mardi 24 mars 2009

Comme une bouteille à la mer



Photo 1 : Elle a été prise dernièrement à Cuba par mon ami Pierre Lafontaine. À la suite d'un récent billet ici, il écrivait le commentaire suivant : « Je vous ramènerai une photo solidaire de la mer dans deux semaines. Je l'enverrai à Zoreilles pour qu'elle la publie sur son carnet. Dans la semaine du 15 mars, Zoreilles, je te fais penser de m'y faire penser! ;-) T'sé l'âge! »

Photo 2 : Cette photo de la mer, je l'ai prise à l'aube d'un matin tranquille, fin juin 2008, sur la plage de la Dune-du-Sud, devant le petit chalet maison de poupée que j'avais loué à Hâvre-aux-Maisons aux Iles de la Madeleine, le pays de tous les miens. Voir ces pêcheurs de homards à l'oeuvre, comme l'ont fait jadis mes grands-pères, mes grands-grands-grands-pères... dans le soleil levant sur la mer calme et nourricière... représente pour moi plus de bienfaits que je ne pourrais jamais l'exprimer.

Comme une bouteille à la mer

Donc, Pierre, c'est un gars de parole. Déjà, de constater chez un ami un code d'honneur qui lui ressemble, ça fait ma journée! Tous mes amis sont comme ça, je ne leur dis pas assez mais je devrais, parce qu'ils embellissent ma vie, me réconcilient avec l'univers entier. Non mais, ce n'est pas aussi courant qu'on le pense, les gens qui sont fidèles à leurs promesses, à leurs engagements, à leurs convictions. Il faut l'apprécier quand ça arrive, d'abord, pour s'imprégner de ce sentiment d'espoir et de confiance en la vie que ça vient rallumer dans notre coeur et ensuite, pour se convaincre que malgré tout, dans le monde, il y a beaucoup plus de bon monde que de mauvais monde. C'est juste que, comme le dit toujours ma mère, « Le bien fait peu de bruit ».

Parmi mes amis, il y a peut-être un peu plus de femmes que d'hommes, je ne sais pas pourquoi. Peut-être parce que plus jeune, je ne croyais pas tellement à l'amité entre hommes et femmes, il faut me comprendre, j'ai épousé mon meilleur ami! Mais au fil des années, je n'ai pas pu faire autrement que d'y croire, parce que j'avais eu la chance d'avoir des bases solides dans mes rapports avec les hommes, mon père a été mon grand ami, mes deux frères seront toujours mes meilleurs amis, et j'ai beaucoup travaillé dans des univers masculins mais aussi, j'aime la nature humaine en général, hommes, femmes, vieux, jeunes, etc.

Dans mes échanges avec mes amis(es) je ressens des choses merveilleuses et pourtant paradoxales. Quand ils pensent différemment de moi, ils m'amènent à voir un aspect nouveau et très éclairant qu'ils me font découvrir. Nous sommes alors complémentaires. À d'autres moments, je les écoute me raconter quelque chose et j'ai l'impression de m'entendre parler, comme un écho à mes propres pensées. Nous devenons alors de grands complices.

J'aime que mes amis(es) soient si différents et si semblables à moi!

Quand j'ai reçu de Pierre cette photo de la mer promise (la terre promise?...) sans même avoir à lui faire penser (!) mon esprit rêveur s'est envolé au-dessus des nuages. J'ai imaginé que l'été dernier, j'avais jeté une bouteille à la mer, par un matin serein, dans l'aube lumineuse de la Dune-du-Sud, sur l'Atlantique... Quelque neuf mois plus tard, c'est Pierre qui l'aurait repêchée à marée basse sur la plage ensoleillée à Cuba, en faisant un château de sable avec Nathan.

Quel était ce message dans la bouteille jetée à la mer? « Vive l'amitié, viva l'esperanza! »

mardi 17 mars 2009

Ma maman avant-gardiste

Photo : J'ai toujours aimé cette photo de mon enfance, alors, Maman me l'a donnée. C'est la seule où je souris autant et je me souviens de ce moment-là et de mon état d'âme exactement. Pour la petite fille de 5 1/2 ans que j'étais, il ne pouvait pas y avoir de plus grand bonheur : J'avais enfin ce petit frère que j'avais toujours voulu, tellement mignon, et Maman n'allait plus travailler, je n'allais plus jamais me faire garder.

Ma maman avant-gardiste

Elle était belle ma mère, à la fin vingtaine. Elle l'est toujours, à 77 ans, elle fait partie de ces femmes sans âge justement. Quand j'étais petite, j'étais un peu amoureuse d'elle, est-ce que ça se peut? Je l'admirais en cachette en train de brosser ses cheveux, nettoyer son visage avec des petits tampons de ouate imbibés dans les flacons aux couleurs douces qui sentaient bon, assise sur son petit banc gigogne à la coiffeuse avec son grand miroir rond, les tiroirs de chaque côté où j'aimais fouiller, fascinée par tous les mystères de sa féminité, y compris dans son coffret à bijoux laqué noir avec des voiliers qui voguaient sur des mers déchaînées. J'aimais la regarder s'habiller aussi, très lentement, avec une grâce si délicate quand elle enfilait ses bas de nylon au bout de ses doigts en faisant attention de ne pas faire d'échelles avec ses ongles. Elle déroulait celui de gauche d'abord, l'enfilait à partir de son pied pointé puis jusqu'à la cheville, en remontant vers le mollet, toute la cuisse et je prenais conscience qu'elle avait de si longues jambes, ma mère, qu'elle était grande, il me semble, en plus, elle avait des seins parfaits. Ah je l'ai observée si souvent que j'en garde des souvenirs très précis.

