lundi 26 février 2007

La tradition du hockey au lac

Cette photo, je l'ai prise devant chez nous, probablement au temps des fêtes de l'année 2005 selon mes indices mais ça pourrait être n'importe quelle année, puisqu'on a toujours un hiver, notre lac et la patinoire qu'on y fait traditionnellement depuis qu'on est là, donc, depuis 15 ans!

Déjà, plus jeune, j'aimais jouer au hockey bottine moi aussi dans la ruelle à côté de chez nous, dans le quartier où j'ai grandi, à deux coins de rue du Centre récréatif de Noranda, maintenant l'aréna Dave Keon. Rouyn-Noranda a toujours été considérée comme une ville de hockey et plusieurs joueurs d'ici ont fait leur marque dans la Ligue nationale. En tant que fille, par exemple, il était rare que je pouvais jouer à l'offensive, je devais souvent me contenter de la position de « goaler ». Maintenant, c'est différent, les filles ont leur place!

Lorsque nous sommes arrivés ici, dès le premier hiver, avec nos voisins-amis qui avaient emmenagé quelques semaines avant nous, nous avons entrepris de faire, pour nos enfants disait-on, LA PATINOIRE! Des heures de plaisir... Non mais vraiment. Souvent, les petits se fatiguaient et préféraient jouer dans la neige mais nous, on continuait à pelleter, réparer les fissures, enlever la slush dans les coins, péter de la broue, se lancer des défis, chercher la maudite rondelle, déplacer les filets pour repasser un autre petit coup de Zamboni avant de se faire un petit 2 dans 3, qui évoluait vers un 3 de 5, puis un 4 de 7 et qu'on ne compte plus les points jusqu'à ce que nos petits nous rappellent à l'ordre qu'il était assez tard et qu'il fallait rentrer.

Je me souviens être la seule personne à s'y blesser pendant toutes ces années. À l'hiver 93, une fracture de la cheville droite, en patins, avait mis un terme illico à une partie pourtant enlevante et m'avait obligée le reste de l'hiver à regarder plusieurs parties des fenêtres de ma cuisine mais cet accident de hockey avait fait de moi la meilleure faiseuse de chocolat chaud du lac Dufault.

Invariablement, les jeunes de 5 à 16 ans de notre coin s'y donnaient rendez-vous mais ils arrivaient tout le temps... quand la glace était dégagée! C'est curieux qu'avant, ils avaient toujours trop de devoirs. Et quand on voulait, en fin de match, passer les grattes pour que la patinoire reste belle jusqu'au lendemain soir, oups, ils se souvenaient que leur mère leur avait dit de rentrer à cette heure très précise. Parfois même, les jeunes du boutte venaient frapper à notre porte pour nous demander si on allait jouer dehors! Et si on répondait qu'on avait une obligation quelconque, ils nous disaient : « Ben, pouvez-vous allumer les spots de la patinoire d'abord? », ce qui fait qu'on a très bien connu les jeunes du coin parce qu'on a joué au hockey avec eux pendant bien des années et qu'ils nous appellent par notre petit nom, tellement que lorsqu'ils reviennent en promenade chez leurs parents, en toute saison, ils passent toujours nous saluer et on rit beaucoup de nos exploits passés.

Au temps des fêtes, c'est une tradition qui se renouvelle, on se fait toujours un match « comme avant » où l'on joue genre à 10 contre 9, tous âges et tous sexes confondus, c'est toujours nos voisins-amis et nous qui préparons la patinoire et l'entretenons religieusement jusqu'au jour J. Dans la vieille glacière rouge, maintenant, il y a beaucoup plus de « p'tites frettes » qu'il y a de Gatorade mais on cherche toujours « la maudite rondelle molle » dans la neige et on finit par ne plus compter les points. S'il fait un temps doux, ça se termine sur les lieux de la partie, entre grattes, pelles et bâtons de hockey mais s'il fait trop froid, la p'tite frette qui célèbre ou qui console, c'est dans le sous-sol de notre garage qu'elle se prend, l'endroit ayant été baptisé de « bunker » depuis belle lurette.

Notre hockey traditionnel du lac offre plus de privilèges que d'obligations : on a le droit de jouer en bottes ou en patins, d'être dans la même équipe que les membres de notre famille, de quitter la patinoire et y revenir quand on veut si de la visite arrive chez nous et qu'on va les accueillir, on peut aussi y amener son chien s'il est bien dressé pour trouver les maudites rondelles molles perdues et on peut « goaler » avec un hockey ordinaire si c'est tout ce qu'on a. D'un autre côté, on n'a pas le droit de pousser, ni même de poussailler, de jouer « contact », de se chicaner pour les points, de chatouiller l'adversaire ou de compter des buts contre un petit qui joue pour la première fois! Et les motoneiges doivent être stationnées à au moins 30 pieds de la patinoire.

Ah oui, surtout, le règlement numéro 1 : c'est pas toujours aux mêmes à payer les p'tites frettes ou les Gatorade, O.K.?

vendredi 23 février 2007

Les cigales font parfois des crises d'angoisse!


J'ai pris cette photo je ne me souviens plus quel été, j'habite ici depuis 15 ans et cette heure particulière, comme ce paysage me sont si familiers qu'ils m'habitent plus encore que je les habite. De mon bureau, c'est tout à fait l'angle dans lequel mes yeux et mon imaginaire se perdent quand je cherche entre les îles et au bout de mon lac à mettre de l'ordre dans mes idées, mes mots, pour en arriver à produire, souvent sous pression, des écrits qui doivent jouer le rôle qu'on attend d'eux. Je dis souvent que j'habite une sorte d'aquarium parce que les fenêtres et portes patio sont si nombreuses que le lac est un peu dans la maison et je peux le voir de partout. Richard Desjardins chante « m'as prendre la chambre avec un lac dedans » et Félix Leclerc a écrit que « On n'a pas besoin de tableaux chez nous, on a les fenêtres ». Cette vision m'apaise même lorsqu'elle est habillée de blanc, comme en ce moment.

