Photo 1 : Voilà la toute dernière photo prise avec mon premier appareil photo numérique qui a été mon compagnon d'aventures depuis 6 ans. Ma petite Maman, une grande dame, hier soir, au Salon du livre de l'Abitibi-Témiscamingue, à Val-d'Or.
Photo 2 : Voilà la toute première photo prise avec mon nouvel appareil que j'apprivoise présentement. Mon sujet était plus jeune, comme mon appareil, je venais de sauter deux générations!
Photo 3 : Cet après-midi, de chez moi, je voyais au loin ce bateau et le petit voilier. Toujours avec mon nouvel appareil, j'ai pratiqué les « rapprochements » et vous n'aurez pas besoin d'une loupe ni de mes explications pour les voir!
Cadeaux, émotions et Bittt à Tibi
La journée d'hier a été riche en émotions pour moi. Je ne vais pas pouvoir tout vous raconter. Y a des journées et des soirées de même... Hors du temps et de l'espace, on dirait...
13 heures, pas le temps de dîner, je m'affaire à terminer mon travail et mes préparatifs, j'ai rendez-vous avec Crocodile Dundee à son travail à 14 heures, et ensuite avec ma mère que j'ai invitée à venir avec moi à Val-d'Or, au Salon du livre. Comme toujours, je fais trois choses en même temps pour être capable d'arriver à l'heure. Crocodile Dundee a l'air étrangement heureux et fébrile. Je me dis que c'est parce qu'il s'en va dans quelques heures à notre camp de Rapide Deux avec Dominic et que je leur apporte une glacière bien remplie de bonnes choses qu'ils aiment. Dominic est là, Isabelle aussi, le partenaire de travail de Crocodile Dundee également. Moment de folie à cinq.
Dominic me dit : « Tant qu'à aller à Val-d'Or, as-tu prévu te rendre au vernissage du Centre d'exposition où Raôul Duguay expose dans quelques heures ses toiles et ses sculptures? » Je voulais y aller mais j'ignorais si ça allait intéresser ma mère puisqu'elle m'accompagnait. Dominic m'a dit qu'il aurait dû être là, mais qu'il débutait son nouveau tournage alors si je pouvais y aller à sa place, pour lui raconter l'événement, il serait ravi. Il m'avait parlé du film qu'il avait tourné avec Raôul et qui serait présenté en boucle tout au long de l'exposition, dans le cadre du 75e anniversaire de Val-d'Or. Il avait été ému et touché profondément de sa rencontre avec l'homme, l'artiste, le créateur, le poète, le philosophe, l'auteur de la Bittt à Tibi. Il m'avait raconté quelques bribes du tournage et les choix artistiques qu'il avait faits pour bien rendre dans son film ce qu'il avait perçu de la magie de cette rencontre.
C'est là que Crocodile Dundee est revenu de la grosse pile de bois avec un paquet dissimulé dans du papier froissé ficelé avec de la grosse corde et une petite enveloppe blanche. Il m'a donné un gros bisou. Ça n'a surpris personne sauf moi. Dans l'enveloppe, une image, et à l'endos, l'écriture d'enfant qui m'émeut toujours, la sienne, écrite au gros crayon de menuisier aiguisé au couteau à gyproc... J'ouvre le paquet mal ficelé, c'est mon nouveau jouet, il y a tout ce qu'il faut et sur mesure pour moi, pour que je prenne des photos beaucoup beaucoup. Dominic était dans le coup depuis le début de la semaine. Il m'explique tout ce que je pourrai faire. Crocodile Dundee répète en arrière de lui tout ce que je pourrai faire! Je me demande qui est le plus content là... Effusions de joie partout, rires, reconnaissance et les menuisiers se remettent à l'ouvrage. Je cours chercher Maman qui m'attend...
En route vers Val-d'Or, Maman se dit intéressée d'aller au vernissage de Raôul. On aura même le temps de prendre une petite bouchée en arrivant là-bas, elle n'a pas eu le temps de dîner elle non plus. Il fait soleil, la route est belle et on discute de ce qui nous intéresse le plus au Salon du livre où l'on ira après le vernissage.
En arrivant là-bas, c'est Daniel qui m'ouvre les portes du Centre d'exposition... et ses grands bras qui me serrent fort fort. Ah Daniel, le vieil ami, l'écrivain, le conteur qui m'appelle encore SON écrivain public, qui venait tout le temps aux Cafés littéraires que j'animais, ça fait si longtemps, mais on ne s'oublie pas même si l'on ne se voit plus souvent. Je croise le regard de Josée qui s'apprête à prendre la parole, elle me salue, me fait signe, c'est sûr qu'on va se parler après... Puis Raôul est là, sa conjointe, son frère Raymond, ses autres frères et soeurs de Val-d'Or et bien des visages connus. Nous devons être 200 personnes à peu près.
Tout à coup, je ressens comme une grande vague d'émotions en revoyant ces sourires, ces clins d'oeil, cet accueil qu'on me fait comme si je revenais chez moi. Cet univers-là, c'était le mien avant, le monde culturel de ma région, les amis dans le travail, les collaborations, les projets fous, l'adrénaline, l'énergie créatrice. C'est si loin mais si près de moi en même temps.