Ces souvenirs d'enfance sont toujours suivis par ce qui venait rompre le charme à tout coup : Il fallait qu'elle parte travailler et moi, que j'aille me faire garder. Ma mère était avant-gardiste, elle a travaillé à l'extérieur tant que j'ai été enfant unique. À son époque, dans notre milieu, elle était la seule maman qui travaillait. Dans nos familles, aucune autre maman n'avait un emploi. Dans ma rue, tous les enfants avaient leur maman à la maison. J'étais consciente que chez nous, c'était différent d'ailleurs et je ne comprenais pas pourquoi.

Maman me disait toujours qu'il fallait qu'elle aille travailler pour nous acheter des belles choses. Je répondais toujours que je n'en voulais pas des belles choses, je voulais ma maman comme les autres. Ma gardienne, c'était la voisine, elle avait déjà 3 enfants et ne m'aimait pas vraiment. J'étais très jeune, mais je savais ça, je le ressentais très fort. Je me rappelle qu'elle donnait du jus de fruits à ses enfants mais pas à moi, ça coûtait cher du jus de fruits qu'elle disait. Quand il y avait quelque chose de travers, elle me chicanait toujours, mais jamais ses enfants. Elle posait sur moi un regard méprisant, elle me parlait fort. Je me demande pourquoi je ne me défendais pas mais j'étais une enfant timide (difficile à croire aujourd'hui) et je crois que c'est parce qu'elle ne m'aimait pas que je trouvais qu'elle n'en valait pas la peine.

Un matin, ma mère avait dû me chicaner d'aplomb pour m'amener chez la gardienne. J'en avais un souvenir vague alors j'ai demandé à ma mère dernièrement pourquoi ça avait été si mal, qu'elle était partie travailler en pleurant ce jour-là...

J'avais 3 ans. À cause de ce qui s'était passé la veille, j'avais décidé que je n'irais plus jamais chez Madame B. Maman m'avait expliqué encore une fois qu'il fallait absolument qu'elle aille travailler et elle a commencé à m'habiller elle-même parce que je refusais de le faire. Elle me mettait une manche de manteau et pendant qu'elle mettait l'autre, j'enlevais la première. Il paraît que je ne disais pas un mot mais que je la regardais fixement avec les yeux pleins d'eau en enlevant ma manche... Elle ne m'avait jamais vue aussi silencieuse et déterminée. À plusieurs reprises, elle remettait une manche, puis l'autre, pendant que j'enlevais la première. Petite Zoreilles était devenue non négociable, du haut de ses 3 ans. Mon petit manège silencieux de larmes contenues l'avait ébranlée à un point tel qu'elle le revit encore quand elle me le raconte aujourd'hui. Pauvre Maman...

Oui, pauvre Maman, je lui ai fait de la peine ce matin-là. J'étais trop petite pour comprendre qu'une maman qui travaillait avait des raisons de le faire, que d'être mère ne l'empêchait pas de vouloir se réaliser dans un travail, de vouloir améliorer nos conditions de vie, de participer au budget familial, aux décisions, d'être l'égale de Papa en tout. J'ignorais alors combien j'allais être fière un jour d'avoir une maman qui n'avait pas peur de sortir des sentiers battus, qui savait se faire respecter et se battre pour ce qu'elle croyait juste, même quand ce serait difficile ou qu'elle se sentirait jugée par d'autres femmes ou, pire encore, quand sa petite lui ferait un gros coup de chantage émotif.

Cette photo-là, je la chéris particulièrement parce que chaque fois que je la regarde, je ressens le bonheur de mes 5 1/2 ans, d'être enfin à la maison à jouer avec mon petit frère Yves et aider Maman à bien s'occuper de lui, (c'est ce qu'elle me disait) à repasser les débarbouillettes et les linges à vaisselle, que j'apprenais à bien plier, à en faire des piles parfaitement symétriques (je suis encore incapable de procéder autrement que ma mère me l'a montré!...) et de la regarder vivre, elle, ma mère, si belle, si habile en tout, avec le sentiment merveilleux qu'elle serait toujours à la maison avec nous même si elle était tout à fait capable de faire autre chose. À la naissance de mon premier p'tit frère, Maman revenait à la maison par choix.

Quelques mois plus tard, j'ai commencé l'école mais je savais qu'en revenant chez moi après la classe, il y avait une maman et un si beau petit frère qui m'attendaient.