Si je vous la présente pour illustrer mon propos, je veux faire comprendre surtout que je ne suis pas toujours aussi zen qu'il semble et que je dois souvent lutter pour ne pas sombrer dans l'insécurité qui devrait pourtant être mon lot. Oui, je suis travailleuse autonome, consultante en communication et si ce choix professionnel me semblait le seul évident à cause de toute la liberté qu'il me procure, il faut bien admettre que cette liberté, je la paie très cher, parce que je ne bénéficie d'aucune sécurité comme l'assurance emploi, la santé et sécurité au travail, l'assurance salaires, etc.

La semaine dernière, un reportage entendu à Radio-Canada sur l'heure du souper, m'a laissée perplexe et je ne cesse d'être hantée depuis ce temps par la mine souriante et la voix sereine de Pascale Nadeau qui pourtant me faisait réaliser jusqu'à quel point j'incarne parfaitement la cigale insouciante de la fable bien connue. J'y reviendrai.

Je suis sur le marché du travail à temps plein depuis 32 ans. Un fameux bail. À 17 ans, petit diplôme tout neuf frais en poche, j'avais le choix entre 3 emplois de secrétaire de service bilingue qui s'offraient à moi. Une belle époque révolue. J'ai fait ce métier pendant 10 ans, dans le secteur privé et comme fonctionnaire permanente dans plusieurs ministères et à l'âge de 27 ans, j'ai voulu en sortir à tout prix parce que j'y étouffais, donc, je suis allée à l'université de chez nous, l'UQAT. Par la suite, j'ai tout fait, de contrats en contrats, comme salariée, comme travailleuse autonome aussi, jusqu'à ce que j'en vienne à la conclusion qui s'imposait, offrir mes services pour ne plus dépendre des budgets de l'un ou l'autre des organismes qui m'embauchaient. Donc, vous devinez qu'un fond de pension, pour moi, c'est quelque chose d'inexistant et de tout à fait abstrait.

Mon conjoint étant un travailleur de la construction, il pratique, comme le disait ma grand-mère, le plus noble des métiers, comme Saint-Joseph! Oui, il sent bon le bois quand il arrive de travailler et il me charme toujours avec son bran de scie dans les cheveux mais n'empêche que lui aussi, il a une vie de travailleur autonome, il va de contrats en contrats depuis toujours et c'est son professionnalisme et ses habiletés qui lui garantissent un revenu honnête mais toujours irrégulier. Donc, pas de fond de pension, pas de sécurité d'emploi pour lui non plus.

Pour nous deux, malheureusement, les projets de retraites et de planification financière « pour plus tard » dont nos amis parlent tout le temps nous semblaient bien lointains et futiles. Eux qui ont des postes permanents garantis à vie et des salaires très au-dessus des nôtres essaient toujours de se sécuriser l'avenir en investissant des sommes respectables chaque année dans leurs REER. On les a toujours écoutés se plaindre de leur condition en se disant qu'on avait de la chance de n'être pas aussi insécures, alors que c'est nous qui aurions dû angoisser en n'ayant ni l'un ni l'autre de quoi assurer nos vieux jours, comme si on pensait qu'on avait bien le temps... Pour les REER, nous n'en avons pas, disons simplement que... il y avait toujours plus urgent à faire que d'assurer le plus tard alors qu'on luttait pour l'aujourd'hui.

Mais voilà que Radio-Canada se désolait que « chez les moins de 30 ans, pas plus de 50 % des individus cotisent à leur REER, ce qui s'avère très inquiétant ». Moi, je trouvais que c'était déjà absolument fantasmagorique que près de 50 % des jeunes y pensent et passent à l'action! Au début, ça m'a choquée que d'aussi jeunes personnes en si grand nombre préparent leur futur alors qu'ils n'étaient encore qu'à leurs débuts de vie professionnelle mais après coup, en y réfléchissant bien, je me suis rendue compte que ces fourmis avaient bien mieux compris que nous, les cigales, qu'il fallait y voir au plus vite, avant même de rembourser ses prêts étudiants et l'angoisse m'a frappée en plein front et de plein fouet.

« La cigale ayant chanté tout l'été se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue »... Et là, on a vraiment peur que la bise fut venue avant qu'on ait réalisé qu'on prenait de l'âge, même si on se sent toujours jeunes. Ça fait que les cigales que nous sommes font parfois des crises d'angoisse! Et c'est pas parce qu'on rit que c'est drôle...

dimanche 18 février 2007

Une question de perception

D'abord, cette photo, je ne l'ai pas prise moi-même et je vous explique pourquoi je n'aurais pu en être l'auteure. Je dois en attribuer le crédit à un groupe de quatre touristes Français que nous avons reçus chez nous en début d'année. Une longue histoire... Sur la route qui les menait chez nous, la 117, ils sont arrivés sur les lieux d'un accident et ils se sont arrêtés. « Pas de blessés » qu'ils nous ont dit fièrement! Une fourgonnette avait frappé un orignal et nos touristes étaient trop heureux de pouvoir fixer sur pellicule l'animal qui avait été la cause de tout ça. Mais de pouvoir approcher ainsi un si bel animal était contre nature et ce faisant, ils étaient loin d'être des héros pour moi. Je n'ai vu dans leur photo que la détresse de cet animal, le sang sur la neige, l'impossibilité pour cet orignal de se sauver. (Vous pouvez cliquer sur la photo pour l'agrandir si vous voulez).

