mercredi 19 décembre 2007

Noël, la saison des réjouissances...


J'ai cherché dans toutes mes photos celle qui pourrait illustrer ce que j'avais à dire aujourd'hui et celle-là m'a fait un effet instantané. Pigée dans l'album de notre fille, cette photo avait une note à l'endos où je reconnais mon écriture : « Mon premier contact avec le Père Noël, décembre 1987, pharmacie Jean Coutu. Je ne l'ai pas aimé, il parlait fort, il riait fort et Maman a dû nous laisser ensemble pour que le photographe fasse son travail. Le Père Noël avait 10 secondes pour m'apprivoiser. Il a échoué! »

Noël, la saison des réjouissances

Quand j'étais petite, le temps des fêtes durait au moins deux semaines et j'en garde des souvenirs impérissables... Les familles étaient si nombreuses et mes deux familles très élargies nous rassemblaient toujours en Abitibi-Ouest, dans la grande maison du rang VII, sur la route de Dupuy, chez mes grands-parents maternels, ou alors dans l'autre, au Petit Village à La Sarre, chez mes grands-parents paternels.

Dans la grande maison du rang VII, c'était toujours le temps des réjouissances et particulièrement au temps des fêtes. On arrivait de partout, des pleins chars, et tout le monde était accueilli dans des effusions de joie, de rires et des petits bouts de refrains. Il me semble que je nous revois encore débarquer de l'auto, tout endimanchés et ceux qui étaient arrivés avant nous venaient nous ouvrir la porte en nous sautant quasiment dessus. On aurait dit qu'on éclairait la place quand on arrivait et que ça devenait de plus en plus lumineux quand les autres se pointaient à leur tour.

Les retrouvailles avec les cousins et cousines étaient bruyantes et animées, mais jamais autant que celles des grands. Dans la famille de Maman, tout le monde joue d'un instrument de musique, tout le monde chante. Moi, j'avais tout le temps hâte que la musique commence mais je savais que ça ne viendrait qu'après le souper, il fallait laisser les guitares s'acclimater et on avait un respect immense pour les instruments de musique, on les regardait seulement. L'arbre de Noël dans le salon était magnifiquement décoré par Grand-Maman Éva, avec un ange dans le haut, des boules de Noël très anciennes même parfois un peu dépeinturées mais toujours si brillantes, des cartes de Noël reçues des Iles, toutes écrites dans les moindres petits racoins, des glaçons, des cheveux d'ange, et au pied du sapin, beaucoup de petites maisons, une église et une grosse crèche où il ne manquait personne, personne, il y avait même tous les petits bergers avec des agneaux dans les bras et tout. On était catholique fervent dans la famille...

Dans ce tourbillon de cris, de chansons, de tapage de pieds, de jouage de tours, de p'tits boires et de rigolade, on ne pensait pas aux cadeaux, c'était bien secondaire, on en aurait un, c'est tout, c'était comme une loi non écrite parce que Noël, c'était tout sauf ça. J'ignore comment les grands faisaient mais dans le temps de le dire, la table était servie pour les grands et nous, les enfants, on avait chacun notre marche dans l'escalier qui donnait sur l'immense cuisine, bien entendu, on n'aurait pas voulu rien manquer du party. Dans l'escalier chez Grand-Papa, il y avait toujours une hiérarchie selon l'âge, donc, on avait quasiment notre prénom d'écrit sur notre marche, la mienne, c'était la deuxième, il y avait juste Michel de plus vieux que moi. Ensuite, il y avait la marche à Lise, Solange, Raymonde, Ti-Luc, Ti-Gilles, etc...

C'est après le souper qu'on avait des surprises parce que d'autres se joignaient à la famille, les cousins de nos parents. Eux autres, ils avaient des violons et des accordéons en plus de toutes les guitares. Ah là, c'était sûr qu'on allait veiller tard! Entre deux morceaux de vaisselle à laver, on recevait notre cadeau. Il ne passait jamais sous le sapin, il n'y avait pas de place pour ça de toute manière, avec les petites maisons et la grosse crèche... Je me rappelle avoir eu une année un Colorola. J'étais donc contente. Maman devait avoir commandé ça dans le catalogue : Un machin en plastique rouge avec dedans une feuille magique qu'on pouvait colorier avec des crayons de cire et quand on tournait la manivelle, il apparaissait un autre dessin à colorier. Quand on avait fait le tour et qu'on revenait au dessin de départ, il était tout effacé et redevenu vierge. Je croyais que j'allais m'amuser très longtemps avec mon super magique Colorola!

Mais mon oncle Claude, qui commençait à être un peu pompette, dans un éclat de rire, s'est assis sur mon Colorola. Ça a fait un gros « crack » et il a tellement trouvé ça drôle, les autres aussi d'ailleurs. Il y avait juste moi qui ne riais pas tellement. Il a dit : « C'est à qui la bébelle, ben, le restant de bébelle? » ce qui a fait rire encore plus les grands alentour. J'ai dit : « C'est à moi! » et il a répondu : « Ah, c'est pas grave, mon oncle Claude va t'en acheter un autre! » et il avait ajouté, « C'est Nouel! » en se servant un autre verre. Ma tante Yvonne y avait vu le signal pour entonner sa chanson de circonstance qui me rend toujours joyeuse et nostalgique « C'est Nouel dans notre beau petit village, c'est Noël ici comme ailleurs, à l'église de notre beau petit village... ».

Pour chanter, il y en a qui « se faisaient prier » mais ils finissaient par se laisser convaincre, comme Maman qui chantait « Elle avait des bagues à chaque doigt, un tas de bracelets autour des poignets et puis elle chantait de sa belle voix qui sitôt m'enjôla, elle avait des yeux, des yeux d'opale qui me fascinaient qui me fascinaient, y avait l'ovale de son visage pâle, une femme fatale qui me fut fatale... » ou bien « Enfant du voyage, ton lit, c'est la mer, ton toit, les nuages, été comme hiver, ta maison, c'est l'océan, tes amis sont les étoiles, une fille aux cheveux d'or, perdue dans le vent du Nord...». Grand-Papa, lui, quand il se levait debout, qu'il nous faisait un clin d'oeil et qu'il se dépliait du haut de sa grandeur, on savait qu'il était le plus heureux des hommes d'avoir toute sa famille autour de lui et qu'il nous dirait sa petite phrase, « êtes-vous heureux, là? Bon ben, si vous êtes tous heureux, moi aussi! » et qu'il nous chanterait la sienne « On arrêtera le télégramme, la langue des femmes, jamais! » dont je voudrais bien retrouver les paroles...

Toutes les chansons des Iles de la Madeleine y passaient, ainsi que les classiques de la famille « Les Immortelles », « Partons la mer est belle » chantés en harmonie à plusieurs voix, plusieurs guitares, mon oncle Marcel, ma tante Denise, mon oncle Paul, ma tante Gertrude, toujours un moment presque solennel. Mon oncle Hilaire tapait du pied à s'en user les talons avec « Le p'tit bal chez Jos Brûlé », la maison en tremblait, si on était chanceux, mon oncle Ti-Charles, allait nous faire avec un tas de grimaces et de sous-entendus, « Oh, Belle vous y avez une belle tite couisse, oh belle, vous y avez » mon oncle Raymond, mon oncle Edwin, ma tante Bernadette, ma tante Pauline et toutes les chansons de mer, de bateaux, de capitaines et de matelots, notre histoire et notre folklore madelinot, avec ses complaintes et ses harmonies, cette mer qui berce et qui nourrit, on ne pouvait jamais se résoudre à aller se coucher. Des fois, trop rarement, Papa nous jouait un petit reel d'harmonica que mes oncles accompagnaient au vol et enrobaient si richement, comme s'ils avaient pratiqué ensemble.

Noël, c'était ça, un temps de réjouissances, de retrouvailles familiales, de musique, de rires, de chansons, d'histoires, de moments passés ensemble à s'aimer sans se le dire. Mais on communiquait dans notre musique. On n'aurait jamais manqué la messe de minuit, sinon, Noël n'aurait pas eu de sens mais la fête reprenait de plus belle après et je ne me souviens plus quand est-ce qu'on allait se coucher mais je me rappelle que les cousines, on dormait toutes ensemble dans la petite chambre de la machine à coudre, en haut, dans le même lit toutes les quatre et qu'on riait jusqu'à ce qu'on tombe endormies et épuisées, bercées par la musique qui se continuait en bas parce que les grands, ils se couchaient pas, je pense...

Finalement, je voulais vous parler d'autre chose complètement et je me suis égarée en chemin, trop plongée dans mes souvenirs de ces Noël qui n'existent plus. Mais je me reprendrai lors d'un prochain billet, je crois, où je vous raconterai un peu comment je fais pour garder aujourd'hui le meilleur de cette « saison des réjouissances » et toujours mon âme d'enfant. Et pour conclure l'histoire de mon défunt Colorola, ben... mon oncle Claude n'avait pas tenu sa promesse mais j'avais espéré longtemps, très longtemps. Ça m'avait appris quelque chose d'important : quand on fait une promesse à un enfant, il faut toujours la tenir, sinon, on peut lui briser le coeur...

lundi 10 décembre 2007

Une tradition... glacée et bien ancrée

Je ne sais plus en décembre de quelle année j'ai pris cette photo parce que cette fresque sportive glacée et bien vivante se déroule devant chez nous à tous les ans depuis que nous habitons ici, en 1991. Au début, nous faisions la patinoire pour les petits mais on s'est bien vite rendu compte que ce n'était jamais aussi désintéressé qu'on le disait. Oui, bien sûr, nos enfants ont grandi avec la patinoire devant la maison tous les hivers et ça a donné lieu à plusieurs situations drôles et très extrêmement pédagogiques mais surtout, la tradition s'installait au fil des ans de manière très profonde jusqu'à devenir LA TRADITION du temps des fêtes!

Et cette année, notre 17e saison d'hiver qui débutait de manière inhabituelle avec trop de neige et pas assez de glace nous désespérait pas mal. Nos enfants ont maintenant 20, 21, 22, 23 ans et n'habitent plus ici mais ils s'inquiétaient beaucoup eux aussi du fait « qu'on n'aurait pas de patinoire c't'année » et donc, que les parties annuelles du temps des fêtes n'allaient pas avoir lieu. Qu'allions-nous faire?

« Partir » la patinoire sur le lac, ce n'est pas si simple qu'on pourrait le croire et il ne suffit pas de se retrousser les manches pour pelleter après toutes les tempêtes. La patinoire, c'est tout un art! Crocodile Dundee, Alain, notre voisin, ainsi que mon frère Yves sont devenus des pros de la patinoire. Ils savent quel est le moment exact où il faut la faire, comment s'y prendre, combien de pouces de glace sont nécessaires, comment éviter de « slusher » le plus possible, surtout dans les coins, comment réparer et lisser la glace avec des barils d'eau, des pelles, des truelles, etc. Des pros, je vous dis!

