samedi 16 juin 2007

Dans la série « L'être le plus extraordinaire... » : mon cousin, JC

J'ai pris cette photo il y a deux semaines environ, dans une baie de la rivière des Outaouais, qu'on appelle la baie des Souches. J'y passe souvent et pourtant, c'était la première fois que je remarquais cette petite cascade d'eau qui vient terminer sa course près de ce rocher. Cette année, il y a eu des pluies diluviennes au début juin et j'imagine que la montagne évacue comme elle peut tout ce qu'elle reçoit et qu'il se crée ainsi des ruisseaux temporaires qui font entendre de si jolies musiques! Je l'ai donc choisie pour illustrer mon propos, parce que mon cousin JC, c'est un véritable rocher, du solide, bien ancré et que partout autour de lui, il sait créer des oasis, des bienfaits, des cascades rafraîchissantes, des baumes sur les plaies vives, il prend soin des coeurs blessés. « Parmi les ronces, pousse parfois une fleur »...

Cet homme d'exception, parmi les êtres les plus extraordinaires que j'ai connus, je l'appellerai JC, et c'est normal qu'il ait les mêmes initiales que Jésus Christ, parce qu'il a compris, intégré et semé partout dans sa vie le fameux « Aimez-vous les uns, les autres ».

C'est mon cousin. Oui. Mais pas depuis longtemps. Je m'explique : Biologiquement, nous sommes cousins. Sa mère, la soeur de la mienne, l'a donné en adoption à sa naissance. Il a donc été choisi par des parents qui l'ont sûrement beaucoup aimé, il ne peut en être autrement. Par un concours de circonstance incroyable, une vraie saga, un sujet à film même, il a retrouvé sa mère biologique. Ce serait trop long à raconter comment il est arrivé jusqu'à moi mais s'il est mon cousin depuis quelques années, notre lien est étrange, familial mais plus amical, empreint d'un certain déchirement entre vouloir tout savoir l'un de l'autre, se reconnaître dans quelque chose d'indéfinissable et en même temps, de nous laisser assez d'espace et de liberté parce qu'on imagine que chacun a ses ancrages, ses repères, semblables et différents à la fois.

Entre nous, quand on s'écrit, qu'on se voit, on s'appelle cousin et cousine à chaque phrase, on dirait que c'est comme une sorte de mot d'amour, euh... d'amitié, euh... bref, ça dit tout et rien à la fois mais ça vient préciser notre complicité instantanée dès notre première rencontre. Depuis ce temps-là que je l'admire. Je m'intéresse toujours discrètement à sa vie, sa santé, ses amours, son travail et mon cousin JC me fascine autant qu'il m'intrigue. Il vit dans ma région, à un peu plus d'une heure de route de chez moi et c'est ce qu'on appelle un travailleur de rue mais dans son secteur, plutôt rural, on l'appelle un travailleur de milieu. Moi, je vous dirais que c'est un missionnaire des temps modernes, qu'il ne prêche pas par des paroles mais par des gestes, des actions et qu'il incarne à lui tout seul l'amour des autres, du genre humain, qu'il combat la misère, la souffrance, l'abus, la pauvreté, la violence, la prostitution, la toxicomanie, l'alcoolisme, les dépendances de toutes sortes, qu'il a le coeur grand comme le monde et qu'il a l'oreille la plus attentive que je connaisse.

JC, c'est un roc. Grand et fort dans son travail et dans sa vie, ça peut sembler paradoxal qu'il soit doué d'une si grande sensibilité, d'une délicatesse infinie. En lui, je reconnais notre grand-père commun qu'il n'a jamais connu mais qu'il aurait beaucoup aimé. C'est fort quand même, l'inné.

Travailleur communautaire, il se bat sans cesse pour obtenir un budget minimum pour faire fonctionner ses projets et la communauté dans laquelle il se donne sans compter. C'est souvent le lot de ces missionnaires d'aujourd'hui. Il y met une telle ardeur que j'ai souvent peur qu'il s'épuise à force de n'être pas toujours compris par l'establishment social et politique. Si j'étais riche, je subventionnerais à vie tous ses projets, d'ailleurs, il sait faire fructifier le moindre petit dollar pour les causes qu'il comprend, qu'il mène et pour lesquelles il investit le meilleur de lui-même. JC, c'est une machine à soigner les âmes, particulièrement celles de la jeunesse à qui il voue une confiance et une admiration sans borne.