Avec les pattes brisées, l'animal est condamné à mourir à brève échéance. La nature a ceci d'impitoyable que sa beauté sauvage n'a d'égale que sa cruauté devant tout ce qui ralentit la vie.

Si j'étais arrivée sur les lieux de l'accident moi-même, je n'aurais jamais pu conclure qu'il n'y avait pas de blessés, il aurait fallu que je précise que sauf l'animal, aucun être humain n'avait été blessé. Je n'aurais jamais pris ce cliché non plus, par respect pour la bête qui aura à subir les pires attaques des prédateurs, probablement des loups qui luttent aussi pour leur survie, qui deviendront les bourreaux de sa condamnation à mort. Non, si j'avais été là, j'aurais demandé au policier sur les lieux de l'accident d'utiliser son arme de service pour abattre d'un seul coup de feu le bel animal, sachant pourtant qu'il n'en avait pas le droit lui non plus.

Nos touristes ont pris des photos pendant toute la durée de leur séjour dans notre région. Quand nous les avons reçus chez nous, deux jours de temps, ils ont réalisé leur rêve de faire de la motoneige, passer une journée à la cabane à pêche à l'autre bout du lac, visiter un petit camp qu'on a en forêt là-bas, voir de près des cabanes de castors, les pistes des coyotes, des lynx et même que mon Crocodile Dundee leur a fait une vraie conférence instructive dans son atelier de trappeur, où il a répondu à toutes leurs questions sur la gestion de la ressource faunique dans un grand territoire. Ils ont été accueillis et bien reçus à notre table avec tout ce qu'on a de meilleur et d'unique à partager, en toute chaleur et simplicité, en compagnie de nos amis d'ici, des Témiscabitibiens écrivains, conteurs, bons vivants et tous très attachants. Pour nous remercier, ces touristes ont laissé sur mon ordinateur une copie de toutes les photos numériques prises dans notre région et celle-ci, ils la considèrent vraiment comme leur meilleure...

Mais moi, elle me brise le coeur.

jeudi 15 février 2007

Gonflée à bloc


Vous voyez cette perdrix? Gonflée à bloc! En réalité, c'est un mâle, je l'appelle mon macho parce qu'il me fait rire au coton mais ne m'impressionne pas du tout quand il essaie de m'intimider. On partage le territoire et il n'a pas le choix, on était là avant lui! Il a tout son harem de poulettes sur lesquelles il a établi comme une sorte de protection. Et elles ne demandent pas mieux. J'aime les observer et je peux le faire pendant des heures, Meeeessieu le macho grimpe sur son petit monticule et fait le paon en croyant me faire peur. Ça épate sa galerie de poulettes mais pas moi... Alors, ce matin, je me sens comme lui, parce que j'ai le goût de péter ma coche sur pas mal de sujets. Pour toutes les fois où l'on m'a accusée de manquer d'agressivité, parce qu'il faut des fois, pour son ti coeur, se lâcher lousse, voici le moment venu de la minute de chiâlage contre quelques affaires qui ont le don de m'horripiler...

Maudite Saint-Valentin : C'était hier. Une fête commerciale qui me met mal à l'aise chaque année, parce qu'elle a été inventée par des commerçants qui vendent des fleurs, des chocolats, des forfaits amoureux de toutes sortes. Dans ma vie amoureuse, pas de problèmes, on a mis ça au clair depuis longtemps, on refuse de jouer le jeu des commerçants et on est très complices là-dedans. Les autres font comme ils le sentent et c'est très bien. Cette année, je suis entourée de gens que j'aime, qui vivent des ruptures amoureuses difficiles. Hier, j'ai vu que la Saint-Valentin leur brisait le coeur encore plus que d'habitude. J'étais en beau maudit après la « fête des amoureux » qui venait leur rappeler qu'ils étaient seuls et sans amour...

Un sourire ne coûte rien mais rapporte beaucoup à ceux qui le reçoivent? J'ai toujours trouvé cette phrase... comment dire... insipide! D'abord, c'est pas vrai du tout, mon sourire, il me coûte un bras ces temps-ci. Justement hier, jour de la Saint-Valentin, j'étais sur la chaise du dentiste, le 2e rendez-vous sur une série de 4... 357 $ et c'est rien ça, le 3e m'en coûtera autant et le 4e, ce sera la cerise sur le sundae pour m'asséner le coup de grâce, avec une couronne estimée à 930 $... Un sourire ne coûte rien? Pour la travailleuse autonome que je suis, je songe à déduire cette dépense de près de 2 000 $ sur mon prochain rapport d'impôt, après tout, je gagne ma vie pas mal avec mon sourire...

Les pourriels : J'ignore comment ça se fait mais c'est pire depuis décembre dernier. J'ai un bon antivirus que je renouvelle tout le temps en décembre. La dernière fois, à la minute où j'ai installé le nouveau, le 2007, tout s'est détraqué et depuis ce temps, je reçois environ 25 à 30 pourriels tous les jours, en anglais en plusssssssse, et on veut me vendre du Viagra à la caisse et d'autres pilules en tout genre. J'ai ajouté des programmes qui auraient pu m'aider mais non, j'y arrive pas et je passe mon temps à supprimer ces messages. Ça m'écoeure quand je trouve pas de solutions à mes frustrations!

