mardi 28 août 2007

Le premier achat


Vous ne voyez pas le lien entre le titre et la photo? Normal. Vous savez que j'adore les vieilles photos, surtout celles en noir et blanc? Celle-ci a été prise en 1958, je devais avoir à peine un an et mes parents me laissaient jouer avec les jumelles, un signe précurseur sans doute que j'allais aimer pour toujours les images, que mes yeux n'allaient jamais cesser d'être ébahis par tout ce qui m'entoure. Je tiens ça de Maman qui raconte qu'avec sa première paye, quand la Commission scolaire du Lac Abitibi avait fini par lui verser son salaire annuel d'institutrice juste avant la fin de l'année, elle avait enfin pu réaliser son rêve de se procurer un appareil photo.

Ce qui me fait rire de cette vieille photo aussi, c'est la mine impatiente que je fais parce que j'ai le soleil dans ma petite face. Ce serait pareil aujourd'hui et ça, je crois que ça me vient plutôt de mon Papa, il ne semble pas plus content que moi de ce rayon de soleil un peu trop envahissant!

Si Maman a longtemps gardé son appareil photo acheté avec sa première paye, je me souviens qu'elle avait dû le remplacer parce qu'elle ne trouvait plus les films pour mettre dedans. Elle n'arrivait pas à s'en défaire, elle lui vouait véritablement trop de respect pour le travail accompli jusque là. Pourtant, elle aimait bien la couleur de son nouveau modèle compact, les flashes éclairs qui étaient bons pour 4 photos et toutes les possibilités offertes par cette « nouvelle technologie » des années 70.

À mon tour, à l'adolescence, je gagnais quelques sous pour m'offrir des nécessités et des petites douceurs. En fait, je travaillais beaucoup. À 15 ans, au sortir de l'école, de 16 h à 18 h dans une boulangerie près de chez moi et, bien souvent, de 18 h à 21 h, à la tabagie deux rues plus loin. Les fins de semaine, je travaillais seulement à la tabagie, toujours de midi à 18 heures. Au salaire minimum de 1,55 $ l'heure, je me trouvais riche et j'avais pas mal d'ambition! Travailler beaucoup m'empêchait surtout de faire des conneries et me procurait assez d'argent pour être plus riche que maintenant, dans le sens que je n'avais aucune responsabilité financière! J'ai aussi acheté très tôt mon premier appareil photo qui m'a servi à garder des souvenirs de mes amis et amies bien plus qu'à photographier des paysages.

Une fois mes études terminées, à 17 ans, j'ai occupé mon premier vrai emploi à temps plein, comme secrétaire de service bilingue, c'était comme ça que c'était écrit sur mon diplôme du cours commercial, ça ne me rajeunit pas... Oui, je suis retournée à l'université dix ans plus tard, je voulais absolument en sortir du secrétariat! Mais avec ma première paye sur le marché du travail, j'avais choisi d'acheter ce dont je rêvais depuis longtemps : un système de son. Évidemment que mon salaire d'une semaine n'était pas suffisant pour me payer cette technologie de pointe (!) mais je me souviens qu'on m'avait fait des conditions très généreuses, 3 mois sans intérêt.

En plus de mes versements mensuels sur mon nouvel achat, il me restait assez pour acheter des disques et des cassettes, profiter de la musique autant que je voulais. D'ailleurs, souvent, le jeudi soir, le vendredi soir ou le samedi, mon plus grand bonheur consistait à aller fouiner dans les magasins de disques et de musique.

Notre premier achat, celui qu'on fait avec notre première paye, ça dit beaucoup sur la personne qu'on est, vous ne trouvez pas? Et vous, quel a été votre premier achat?

mardi 21 août 2007

Laisser couler le Nord, prise 2



Oui, je sais, vous allez dire que je radote, j'écris encore sur le même sujet et je vous présente deux autres photos de la rivière Rupert. Mon frère vient de me les faire parvenir parce qu'on partage plein de choses, comme des photos, des bons moments, des préoccupations, des opinions, des implications, des intérêts mais surtout une enfance commune et mille bonheurs. Je voudrais bien lui attribuer le crédit photo mais l'anonymat requis sur les blogues m'en empêche. J'ai deux frères, mes meilleurs amis, pour vous situer un peu, je vous dirai que je suis l'aînée (et je m'en vante) mon frère de Rouyn-Noranda est l'enfant du milieu et celui qui m'a fait parvenir ces photos, c'est le cadet de notre famille, « mon frère de Val-d'Or ».

Sur sa première photo, on peut presque ressentir toute la puissance de la rivière Rupert (oups, je veux dire le fleuve Rupert, je me trompe tout le temps!...) alors, ce n'est pas pour rien qu'on a choisi cette rivière-là avant d'autres pour optimiser la production d'hydroélectricité. Je n'ai rien contre mais je soutiens encore qu'il y avait d'autres façons de le faire qui auraient pu éviter d'harnacher cette force de la nature.

Sur sa deuxième photo, on voit une île, regardez-la bien, elle n'existera plus très bientôt. En fait, cette portion de la Rupert sera déviée complètement, le lit de la rivière sera asséché à cet endroit et cette île n'en sera plus une.

Si cette transformation en profondeur de notre géographie me bouleverse et me questionne autant, ce n'est pas tant que ces beautés de la nature n'existeront plus, je ne suis pas si égoïste, je sais bien que peu de gens en profitent. Il me semble depuis toujours que la nature, y a juste ça de vrai, de pur, d'immuable, de palpable, de réconfortant, de fiable. Alors, quand on dénature la nature, qu'on veut la soumettre, la contrôler, qu'on décide de détourner une rivère puissante comme celle-là au profit de nos « business », sans considération véritable pour les impacts et conséquences de nos actions, je me dis qu'il n'y a plus rien qui nous empêche de rien...

