dimanche 27 décembre 2015

LA QUESTION SE POSE


Il y a des questions qu'on se pose depuis toujours en soi-même et parfois on va jusqu'à les écrire dans nos carnets intimes comme si on allait ainsi trouver des éléments de réponse. Puis un jour on se rend compte que d'autres ont toujours cherché aussi. Ça fait tout chaud en dedans de voir qu'on n'est pas seul à chercher. C'est ce qui m'est arrivé à Noël quand un ami écrivait sa réflexion du jour et qu'il a cité le grand sociologue Fernand Dumont qu'il endossait lui aussi : 

« La tradition est la question qui me hante depuis longtemps, qui m'a hanté dès mon enfance et ma jeunesse. Et c'est d'ailleurs, selon moi, le grand problème contemporain, c'est-à-dire comment les hommes d'aujourd'hui vont-ils conserver une mémoire de l'humanité? Comment vont-ils réussir à se donner une conscience historique? C'est là le grand problème de la culture contemporaine, non seulement dans ses plus hautes manifestations, mais au niveau de la vie quotidienne. L'humanité est-elle capable aujourd'hui de réactualiser - parce que c'est ça, la tradition - son héritage, c'est-à-dire ce qu'elle est? Voilà la grande question. Il ne s'agit aucunement de répéter le passé mais de savoir si le passé de l'humanité est mort ou s'il est vivant? » - Fernand Dumont, sociologue.  

 
Cette photo a été prise aux fêtes, en 2007, à l'auberge Harricana. Notre tradition familiale se poursuivait ailleurs et autrement, sans le compagnon de vie, papa et grand-papa qu'était notre cher Léo. C'était le cadeau de Noël que nous avait fait Maman pour qu'on se rassemble au même moment en un même lieu, qu'on réinvente la tradition en redéfinissant ce que devenait ou ce qu'aillait devenir notre famille à laquelle il manquait dorénavant l'une de ses deux moitiés fondatrices. 


Petite île avec son arbre bien enraciné solidement dans le roc, à Rapide Six, sur la rivière des Outaouais. Pour moi, la tradition, c'est ça. Un repère qui nous incite à s'enraciner dans nos vies malgré le vent, la pluie, le gel, les saisons. L'adaptation, c'est la résilience, et parfois même la survie. 

LA QUESTION SE POSE 

Dans notre culture, la période des fêtes est probablement celle où nous avons le plus de traditions sociales et familiales qui nous invitent à vivre et à revivre des moments de célébrations et de rassemblements qui laissent encore plus de traces dans nos mémoires que nous le croyons. L'être humain est ainsi fait qu'il veut reproduire ce qui l'a rendu heureux. 

Je m'inquiétais de voir disparaître plusieurs de nos traditions avec la popularité grandissante des technologies de communication sans lesquelles il n'est plus possible de fonctionner dans notre société, même si ces technologies nous isolent plus qu'elles nous rapprochent les uns des autres, généralement. 

Consciente que ces traditions étaient un héritage que j'avais reçu, qui m'avait rendue heureuse et que je voulais transmettre à mon tour, j'avais besoin et envie que certaines traditions se poursuivent, sans les imposer à personne, quitte à les transformer un peu pour les réinventer au goût du jour.  

C'est alors que j'ai eu cette illumination! J'ai trouvé un élément de réponse à la question que je me posais depuis toujours sur la transmission, ce bagage de vie que l'on transporte en soi, notre histoire qui continue de s'écrire en se réinventant à chaque fois qu'on tourne une page. Parce que rien ne serait plus triste et voué à l'échec que de vouloir faire revivre à tout prix quelque chose qui n'est déjà plus... enfin... plus ailleurs que dans nos souvenirs, même les plus heureux. 

Nos traditions doivent obligatoirement se transformer et s'adapter pour rester vivantes.  

mardi 8 décembre 2015

LE PLAISIR D'OFFRIR

Il était une fois une petite fille qui ne voulait pas grandir. Pour dire vrai, en fait, grandir ne la dérangeait pas tant que ça, elle voulait surtout ne jamais perdre tout à fait son cœur d'enfant alors elle en prenait bien soin. La vie suivait son cours et même si elle devenait une jeune fille, une femme, une amoureuse, une travailleuse, la petite fille en elle n'était jamais loin. Parce qu'elle en prenait soin. Lorsqu'elle est devenue maman, son cœur d'enfant s'est ravivé à un tel point qu'elle avait l'impression de revivre ses belles années d'enfance à mesure que sa fille grandissait, et comme par magie, elle avait toujours quelque part le même âge qu'elle! Grand bonheur pour elle, sa fille n'a jamais voulu perdre son cœur d'enfant elle non plus.
 
Le temps passait, les années filaient, et toujours la petite fille en elle continuait de se réinventer à chaque étape de sa vie. C'est ainsi qu'elle est devenue grand-maman de deux petites-filles qui l'amènent si magnifiquement au royaume de l'enfance et qui gardent une partie de son âme toujours nouvelle qui ne demande qu'à s'émerveiller.
 