Le crédit trop facile : Dans mon courrier postal, je dois recevoir au moins 3 fois semaine des propositions pour obtenir facilement des cartes de crédit, des marges de crédit ou des prêts d'argent. Mon conjoint aussi. Notre fille aussi. Calculez comment ça fait de courrier non sollicité. Ils mériteraient qu'on dise oui, qu'on remplisse nos cartes jusqu'à la limite et qu'on ne paie pas une maudite cenne mais non, on est honnêtes, à la place, on leur retourne leurs cochonneries dans l'enveloppe port payé qu'ils nous fournissent avec. Mais là, il vient d'arriver ce qui devait arriver, notre fille de 20 ans s'est laissée séduire par une offre « bienveillante et généreuse », a négocié un prêt avec une de ces institutions financières qui ne tiennent pas compte du fait qu'elle est étudiante et la voilà avec un versement mensuel pour les 3 prochaines années. Ça devient quasiment de la fraude!

On m'a volé mes mots : Ça c'est l'affaire qui m'a le plus « gonflée à bloc » ce matin en écoutant la radio régionale où l'on repassait des bouts d'entrevue d'un ami auteur-compositeur-interprète. Il y a quelques temps, il m'a demandé si j'avais encore le VHS d'une émission (télé communautaire régionale) dont j'étais le sujet mais où lui, était l'artiste invité de la portion musicale. Il a voulu la ravoir et je la lui ai donnée. Lors de l'entrevue de ce matin, je reconnaissais mot pour mot des choses que j'avais dites dans cette émission et même ma façon de les dire. Il s'en appropriait comme s'il s'agissait de ses réflexions personnelles! J'ai eu l'impression qu'il me volait mon identité, un morceau d'âme...

Ça va aller : Bon ben là, c'est correct, ça m'a fait un bien énorme et si vous vous reconnaissez dans mes « pétages de coches », défoulez-vous aussi dans les commentaires. Et si c'est autre chose qui vous pompe l'air, envoyez fort aussi. On se fait une petite thérapie de chiâlage, O.K.? Imaginons-nous au Tim Hortons, il est 7 heures, il nous reste une bonne heure de avant d'aller travailler!

lundi 12 février 2007

L'être le plus extraordinaire que j'ai connu

« Les vrais héros ne meurent jamais...

Il a beau être le plus grand communicateur que je connaisse, il est pourtant un homme de peu de mots. Son intelligence vive et les petites lumières bleues de son visage, toujours illuminées de ses sourires généreux, suffisent amplement à exprimer les amours, les tendresses et les bontés présentes au coeur de cet homme que j'aime. Son coeur? Grand comme le monde! Le monde? Il l'aime tellement et on le lui rend parfaitement.

Son bel accent madelinot lui a toujours servi de passeport international, qu'il dit. La simplicité, la poésie et la pureté de son langage coloré, assaisonné de termes marins, contribuent aussi à faire de lui un être unique, tendre, drôle et attachant. Même qu'il invente souvent des mots qui veulent tout dire, comme lorsqu'il parle de « l'heureusité »... Il faut reconnaître qu'il maîtrise l'art de vivre et d'aimer comme pas un, tel un véritable champion de l'heureusité, ce concept bien à lui qu'il a su parfaire, transmettre et propager dans sa vie amoureuse, familiale, sociale et spirituelle.

Il s'est tellement battu pour sa propre vie! Non pas qu'il avait peur de la mort, bien au contraire, mais il aimait tant la Vie elle-même et si je ne suis plus une petite fille depuis des lunes, Papa reste toujours mon héros, il le sait bien et ça le fait toujours sourire. Encore bien plus que de m'avoir donné la vie, il me l'a fait aimer, si bien que grâce à lui et à son heureusité, je commence à comprendre que les vrais héros ne meurent jamais tout à fait. »

Ce texte, je l'ai écrit et lu en guise d'hommage lors des funérailles de mon héros et je l'ai fait en souriant, je lui devais bien au moins ça. Dans cette église Notre-Dame de Protection qui lui était si chère, c'était paqueté de monde debout jusque sur le perron, comme à la messe de minuit. Un rassembleur... Ça fait aujourd'hui 2 ans, en ce 12 février, que mon héros s'est éteint et j'étais là à lui tenir la main jusqu'à son dernier souffle mais j'aurais pu dormir aussi, je l'avais tellement vu vivre que je ne ressentais pas le besoin de le voir mourir. Pourtant, à cet instant, j'ai eu comme une révélation que notre relation venait de se transformer, la certitude que si son coeur venait de cesser de battre, l'amour qu'il avait donné continuerait toujours de vivre.

Je crois qu'on peut aimer si fort qu'on peut survivre même à la mort, bien au-delà des frontières du temps et de l'espace qui nous sont connus. C'est ce qui s'est produit entre Papa et moi. Cette photo de lui n'est peut-être pas la plus jolie mais sûrement la plus représentative. Avec Maman, il aimait tant voyager, découvrir des paysages, des chemins, des univers et surtout des gens. Puis, il était si amoureux d'elle qu'il en devenait touchant, très inspirant pour l'adolescente et la femme que je devenais.

Il a fait avec passion tous les métiers, de bûcheron à mineur, en passant par la vente d'idées, de services et de produits de toutes sortes mais c'est tout de même dans sa propre entreprise, à gérer son monde et ses contrats, qu'il a été le plus heureux, professionnellement j'entends, parce que pour tout le reste, l'heureusité faisait partie de sa nature, comme ses ses yeux si bleus, son sourire irrésistible, son charisme et son âme d'enfant.