Au début de la saison, elle est toujours très grande, une vraie patinoire olympique. Plus l'hiver avance, plus les « bandes » sont hautes et plus la patinoire rapetisse. Moi, ce que j'aime, c'est de l'entretenir après les petites chutes de neige. Pas une grosse tempête, non, dans ce temps-là, on y va à plusieurs et même on a déjà passé la souffleuse dessus mais quand il y a eu juste une petite chute de neige, je me dépêche d'aller passer la gratte avant que les autres arrivent et qu'on me vole ma job de Zamboni de luxe! Là, je chausse mes patins, je prends la gratte (il traîne toujours des grattes et des bâtons de hockey sur les filets) et je fais de beaux sillons bien droits dans les deux sens. Je peux faire ma perfectionniste tant que je veux. C'est tellement zen.

Les règlements du hockey chez nous ont la particularité d'être adaptables et élastiques. Tous âges confondus, filles ou garçons, les chiens avec, en patins ou en bottes, nombre de joueurs illimités et aucun contact physique, à part les bisous et les câlins, parce que les retrouvailles se font aussi sur la patinoire. En général, les bâtons de hockey sont en nombre suffisant mais on manque toujours de rondelles molles (de couleur orange). Les lancers frappés (slap shots) sont interdits et pas seulement pour éviter des blessures. Le héros du moment, c'est celui qui trouve la rondelle dans le banc de neige pour que la partie puisse reprendre. D'habitude, au printemps, on retrouve des rondelles oranges qui flottent devant chez nous et chez Alain...

Par contre, il y a des règlements très formels : dans la glacière, (qu'on voit au premier plan et je vous rappelle que vous pouvez cliquer sur la photo pour l'agrandir) il y a des Gatorade pour les petits et de la bière pour les grands et personne n'ouvre la glacière avant la fin de la partie parce qu'il peut y avoir des surprises dedans, comme un trophée ou quelque chose du genre. On ne compte pas tellement les points, en fait, c'est qu'on ne s'entend pas toujours si le but était bon ou pas, alors, on se concentre plus à fabriquer de beaux jeux en essayant de faire compter des buts aux petits ou à ceux qui jouent pour la première fois. Pour ceux qui sont trop âgés pour jouer (mais mon père jouait encore à 75 ans) ou les jeunes mamans avec des petits bébés, ils peuvent suivre le déroulement de la partie aux premières loges, dans la maison chez nous ou chez Alain. Et tout le monde comprend que si nous sommes des hôtes accueillants en temps normal, pour la partie de hockey, on abandonne notre visite et on s'en va jouer dehors.

Après le hockey, il y a toujours l'après-hockey. C'est là qu'on ouvre la glacière! Très beau moment. Les familles et amis sont mélangés, tout le monde est parent sur la patinoire et après. On pète de la broue, on félicite les petits, on écoeure les grands, on s'obstine sur un paquet d'affaires et on rit, c'est effrayant comme on rit. On se remet de vieux trophées recyclés, on nomme des catégories du genre « le joueur le plus amélioré depuis l'an passé mais c'était pas dur », etc. Tranquillement pas vite, on rentre dans les maisons, chez nous et chez Alain, on mange avec nos invités mais ce n'est jamais un souper conventionnel des fêtes, plutôt un genre de repas communautaire pas compliqué où chacun apporte sa part de bouffe et de petits boires. Dans l'entrée chez nous et tout le long de la rampe, sur la patère et dans la garde-robe, il y a des montagnes de manteaux, tuques, mitaines tout trempes, foulards, bottes, etc., mais les patins, ça reste dehors, OK?

Quand la veillée avance, parfois, un plus petit groupe d'adultes ne peut résister et on se lance des défis avec le voisinage. Ça commence à se piquer des clins d'oeil dans l'après-hockey pour remettre ça « aux lumières » dans une deuxième partie où là, les règlements sont ceux du vrai hockey avec des joueurs pas mal plus chevronnés. Les parties qui commencent vers 23 heures sont toujours les plus enlevantes! Le hockey de nuit réveille les vrais, ceux qui sont insatiables.

Alors, on ne pouvait se résoudre à passer à côté de tout ça et plus encore cette année malgré la difficulté de « partir » la patinoire. Samedi soir, Crocodile Dundee et Alain se sont dit qu'ils n'allaient pas baisser les bras. Nenon, pas question. Ils ont appelé Yves. Consensus entre les trois, rendez-vous hier, dimanche, à 13 heures. Avec acharnement et vaillance, mes trois super héros ont fait un miracle, dans les circonstances. Danièle et moi, on a fait le café, on a fourni la bière et les encouragements et... Ça y est, la patinoire est faite! Mais elle est très inégale et raboteuse. Slushée dans les coins. Il y aura de l'ouvrage à faire cette semaine, tous les soirs, pour bien la lisser avec de gros barils d'eau et des outils improvisés.

Alors, je vous l'annonce en grande primeur et j'invite ceux qui se reconnaîtront, LA PARTIE DE HOCKEY ANNUELLE du chemin des Castors au lac Dufault aura lieu le 31 décembre autour de midi. Si vous venez, comme d'habitude, apportez votre bouffe et vos petits boires, vos patins si vous y tenez, vos bâtons de hockey, vos enfants et ceux qui vous sont chers, comme votre chien Polux. C'est pas vrai qu'on va passer à côté d'une aussi belle tradition!

dimanche 2 décembre 2007

Bonne fête Papa!

Cette image n'est pas une photo et je n'ai pas besoin de vous la décrire. Je vous dirai simplement que je l'ai numérisée en la ressortant de mon coffre aux trésors où elle est déjà retournée. Vous comprendrez pourquoi en lisant mon billet... Nous sommes aujourd'hui le 2 décembre 2007 et Papa est né le 2 décembre 1927. Je veux célébrer à ma manière son 80e anniversaire de naissance et ce n'est pas parce que je ne vois plus ses beaux yeux bleus et son grand sourire qu'il n'est plus là. Papa sera toujours là pour moi, pour nous tous qui l'avons tant aimé. Je veux me remémorer aujourd'hui son extraordinaire présence même en son absence... Bonne fête et merci Papa!

Pour son 69e anniversaire de naissance, en 1996, je lui avais offert un texte qui s'intitulait « Le ti-dodo, la tranche de pomme, le sublet et le cheval blanc » et j'espérais ainsi nous consoler, lui et moi, d'avoir dû fermer chacun notre entreprise cette année-là. Moi, à l'été, comme écrivain public, et lui, la sienne depuis plus de 20 ans, celle qui avait fait vivre notre famille et quelques autres, à la fin de la même année. Nous en avions eu la même peine, l'un comme l'autre, mais nous savions aussi qu'il n'y avait rien d'autre à faire. Voici donc un extrait de ce texte qui lui avait fait plaisir et qui, sans doute, l'avait un peu consolé.

Le cheval blanc

... Mais parmi les souvenirs de l'enfance, il en est un qui me servira toute ma vie dans les moments moins joyeux de mon existence. Une panacée pour les jours gris ou la douleur en général. Il s'agit d'un remède miracle qui s'apparente un peu à ce qu'on appellerait aujourd'hui l'auto-guérison ou encore la visualisation. Cela s'appelle : « Le cheval blanc ».

Quand j'avais mal aux oreilles, aux dents ou que je prenais une fouille en bicycle, il me parlait longuement du cheval blanc. Quand je me faisais agacer pour mon accent, que j'avais perdu des morceaux de casse-tête ou que j'avais raté ma sculpture d'épingles à linge, il me racontait aussi son histoire du cheval blanc, tant et si bien que j'avais fini par le voir réellement.

Ça commençait toujours pareil. Il m'assoyait près de lui, me disait de fermer les yeux puis il prenait sa voix douce, calme, grave et rêveuse, et il racontait...

« Pense à un beau cheval blanc… il est donc beau ce cheval blanc-là…
Ah, là, tu le vois, il est fort et fier, il court dans la prairie, la crinière au vent, libre comme l'air.
Il est donc beau ce cheval blanc là...
C'est un beau cheval blanc heureux qui pense rien qu'à son heureusité,
à courir vite et fort dans sa prairie... Ah, c'est donc beau, un beau cheval blanc...

Et j'ai oublié la suite mais ce que j'ai retenu, c'est que ça marchait tout le temps. Aucune douleur, physique ou morale, ne résistait au cheval blanc. Bien sûr, quand je suis devenue une adolescente puis une femme, il n'a plus jamais utilisé le truc du cheval blanc avec moi mais je m'en souvenais toujours et je l'utilisais souvent, jusqu'au jour où...

J'avais 29 ans. Depuis huit ans, je voulais devenir enceinte et finalement, le miracle s'était produit, mais j'étais alitée depuis le début de ma grossesse, malade, incapable de m'alimenter, affaiblie et inquiète de perdre ce bébé si attendu, si désiré. Inévitablement, j'avais fini par perdre pas mal de ma joie de vivre. Le physique avait fini par déteindre sur le moral. Comme j'étais plus ou moins emprisonnée, soit à la maison, soit à l'hôpital, je voyais seulement les gens qui me rendaient visite parce que moi, je ne pouvais me déplacer.

Ce matin-là, Papa s'était arrêté à la maison, sans raison. Couchée sur le sofa, je ne lui avais même pas ouvert la porte. Il était entré tout simplement, à pas de loup, silencieusement. Il s'est assis dans la berçante, sans rien dire. Je ne faisais pas la conversation moi non plus. Comme il traînait sur la table du salon de vieux cartons blancs et des ciseaux, il a voulu ramasser tout ça. Machinalement, il a commencé à découper dans le carton, sans avoir l'air de savoir où il allait. Puis, il m'a demandé comment j'allais...

Et pendant que je lui parlais de mes inquiétudes de perdre ce bébé, de mes interrogations à savoir si j'allais être capable de rendre à terme un bébé en santé, il découpait toujours à mesure qu'il m'écoutait de toute son âme, de son sourire attendri que je connaissais si bien. Quand j'ai eu fini de lui répondre, il avait fini de découper. Alors qu'il s'est levé pour aller porter les découpures à la poubelle, j'ai remarqué sur la berçante une petite forme blanche qui gisait là. Je suis allée la chercher et j'ai pris dans mes mains un beau cheval blanc, le plus beau cheval blanc du monde. Papa m'a souri et m'a dit: « Il est pas tellement bien réussi, j'avais pas de modèle, mais regarde, il a une petite bedaine et quand même, il a l'air encore assez fort et il se tient debout! »

Je lui ai dit: « C'est le cheval blanc de quand j'étais petite! Te rappelles-tu, Papa, quand tu me disais...» Et, dans son rire de petit garçon gêné, j'ai senti clairement deux choses: premièrement, que oui, il s'en souvenait tout à fait et deuxièmement, que ça, il ne fallait surtout pas le dire... pour ne pas briser le charme. Alors je me suis tue parce que ce qui ne s'exprime pas, s'imprime, et puis on a souri tous les deux parce qu'on savait tout le merveilleux qui se cachait dans ce petit cheval blanc de carton.