Parmi ses outils de travail et d'intervention, il fait des films dans lesquels il implique plein de jeunes, d'abord, parce que ça les rallie, les sensibilise plus que tout et ça leur permet d'exprimer leur créativité. Dernièrement, il en a réalisé un qui n'a pas été facile à faire ni à financer, sur un sujet tabou, l'abus sexuel au masculin. Le titre? « Oui, les gars aussi ». Jeudi soir dernier, son film était projeté dans son coin de pays, il m'avait invitée et je suis allée. J'y tenais.

J'arrive quelques minutes avant le début de la projection, il est entouré de plein de monde évidemment mais il vient m'accueillir comme si j'étais la seule, il a ce secret de la qualité de présence, avec lui, on se sent unique. Il me dit à l'oreille en me serrant ben fort : « T'es venue, ma cousine! » Il m'entraîne à sa suite en me disant : « Viens que je te présente... » et puis, il me présente ses parents à qui je serre la main, trop ravie de rencontrer ceux qui ont fait de lui ce qu'il est. Il a la délicatesse infinie de me présenter par mon nom, en omettant complètement notre lien et je lui en suis reconnaissante, j'aurais été mal à l'aise devant ses parents qu'il m'appelle « sa cousine » jugeant que c'est un titre honorifique que je ne méritais pas en leur présence. Puis, il m'amène plus loin, me présente sa conjointe, ses enfants, toujours en m'appelant par mon nom, sans aucun titre mais ils savent bien quel est notre lien.

Le film va bientôt commencer, JC s'adresse à la salle, explique ce que nous allons voir et nous avertit qu'en cas de malaise, si quelqu'un doit sortir de la salle pendant la projection, il a prévu des ressources sur place pour venir en aide à quelqu'un qui vivrait quelque chose de difficile. Je le regarde agir avec admiration, je sais que sa conjointe et ses enfants ressentent la même chose que moi et j'entends penser aussi ses parents assis un peu plus loin.

Le film est bien fait, efficace, documenté avec beaucoup de sensibilité, des témoignages bien sentis, rien de sensationnaliste mais avec un ton juste. À la fin de la projection, il donne le crédit à tous ceux qui y ont participé, il n'oublie personne mais quand on l'applaudit, il est visiblement mal à l'aise, il n'aime pas les honneurs, les protocoles, il s'efface pour la cause. Un grand homme, mon cousin JC, et humble en plus.

J'ai dû partir en vitesse, il se faisait tard et je n'ai pas le droit de conduire quand il fait nuit. Sa conjointe voulait que j'aille dormir à la maison mais j'ai dû refuser, j'avais une rencontre tôt le lendemain matin. J'ai simplement remercié et félicité JC, salué sa conjointe, ses enfants, ses parents, fait un don dans la mesure de mes moyens pour aider à la réalisation de son prochain film (sur le suicide) et je suis partie, ravie et chavirée, de cette soirée.

Ravie, oui, parce que j'ai perçu combien il était aimé et admiré de tous, mais particulièrement de ses parents, son amoureuse, ses enfants. Chavirée parce que j'aurais voulu lui dire mille choses que j'avais dans le coeur, combien fière j'étais de lui. J'aurais aimé être capable de dire merci à ses parents mais je sais que ça ne se fait pas. J'aurais voulu dire à sa conjointe combien je la trouvais généreuse elle aussi, de le partager avec tous ceux qui sont dans le besoin. J'aurais voulu, j'aurais souhaité, j'aurais aimé mais j'ai repris la route et au lieu d'avoir la trouille, j'étais plutôt envahie de sentiments de reconnaissance et d'admiration qui m'ont bercée doucement jusque chez moi.

Notre grand-père était un grand homme qui a aidé tout le monde toute sa vie et personne ne l'a oublié. C'est ce que nous avons en commun, JC et moi, je crois. Peut-être qu'un jour, je serai capable de lui dire que si notre grand-père était un grand homme, alors, lui, mon cousin JC, c'est vraiment un géant.