Il a été le premier homme de ma vie, grâce à qui toutes mes relations avec les autres hommes, amoureux, frères, amis, collègues, collaborateurs, ont toujours été basées sur des complicités instantanées et des rapports égaux, empreints de respect, de chaleur, de vérité et d'admiration. Quand on a eu cette chance, on ne peut que sourire à la Vie!

Lorsque je pense à Papa maintenant, il me vient à l'esprit des images drôles et tendres, comme quand il me donnait sa première tranche de pomme avec un clin d'oeil, quand il s'émerveillait de la moindre chose que j'avais su créer ou découvrir, quand il me fabriquait des échasses avec les 2 par 4 restants d'une construction quelconque et qu'il en fabriquait ensuite pour tous mes amis de la rue Rupert, quand il voulait tout savoir de mes idées ou de mes projets et qu'il me disait « viens t'asseoir pis conte-moi ça! », quand j'avais une blessure au corps ou à l'âme que je n'arrivais pas à lui cacher et qu'il me racontait de sa belle voix grave sa légende du cheval blanc, qui court dans la prairie, fort et libre comme le vent et qui ne pense qu'à l'heureusité...

Il est vraiment l'être le plus extraordinaire que j'ai connu et je sais qu'il m'accompagne toujours dans mes silences.

samedi 10 février 2007

Rêveries d'enfant pour adultes


Mai 1994, quelques jours avant le début du Salon du livre de l'Abitibi-Témiscamingue, lors du lancement du livre d'Isabelle, Rêveries d'enfant pour adultes, publié aux éditions D'ici et d'ailleurs. Comment une enfant de 8 ans peut-elle en arriver à publier un recueil de textes et dessins à un si jeune âge? L'histoire est vraie et pourtant d'une simplicité rare.

J'avais mis sur pied et j'animais à cette époque (il y a 12 ans) les soirées Cafés littéraires de notre région. Une fois par deux mois environ, je repartais le bal, refaisais la tournée des médias régionaux pour publiciser l'événement, tâchais d'y amener des nouveaux talents qui émergeaient puisque nous avions un public fidèle et conquis et que chaque soirée amenait son lot de surprises et de moments magiques. On y convergeait des quatre coins de l'Abitibi-Témiscamingue. Il régnait là une ambiance formidable.

Les Cafés littéraires se déroulaient toujours un vendredi soir, de 19 h à 21 h, parfois plus. Isa voulait toujours y venir avec moi, parce qu'elle écrivait déjà beaucoup et m'entendait parler en entrevue, avec admiration, de tous ces auteurs(es), surtout qu'elle en connaissait plusieurs qui faisaient partie de mon univers, donc, du sien. Elle promettait d'être sage et de me laisser animer la soirée, promis juré craché, Maman!

Un vendredi soir de novembre, comme son Papa jouait au hockey et qu'on n'avait pas réussi à trouver de gardienne, j'ai enfin acquiescé à sa demande. Elle était euphorique, elle sautait partout et une fois calmée un peu, elle m'a dit de son ton le plus grave qu'elle amenait un texte qu'elle lirait peut-être, elle verrait rendue sur place, mais qu'il ne fallait pas que je la présente comme ma fille si elle levait sa main, mais avec son nom au complet, « comme tu fais pour les vrais auteurs, O.K. Maman? »

La salle commençait à se remplir quand nous nous y sommes présentées. Parmi les personnes déjà arrivées, il y avait un éditeur que je connaissais, avec qui j'ai échangé quelques mots pendant qu'Isa se cherchait une place bien sagement dans la rangée du fond. Ses efforts pour se tenir très loin de moi me semblaient tellement gauches et transparents qu'ils me faisaient sourire, surtout que les gens nous disaient souvent que la ressemblance était frappante entre elle et moi mais bon, elle oubliait sans doute que notre lien de parenté, on l'avait étampé dans 'a face!

La soirée commence, les poètes, auteurs-compositeurs-interprètes, romanciers, écrivains se succèdent, se lisent et se livrent, s'écoutent respectueusement dans un ordre qu'on aurait dit établi d'avance. À un moment donné, après avoir bien applaudi Dorothée qui venait de nous lire un extrait de son dernier roman « Sur le sentier des mocassins », je vois la petite main de la rangée du fond qui se lève et je la présente bien sobrement en lui demandant si son texte était tiré d'une nouvelle, d'un roman ou de quelque chose d'autre. Avec beaucoup d'aplomb et de sérieux, elle me dit que c'est un conte qu'elle va nous lire et nous explique bien comme il faut qu'un conte, « c'est pas juste pour les enfants, les contes, parce que le mien, c'est un conte pour adultes », ce qui a bien fait rire le public et qui m'a fait rougir un peu...

Alors, solennellement, elle déplie sa feuille et commence à nous raconter l'histoire de Stella qui cherchait son étoile partout, dans des endroits éloignés et compliqués et qui cherchait, cherchait toujours son étoile sans se fatiguer, parce qu'elle savait qu'une fois qu'on l'avait trouvée, son étoile, on avait le secret du bonheur. Stella poursuivait sa route et rencontrait des gens avec qui elle avait des conversations enrichissantes lorsqu'un jour, elle rencontra un vieil homme fatigué mais souriant qui lui dit qu'il allait lui livrer un secret dont elle se souviendrait toute sa vie et pour cela, elle devait partager avec lui une pomme. Stella voulut couper la pomme en deux dans le sens habituel mais le vieil homme l'arrêta et lui dit alors de couper la pomme dans le sens horizontal et de regarder à l'intérieur... C'est alors qu'elle découvrit que l'étoile, elle se trouvait là, dans le coeur de la pomme et de toutes les pommes, pour ceux qui savaient le secret. À partir de ce moment-là, Stella a été heureuse toute sa vie parce qu'elle avait enfin trouvé son étoile...