C'était la plus jolie chose qu'il pouvait m'offrir. J'ai couru le mettre sur le foyer où je l'ai regardé si souvent jusqu'à la fin de ma grossesse. Bien sûr, c'est la première chose que j'ai mise dans ma valise en partant pour l'hôpital. Mon petit cheval blanc m'a suivi jusqu'à la salle d'accouchement et ensuite, sur ma table de chevet.

Quand il est accouru me voir à l’hôpital et faire connaissance avec sa première petite-fille en pleine santé, il a vu « notre » cheval blanc sur ma table de chevet. Il a souri peut-être un peu plus tendrement et de manière plus émue ce jour-là.

J'aurais voulu lui dire toute la beauté de mon enfance, toute la magie qu'il avait créée dans ma vie d'enfant et d'adulte aussi, toute l'espérance que j'avais de faire de même pour ma fille.

J'aurais voulu surtout lui dire mille mercis pour cette panacée universelle, cette enfance heureuse qui serait pour toute ma vie un gage de bonheur ou, comme il le dit lui-même,
« d'heureusité », mais je n'ai rien dit et j'ai souri parce que ça, c'est sûr, il ne fallait pas le dire. Ça aurait pu briser le charme...

lundi 26 novembre 2007

Là, ça y est, je pète ma coche!


Connaissez-vous le pékan? Cet animal carnivore habite la forêt boréale. Il se nourrit principalement de petits mammifères comme des écureuils, lièvres, martres et il est le seul prédateur à s'attaquer aux porcs-épics. Il se nourrit aussi d'oiseaux et de poissons. Agile et rapide, il est reconnu surtout pour son côté féroce. J'ai pris cette photo à l'hiver 2006, c'est en plein celle qu'il me fallait aujourd'hui pour illustrer mon « pétage de coche » sur un sujet que je veux clore avant de me taire à jamais. Après tout, ça faisait longtemps que je ne l'avais pas fait et je considère que c'est excellent pour la santé!

Réactions au film Le peuple invisible

J'ai déjà écrit quelques billets sur le sujet des Algonquins ou des autochtones en général. Entre autres, le 25 janvier 2007, Lylas, mon frère autochtone et le 28 septembre 2007, Plaidoyer pour mes amis autochtones. J'ignore pourquoi j'ai pris tant à coeur cette cause mais il se pourrait que ce soit à cause de quelques-uns d'entre eux qui m'ont beaucoup appris ou encore que l'injustice me révolte tout simplement. Quoiqu'il en soit, puisque le film tant attendu de Richard Desjardins et Robert Monderie (deux gars de chez nous) était présenté en ouverture du Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue, je l'ai vu en grande primeur et depuis, je n'en ai pas beaucoup reparlé...

Ce film documentaire extrêmement bien fait était tellement nécessaire pour dénoncer une situation que beaucoup de gens ignorent et j'espérais naïvement que cette vérité en images exposée sur grand écran arriverait à raconter l'histoire des Algonquins, toucher même les plus blasés d'entre nous, contrer quelques préjugés toujours tenaces et sensibiliser les gens d'ici et d'ailleurs. Naïve mais pas complètement débranchée de la société dans laquelle je vis, j'avais beaucoup de craintes sur les réactions qu'allait susciter ce film qui allait dire et surtout montrer la vérité, rien que la vérité mais toute la vérité, qu'elle fasse notre affaire ou pas.

J'ai trop de respect pour les Algonquins pour les traiter en victimes. Desjardins/Monderie aussi et ce n'était pas du tout leur intention. Mais dès la fin de la présentation du film en ouverture du FCIAT, j'ai entendu des chroniqueurs, animateurs, journalistes et politiciens porter sur le film ou le sujet qu'il traite des jugements tellement erronnés et remplis de ridicule sensiblerie que j'en ai été écoeurée au point de ne pas être capable d'en parler ici. Il y en a qui se sont mis à se sentir coupables du sort subi par les Algonquins, (est-ce que la culpabilité, ça donne quelque chose?...) et ce faisant, ils ramenaient encore tout à eux-mêmes, à leur petit nombril. Le peu de compréhension et l'ignorance crasse dont ont fait preuve certains représentants de la presse écrite, radiophonique et télédiffusée avait atteint des sommets jusque là inégalés cette fin de semaine-là et je croyais que j'avais tout entendu, que ça ne pourrait pas être pire. Encore là, j'ai été naïve...

Depuis le 23 novembre, le film est projeté sur 40 écrans au Québec. Malheureusement pour Desjardins/Monderie et surtout, pour les Algonquins, c'est reparti de plus belle dans nos médias nationaux et là, j'ai entendu les pires des pires stupidités en fin de semaine dernière. Parce qu'ils venaient d'assister à la projection du film, certains se sont improvisés tout à coup de grands connaisseurs en Premières nations, ils se sont pris pour des anthropologues chevronnés, en nous livrant leurs critiques bêtes et méchantes, parsemées de faussetés, de témoignages tout croches, de chiffres exagérés et supposément tirés du film, de solutions à la con, de préjugés tenaces et d'une parfaite ignorance d'une réalité bien québécoise qui se situe à 500 km au nord de l'endroit où ils sévissent, là où ils n'ont probablement jamais mis les pieds. Pire encore, ils ne sauraient même pas situer où ça se trouve si on leur présentait une carte géographique du Québec.

Bref, le film n'a pas été compris par beaucoup de monde et même la crédibilité de Desjardins ne semble pas faire le poids pour contrebalancer leur suffisance, leur arrogance, leur ignorance. Pour L'erreur boréale, les gens avaient réagi plutôt favorablement parce qu'on tapait sur les grandes forestières, le ministère des Ressources naturelles, le gouvernement, etc. et puis, c'est si beau des ti zazarbes, tout le monde est d'accord, mais Desjardins le disait lui-même en entrevue, « la forêt, c'est une grosse industrie qui vaut des millions alors qu'un Indien, ça vaut rien ». Il avait bien pressenti l'impact qu'aurait cette fois-ci le film auquel il a consacré plusieurs années de recherche et de travail acharné.

Voilà, c'est dit, c'est même écrit et ça m'a fait du bien de l'écrire! Jusqu'à ce soir, je me sentais féroce comme un pékan quand je pensais à ça mais là, c'est correct, je suis redevenue beaucoup plus zen. En plus, il y a mon voisin Alain qui vient de cogner à notre porte avec son grand sourire d'ami et une jolie boîte remplie de... ses fameux biscotti. Il sait que Crocodile Dundee et moi, on en raffole.

Tiens, je vais aller mettre une bûche dans le poêle et prendre un bon bain full plein de mousse. Après, je prendrai un thé aux pêches et gingembre avec un biscotti... peut-être deux. Et vous, il y a quelque chose qui vous pompe l'air ces temps-ci? Vous ne vous sentez pas un peu pékan? Ne vous gênez pas, contez-nous ça, vous allez voir, ça fait tellement de bien quand on sort le méchant!

mardi 20 novembre 2007

Le party des oranges


Cette photo remonte à 1998, je le sais d'après l'âge de la petite. Crocodile Dundee, Isa et moi, on entoure Papa pour la photo (prise par Maman) dans cette tradition qu'on appelait chez nous « Le party des oranges » et qui voulait dire que mes parents revenaient de leur long séjour en Floride, qu'on avait hâte de se voir et comme ils nous rapportaient toujours des oranges, ces retrouvailles familiales se sont toujours appelées « le party des oranges ». D'habitude, on était la famille au complet mais comme je ne veux pas publier de photos de gens sans leur autorisation, je me restreins à mes proches...

Et pourquoi je vous parle de ça? Parce qu'on est en novembre, que je suis fatiguée par un surcroît de travail ces dernières semaines, que je viens de dire non à un contrat alléchant, que je viens d'apprendre la nouvelle de la fin imminente d'une fille que je connais depuis toujours et que j'aime beaucoup, que certains jours, comme tout le monde, j'ai besoin de me rappeler les bons souvenirs du passé pour mieux digérer le présent!

Le party des oranges

Nos parents ont toujours aimé voyager. Ils en ont fait les bases de leur vie et ça a beaucoup influencé notre vie de famille, presqu'autant que le fait que notre grand-mère habitait chez nous. Quand leur vie allait trop vite, quand les soucis s'accumulaient, que le travail et les responsabilités devenaient trop envahissants, nos parents s'accrochaient à l'idée du prochain voyage, de la prochaine escapade et ça les aidait à passer à travers tout.

Mes parents avaient donc beaucoup d'amis aux quatre coins de l'Amérique du Nord, particulièrement au Québec, dans toutes les régions. En décembre 1997, après une dure épreuve, quand Papa a célébré ses 70 ans, des amis ont souligné cet anniversaire par une grande fête et lui ont donné une carte de voeux avec des billets de loterie, dont deux de La Poule aux oeufs d'or. Papa ne savait même pas quel jour c'était tiré, comment ça fonctionnait mais il savait qu'une émission de télé s'appelait comme ça.

Un jeudi soir de décembre, lui et Maman viennent veiller à la maison et ils nous racontent la belle fête qu'ils ont eue avec leurs amis la fin de semaine d'avant et Papa sort de son porte-feuille deux billets de loterie. Il me demande si je connais ça, je lui dis que le tirage a eu lieu hier à la télé. Alors, il aimerait que je vérifie s'il a gagné quelque chose avant de pouvoir les jeter. J'appelle au dépanneur où je fais toujours affaire et le propriétaire, que je connais bien, me dit : « Es-tu sûre que tu m'as donné le bon numéro? » et je vérifie à nouveau, oui, c'est bien ça. Alors, il ajoute : « C'est parce que tu gagnes quelque chose là... » et je l'informe que le billet appartient à mon père. « Ben, ton père, ma chère, il vient de gagner 25 000 $! »

Réaction de joie dans la cuisine chez nous. Mais on le croit pas encore. On n'ose pas. Isa est déjà en pyjama, elle s'en va dormir, il y a de l'école le lendemain. Papa nous invite avec eux dans la vannette, il faut aller vérifier ça dans un autre dépanneur, peut-être deux ou trois et ensuite, s'informer de ce qu'il faut faire pour réclamer ce lot. Isa n'a pas trop de difficulté à me convaincre qu'elle ne peut tout de même pas aller se coucher et manquer ça, alors, elle met ses jeans et garde son haut de pyjama, chausse ses bottes, sa tuque, son manteau et on part.

