique! Elle aurait bien voulu savoir
danser, elle nous l’a dit si souvent. Encore dernièrement, un heureux moment
pour elle, lorsque nous sommes allées au 2e étage de la Maison Pie XII entendre les
musiciens et leurs airs d’autrefois qu’elle semblait reconnaître et apprécier.
Elle, assise dans son fauteuil, et moi debout à ses côtés, on dansait avec nos
mains et son sourire m’habite encore comme l’ultime cadeau que j’ai partagé
avec toute sa famille, une grande
famille maintenant enrichie de ses dix arrière petits-enfants qui sont nos
petits chatons à nous. Oui, la vie continue…
Elle
nous aura donné tellement d’amour tout au long de sa vie que nous saurons
maintenant en être imprégné et inspiré pour poursuivre la nôtre. Elle
connaissait un grand secret sur l’art d’aimer et d’être aimé, un secret qu’elle
nous aura révélé au fil du temps, sans faire de discours, simplement en la
regardant vivre. Le voici :
1)
L’essentiel, pour être heureux, c’est de sourire à la vie en toutes
circonstances.
2) C’est en semant de l’amour qu’on récolte du
bonheur.
Et depuis
quelques jours, nous en avons découvert un troisième :
Même si son cœur a
cessé de battre,
l’amour qu’il y avait dedans continuera de vivre
à travers
nous tous qui l’avons tant aimée