Au ton de sa voix, on savait que c'était la fin du conte. On aurait pu entendre une moucher voler dans la salle. Les applaudissements ont fusé, comme explosé. Elle a souri timidement puis s'est assise en me fixant du regard avec insistance. Quand la salle s'est tue, j'ai juste ajouté : « Merci beaucoup, Isabelle, tu as raison, les contes comme celui-là sont tellement appréciés des adultes! » puis nous sommes passés aux auteurs suivants. Je dois avouer que j'ai été plus déconcentrée après ça mais la soirée s'est étirée sur une note joyeuse jusqu'à la fin.

L'éditeur est allé la voir dès qu'il a en a eu la chance, pour lui demander si elle en avait d'autres contes comme ça. Elle lui a dit qu'elle en avait « full plein », avec beaucoup de dessins aussi. Quand il lui a demandé si elle aimerait être publiée, elle a pris ça comme un jeu et lui a répondu oui, qu'elle avait déjà trouvé le titre et que son livre s'appellerait « Rêveries d'enfant pour adultes » et à partir de là, j'ai supervisé les échanges entre son éditeur et elle, ainsi que toutes les étapes de l'édition qui ont mené au lancement, aux entrevues avec les médias et à sa présence au Salon du livre. Ensuite, il y a eu beaucoup de conférences dans des écoles primaires de notre région, je les animais toujours, ce qui me permettait de surveiller sans en avoir l'air le déroulement de ces rencontres et d'éviter qu'elle ne devienne une bête de cirque qui y perdrait son âme d'enfant.

J'aimerais pouvoir dire que j'ai pu la protéger de toutes les désillusions de ce monde et de la bêtise humaine mais non, je dois avouer qu'elle garde de cette expérience quand même merveilleuse quelques souvenirs douloureux. Toutefois, elle a continué à écrire sans relâche depuis, elle peint aussi, elle compose à la guitare de la musique et des chansons, elle présente parfois des spectacles improvisés dans les bars de chez nous mais jamais, jamais plus elle ne publiera de livre.

Aujourd'hui, elle a 20 ans, tous les exemplaires de Rêveries d'enfant pour adultes se sont envolés depuis longtemps, elle a refusé qu'on en fasse une deuxième impression, la maison d'édition a fermé ses portes depuis belle lurette, en fait, depuis le décès de celui qu'elle appelait Monsieur l'éditeur, un piètre homme d'affaires mais un amoureux fou des mots et de ceux qui les écrivent. Isa reçoit aux deux ans un petit chèque de l'UNEQ (l'Union des écrivains Québécois) pour des droits d'auteurs ou de reproduction, le dernier était daté du 22 janvier dernier, au montant de 26,96 $ et quand je lui ai demandé ce qu'elle allait faire de « tout cet argent », elle m'a répondu avec un clin d'oeil qu'elle allait se payer un billet pour le show de Patrick Watson au Cabaret de la dernière chance! Elle s'y trouve justement au moment où j'écris ces lignes.

Je lui laisserai à elle le mot de la fin, c'est le moindre hommage que je peux lui rendre, en citant mot pour mot ce qu'elle écrivait au début de son livre, en guise de présentation de son recueil :


« Je m'appelle Isabelle. J'ai huit ans. Avant de savoir lire, j'inventais des histoires juste à regarder les images dans mes livres. Je parlais fort et je faisais croire à tout le monde que je savais lire. Ce n'était pas des mensonges, je croyais vraiment que c'était ça, savoir lire!

J'aimais jouer avec mes amies dans la grosse malle blanche où on met tous les déguisements et là, on se déguisait toute la gang en princesses. Il n'y avait jamais personne pour faire le Prince Charmant. C'est pour ça que j'aime mieux inventer des histoires que de jouer au théâtre. Dans les histoires, on met les personnages qu'on veut.

Écrire, c'est une manière de se dire toutes les histoires qu'on voudrait se rappeler pour toujours. »

jeudi 8 février 2007

À contre-courant



Juillet 2006, Mont Tremblant.

Une fois de retour de nos quelques jours de vacances « dans l'sud », j'ai souri en voyant plein écran sur mon ordinateur les nombreuses photos prises lors de ce séjour. Parfois, elles me rappelaient les bons moments vécus lors de ce petit voyage, comme lors des retrouvailles familiales à Bellefeuille (maintenant St-Jérôme) mais parfois aussi, comme avec celle-ci, parce qu'un détail qui m'avait échappé au moment de la photo me sautait aux yeux d'une manière saisissante. Attendez que je vous raconte.

Non mais, c'est vrai, ça fait du bien des fois de sortir de notre univers un peu. Autant j'aime le calme de nos forêts, nos lacs et nos rivières, autant j'ai besoin de temps en temps d'aller me perdre au milieu de la foule quelque part où il y a affluence, surabondance et ... comment dire... trop de... tout, finalement!

Donc, avec une journée d'avance sur la date de la rencontre familiale, et puisqu'on était dans le secteur, nous avons décidé, Gilles et moi, qu'on pourrait bien aller à Mont Tremblant! D'ailleurs, on nous annonçait de l'orage, alors, il y aurait sur place tout ce qu'il faut pour s'abriter, et puis, des belles terrasses où prendre un apéro, un gueuleton, du monde à voir, des choses à faire...