On arrête dans un autre dépanneur où on connaît bien la dame. On entre tous les quatre ensemble, évidemment. Isa est trop contente et bien énervée pour ses grands-parents, Maman toujours calme et raisonnée, selon son habitude, et Papa arbore son « million dollars smile ». Moi? Un mélange de tout ça, comme toujours, je suis une véritable éponge qui absorbe les états d'âme de tout le monde!

La dame est bien contente de nous voir, nous échangeons des nouvelles et elle nous demande ce qu'elle peut faire pour nous. Papa lui tend son précieux billet. Elle pitonne quelque chose et nous entendons une bien jolie petite musique. Ses yeux deviennent grands et elle regarde Papa avec étonnement : « Léo, tu gagnes 25 000 $! »

Ah, c'était la fête dans le dépanneur ce soir-là! Papa nous a invitées, Maman, Isa et moi, à aller prendre un verre quelque part, qu'on se concerte sur ce qu'il y avait à faire. Il a même invité la madame du dépanneur mais elle ne pouvait pas quitter son poste! Avec la petite, il avait oublié qu'un bar... Donc, il nous a amenées au St-Hubert. Il était drôle, il voulait qu'on mange absolument. On n'avait pas faim, personne. Il a commandé des plats quand même puis du vin. La petite en pyjama et nous autres, bien excités, on devait être une tablée assez originale. On parlait, on riait, on s'écoutait pas trop, on posait des questions, on faisait des plans, etc.

Papa m'appelait tout le temps « son homme de confiance » alors, une fois qu'on eut bien établi les étapes qu'il devait suivre, ils ont décidé de partir à Montréal dès le lendemain matin, lui et Maman, réclamer leur lot directement dans les bureaux de Loto-Québec. J'avais conseillé à Papa d'éviter autant que possible les photos, les publications dans les journaux, etc. et mes parents avaient hâte au lendemain pour mettre à exécution toute l'affaire.

La facture arrive, on met nos manteaux et Papa se rend compte qu'il n'a pas assez d'argent sur lui et Maman non plus. Malaise. Fou rire. Alors, c'est moi qui invite, il faut célébrer ça!

Ils sont revenus quelques jours plus tard et nous passions Noël chez eux, nous, les trois enfants, avec nos enfants. Sous le sapin, au nom de chacun des trois couples, nous avions une grosse boîte de même dimension. Un peu lourde, juste assez pour qu'on se pose des questions. Ils ont tenu à ce qu'on l'ouvre en même temps. Nous avions un cadeau inhabituel : une grosse boîte de conserve de tomates entières et... un chèque de 1 000 $. Ils ont sorti ensuite des enveloppes pour chacun des 5 petits-enfants, elles contenaient un chèque de 100 $. Mes parents ont toujours eu un grand souci d'équité et de justice. Maman disait : « Chacun en a sa part et tous l'ont tout entier »...

Avec le reste du gros petit lot, mes parents avaient échangé leur motorisé pour un plus petit, plus économique, plus fonctionnel... et plus cher. C'était leur rêve encore à réaliser. Ils sont allés en Floride après les fêtes, voir tous leurs amis québécois, ils ont bien profité de tous ces beaux moments. Quand ils sont revenus, nous avions encore un gros sac d'oranges fraîches chacun et le party des oranges de 1998 a été aussi joyeux que tous les ans!

dimanche 11 novembre 2007

Ma super nouvelle école



Vous voyez ces deux photos? Ben... c'est la même! On voit ça souvent dans les publicités. Il y a la comparaison avant/après et moi, je vous présente le duo après/avant. J'ai commencé à suivre des cours de « Photo numérique - retouches » à ma nouvelle école, le Réseau libre savoir UQAT ou ce qu'on appelle communément « l'Université des aînés ». Il faut avoir 50 ans pour fréquenter cette université. Et moi, ça faisait quelques années que j'avais hâte de retourner à l'école mais j'avais pas l'âge!

Je suis loin d'être une experte en photographie mais il m'arrive de tomber sur des moments que je voudrais graver pour toujours et partager aussi. J'avais pris cette photo un soir de juillet 2006. Un moment magique où la Môman orignal et son Ti-Caramel (dont j'ai déjà parlé ici) passaient en face de notre camp, de l'autre côté du ruisseau. Malheureusement, à cause du mauvais éclairage ambiant, on ne voyait à peu près rien sur mon cliché. Avec mes nouveaux cours, j'ai appris comment retoucher mes clichés, mieux les cadrer, etc. Alors, d'une photo perdue, j'ai au moins pu ressusciter une photo imparfaite où l'on découvre tout de même ma tite Môman orignal et son petit. Je vous invite d'ailleurs à cliquer sur la photo pour l'agrandir... Ils sont touchants, ces deux-là, vous verrez.

Savez-vous ce que j'aime de ma nouvelle école? Il y a toujours congé de devoir, congé de leçon et jamais d'examen! Ça fait déjà deux mercredis que je vais à l'école et j'y pars toujours le coeur léger, le pas sautillant, avec mon petit sac d'école où j'apporte mes crayons de toutes les couleurs, mes tablettes quadrillées, mon appareil photo numérique, mon branchement pour l'ordinateur, ma clé USB et mon CD. Dans notre classe, c'est plein d'ordinateurs. Mais surtout, c'est plein de gens qui, comme moi, sont là pour apprendre en s'amusant. C'est fou les trucs qu'on s'échange.

Comme j'ai eu mes 50 ans cet été, je suis la plus jeune du groupe et c'est tellement rafraîchissant! Non mais c'est vrai, ça ne m'arrive plus souvent de me faire appeler « la p'tite jeune ». En plus, le prof, André, il est vraiment cool, d'ailleurs, il m'a déjà enseigné au secondaire mais il est encore meilleur prof maintenant. Curieux hasard, je me retrouve aussi avec deux autres de mes anciennes profs du secondaire mais cette fois-là, elles sont étudiantes au même titre que moi. Tous m'ont reconnue et se souviennent de moi, devrais-je m'inquiéter?

Il n'y a jamais personne en retard ou démotivé dans ma nouvelle école. Et nous sommes tellement indisciplinés que c'en est drôle. Même le prof s'éclate. Pourtant, on apprend à une vitesse foudroyante. Nous sommes 12. Nos âges varient entre 50 et... 70? Peut-être même que mon ancienne prof de religion doit avoir autour de 75 ans. Mais elle suit, elle ne traîne pas de la patte, je vous jure. Ma grande complice et voisine de pupitre, c'est mon ancienne prof d'éducation physique, elle est folle raide, délinquante aussi, je découvre avec elle combien prendre de l'âge peut être palpitant.

Il se passe toujours des affaires drôles dans ma nouvelle école. Mercredi dernier, mon autre voisin de pupitre, un as de l'informatique, avait de la misère à se brancher sur l'ordinateur au début du cours. Un homme vraiment allumé, drôle, ouvert, une bouille ultra sympathique, autour de 60 ans je dirais. Comme il fait pas mal d'embonpoint, il ne pouvait pas physiquement brancher son appareil et sa clé USB derrière l'ordinateur (par terre). Alors, je lui ai dit que je pouvais le faire pour lui mais qu'il devrait m'aider à me relever après parce que moi, c'est avec mes genoux que j'ai la misère! Il a dit : « C'est un deal! » et ensuite, mon ancienne prof de gym et moi, on a branché quasiment toute la classe. À chaque fois, il fallait me donner la main pour me relever parce que mes genoux « barrent », disons que le cours commençait dans la bonne humeur!

L'Université des aînés (Réseau libre savoir) existe dans plusieurs régions du Québec. On y offre des cours variés pour les gens de plus de 50 ans qui veulent continuer d'apprendre dans n'importe quel domaine qui les intéresse. Voici quelques exemples de cours que j'ai vu défiler ici ces dernières années : Anglais I, II, III, Espagnol I, II, III, Communication consciente, Yoga, Cuisine pour hommes, Cuisine du monde, Philosophie de par le monde, Informatique de base, Internet, Comment écrire sa biographie, etc.

Je connais un Monsieur qui a suivi les cours de cuisine pour hommes et il me racontait que dans son groupe, les gars étaient tellement devenus copains qu'ils s'invitaient les uns les autres à des soupers bien arrosés où les amitiés s'approfondissent, leurs femmes deviennent aussi des amies et leur formation se prolonge délicieusement même un an après la fin du cours proprement dit.

Dans les cours d'espagnol, ça parle beaucoup de voyages. Dans les cours de photo numérique de base, les madames se montrent les photos de leurs petits-enfants, leurs jardins fleuris, les messieurs partagent leurs photos de chasse et pêche. Dans les cours de philosophie de par le monde, les gens vont prendre un « ti drigne » après le cours pour prolonger les discussions.

Et moi, deux ou trois choses m'ont vraiment frappée en rapport avec ma nouvelle école. À l'inscription, à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, il y avait là une ambiance survoltée et très joyeuse que je n'avais jamais vue dans aucune autre école. Il fallait voir ces retrouvailles entre gens qui se connaissent et qui se retrouvent après l'été, les effusions de joie, les expressions enjouées, etc. Aussi, les gens qui sont dans ma classe, indépendamment de leur âge réel, sont restés jeunes, dans leur tête du moins, dans leur attitude aussi. Je crois que le goût d'apprendre, c'est un peu une garantie contre la solitude, la tristesse, la maladie, le découragement, la petitesse des horizons.

Alors, j'ai résolu que j'allais toujours prendre au moins un cours par session à l'Université des aînés. J'ai déjà hâte de voir quels cours seront offerts à la session d'hiver 2008. Le pire sera de faire un choix parce que tout m'intéresse. J'aurai appris cette session à retoucher mes photos numériques mais j'aurai compris des choses beaucoup plus importantes encore dans ma super nouvelle école.

samedi 3 novembre 2007

Un passionné de nature et de photo

Cette photo n'est pas de moi mais de Luc Farrell. Je n'ai pas l'habitude de voler ainsi le travail et l'oeuvre d'un artiste mais je pense bien qu'il me pardonnera ce larcin. Il a réussi cette magnifique photo d'un lynx, cet animal fabuleux que j'ai déjà vu de loin à quelques reprises mais que je n'ai jamais pu prendre en photo. Le lynx est très présent à notre camp de Rapide Deux. C'est d'ailleurs pourquoi nous ne voyons plus nos lièvres et que je crains pour mes perdrix. Plus il y a de lynx, moins il y a de perdrix et de lièvres et ce n'est pas un drame, la nature s'auto-régule très bien à condition qu'on la laisse un peu tranquille.

Je ne connais pas personnellement l'homme passionné de nature et de photographie animalière que je vous présente aujourd'hui mais j'ai des proches qui le connaissent bien et qui, comme moi, sont fascinés et émerveillés par son travail de patience, sa connaissance des comportements de notre faune et son talent de photographe.