LE PLAISIR D'OFFRIR
 
Avec Félixe, ma petite-fille aînée, l'année dernière, on regardait ensemble un cahier d'activités de Noël lorsque l'idée nous est venue de préparer ensemble des papillotes de Noël pour tous les gens qu'elle aime et qu'elle allait rencontrer pour ces fêtes de fin d'année. Félixe avait un plaisir évident à bricoler avec Mamie, surtout que j'avais des caisses de papiers d'emballage, tissus, rubans, guirlandes, choux, fruits de nombreuses années de récupération de toutes ces soirées de Noël qui avaient eu lieu chez nous.
 
Mais moi, j'avais un autre objectif en tête : mine de rien, tout en s'amusant, lui apprendre à offrir elle aussi, un peu d'elle-même, choisir avec soin, pour chaque personne de son entourage, le contenu de la papillote qui serait remplie de ses friandises préférées, la couleur du papier, les motifs, les rubans, et surtout l'étiquette personnalisée qu'elle écrirait elle-même, en y mettant tous les cœurs et les bisous qu'elle était capable. Elle était tellement enthousiaste, la petite, de poursuivre « notre projet papillotes » qu'elle avait hâte à chaque séance secrète de bricolage. Et moi aussi. On avait réalisé ensemble une vingtaine de papillotes de Noël l'année dernière et je n'avais pas pensé prendre de photos mais j'avais gardé précieusement dans mon cœur le souvenir de sa joie tout au long du projet et particulièrement le soir de Noël lorsqu'elle les a offertes à tout son monde, même à moi.  
 
Cette année, l'idée est venue d'elle. Elle voulait absolument refaire des papillotes de Noël, en plus qu'elle sait maintenant bien plus que signer son nom et écrire des bisous, elle peut maintenant écrire elle-même tous les prénoms des personnes qu'elle aime et elle sait dessiner des cœurs aussi! Elle m'a dit dès le début de novembre qu'elle avait déjà commencé à ramasser les rouleaux vides de papier de toilette chez elle! Je suis donc allée acheter toutes sortes de friandises emballées individuellement : chocolats noirs, chocolats au lait, aux cerises, caramels au beurre, toffees, etc. On pouvait commencer... Bien sûr, tout cela doit rester top secret, elle y tient, c'est une complicité intense entre elle et sa mamie, elle est certaine que personne ne se doute de rien alors si vous la croisez prochainement, chut... pas un mot, ne faites aucune mention du projet papillotes jusqu'au 25 décembre!
 

À chaque séance de bricolage, on sort tout ce qu'on a, on se fait, comme on dit « une usine dans la cuisine!»  Cette photo a été prise à la fin novembre. Elle a voulu faire ma papillote en cachette de moi, alors elle m'a dit : « T'aurais pas une brassée de lavage à faire au sous-sol? » mais comme elle ment très mal, je savais qu'elle ferait la mienne parce qu'elle m'avait demandé avant ce que je préférais comme friandises, quel était mon papier préféré, etc. Et dans le lot, il y a toujours une papillote qu'elle dérobe à ma vue, c'est la plus imparfaite de toutes mais pour moi, c'est la plus belle!  


 
Ce jour-là, après 5 ou 6 papillotes, on avait le vent dans les voiles. Elle m'a demandé si je pouvais la garder à souper. Elle a téléphoné chez elle en disant : « Mamie veut absolument me garder à souper, on n'a pas fini notre bricolage mais je peux pas te dire ce qu'on bricole... »
 

Samedi dernier, c'était notre dernière séance de bricolage. Cette papillote est celle de sa tante Ariane mais il y a un problème, tante Ariane travaille en Corée du Sud. J'ai suggéré à Félixe qu'on lui envoie une photo de sa papillote mais Félixe, bien de son époque, m'a dit : « Ben non, Mamie, j'ai une bonne idée, on va faire ça sur Skype! »
 
 
On a tout fini, on a oublié personne, enfin personne qu'on s'attend qu'elle croise au temps des fêtes. Ce sourire, cette fierté, cette joie de donner, je ne pense pas qu'elle aurait pu les ressentir en achetant quelque chose dans les magasins.
 

La satisfaction du travail accompli!


Je ne suis pas une fan des égoportraits mais j'ai voulu garder une image de notre complicité dans cette aventure qui est peut-être en train de devenir une tradition.

À l'approche de Noël, grâce à ma fille et mes deux petites-filles, j'ai beaucoup de facilité à retrouver mon cœur d'enfant. Je trouve dommage que beaucoup d'enfants fassent tant de demandes et soient influencés par notre société de consommation au point où ils deviennent blasés en ne sachant que recevoir trop de cadeaux, sans expérimenter l'échange, le plaisir d'offrir eux aussi, un peu d'eux-mêmes, dans l'unique but de faire plaisir à ceux qu'ils aiment.  
 
Et je vis un grand bonheur, dans mon cœur d'enfant comme dans mon cœur de grand-maman, quand je constate que Félixe a tellement hâte à Noël, non pas pour avoir des tonnes de cadeaux mais pour pouvoir enfin donner à ceux qu'elle aime une papillote qu'elle croit remplie de friandises mais que je sais, moi, remplie d'amour et d'affection débordante.