Déjà, dans l'immense stationnement de ce « village » créé artificiellement, il lui a fallu me rappeler à l'ordre et insister beaucoup parce que j'avais repéré des belles framboises bien dodues et bien mûres dans un boisé oublié et ce, juste à côté d'où on avait stationné la voiture! J'aimais déjà l'endroit. Ensuite, en arrivant dans les installations d'Intra West par cette chaleur humide, accablante même, dans cette abondance de tape-à-l'oeil, de couleurs, d'odeurs, de boutiques, de vitrines, de ces milliers de personnes qui parlaient trop vite, trop fort, trop de langues mélangées, on passait notre temps à se dire sans paroles mais avec nos regards : « Mais qu'est-ce qu'on fait ici? » lorsqu'on a repéré tous les deux en même temps le téléphérique où l'on allait pouvoir monter plus haut, avoir une vue d'ensemble sur toute l'affaire et reprendre notre souffle! Dans ces moments-là, quand on ne se sent pas à notre place et qu'il nous semble que ça paraît trop, il me fait crouler de rire parce qu'il fait son « Crocodile Dundee ». Et ce jour-là, croyez-moi, il s'est surpassé, il n'avait aucune difficulté à entrer dans la peau du personnage!

Donc, on monte, on monte, on monte et moi, je ris, je ris, je ris, parce que plus on monte, plus on voit trop de couleurs, de boutiques tape-à-l'oeil, de terrasses bondées, de vitrines accrocheuses, de monde qui parlent trop vite, trop fort, de piscines vides (sont-elles vraies?...) et moins on se sent à notre place. « On n'a pas rap » mais là, pas pantoute. À un moment donné, presque rendus au sommet, on aperçoit un peu de forêt et mon Crocodile Dundee y cherche désespérément un animal, n'importe lequel, un castor, un mulot, une perdrix ou comme il dit « une tite cabane tout croche » un marais desséché, quelque chose de pas parfaitement aménagé et il commence à se sentir à l'étroit pas à peu près dans cet habitacle fermé qui nous amène directement dans les nuages noirs.

Enfin, on débarque au sommet. Tout le monde se dirige en nous poussant vers le belvédère mais pourquoi? Nous ne sommes plus capables de suivre le troupeau et nous allons plutôt du côté où ce n'est pas encore aménagé. Il n'y a rien à voir là, apparemment, mais nous sommes seuls... Enfin, de la forêt et des montagnes, avec rien dessus. Un petit respir. C'est tellement beau le Mont Tremblant!

Il nous a bien fallu redescendre à un moment donné, débarquer au milieu de ce cirque tout parfait. On aurait voulu s'asseoir quelque part, commander quelque chose mais les terrasses étaient pleines partout, c'est ça, les vacances de la construction. C'est là que j'ai voulu prendre une photo souvenir mais je ne réalisais pas à ce moment-là que mon Crocodile Dundee, c'est le seul qui marche à contre-courant parmi tout ce monde mais il semble aller à la même vitesse que les autres, par exemple. Avec son T-shirt jaune et ses jeans, c'est lui qui marche d'un pas décidé comme quelqu'un qui se sauve de quelque chose!

Des fois, je me dis qu'on n'est vraiment pas sortables!

mardi 6 février 2007

Aimer et laisser grandir


J'ai pris cette photo le samedi 1er juillet dernier à 19 h 45, en cette saison où tout abonde, même la lumière. (Je crois que vous pouvez cliquer sur la photo pour l'agrandir).

Au camp depuis la veille, en compagnie de mon homme, notre fille et son amoureux, il nous semblait qu'on vivait dans l'abondance, pourtant on n'avait rien d'autre que l'essentiel. Mon homme dit toujours en riant « Qu'à force de manquer de toutt' on manque de rien! » et c'est vrai, ça m'impressionne toujours de constater quand nous allons là-bas que le bonheur s'avère finalement si simple et si facile.

Alors qu'on étirait la tasse de thé après souper, Môman orignal et Ti-Caramel sont venus comme nous saluer très poliment, juste en face, de l'autre côté du « creek ». Notre rencontre plus tôt dans la journée sur la rivière lui avait probablement semblé trop brève et les avait surpris (et nous, donc!...) en train de déguster les nénuphars et profiter de la douceur de l'été. Nous avions arrêté le moteur du bateau en les apercevant mais quand même, 4 paires d'yeux écarquillés qui vous observent, ça gêne un peu la collation d'après-midi et ça coupe l'appétit malgré les délices des plantes aquatiques offertes dans les méandres de la rivière!

Donc, ils sont revenus faire connaissance plus officiellement. Elle nous a présenté son petit. En fait, peut-être qu'elle lui présentait plutôt les drôles de créatures que nous étions... Nous quatre, à l'intérieur du camp, figés autant qu'eux, nous assistions à un moment magique, un échange silencieux où passaient le respect et l'émerveillement. Pour ma part, j'étais déchirée entre le choix que je devais faire : observer la scène et m'en remplir la boîte aux souvenirs pour longtemps ou risquer de rompre le charme, me lever tranquillement, aller chercher mon appareil, ouvrir la porte très délicatement, sortir dehors, descendre les marches de la galerie, marcher dans leur direction par le petit sentier, m'approcher tranquillement jusqu'au quai, m'accroupir l-e-n-t-e-m-e-n-t et ... appuyer sur le déclencheur. J'ai choisi la première option.

Des secondes et des minutes se sont écoulées, enfin, c'est difficile à évaluer quand on se sent au coeur de la vie, hors des frontières du temps et de l'espace... Nous communiquions entre nous, j'ignore encore comment, mais il n'y avait aucune parole prononcée, aucun regard échangé, rivés comme nous l'étions à cette scène incroyable.