Dans sa page d'accueil, il écrit : « Ce site se veut une vitrine pour partager avec vous ma passion pour la nature et la photographie. » et je crois qu'il faut faire connaître ce genre d'initiative et partager nos découvertes. C'est pourquoi j'ajoute dans la marge de droite un nouveau lien qui vous mènera directement sur ce site de photographie animalière.

Luc Farrell est un gars de chez nous, donc, l'Abitibi-Témiscamingue est son terrain de jeu, son lieu de prédilection pour exercer sa passion. Vous ne verrez pas sur son site de photos de girafe ou d'éléphant mais il peut travailler pendant des heures et des heures pour vous présenter en photo un élément nouveau de la diversité de notre faune témiscabitibienne.

Pour réussir de si jolies images de nature, ça prend, évidemment, un talent de photographe mais bien plus encore, une connaissance approfondie des comportements de chacun de ces animaux. Ah oui, j'oubliais le principal, ça lui prend des tonnes de patience!

vendredi 2 novembre 2007

Aussi grande que la mer, 2e partie

J'ai pris cette photo chez moi, le 29 octobre dernier, je n'ai aucun mérite ou talent particulier, c'est le lever de soleil qui était magnifique. En ce 14e anniversaire de son décès, c'est à elle que je pensais, à ce qu'elle me dirait si elle était encore là. Ce billet fait suite à celui que j'ai rédigé ce matin et même s'il s'agit de la fin de la vie de quelqu'un, je voudrais qu'il ne vous rende pas triste, parce que même la mort, ça peut être beau quand il y a de la vie dedans.

Grand-Maman était entrée d'urgence à l'hôpital le 25 octobre 1993 parce qu'elle venait de s'effondrer un matin sans qu'on en connaisse la raison. C'est le lendemain seulement que nous avions su des médecins que son état nécessitait une intervention chirurgicale dont on espérait rien d'autre qu'une prolongation de sa vie. Elle ne le souhaitait pas. Ses signes vitaux nous laissaient entrevoir qu'elle n'aurait pas pu passer à travers cette opération de toute manière. Je n'ai jamais vu chez une personne tant de sérénité devant la mort.

Tous les membres de notre grande famille se précipitaient à son chevet sans comprendre et sans y croire. On l'avait crue éternelle, comme sa mère à elle, qui était partie pour le grand voyage à l'âge de 103 ans... Pour mes frères et moi, ce moment s'est vécu d'une bien curieuse façon puisque, sans nous consulter, nous laissions toute la place aux autres à son chevet parce qu'on avait tellement eu la chance de la voir vivre qu'on ne ressentait pas le besoin de la voir mourir. Il y avait toujours deux ou trois rangées d'oncles, tantes, cousins, cousines autour de son lit dans la chambre du bout de l'aile sud du 3e étage et nous avions notre petit coin à nous dans la pénombre au bout du corridor d'où on pouvait suivre tous les moindres soins qu'on lui prodiguait, ceux qui arrivaient de partout , qui repartaient se chercher un café ou manger ou dormir.

En ce 29 octobre 1993, de midi à 13 heures, pendant notre heure de dîner, nous nous sommes rendus tous les trois sans nous consulter à l'hôpital, et miracle, dans sa chambre, pour la première fois, nous n'étions que nous trois avec elle. Un concours de circonstance incroyable avait produit ce moment et nous n'avons pas cherché à comprendre. Nous avons d'abord approché son lit tous les trois ensemble, on lui parlait, on lui caressait les cheveux, les mains, elle réagissait un peu, nous reconnaissait, c'était évident. Puis, toujours naturellement et je ne me rappelle plus dans quel ordre, nous avons passé à tour de rôle un moment seul avec elle. Chacun l'a vécu à sa façon, intimement, et à la fin, nous étions revenus tous les trois ensemble auprès d'elle.

À la mi-octobre, dans une conversation que je n'oublierai jamais, elle m'avait dit qu'écrivain public ou pas, il ne fallait jamais que j'arrête d'écrire, que les gens avaient besoin d'amour et d'espoir et elle m'avait fait promettre de toujours continuer à le faire même quand ce serait difficile. Alors, j'ai beaucoup écrit dans cette période. J'ai même raconté mon moment vécu avec elle sur mon heure de dîner, ce moment d'éternité survenu dans nos vies comme un cadeau, pour mes frères et moi. Je n'ai changé que les heures pour me rapprocher de la vérité parce qu'en réalité, elle est décédée à 21 heures ce soir-là, avec trois rangées de monde autour d'elle quand nous étions au bout du couloir du 3e étage. Ce texte a été publié dans la revue littéraire Lumière d'encre, celle de novembre 1994, qui avait pour thème « les chemins ».

Les chemins de son visage

Vingt heures cinq. Le temps s'était arrêté sans heurt, sans bruit Le passé et le présent se rejoignaient maintenant sur les chemins de son visage. L'avenir? Non, plus d'avenir. Même un futur simple semblait improbable, comme si le passé composé de ces chemins m'indiquait tout à coup ce que mon coeur cachait à mon esprit depuis des mois.

Vingt heures douze. Comme est belle. Cette bouche qu'on dirait prête à sourire encore. Il me semble qu'elle va chuchoter des Je vous salue Marie d'un instant à l'autre. Elles doit les dire dans sa tête. Ses petites mains dans les miennes, je veux qu'elle ouvre les yeux. Une fois encore. Juste une fois. J'ai besoin de cette lumière dans son regard bleu de mer. Mon âme touche la sienne un court instant où je l'implore d'ouvrir les yeux. Son âme reste sourde. Alors, je décide de suivre un à un ces chemins.

Vingt heures vingt-sept. Sur les chemins autour de ses yeux, j'ai vu la mer qu'elle a quittée pour la terre de ce paradis qu'elle nous a inventé ici. J'ai aperçu dans les vagues qui défilent tous ces enfants qu'elle a bercés et fait grandir, tous ceux qu'elle a aimés, qui ont croisé sa route. Une vie complète où elle n'a vu que le meilleur des choses et des gens. Quatre-vingt-huit années passées avec des lunettes roses. Le monde est à l'envers, c'est SA vie qui défile devant MES yeux.

Vingt heures trente-quatre. Ses paupières tremblent. Enfin, je le crois, mais peut-être que c'est moi qui le souhaite et qui l'imagine. Sur son front, il y a quatre chemins parallèles et bien clairement dessinés. On dirait une page lignée dans un cahier. Je voudrais y écrire : « Ici repose la personne la plus extraordinaire que je connaisse. Aimez-la si fort, elle qui a tant aimé... » mais ce ne serait même pas lui rendre justice. Jamais les mots ne sauraient traduire la grandeur de cette petite femme dans cette page de cahier imprimée sur son front. Jamais de mots. Plus jamais de mots.

Vingt heures trente-neuf. Sa bouche comme un soleil avec des petits rayons très courts partant surtout de sa lèvre supérieure. De très petits chemins qui savaient si bien se rendre jusqu'à votre coeur, des raccourcis subtils qui souriaient en toutes circonstances. Tous ces petits chemins ont connu bien des baisers, certains plus chastes que d'autres. Ils ont été témoins de rêves, de chansons dans son accent madelinot et de mots. De si jolis mots qui chantaient quand elle ne chantait pas. Sa bouche souriait même quand elle ne souriait pas. Mais lorsqu'elle riait, elle redevenait une enfant et une joyeuse cascade remplissait la pièce de cette lumière qu'elle seule arrivait à diffuser.

Vingt heures cinquante. Elle ouvre la bouche. Je serre ses petites mains si fort. Nous nous comprenons sans nous parler. Nous en sommes là depuis longtemps. Nous n'avons même plus besoin de nous dire que nous nous aimons, nous le savons tellement. Je sais aussi qu'elle va partir et elle sait que je comprendrai, que je l'aimerai par-delà les frontières de la mort, au-dessus des limites du temps qui s'arrête quelquefois, pour qu'on prenne conscience du passé et du présent qui se rejoignent au hasard des chemins.

Vingt heures cinquante-deux. Ses yeux s'entrouvrent, puis s'ouvrent grand et tous les chemins disparaissent derrière ces deux lumières bleu de mer où je vais bientôt me noyer. Elle m'enveloppe complètement. Elle veut me dire quelque chose. Ses lèvres remuent. Ses petites mains s'échappent des miennes, se glissent jusqu'à mon col de dentelle blanche. Elle caresse la dentelle. Alors, je suis dentelle. Je serai toujours dentelle quand je penserai à elle. Ce sera ma façon de la garder vivante. Elle a saisi ma pensée, je le sais, elle caresse encore mon col de dentelle. Et ce bleu de mer qui me berce encore. Ses lèvres s'articulent. Elle murmure, je veux l'entendre, je voudrais être plus proche mais je suis déjà si proche... Alors, elle redit encore et cette fois, j'entends très bien : « T'es belle ». J'aurais voulu hurler : « Non, c'est toi qui es belle, t'es belle comme la Vie! ».

Les lumières bleu de mer se sont éteintes. Tous les chemins de son visage sont réapparus. Ses joues se sont collées de plus en plus. Ses petites mains se sont retrouvées dans les miennes.

Il faisait froid mais elle avait l'air bien, si bien. J'étais bien aussi. Tout dormait et je veillais comme pour suspendre le temps, parce que la vie est trop belle mais aussi trop cruelle. Quelle heure était-il? Quelle importance. L'heure n'est en fait que la mesure du temps qui fuit... Et à l'heure où tous les chemins se confondent en un seul, there is no future. NO FUTURE.

