lundi 23 mai 2016

D'AMOUR ET D'EAU FRAÎCHE

Si vous me lisez ici depuis un moment, vous savez déjà que Crocodile Dundee et moi, on s'est connus en 8e année, ce qu'on appelle aujourd'hui le Secondaire 1. Nous étions voisins de pupitre et probablement parce que les profs voulaient nous avoir à l'oeil, ils nous avaient placés en avant de la classe. Nous étions les deux « nouveaux », les autres avaient fait tout leur primaire ensemble. Sa famille arrivait de Ville-Marie au Témiscamingue et la mienne,  de Matagami, au Nord-du-Québec. L'amitié et la complicité furent instantanées, pour lui comme pour moi, dès 1970.

Pendant toute notre adolescence, on se croisait partout, à l'école comme ailleurs, on habitait le même quartier, on avait les mêmes amis, et chacun poursuivait sa route. Et puis un jour... mais ça, je vous l'ai déjà raconté, on a eu comme un genre de... révélation. On était amoureux! C'était le soir du 14 août 1976. On s'est mariés le 20 mai 1978. 

En fin de semaine, on célébrait donc 38 ans de mariage. Ici, le mot célébration prend un sens très très très large, vous allez voir... 


Vendredi matin, journée pédagogique à son école, Félixe avait son petit baluchon tout prêt pour nous accompagner à Rapide Deux comme elle en rêvait depuis des semaines. 


Nous deux, on était tellement contents aussi de pouvoir passer cette journée du 20 mai avec elle, en attendant que le reste de la petite famille vienne nous rejoindre samedi matin et qu'on célèbre à notre façon cet anniversaire tous ensemble. 


Plutôt qu'un repas gastronomique en tête à tête dans un grand restaurant, nos provisions étant encore congelées dans la glacière à ce moment-là, on a dû se régaler de grilled cheese au dîner mais on était full heureux quand même. 

On avait tellement d'activités à faire là-bas, à commencer par le tir à l'arc que Félixe aime de plus en plus elle aussi. 


Elle a une très bonne technique qu'elle pratique aussi souvent qu'elle le peut, ça veut dire « pas en ville ». Ce sont ses deux grands-pères qui lui apprennent les rudiments du « métier » d'archer. Je tire aussi à l'arc pour m'amuser mais je ne voudrais pas lui passer mes mauvais plis. 


Nourrir les pies avec les restes de pain, c'est un classique à Rapide Deux. Et dire que les premières fois qu'elle l'a fait, elle n'avait que 6 mois... 


Le coucher de soleil était magnifique sur la rivière pour notre anniversaire. On a vu un castor, un rat musqué, des canards, on a entendu les huards. Tout était calme.  La nature s'est faite généreuse comme à l'accoutumée. 


Le lendemain matin, on avait rendez-vous au quai de la marina à 9 h 30. Pour Blanche, c'était sa première visite à Rapide Deux à la belle saison. Elle est déjà venue l'hiver dernier, pendant la semaine de relâche. 


Retrouvailles père-fille après seulement 24 heures de séparation! 


Dix minutes en bateau et nous voilà tous les six réunis au p'tit château. 


Blanche n'apprécie pas particulièrement le bateau, ce sera quelque chose à apprivoiser avec le temps. Elle ne dit rien, ne pleure pas, ne crie pas mais elle fait ses yeux pas rassurés du tout et ne veut pas sourire. Elle cale la palette de sa casquette sur ses yeux avec conviction. On la lui remonte pour dégager son regard bleu... Elle la recale aussi vite sur ses yeux, elle aime mieux « ne pas voir ça »! Blanche, c'est notre ti-clown, celle qui nous fait rire tout le temps. Elle retrouve vite sa bonne humeur habituelle lorsqu'on débarque du bateau, qu'on lui enlève sa veste de sauvetage et sa casquette!


Notre plus beau cadeau d'anniversaire, ce sont ces zamours-là. On a de la chance de les avoir si proches de nous, si proches entre eux. 


Un petit bisou pour sceller tout ça. 


Si le projet de l'été dernier, c'était de construire un radeau, cet été, on remet ça avec la réalisation d'un tee-pee selon la méthode ancestrale de nos amis les Algonquins. Blanche est dispensée de sa participation aux travaux, trop absorbée à découvrir l'environnement de la forêt et surtout la douceur de la petite mousse verte qui la fascine.