Puis, j'ai senti que c'était le moment de prendre la deuxième option, que j'avais l'approbation des autres autour de la table, j'ai alors accompli chacun des gestes maintes fois répétés dans mon esprit plus tôt.

Plus je m'approchais de leur univers, maintenant seule avec Môman orignal et Ti-Caramel, plus je comprenais l'urgence d'immortaliser ce moment fragile mais aussi, plus j'intégrais des milliers de choses sur le rapport étrangement profond et complice entre une mère et son enfant. Je sais, il n'y a pas de rapport réel mais c'est comme ça.

De les voir ensemble, Môman orignal et Ti-Caramel, à ce moment-là et d'autres fois après, a fait entrer dans mon coeur la certitude qu'un enfant, à tout âge, a besoin d'être accompagné, entouré, aimé mais pas protégé à outrance. On devrait mettre à sa disposition un environnement accueillant, rassurant, bienveillant, une abondance de ressources, mais surtout, une confiance en la Vie elle-même, en dépit de tout. Aimer et laisser grandir.

Entre mon enfant et moi, à cet instant, parce nous étions là, il s'est passé quelque chose d'indéfinissable qui nous liera encore et pour toujours, ça reste impossible à fixer sur image mais cette photo me le rappelle. J'ai donc pris ce soir-là un instantané pour le coeur en même temps qu'une image où cette lumière de soir d'été devenait si tant tellement révélatrice.

jeudi 1 février 2007

Des petits pionniers

Cette photo doit être la première que j'ai prise, mes deux petits frères représentaient tout pour moi et j'ai dû vouloir capter ce moment de nos jeux pour m'en souvenir tendrement quand nous serions tous grands, réalisant déjà ma chance de les avoir dans ma vie... Maintenant tous les trois dans la quarantaine, nous avons le même âge et « mes petits frères » sont toujours ma chance et ma richesse. Mais là n'est pas mon propos.

C'était l'époque où l'on ouvrait des villages au lieu d'en fermer. Notre famille était arrivée à Matagami au début de 1964, lorsque la ville prenait naissance grâce à des gisements exploités par trois mines : la Orchan, la Matagami Lake et la New Osko Mines. Papa nous avait précédés de quelques mois et quand il a eu la chance d'avoir ce qu'on appelait « une roulotte de la Orchan », la famille a été réunie à nouveau dans cette ville minière, rue Rupert, avec quelques familles qui avaient la même « chance » que nous. Pour nous installer un chez nous, la mine avait bûché quelques épinettes pour faire une place, avait foutu notre maison mobile là, même pas au niveau seulement (!) et pour nous dessiner une entrée de cour, ils y avaient mis du concassé. Le bois restait à proximité, à n'en pas douter!

Il existait déjà une petite école primaire de fortune à notre arrivée et quand je m'y suis présentée, on m'a appelée « la p'tite nouvelle »... pour une semaine! Comme il y avait autant d'anglophones que de francophones et d'autochtones (Cris), il fallait y aller sur des quarts différents : pour les francophones, l'horaire était de 8 h à 10 h et de 12 h à 15 h, alors que pour les anglophones et autochtones, ils y allaient de 10 h à 12 h et de 15 h à 18 h. Le mois d'après, on changeait d'horaire. L'année suivante, nous avons eu une belle école neuve, l'école Galinée, avec son grand gymnase qui servait à toutes les sauces, autant pour les grands que pour nous, les petits. Le samedi après-midi, on avait droit au film gratuit, fourni par la mine, mais la bobine cassait souvent et on ne s'en plaignait pas trop, on en profitait pour se faire des nouveaux amis! Il arrivait souvent qu'on aille jouer dehors plutôt que d'attendre la fin de l'histoire!

Matagami nous appartenait littéralement, c'était notre ville à nous et puis, pour s'en assurer, on prenait possession du territoire en construisant des « campes » un peu partout. Parfois, on tombait sur des anciens camps de prospecteurs abandonnés, on cherchait de l'or et si l'on n'en trouvait pas, on faisait toujours des découvertes plus ou moins historiques qui nous emballaient. L'été, on se baignait et on pêchait dans la rivière Bell. C'était avant la maladie de Minamata à Matagami, quand Domtar n'y déversait pas encore des tonnes de mercure, à partir des usines de Senneterre. Pas de classes sociales dans notre ville, nos pères étaient tous mineurs. On voulait un carnaval? On devait s'en faire un. On voulait pratiquer un sport? Il fallait se trouver des joueurs et de l'équipement. On avait tous les mêmes stress aussi, comme lorsqu'on entendait la sirène de la mine qui signalait un accident sous terre, chacun de nous se demandait si c'était son père ou le père de l'autre... Difficile de se concentrer en classe après ça, nos enseignantes le comprenaient, d'ailleurs, elles avaient presque toutes un conjoint mineur.

Tout le monde venait d'ailleurs, même de d'autres pays. Les accomodements raisonnables existaient, ils se négociaient au ballon chasseur ou à Botte la Canne et s'appelaient « vivre ici ». Matagami grandissait à vue d'oeil. Même enfants, nous avions la certitude que tout était possible, que tout restait à faire et qu'il suffisait de se retrousser un peu les manches pour que cela arrive comme on le souhaitait. On s'inventait une ville, une vie.

Nous avons vécu là nos plus belles années d'enfance et si nous sommes déménagés à Noranda, en Abitibi-Témiscamingue, cinq ans plus tard, une partie de notre coeur de petits pionniers restera toujours à Matagami, cette ville minière où nous avons été libres et heureux. Gilles Vigneault disait très justement que « l'enfance est un bagage que l'on transporte toute sa vie ».