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Cette nuit-là, je n'ai pas pu dormir, alors, j'ai pris ma guitare et je lui ai écrit ça :

Va vers ta lumière

Va vers ta lumière, dans ton ciel bleu
Rejoindre Grand-Papa qui sera heureux
Mais laisse-moi en partant ton goût de vivre
Ne me laisse pas sombrer dans la dérive

Va vers ta lumière, dans ton ciel bleu
Là où se trouve le bleu de tes yeux
Qui me regardaient depuis l'enfance
Qui me guideront dans mes errances

Va vers ta lumière, dans ton ciel bleu
Tricote-moi ton fil le plus soyeux
Habille mon âme qui meurt de froid
Depuis que tu n'es plus avec moi

Va vers ta lumière, dans ton ciel bleu
Avec le temps, va, je prendrai du mieux
Puis un jour viendra où cette peine
Se sublimera dans mes poèmes

Va vers ta lumière, dans ton ciel bleu
Vas-y, Grand-Maman, tu seras bien mieux
Et si tu me laisses tes forces qui soutiennent
Alors ma peine ne sera pas vaine

Va vers ta lumière, dans ton ciel bleu
Enfin, tu pourras toucher ce Dieu
Que tu vénérais avec tant de ferveur
Va vers Sa lumière et n'aie pas peur

Va vers Sa lumière, dans Son ciel bleu
Et vas-y même si je pleure un peu
Il est temps d'enterrer mon enfance
D'en garder les plus belles souvenances
D'en garder les plus belles souvenances

Aussi grande que la mer


Je vous la présente, c'est Grand-Maman Éva, la mère de ma mère. Ces jours-ci, je pense beaucoup à elle, née le 14 novembre 1904, décédée le 29 octobre 1993. Entre ces deux dates, elle a aimé, elle n'a fait que ça. Les premiers mots de sa biographie sont les suivants : « Je peux dire que j'ai été heureuse toute ma vie... Je suis née à Havre-aux-Maisons, aux Iles de la Madeleine, l'aînée d'une famille de 10 enfants... »

Nos grands-mères nous inspirent des souvenirs tendres, de l'amour inconditionnel, des enseignements qui nous guident encore. Je pourrais écrire 50 billets qui vous parlent d'elle, d'ailleurs, ce matin, je ne sais pas par quel bout prendre mon sujet mais je souhaite que la mienne vous rappelle la vôtre...

Quand j'étais petite, Grand-Papa et Grand-Maman représentaient pour moi un phare, comme des parents de rechange, ils étaient mon parrain et ma marraine. Mais surtout, ils habitaient la maison où il y avait toujours plein de monde, de la musique de mononk, des rires, des tablées immenses pour les grands alors que nous, les enfants, on avait chacun notre marche dans les escaliers donnant sur la cuisine où l'on pouvait fêter à la fois entre nous et avec les grands. En 1968, alors que nous étions encore à Matagami, Grand-Papa est décédé et Grand-Maman est venue vivre avec nous à l'invitation de mes parents. C'est à partir de là qu'on l'a mieux connue. Elle partageait ma chambre, mon lit, et je m'endormais tous les soirs en l'entendant chuchoter ses Je vous salue Marie, ses Notre Père et ses Gloire soit au père. Il y en a qui comptent des moutons, Grand-Maman priait, elle. Pour tout et pour tous.

Elle était pour nous trois, mes deux frères et moi, comme une mère, c'est-à-dire aimante, qui comprend tout, à qui l'on raconte tout mais qui n'a aucune espèce d'autorité autre que morale ou spirituelle. Elle nous protégeait, nous enveloppait de toute sa tendresse mais l'inverse était aussi vrai. Pour nous trois, elle a été une vraie bénédiction dans notre vie d'enfant, d'adolescent et d'adulte. Elle a représenté la même chose pour tous ceux et toutes celles qui l'ont côtoyée.

Au printemps 1993, il s'est produit 2 ou 3 petites choses qui m'ont fait réaliser que tout le monde de sa famille et de son entourage ne la connaissait pas tellement bien et j'en ai été peinée. J'ai senti comme une urgence de partager avec le reste de la famille toutes ces confidences, ces histoires, notre histoire qu'elle nous racontait avec sa mémoire exceptionnelle, son amour de la vie et ses valeurs qui devaient lui survivre. À 88 ans, elle était en pleine forme et quand je lui ai parlé de mon projet de faire avec elle sa biographie, elle a dit que sa vie n'était pas digne d'être racontée du tout, qu'elle n'avait rien fait d'exceptionnel, que ça allait être trop d'ouvrage, etc.

Je l'ai convaincue en lui disant que toute sa descendance avait besoin de savoir des choses importantes, comme pourquoi étaient-ils partis des Iles de la Madeleine, en 1942, pour venir s'établir ici, en Abitibi, en pays neuf, sans espoir de retour. Comment se déroulait la vie d'une femme de son époque, qui devait enseigner dans une petite école de rang, alors qu'elle était mère de 9 enfants, elle devait aussi nous faire mieux connaître Grand-Papa pour ceux qui n'avaient pas eu la chance de le connaître bien longtemps. Que sa foi, si profonde, si elle voulait nous la transmettre, il fallait qu'elle nous en parle, qu'on comprenne mieux son amour des autres, sa confiance en la vie, puisqu'on en avait tellement besoin, nous, ses petits-enfants et ses arrière petits-enfants. Elle hésitait encore, alors, elle m'a demandé comment j'allais procéder.

En lui donnant de la façon la plus convaincante possible les explications qu'elle me demandait, je décidais à mesure de mon plan de travail. J'avais ajouté que j'avais fait une chanson pour elle et que pour lui faire oublier « ma tite machine » (l'enregistreuse) j'allais apporter ma guitare et la lui chanter avant chaque séance d'enregistrement. Elle a insisté aussi que je la lui chante à la fin. Elle aimait tellement la musique. J'ai dit oui. On venait de signer un contrat d'amour, une aventure qui allait nous mener loin, elle et moi, ainsi que toute la famille et son entourage.

Dès ce moment-là, elle s'est abandonnée dans le projet en toute confiance. Enfin, presque... Je n'apportais pas mon matériel à chaque fois ni ma guitare non plus, parce que nous avions à travers tout ça nos mêmes liens de famille, nos jasettes, nos sorties. Mais quand elle me voyait arriver avec ma guitare, et « ma tite machine », elle disait : « Ah, toi, j'aime ça te voir arriver mais ta tite machine... » et je m'empressais de lui chanter sa chanson, elle m'écoutait avec émotion et finissait par dire à la fin : « C'est ben beau mais c'est pas si vrai que ça! » et nous commencions à jaser tranquillement, elle se laissait prendre au jeu, se replongeait corps et âme dans ses histoires et ne s'apercevait jamais quand j'appuyais sur la touche « record »...

De semaines en semaines, au cours de l'été, j'avais des trésors de ses paroles dans 270 minutes d'enregistrement audio. En arrivant chez moi, chaque fois, je réécoutais le tout, play stop rewind play stop, pour bien transcrire sur papier ses mots, ses intonnations, ses silences, ses émotions, ses sourires, ses convictions, et sa biographie se construisait à son image et à sa ressemblance. Quand le moment délicat est arrivé de parler de son après vie, je ne me sentais pas capable d'aborder avec elle, dans une si grande intimité, ce sujet avec lequel je n'étais pas à l'aise. Elle en aurait parlé bien simplement, c'est moi qui avais une panne. Mon frère Yves m'a offert de m'accompagner pour cette dernière rencontre qui s'est déroulée à trois. Un moment de simplicité et un grand bonheur, grâce à lui. Puis nous avons terminé l'entretien, ce jour-là, avec ce qu'elle voulait qu'on retienne de ses valeurs, ce qu'elle nous souhaitait et d'autres sujets qui n'avaient rien à voir avec le superficiel, disons!

Bien sûr, il a fallu que je lui rechante sa chanson, ce qui lui a fait penser de nous en chanter d'autres, ses préférées, sans se rendre compte que la tite machine faisait encore son travail. Nous avons des trésors sur ces enregistrements-là. Évidemment, tout ça se retrouve dans sa biographie.

Je me suis enfermée chez moi pendant quelques jours, le temps de retranscrire cette dernière entrevue, tout replacer dans l'ordre, de vérifier chaque détail, de faire mon travail de biographe, finalement. Quand je lui ai apporté l'original que je voulais qu'elle approuve avant d'en faire faire le nombre de copies qu'elle souhaitait, ce fut le moment le plus émouvant de toute l'aventure. Elle l'a lu d'un bout à l'autre, sans un mot ou presque, mais je voyais bien son émotion. À la fin, quand elle a relevé la tête, elle m'a dit : « Maintenant, je comprends toute ta démarche, je sais bien que ma famille aura besoin de ça et j'ai hâte qu'ils le lisent tous. Tu ne changes rien à ça, c'est toute ma vie » et le reste de ce qu'on s'est dit, c'est entre elle et moi.

Tous les exemplaires ont été remis à ses enfants, les neuf, qui ont partagé avec leur famille respective. D'autres exemplaires ont été donnés à des gens de son entourage, je ne peux plus me souvenir du nombre de fois où j'en ai fait des copies supplémentaires, toujours selon sa demande et sa volonté. Je sais que sa biographie en édition limitée a été photocopiée de nombreuses fois, que ça s'est rendu dans plusieurs familles, dans plusieurs villages, jusqu'aux Iles de la Madeleine. C'est un document que je n'ai pas signé et qui portait seulement le titre « Rencontres avec elle ». Pour elle, j'avais fait faire une reliure spéciale, avec des photos originales.

Après, elle a reçu beaucoup de lettres, de cartes, de visites, de confidences et d'appels téléphoniques, de la part de la famille, bien sûr, mais de d'autres personnes aussi. Ça l'a fait mieux connaître chez ceux et celles qui n'avaient pas conscience de la personne extraordinaire qu'elle avait toujours été, ça lui a fait vivre des retrouvailles, des moments de bonheur et elle disait que c'était son héritage qu'elle nous laissait de son vivant. L'automne 1993 fut pour elle une saison de récolte, de tout ce qu'elle avait semé au long de sa vie. Heureusement, tous ont pu réagir à ce leg, ils en ont eu le temps mais tout juste.

J'ai bouclé la boucle avec elle autour de la mi-octobre. Un moment inoubliable où nous avons discuté ensemble de tout l'impact de cette aventure merveilleuse pour elle et moi... Elle est décédée après 4 jours d'hospitalisation, le 29 octobre. Tout le monde me disait qu'elle devait bien m'avoir confié qu'elle ne se sentait pas bien, qu'elle avait des inquiétudes pour sa santé, que je ne pouvais pas avoir deviné l'urgence de faire sa bio avec elle à ce moment-là. Aujourd'hui encore, on essaie de me le faire dire. Pourtant non, je n'avais rien décelé dans son attitude, pas plus que dans ses confidences. Mais je pense que mon coeur savait ce que ma raison ignorait.

Dans sa biographie, dès les premières pages, on retrouve SA chanson, celle que je devais lui chanter avant et après chaque rencontre. Tout le monde la reconnaissait dans mes mots si simples même si elle disait que ce n'était pas si vrai que ça. À son décès, on a voulu l'entendre, alors, entre nos présences au salon funéraire, on se rassemblait chez nous, avec nos guitares et on la faisait ensemble. Cette chanson prenait vie autrement, comme un hymne à celle qui nous avait tant aimés et c'est tout naturellement qu'elle s'est imposée en guise d'hommage, dans l'église, lors de ses funérailles. Grand-Maman aimait tellement qu'on fasse tous de la musique et nous étions huit de sa famille à chanter d'une même voix et nos guitares sonnaient si bien, avec une telle harmonie qu'elle a sûrement dit elle-même ce jour-là qu'on faisait « de la musique qui élève l'âme! ».