La simplicité, c'est bien beau mais ça a ses limites. On a toujours bien pris un verre de rouge pour célébrer l'occasion lors du souper de samedi. 

D'AMOUR ET D'EAU FRAÎCHE

L'un de mes amis, voyant ces photos de la fin de semaine, m'a demandé : « Avec tout ce qui est éphémère dans nos vies, dites-nous quelle est votre recette pour l'amour qui dure, et même, écrivez un livre là-dessus! ». 

Il est hors de question d'écrire un livre de recette, ce serait tellement prétentieux. 

D'abord, il n'y a pas de recette. Et s'il y en avait une, elle ne serait efficace que pour nous.  

Et si nous écrivions un tel livre, qui c'est qui le lirait, dites-moi!

Non, sincèrement, je crois que nous avons eu de la chance. 

D'abord, de nous connaître. Que nos familles soient déménagées en même temps à Rouyn-Noranda et que la première lettre de nos noms de famille soit assez proche pour qu'on nous place dans la même classe plutôt que dans l'une des 5 autres. Disons que c'était le destin.

Et si plutôt que d'être voisins de pupitre, amis et complices, on était devenus amoureux tout de suite, à 13 ans et à 14 ans? Catastrophe! Ce n'était pas le bon moment, nous avions d'autres choses à vivre, chacun de notre côté, à cet âge-là. Même si c'était pour mieux se les raconter et en jaser pendant des heures quand on se commandait un chicken fried rice à deux, au Cordon Bleu, dans nos fins de soirées! On le savait pas encore mais on était tellement amoureux. Nos amis s'en doutaient mais pas nous. 

Je ne saurais même pas dire si au fil de ces 40 années ensemble, ce sont les épreuves qu'on a vécues ou les meilleurs moments qui ont cimenté le plus notre vie.  

Je ne peux même pas affirmer qu'on a pris soin de notre couple. Ah non, on n'a pas pris soin de notre vie amoureuse du tout. Pas assez. Pas comme on aurait pu, pas comme on aurait dû. Et pourtant, on a pris soin de beaucoup de monde. On en a pris soin ensemble. Et tout ce temps-là, nous, parce qu'on était ensemble et qu'on prenait soin de notre monde, on était toujours amoureux.

Des fois, on se dit qu'on a pris des maudites chances. On ne sait même pas encore aujourd'hui comment on a pu passer à travers de certaines périodes sans se perdre. Parce que la vie n'est pas faite pour que l'amour dure. Etre en amour, c'est quasiment vivre à contre-courant. Mais on s'est fait confiance. Et on n'a jamais eu à le regretter. 

On se dit aussi qu'avec notre goût de liberté qui était si fort, c'était étonnant et audacieux qu'on prenne un engagement à vie fidèle et fiable qui ne nous a jamais restreints, ni l'un ni l'autre, dans tous les aspects de notre vie personnelle qui se conjuguait sans trop de difficulté avec notre vie ensemble. 

Mais sans avoir une vraie recette, je peux quand même nommer quelques ingrédients de base qu'on avait au départ : du respect, de la communication, de l'écoute, de la confiance, de la solidarité, de l'amitié, de l'humour, de l'admiration, de la générosité, qui sont un peu comme des composantes de l'amour. 

mardi 17 mai 2016

La vie de château


Après l'hiver qui nous a paru si long et ce printemps qui n'en finit plus de s'étirer paresseusement, on avait tellement hâte que toute la glace soit partie jusqu'au fond de la baie pour qu'on puisse enfin se rendre en bateau jusqu'au p'tit château. Je sais, ça fait prétentieux d'appeler ce campe « le p'tit château » mais il ne faut pas prendre cette appellation au premier degré. Il y a toute une histoire derrière cette expression trompeuse, je vous la raconterai peut-être un jour mais pour tout de suite, je vous y emmène passer la fin de semaine avec nous! 


Vendredi en début d'après-midi, il nous est apparu au détour du dernier méandre. 


La glace avait libéré le bras de la rivière mais ça ne faisait pas longtemps, on en voit encore les derniers vestiges. 


Une fois le bateau bien attaché au quai, on a toute la fin de semaine devant nous et malgré qu'on nous annonce toutes sortes de températures pas très agréables en cette saison, on ne voudrait pas être ailleurs qu'ici et maintenant. On va prendre des nouvelles de la forêt, de la faune et de la flore et puis, il y a tant à faire ici que la fin de semaine va être encore trop vite passée. 