Josée s'approche du lutrin, elle parle du film réalisé par Dominic, elle pense beaucoup de bien de son talent et de son travail, elle nous raconte l'émotion du cinéaste, l'impression qu'a faite Raôul sur lui, ce qui se ressent vivement dans chaque image, chaque parole, chaque plan-séquence, et dans la facture très épurée du film qui laisse toute la place à Raôul. Télé-Québec est fière, dit-elle, de s'être associée à ce jeune cinéaste de talent pour rendre compte de la démarche de l'artiste, et rendre hommage à l'homme, Raôul Duguay. Et puis elle enchaîne en racontant plein d'anecdotes savoureuses, je reconnais la Josée avec laquelle j'ai eu tant de plaisir bien souvent, avant d'entrer en ondes, quand elle était animatrice radio et qu'elle me recevait à son émission et plus tard, quand nous nous sommes croisées dans le travail, sur plusieurs autres projets.
La directrice générale du CEVD et la conjointe de Raôul Duguay, tour à tour, avec simplicité et chaleur, viennent nous présenter l'artiste, peintre, sculpteur, puis l'homme, qui reste bien tranquille, attendant sagement son heure, heureux, chez lui, à Val-d'Or, au milieu des siens à écouter ces présentations. Mesdames et Messieurs, Raôul Duguay!
Pas un mot de Raôul. C'est sa trompette qui s'exprime. Il se promène à travers nous, jouant une pièce musicale tellement belle, je n'ai jamais rien entendu de si émouvant et de si pur. Il nous regarde tous un par un. Ses yeux sourient. Il tournoie sur lui-même, il marche, se déplace, fait la ronde à lui tout seul et sérénade tout le monde qui est là. Un enfant heureux. J'ai vu hier un enfant heureux, de 71 ans, qui nous présentait ses oeuvres récentes, le président d'honneur du Salon du livre et des festivités du 75e anniversaire de sa ville natale, « Dans ce pays qui était comme un oeuf/Le 13 février 1939/J'suis né à Val-d'Or en Abitibi/Dans ce pays qui est encore toutt neuf... »
Raôul termine sa pièce musicale à la trompette en donnant tout ce qu'il a, avec un grand sourire, les bras ouverts. On l'applaudit à tout rompre. Merci. Merci Raôul. Il porte ses mains à son coeur, nous l'envoie avec des bisous, nous fait signe que c'est assez, on se tait, on est sous le charme. Et puis là, c'est là, là, juste là que... à dix pieds de moi...
A capella, il commence à chanter « Moé j'viens de l'Abitibi/Moi j'viens de la Bittt à Tibi/Moé j'viens d'un pays qui est un arbre fort/Moi j'viens d'un pays qui pousse dans le Nord... »
On chante avec lui. Spontanément. Ça vient de notre fond. On chante fort. Le plafond en lève au Centre d'exposition de Val-d'Or. On est fiers. On est de la même famille. De la même race. Du même sang. De la même nature. C'est notre chanson. Celle qu'il nous a donnée. À nous, gens de l'Abitibi, comme lui. Il vient nous la chanter en pleine face, livrée chez lui, chez nous, à Val-d'Or. De toute son âme. Avec fougue et passion. Notre Bittt à Tibi devenue notre hymne, celui que le Québec nous emprunte à la Fête nationale mais qui nous appartient le reste de l'année et qu'on partage tant que vous voulez. On en connaît chaque mot, chaque histoire derrière chaque mot, nos lacs, nos rivières, nos forêts, nos bleuets, notre histoire si jeune, nos pionniers, notre ventre en or... Coooooolonisé... À libérer...
Un moment de grâce. La Bittt à Tibi en direct devant moi, avec Raôul qui se désâme, beau comme un enfant heureux. Je n'oublierai jamais ça. L'énergie qu'il y avait là. À la fin, dans le « À libérer » politique et social qu'on a chanté ensemble, il y a eu deux secondes de silence. On a entonné tout de suite « Mon cher Raôul, c'est à ton tour de te laisser parler d'amour » et il se laissait bercer par nous, les yeux fermés, le grand sourire, la main sur le coeur. On lui devait bien ça!
C'était hier, entre 5 et 7, et ça a continué de même quand il nous a raconté ses souvenirs, son enfance à Val-d'Or, son attachement à la région, à ses parents, à sa famille, à son monde. J'ai vu ses toiles, majestueuses, magnifiques, ses sculptures, sa talle de bleuets géants, si drôle, sa source, la source Gabriel qu'il l'appelle. Ici, on sait que c'est de Gabriel Commanda qu'il s'agit mais aussi de la Maison de soins palliatifs à Val-d'Or, La Source Gabriel. Ses combats pour l'environnement, l'eau, ses prises de position pacifiques mais efficaces et acharnées, pour l'or bleu, source de vie. La région aux 100 000 lacs, les eskers, les rivières, l'Harricana... Cooooooolonisé... À libérer.
Oui, oui, j'ai vu le film de Dominic. Fabuleux de vérité, de sobriété, de respect pour l'homme et l'artiste. J'irai le revoir. C'est pas loin, Val-d'Or. Juste une heure et quart de route. En Abitibi, on ne compte pas en kilomètres, c'est bien connu, on compte en heures. Oui, oui, Josée est venue me voir après, quelle accolade! Tellement de beaux souvenirs partagés et on venait de vivre un moment fort avec Raôul, on en avait la même conscience, elle et moi. Elle m'a fait des confidences sur l'élan qu'elle avait eu quand elle m'avait vue arriver. J'étais émue, touchée en plein coeur. Cet univers était le mien, il l'est peut-être encore un peu, je crois. Oui, oui, je suis allée au Salon du livre aussi. Avec Maman. J'ai revu quelques vieux amis, pas beaucoup de livres. J'étais trop musique hier soir. J'étais Abitibi. Saoulée de nature et de culture, d'amis, de cadeaux de la vie.