Quelqu'un a filmé ce bout-là, j'ai eu le goût cette semaine de revoir ce moment d'éternité. On chante et on joue de nos guitares avec le sourire ému et attendri mais on regarde souvent vers le ciel. Je suis au milieu avec Line, Manon, Gertrude, Serge et plus loin, il y a Luc, Richard et Dany. Voici les paroles de cette chanson qui s'intitule tout simplement « Elle ».

Elle

Elle est toute petite mais si fière
Aussi grande que la mer
Forte comme les marées
Ses yeux brillent d'une si belle lumière
Un avant-goût du paradis sur la terre, notre Terre

Elle se donne toujours sans compter
Elle n'arrête jamais de s'inquiéter

Elle a inventé le verbe aimer
Elle l'a si bien conjugué
Au présent comme au passé
Elle s'émerveille comme une enfant
Te donne le goût d'être grand, très très grand

Elle a dans son coeur notre trésor
Elle est la petite gardienne du fort

De toute son âme elle a aimé
Cet homme qu'elle a su garder
Bien vivant dans nos pensées
Elle incarne la fidélité
Force et fragilité, la foi de ne jamais douter

Elle est devenue notre légende
Voilà pourquoi elle est aussi grande

Elle est toute petite mais quand même
Elle est remplie des je t'aime
Qu'elle sème à tous les vents

Son accent qui chante doucement
Son visage est si doux, si charmant

La la la la la la...

Elle est belle
Si petite et si belle
Si grande et si belle
Elle est elle.

mardi 30 octobre 2007

MON Festival du cinéma


L'image que je vous présente ici est l'oeuvre de Patrick Gauvin qui vient illustrer la 26e édition du Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue. Dans cette métaphore entre le mineur et le projectionniste, « la vision du monde et de sa création se grave sur pellicule, mais dans les deux cas, l'individu est porté par sa recherche. Dans la même veine, le cinéaste devient mineur d'images, travaillant dans le noir, utilisant la lumière dans une perspective de découverte. »

MON Festival est débuté depuis samedi dernier et il se poursuit jusqu'à jeudi prochain. En soirée d'ouverture, Desjardins/Monderie présentaient le documentaire Le peuple invisible, où l'on raconte l'histoire des Algonquins, cette nation qu'on ne connaît pas, qui habite le territoire depuis plus de 5 000 ans. J'ai vu le film, je pourrais vous en parler pendant des heures mais je m'abstiendrai. Vous pourrez le voir sur vos écrans dès le 23 novembre prochain, partout au Québec. Je vous dirai seulement que ce film est percutant mais qu'il ne verse à aucun moment dans le sensationnalisme. L'histoire est vraie, bien documentée, difficile à croire mais elle a été racontée avec un grand respect pour les Algonquins. Vous vous ferez votre propre idée, je ne veux pas vous influencer, juste vous mettre en garde que ce film dérangera, qu'on ne voudra pas croire ce qu'on verra, qu'on en dira du mal aussi mais d'une façon très civilisée parce qu'on voudra se donner bonne conscience. Surtout chez les politiciens.

Mais revenons à MON Festival. Je l'écrivais à un ami dernièrement, MON Festival du cinéma, c'est ma fête, ma chasse, mon Halloween et mon Noël tout à la fois. Chaque année, à cette période, je suis prise d'une fièvre. Je n'achète pas mon passeport pour tout voir mais ça viendra un jour, je vous l'assure, quand j'aurai plus de temps. Avec ma gang de festivaleux, depuis 2001, on a notre tradition, on se paie le luxe de 4 blocs d'après-midi, du lundi au jeudi. Il y a mille façons de vivre ce Festival du cinéma international chez nous mais je vous parlerai de MON Festival à moi.

D'abord, on se donne rendez-vous dans un resto différent chaque jour, à 11 h 30. Là, on se commande un verre de rouge, un petit gueuleton, il faut manger léger, il n'est pas question qu'on s'endorme pendant les projections!

Le premier jour, on s'organise un peu, on est énervés, fébriles, on s'échange les anecdotes, les potins, on se met dans l'ambiance, on partage nos impressions et nos coups de coeur. Comme hier, c'était le jour 1. Jean me voit arriver avec ma programmation du jour toute détaillée, bien découpée, pliée soigneusement, il dit : « Bon, là v'là qu'elle fait encore sa première de classe, elle! » et je lui réponds du tac au tac qu'il sera bien content que je sois si organisée et que je réponde à ses questions parce qu'il passe son temps à m'en poser entre chaque film. Ça donne le ton à cette 26e édition. Mais on s'adore! Jolyne en avait long à raconter sur sa soirée d'ouverture, elle a pris une semaine de vacances, déjà vu d'excellents films de partout dans le monde et vu les yeux éblouis des enfants, dimanche matin, lors du Ciné-muffins, où elle était en support, avec d'autres bénévoles. On a des choses à se raconter à profusion mais on a hâte aussi de retrouver les autres. Alors, à 12 h 45, on paie l'addition et on s'en va à la hâte au Théâtre du Cuivre. On fume en s'en allant. Pas question d'arriver en retard, même qu'il faut être en avance pour trouver des places assises ensemble. Nos noms ne sont pas sur nos bancs mais presque. On retrouve Fernand, bisou, bisou, Gisèle, toute discrète qui nous sourit, bisou bisou, France, l'inconditionnelle, avec sa soeur et bien d'autres. De vraies retrouvailles!

13 heures. Le réalisateur/trice viendra parfois nous présenter son film, ou un acteur, une actrice, le producteur, la productrice. Le Festival est convivial, tout le monde le reconnaît, les vedettes, ici, ce sont autant les cinéphiles, les bénévoles que les réalisateurs, acteurs, chroniqueurs culturels et gens des médias. Tous sont reçus avec la même chaleur, le même respect, la simplicité et la passion sont au rendez-vous. Les réalisateurs sont nerveux, ils nous livrent le fruit de leur travail, dans une primeur qu'ils présenteront plus tard ailleurs. Le public d'ici est passionné de cinéma, un excellent public fidèle, discipliné, respectueux mais connaisseur. Après tout, nous sommes dans la ville où sont nés Gilles Carles, André Mélançon, Richard Desjardins, Robert Monderie et voulez-vous que je vous nomme les prochains? Je les connais déjà! Mais je leur laisse le temps de faire leur marque, ils sont encore jeunes mais le potentiel est là, le talent aussi, je l'ai reconnu.

Les lumières s'éteignent. On nous passe la bande-annonce du Festival, toujours aussi belle, on ne s'en lasse jamais. Quand l'orignal apparaît, c'est notre drapeau qu'on salue, c'est plus fort que nous, on est bébés lala, on applaudit! Puis, débute la succession des courts et moyens métrages de l'après-midi. Jusqu'à la pause. Bien sûr qu'on sort dehors pendant ces 15 minutes, on ne raterait pas ce moment merveilleux, où l'on discute de ce qu'on vient de voir, avec nos amis et d'autres, ça peut être aussi bien un réalisateur, un acteur, un inconnu, on se pose des questions, on y répond parfois, les gangs se mélangent, on s'offre de la gomme, des bonbons, on se retrouve, on s'embrasse, on se passe le programme, les bulletins de vote, pure folie et passion partagée. J'ai fait là au fil des années de merveilleuses rencontres, inoubliables.

On retourne à nos places pour le long métrage. Pas un mot pendant la projection ou si peu. Mais on respire au même rythme, on réagit aux mêmes endroits, par le rire, l'étonnement ou les silences lourds...

Les lumières se rallument. On applaudit si on a aimé. En général, on aime. Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie. Certains iront discuter avec les artisans de ce film, dans le hall ou dehors. Nous, on se dépêche à s'en aller chez nous, dans ma gang, je veux dire. C'est la tradition. On se dit à demain, 11 h 30, à tel resto. C'est là qu'on fera ensemble notre bilan de la journée qu'on vient de vivre. Ça prend parfois 24 heures pour bien décanter tout ce qu'on vient de voir. Tout à l'heure, donc, je rejoindrai mes festivaleux, le long métrage d'hier, La Capture, de Carole Laure, m'aura laissé à moi comme aux autres, des sentiments mélangés, des questions sans réponses, des images fortes, mais j'ai aimé. Eux aussi, je crois, parce qu'ils ont applaudi très fort Carole Laure.

Ce sera comme ça jusqu'à jeudi. C'est MON Festival à moi. Cette année, y seront présentés 22 longs métrages, 59 courts et moyens métrages et 37 d'animation, en provenance de 23 pays, dont 24 films primés, 12 premières à saveur internationale dont 7 mondiales et 5 nord-américaines. Je pourrais vous parler aussi de l'équipe des 3 fondateurs qui y sont depuis le début, de l'équipe de l'organisation de l'événement, dont j'ai déjà fait partie, de l'équipe des bénévoles, soudés dans une amitié véritable depuis les débuts, ils prennent leurs vacances pour vivre l'événement en gang, en travaillant, en vivant leur Festival de l'intérieur. Je les connais tous et toutes, ils sont les piliers du Festival.

La 19e édition, en l'an 2000

J'ai toujours eu cet attachement pour le Festival mais depuis l'an 2000, c'est encore plus fort. Je venais de quitter un emploi d'agente de communication où j'étais en train de laisser ma peau, l'organisme tout croche où je bossais allait toujours à l'encontre de mes convictions les plus profondes. On me faisait la vie dure... Ma santé et mon ego n'en menaient pas large, j'avais trop persisté, je crois. Deux semaines plus tard, je n'avais pas eu le temps de me reconstruire, on m'appelle pour me proposer de remplacer à pied levé la personne aux communications du Festival qui s'était trouvé un travail permanent ailleurs. Un contrat de trois mois dont les trois premières semaines étaient déjà passées. Je savais l'ampleur de la tâche, même si je la sous-estimais encore, et surtout, je n'avais plus aucune confiance en moi, en mes possibilités, en mon travail. Mais j'ai dit oui, instinctivement, sans m'occuper du reste.

Puis, je suis entrée dans ce tourbillon et je n'ai plus eu le temps de me poser de questions. Je devais produire les communiqués de presse, les publicités de la presse écrite, la radio, la télé, faire affaire avec 265 médias, oui, vous avez bien lu, 265 médias de partout au Québec, au Canada, dans le monde. Organiser la tournée de notre porte-parole, dans les émissions branchées des principaux réseaux, convaincre des recherchistes, planifier des journées complètes d'entrevues à Montréal, en Outaouais, dans le Nord-Est Ontarien et dans notre région aussi, évidemment. Pendant deux mois et demi, il me semble que je n'ai presque pas dormi ni mangé. En tout cas, je n'avais plus aucune vie de famille. Je fonctionnais à l'instinct mais je n'étais pas une automate, loin de là, chaque rencontre me demandait une écoute et une attention bienveillante pour bien traiter tout le monde. Palpitant mais infernal. J'étais en survie. Encore aujourd'hui, il y a des gens qui m'en racontent des bouts que j'avais échappés mais dans lesquels ils gardent un bon souvenir de moi et ça m'étonne toujours!