Mais commençons par goûter le calme et la paix qui nous envahissent en ce vendredi 13 qui signifie la chance plus que jamais. 


Il y a mon Ti-Coq qui vient m'accueillir peu après mon arrivée, l'air de dire : « Bon ben te v'là, toi, c'est pas trop tôt! »


Même Crocodile Dundee n'en revient pas du comportement de ce tétras mâle. On sait bien qu'il est en pleine saison des amours mais il n'agit pas du tout de la même manière avec lui qu'avec moi. 


Il traite Crocodile Dundee comme un rival, il défend son territoire, il l'affronte, se montre arrogant et gonflé d'orgueil alors qu'avec moi, au contraire, il virevolte tout excité, il déploie tout son arsenal de charme. 


C'est ainsi qu'il vient se poser sur une branche près de moi pendant de longues minutes où il se laissera admirer et photographier tant que je veux. Et aussitôt que Crocodile Dundee s'approche, il s'envole plus loin, complètement furieux!!! Bon joueur et n'ayant pas peur de la compétition, Crocodile Dundee décide de nous laisser seuls, en tête à tête, pour aller voir comment « ses » petits castors avaient survécu ces deux dernières semaines. 


Crocodile Dundee était tellement content de les revoir, ses deux petits castors, qui ont survécu à l'hiver! C'est que l'automne dernier, il avait craint pour leur survie en voyant la trop petite quantité d'amas qu'ils avaient sauvegardée pour la froide saison. Tout au long de ce dur hiver, il leur plaçait des petites branches de trembles près de l'entrée de leur cabane et il l'a fait régulièrement. Chaque fois qu'il y retournait, la réserve était presque épuisée, ce qui était un bon signe. Il y avait de la vie là-dedans. Crédit photo : Gilles Rivest. 


C'est comme quand on se rend compte que les petits sont rendus autonomes et qu'ils vont se débrouiller sans nous! Quelle fierté! Crocodile Dundee a fait deux vidéos où l'on voit les deux petits castors pleins de vie et en bonne santé mais il a aussi pris des photos. Vous savez comment on est avec nos enfants, hein? On passe notre temps à les poser! Crédit photo : Gilles Rivest. 


On nous l'avait pourtant annoncé d'avance mais on s'en fichait un peu, on le croyait pas. C'était pourtant vrai : dimanche matin, on s'est réveillé avec un tapis de neige au sol... Crédit photo : Gilles Rivest

La vie de château 

Samedi a été pluvieux et gris. Qu'à cela ne tienne, ça nous arrangeait un peu. Crocodile Dundee avait tant à faire dehors malgré la pluie et moi, j'avais tout ce qu'il fallait pour me lancer à corps perdu dans le grand ménage du p'tit château : le baril d'eau de pluie plein à ras bord tout le temps, la chaleur douce et réconfortante du poêle à bois et des petites bûches en masse pour la faire bouillir, la radio de Ici Radio-Canada Première pour me sentir à la fois si proche et si loin du monde. J'étais la reine du p'tit château et Crocodile Dundee, le roi. 

C'est fou, les idées incongrues qui me sont venues à l'esprit quand je m'affairais à la tâche en écoutant les actualités de la fin de semaine à la radio. Pendant que tout le Québec avait l'air de considérer la liberté d'expression des humoristes comme la chose la plus importante au monde, on se mobilisait, on s'insurgeait, on se scandalisait, on faisait des gorges chaudes à propos de ce qui me semblait être des détails de régie interne qu'on transportait sur la place publique, moi, j'étais là à me demander comment il se faisait qu'on laissait depuis des années nos politiciens bousiller complètement notre système public de santé et de l'éducation sans réagir. Décidément, je ne comprends plus la société dans laquelle je vis. Quand je suis au p'tit château, c'est ce qui me frappe de plein fouet : comment en suis-je venue à ne plus me reconnaître dans les préoccupations de la population de ce Québec que j'aime tant? 

Faudra-t-il mettre en scène une téléréalité qui nous montre chaque semaine les cas les plus flamboyants, les plus révoltants, les plus pathétiques, pour que le monde se décide à s'intéresser, à réagir, à se mobiliser et à intervenir, face à des enjeux sociaux et politiques qui nous concernent tous?