Environ un an plus tard, et parce qu'un bonheur n'arrive jamais seul, nous avons eu un autre bébé, Jocelyn, un autre p'tit frère à aimer, tout mignon, un vrai petit clown, avec de grands yeux qui voulaient tout voir. La famille était complète. Mon bonheur aussi.

mardi 3 mars 2009

Tout s'explique




Photo 1 : Le 14 février 2009. J'ai trouvé que ces pistes dans la neige et ce soleil de fin d'après-midi racontaient une histoire de nature et de liberté. Une histoire toute simple dont je ne connais ni le début ni la fin.

Photo 2 : Ce jour-là, des pistes de loup suivaient le sentier de motoneige sur la rivière où je marchais entre notre camp et celui de mon frère, à un kilomètre de distance. On voit bien clairement qu'il s'agit d'un loup, vous pouvez cliquer sur la photo pour voir de plus près les détails si vous voulez.

Photo 3 : Le 15 février dernier, sur le chemin du retour. Les perdrix se voient souvent en bordure des routes de gravier. J'ignore pourquoi mais elles ont besoin de manger constamment des petits cailloux. On m'a déjà dit qu'elles avaient besoin de ça pour leur digestion mais je ne sais pas si c'est l'explication que les biologistes donneraient.

Tout s'explique

Ce que j'aime beaucoup dans la nature, entre autre, c'est qu'il y a toujours une explication très simple à une question pourtant complexe. On dirait que ça me réconcilie avec la vie!

Dernièrement, notre amie Soisig racontait dans un commentaire qu'elle avait croisé sur la route un loup, qu'elle avait pu l'observer un moment, elle s'en réjouissait mais s'en étonnait aussi. C'est vrai que c'est rare. Quelques jours plus tard, Crocodile Dundee revenait de notre camp en forêt et me disait qu'il avait aussi croisé un loup sur le chemin de Rapide Deux. À ce temps-ci de l'année, il y a deux ans, un automobiliste a frappé un loup sur la route 117, près de l'aéroport de Rouyn-Noranda. Je le sais parce que Crocodile Dundee avait été appelé à se rendre sur les lieux pour mettre fin aux souffrances de l'animal qui s'était réfugié en bordure de la forêt et que personne ne pouvait localiser ou approcher.

Il n'en fallait pas plus pour éveiller ma curiosité. J'ai demandé à Crocodile Dundee ce qu'il en pensait, lui qui est ma référence intime et personnelle mais non moins très crédible en matière de forêt boréale et d'animaux sauvages!

Les loups vivent en meutes, lesquelles sont fortement hiérarchisées. La nature étant si belle et si rebelle, impitoyable et sauvage, il arrive qu'un loup se fasse vieux, se blesse, naisse avec un handicap qui l'empêche de faire sa vie de loup avec la meute, de faire partie de cette « société » où l'on doit contribuer sinon on n'a pas le droit de vivre. La compétition est forte, le mâle alpha ne veut jamais laisser sa place et la louve, sa compagne, le considère à partir du moment où il est en mesure d'imposer cette place...

Il arrive donc qu'un loup soit ostracisé. Les procès en forêt ne se déroulent pas tellement dans les règles de l'art et la justice n'est pas toujours irréprochable non plus, encore moins réparatrice. C'est triste mais c'est comme ça. Celui à qui on annoncera la sentence n'ira pas en appel. On l'appelle un loup franc. Non pas qu'il soit moins menteur que les autres mais c'est ça qui est ça... Le loup franc doit chasser tout seul, assurer sa survie en solitaire. Ce sont ceux-là qu'on peut croiser parfois sur la route.

La nourriture se faisant plus rare en cette fin d'hiver, la neige accumulée rendant plus difficiles les déplacements, les loups francs iront au plus facile... Les perdrix ont besoin de manger les petits cailloux des chemins de gravier et en bordure des routes asphaltées, elles seront nombreuses à s'y trouver et serviront de repas facilement débusqués aux loups francs et solitaires qui osent s'approcher de la civilisation, parce que plus faibles, plus vieux, plus affamés, la vue et l'ouïe devenus moins perçantes, etc.

Les autres loups, ceux qui vivent en meutes, continuent à chasser ensemble, en prédateurs organisés et structurés, il se déplacent stratégiquement, et à ce temps-ci, ils jettent leur dévolu sur les orignaux plus vieux, plus faibles, ralentis par l'accumulation de neige dans leurs déplacements et surtout, sur les petits orignaux qui sont nés en mai dernier et qui suivent de très près leur maman pour avoir leur ration de lait.

Près de notre camp, il y a une meute de loups qui trouve tout ce dont elle a besoin pour survivre, ça m'inquiète beaucoup pour les petits orignaux qui suivent leur maman. Mais quand j'ai vu les pistes de ce loup qui marchait tout seul sur la rivière, j'ai pensé qu'il s'agissait peut-être d'un vieux loup affamé qui devait maintenant assurer sa survie tout seul et qu'il avait trouvé mes chères perdrix presqu'apprivoisées bien ragoûtantes... puisque je ne les vois plus... Snif, snif...