Pendant cette 19e édition, dans la salle de presse, j'avais élu domicile de jour comme de nuit. Le quartier général des opérations, c'est là que ça se passe. J'ai côtoyé des grands et des grandes, que je regrettais de ne pas avoir le temps de mieux connaître, répondant à leurs questions, leur offrant une bière ou un verre de vin entre quatre appels téléphoniques, huit entrevues et mille bonheurs. Il fallait tout superviser. Du jeune journaliste d'une radio communautaire montréalaise qu'il faut rassurer constamment et materner dans ses premiers pas jusqu'à celui qui arrive d'un autre pays et qui croit tout connaître, auquel il faut tenir les mains baladeuses en faisant semblant de rien, parce qu'il est rattaché à un gros réalisateur de renommée mondiale, en passant par ceux qui ont un reportage à faire mais qui se fient sur nous pour les alimenter parce qu'ils sont sur le party depuis leur arrivée, j'avais relevé le défi mais n'avais vu aucun film cette année-là!

Pendant cette 19e édition, nous avions eu la visite de Stéphan Bureau et l'émission Le Point de Radio-Canada, ils passaient la semaine au Festival, tout en faisant beaucoup de reportages sur notre région. Une équipe solide, structurée, professionnelle, polie mais qui prenait beaucoup de place. Dans un autre coin du hall, passant aussi la semaine au Festival, il y avait Sophie Durocher et toute son équipe des Choix de Sophie, à Télé-Québec. Mêmes qualités et même envergure que ceux de Radio-Canada. Aussi, les émissions habituelles de la radio et de la télé, à diffusion d'un océan à l'autre, tout en traitant très bien aussi nos médias régionaux, ceux sur lesquels on compte en tout temps et avec qui on va continuer à vivre quand les autres nous auront oubliés...

À la fin du Festival, quand tous les invités et journalistes avaient repris leur avion vers chez eux, j'ai eu une semaine pour « wrapper » toutes les communications, diffuser les lauréats, répondre aux oublis des journalistes et fermer le chapitre des communications de cette 19e édition. J'avais perdu 12 livres, j'étais extrêmement fatiguée mais fière, j'avais retrouvé un peu confiance en moi sans m'en rendre compte, on me disait que j'avais relevé un grand défi et que je ne devais plus avoir peur de rien. On n'est pas arrivé à me convaincre, j'aurais toujours des doutes mais c'est vrai qu'après être passée par le Festival, on n'a plus peur de rien. C'est une grosse machine, le Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue mais elle est formidable, bien rodée, tenue avec force, simplicité, chaleur et passion. Vous comprenez pourquoi, maintenant, je dis MON Festival, je me l'approprie un peu pour mieux le partager et c'est comme un mot d'amour pour l'événement, le cinéma, les gens qui y oeuvrent et ma région.

jeudi 25 octobre 2007

Comme l'eau vive


Photo prise samedi dernier au Parc Aiguebelle lors d'une journée délicieuse en compagnie de mon frère Jocelyn et ma presque soeur, Guylaine, qui m'avaient téléphoné le matin même, en ce samedi gris et pluvieux, pour me proposer ce rendez-vous si doux en ces lieux magnifiques. La pluie nous a accompagnés tout au long de nos promenades dans les sentiers mais le bonheur d'être ensemble nous enveloppait aussi, beaucoup plus présent encore que cette pluie d'automne. Au retour, j'ai constaté que je n'avais pris que des clichés de ruisseaux, de chutes, de lacs, sauf peut-être une photo d'eux, heureux et amoureux, souriants, avec leur chocolat chaud!

L'histoire que je vous raconte, je la leur avais racontée aussi en marchant dans le sentier des marmites géantes où nous étions tout seuls avec cette nature si belle, si généreuse et qui nous réconcilie avec les aléas de la vie... Ensemble, on se disait que des gens comme Anne-Marie, il y en a plus qu'on le pense et heureusement mais que, comme le dit toujours notre mère : « Le bien fait peu de bruit », alors, il convient parfois de leur rendre hommage, pour nous surtout, pour se donner de l'espoir dans les jours de pluie.

Printemps 2007. Anne-Marie achève sa formation universitaire à l'UQAM en communication. Elle est actuellement en stage à Québec, sa ville d'origine, dans un projet qui semble l'emballer beaucoup. On ne se connaît pas du tout mais puisque j'oeuvre dans le même domaine qu'elle et dans la région où elle aimerait bien s'établir, elle fait appel à moi pour connaître mieux le réseau dans lequel elle aimerait se faire une place. Je suis honorée qu'elle m'ait choisie comme une sorte de marraine et je veux absolument lui donner le meilleur de moi-même.

À partir de là, nous échangeons des courriels et des conversations téléphoniques. Elle m'appelle toujours Madame T....... et me vouvoie. Chaque fois, je lui dis : « Anne-Marie, si tu veux me faire plaisir, appelle-moi Francine en me tutoyant, O.K.? » mais c'est toujours à recommencer et je me dis que c'est peut-être parce qu'on ne s'est jamais rencontrées en vrai. Pourtant, au fil de nos conversations, j'apprends à la connaître beaucoup, elle a une voix qui sourit, une énergie et un dynamisme qui m'impressionnent et un petit quelque chose de fondamentalement généreux. À 23 ans, elle est si allumée, consciente et ouverte aux autres que ça ne m'étonne pas lorsqu'elle m'apprend qu'elle part bientôt au Pérou, pour un séjour de travail humanitaire, et qu'elle reviendra s'installer à Rouyn à son retour, en septembre, pour y rejoindre son amoureux. Idéalement, elle aimerait décrocher un emploi avant de partir là-bas, ça la sécuriserait de régler ce gros détail avant de partir.

Je parle d'elle à beaucoup de mes collègues qui oeuvrent dans le même domaine, à des amis aussi, ceux et celles qui occupent des postes de direction ou en ressources humaines, où l'on pourrait avoir besoin d'une si belle jeunesse! Puis, je pense tout à coup à un mandat qu'on m'a proposé quelques semaines auparavant, quelque chose d'intéressant que j'avais dû refuser par manque de disponibilité. J'appelle Marie-Josée, l'amie qui me proposait ce travail et lui parle d'Anne-Marie abondamment. Passionnément. Le poste est toujours libre mais on a peut-être trouvé une personne. J'insiste. Anne-Marie, c'est pas rien, je le sais, je la connais, je n'ai aucune crainte de la recommander.

Après avoir mis en relation l'offre (Marie-Josée) et la demande (Anne-Marie) j'avais fait ce que j'avais à faire, et cette jeune femme de 23 ans était tellement faite sur mesure pour l'emploi que j'avais confiance que la vie arrangerait le reste. C'est ce qui s'est produit. Anne-Marie était folle de joie, à quelques jours de son départ pour le Pérou, quand elle m'a téléphoné : « Madame T...., je ne sais pas comment vous remercier, je commence ce nouvel emploi en septembre! » et je lui explique qu'elle s'est méritée cet emploi par son implication, son talent, sa formation et ses qualités personnelles, je lui souhaite bon voyage au Pérou, et surtout, j'ai hâte de la rencontrer à son retour au pays, en septembre.

Pendant l'été, une fois, son amoureux est venu à la maison pour se présenter et me donner des nouvelles d'elle qui venait d'échapper tout juste à un gros tremblement de terre survenu au Pérou, dans le village qu'elle avait quitté quelques jours plus tôt. Il avait tellement eu peur pour elle avec tout ce qu'on rapportait dans les actualités télévisées et il a pensé avec raison que j'avais eu les mêmes inquiétudes que lui.

À son arrivée ici, en septembre, après quelques jours de travail, elle me rappelle à nouveau, me résume son séjour là-bas, toute heureuse de me dire, « Madame T...., vous remercier... ce travail me comble, vraiment, il y a tant à faire, j'ai plein d'idées, c'est merveilleux et nous devrions nous rencontrer, je vous ai rapporté un petit quelque chose du Pérou... » et nous convenons qu'elle vienne chez moi, jeudi soir dernier, à 19 heures.

Lorsque je lui ouvre, que je la vois, j'en suis impressionnée, elle est vraiment jolie en plus. Pas rien qu'un peu là, je vous assure, une beauté vraie, naturelle, enjouée, pleine de vie, souriante. D'un charme et d'une simplicité désarmante, elle me parle d'elle, de son travail, de son expérience des milieux communautaires, de ses amours, de sa famille, de notre région qu'elle a choisie et tout. Je me réjouis d'avoir eu une telle intuition de la recommander à d'autres avec tant de chaleur et de passion. Je nous sers un petit porto et nous parlons de notre métier, du monde des communications, comment ça se passe ici et ailleurs. Elle me vouvoie encore...

Et là, je me lance : « Écoute-moi bien, ma belle chouette, je vais te raconter toutes les fois où je me suis plantée all right dans le métier, toutes toutes les fois, pis je te jure, quand j'aurai fini, tu vas arrêter de m'appeller Madame T.... pis de me vouvoyer! » alors, j'ai raconté quelques anecdotes et on a ri comme des collégiennes. On avait le même âge, on faisait le même métier et on avait beaucoup à s'apprendre l'une et l'autre.

Puis, on a discuté des causes qui nous tiennent à coeur. Nous avons aussi les mêmes préoccupations sociales. Je n'en revenais pas de tout ce temps qu'elle donne, à 23 ans, dans une région où elle amène déjà beaucoup depuis qu'elle y est. C'est là qu'elle m'a dit une chose absolument magnifique, un vrai cadeau pour moi d'entendre ça de la bouche d'une si belle jeunesse :

« Je ne peux pas concevoir qu'on puisse vivre dans une société sans faire notre part, de redonner un peu de tout ce qu'on a reçu quand on a une chance comme la mienne. Si à 23 ans, je ne trouve pas le temps de m'impliquer pour améliorer des choses, alors que je n'ai pas d'enfant ni personne qui dépende de moi, quand est-ce que je trouverai le temps? Alors, je m'implique à fond et je donne tout ce que je peux, je veux vivre dans une société meilleure »

Cette jeune femme qui a un peu l'âge de ma fille venait de me donner un espoir merveilleux, un cadeau hors de prix. Je l'admire beaucoup. Là, c'est moi qui devrais l'appeller Madame N..... et la vouvoyer et après cette soirée magique en sa compagnie, c'est moi qui lui ai dit merci, pas seulement pour ce cadeau qu'elle m'avait rapporté du Pérou mais bien plus encore pour tout l'espoir qu'elle représente. Décidément, il n'y a que des gens extraordinaires dans ma vie!