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Zoreilles, ta vie, c'est du cinéma.

Tu sais, je suis un peu surprise de savoir qu'on a besoin de travailleurs de rue dans ton coin, comme ici, à Montréal, où j'ai eu l'occasion d'en connaitre plusieurs, avec des projets vidéos aussi, entre autre parce qu'il y avait quelqu'un dont ce fut le travail, pendant un moment, dans la famille.

C'est tout un contrat. Les gens n'imaginent pas. Et le coeur crevé qu'ils/elles trimbalent, saisis/es de peur pour des enfants laissés à eux-mêmes, qu'ils/elles voient se dégrader, jour après jour, et de crainte aussi pour eux/elles-mêmes car c'est un milieu malade et dangereux, la rue, là où prostitution et drogues vont main dans la main et où, ici, les gangs de rue font la loi, n'ayant peur de personne (sauf d'eux-mêmes).

En même temps, je t'ai pourtant raconté mon expérence de la ville dans ton coin et bien oui! c'est surement nécessaire.

Quelle personne exceptionnelle, à t'entendre! Mais est-il possible pour une personne de ne pas se sentir exceptionnelle quand c'est toi qui parle d'elle? Tu parles avec tant de bonté des gens et de ce qu'il font.

Très intéressante, cette histoire, que dis-je, ce scénario, encore! Qu'est-ce que tu vas bien nous raconter la prochaine fois, dis?

Zed :)

Guy Vandal a dit…

Hostie que j'aime ça te lire...

Oups, ch'peux-tu dire ça, hostie ? Est-ce que ta grand-mère lit ton carnet ?

S'cuse-moi grand-maman. ;-)

Anonyme a dit…

Vous auriez voulu communiquer d'avantage de choses à votre cousin mais vous étiez là. Votre présence parlait. Puisque les pensées passent bien entre vous, concluons que le non dit a été lu dans votre regard et votre attitude.

Accent Grave

Zoreilles a dit…

@ Zed : Oui, les travailleurs de rue ont bel et bien leur place ici comme partout ailleurs, ils font un travail magnifique et absolument nécessaire sur le terrain, ce n'est pas assez reconnu, je trouve, et le fait qu'ils doivent se battre en plussssssssse pour faire leur travail, quand on sait tout ce qui se gaspille de nos fonds publics, ça me révolte!

@ Guy : Ne commence pas à te censurer quand tu viens chez moi, Grand-Maman comprend parfaitement que « on a le droit de tout dire ici, même la vérité! » et d'ailleurs, je te voyais la tronche quand je t'ai lu, je t'aurais reconnu même sans ta signature!

@ Accent Grave : Je crois et je souhaite que vous ayiez raison, JC est le genre à écouter surtout ce que les gens ne disent pas.

Et pour Zed qui trouve que ma vie, c'est du cinéma, imaginez en plus que je vous raconte seulement les bouts les moins longs, les moins difficiles à communiquer. S'il fallait que j'écrive, par exemple, rien que sur ma dernière fin de semaine, où l'on a eu de très grosses noces (qui ont duré 3 jours) je pourrais en faire au moins 3 ou 4 billets! Ce ne serait pas hollywoodien comme cinéma, ça s'inscrirait plutôt dans la lignée du cinéma vérité!

Anonyme a dit…

Et bah dis-donc! J'aurais bien aimé le connaître ce cousin là! Dans la vie, on rencontre un tas de gens exceptionnels, et je crois qu'on ne leur rend pas hommage assez souvent. J'espère que JC viendra te lire! Même pour quelqu'un qui n'aime pas les honneurs, un texte comme ça, ça ne peut que faire chaud au coeur!

XxXxX Noémie :D

Anonyme a dit…

As-tu remarqué que des fois une belle fleur peut pousser dans un moins bon terreau et que même en condition parfaite, sans aucune raison,une autre pousse tout croche...ça fait parti des mystères de la vie.
Tu as bien ensoleillé ma journée,encore une fois
Joce.

Anonyme a dit…

merci pour ce texte et l'amour qu'il dégage. lien biologique ou pas les familles se créent et c'est beau comme ça. continue à nous livrer ta belle âme. a bientôt
lili