L'étape d'après et vous en entendrez beaucoup parler dans les prochaines années, c'est qu'on vendra notre eau douce, celle de nos eskers, de nos grands espaces qui n'intéressent pas grand monde. Il est déjà prévu qu'on la fera circuler dans des tuyaux immenses, comme des gazoducs, jusqu'au sud des États-Unis et au Mexique. Notre richesse, on ne s'en préoccupe pas beaucoup mais d'autres ont compris sa valeur, sa rareté et sa pureté, ils se l'approprient tranquillement. On a déjà commencé à vendre aux Américains, en Abitibi-Témiscamingue, notre eau la meilleure au monde. C'est la suite logique qui se magouille actuellement derrière des portes closes à Montebello, mine de rien, en catimini, pendant qu'on s'intéresse aux viaducs, aux accomodements raisonnables et autres trucs de la vie quotidienne des Québécois.

Que ça se passe dans la région Abitibi-Témiscamingue, Nord-du-Québec ou ailleurs, ça me fait le même effet. Je ne prends pas ça personnel parce que c'est chez moi, enfin, plus près de chez moi que si j'habitais Montréal, Québec ou la Gaspésie. Je vous ai raconté cette histoire la semaine dernière, à partir d'une expérience personnelle, pour lui donner un angle où je me l'appropriais un peu mais tout le monde est concerné par ce qui se passera sur la Rupert, que vous la connaissiez ou pas, que vous l'ayiez vue, aimée, pagayée, survolée ou pas. C'est surtout ça que je voulais vous dire.

mercredi 15 août 2007

Laisser couler le Nord


Cette photo, je n'en suis pas l'auteure, elle a été prise soit par Alain ou François, ou encore par Daniel ou Sylvain, lors de leur expédition de canot sur la rivière Rupert, que dis-je, le fleuve Rupert, qui se jette dans la baie James. Crocodile Dundee chérit cette photo comme un souvenir précieux, il dit tout le temps que « ça se raconte pas vraiment » mais il peut en parler pendant des heures! On le voit en plein effort, à l'avant, avec son ami et partenaire de canot, Paul. Cet été-là, ils étaient partis 6 gars, 3 canots, et comme à chaque fois qu'ils ont « descendu » une des rivières du Nord, l'Harricana, la Pontax, la Broadback et la Rupert, ils en sont revenus grandis, transformés par tout ce qu'ils y ont vécu et qui « se raconte pas vraiment ».

Et pourquoi je vous en parle aujourd'hui? Parce que nos amis sont actuellement en expédition de canot sur la Rupert. Cette fois, ils y sont avec les filles, Paul a pour partenaire sa Céline, mon amie, et Sylvain est dans le même canot que sa conjointe aussi. Crocodile Dundee a été très torturé ce printemps quand l'invitation est venue de refaire la Rupert, une dernière fois... et qu'il ne pouvait se libérer à cause de son travail. Torturé, il l'est encore ces temps-ci, d'ailleurs, ce matin, il regardait cette photo, il me disait où l'expédition doit être présentement.

Vous savez sûrement que la rivière Rupert est au centre des projets d'Hydro-Québec qui viendront transformer à jamais le cours de nos plus belles rivières pour produire des mégawatts qui seront vendus à l'étranger. Vous pouvez lire sous le lien « Révérence Rupert », dans la marge de droite, l'histoire et les faits qui entourent le projet et la réalisation prochaine de ces méga centrales hydroélectriques. Depuis le début de l'année, la décision est irrévocable, ça va se faire, qu'on le veuille ou non. Les Québécois n'en ont pas beaucoup entendu parler ou alors, ils ne s'y sont pas intéressés suffisamment, peut-être aussi que l'idée a été vendue par des experts en manipulation de l'opinion publique, et sûrement que toutes ces raisons ont été conjuguées pour en arriver à cette décision qui semble laisser de glace la plupart des gens. Déjà, les travaux sont débutés sur la Rupert et des expéditions se sont organisées spontanément, de partout, pour la dernière fois, pour ceux qui sont amoureux de la Rupert et qui vont lui dire adieu.

Pour ma part, je n'en dirai pas plus long mais je n'en pense pas moins. Crocodile Dundee et moi, sommes membres de Révérence Rupert, même si nous n'avons pas pu militer autant que nous l'aurions voulu... Nous avons perdu cette bataille, même si 81 % des gens qui habitent ce territoire de la région Nord-du-Québec (des Autochtones de la nation Crie, surtout) avaient voté contre. Nous ne sommes pas contre la production de cette énergie propre et renouvelable, loin de là, mais il y avait d'autres façons d'arriver aux mêmes résultats, pour beaucoup moins cher, en privilégiant par exemple la réalisation du projet NBR (Nottaway-Broadback-Rupert) qui prévoyait plusieurs petites centrales hydroélectriques qui n'auraient pas dénaturé ces rivières complètement. Pourquoi ils n'ont pas privilégié ce projet plutôt? Parce que ça aurait pris plus de temps et que le temps, c'est de l'argent! À mon avis, dans cette affaire, on est très loin du développement durable...

Lors d'expéditions de canot sur ces rivières en eaux vives, on développe un respect immense pour l'eau, la rivière, la forêt, et ceux qui en vivent, selon des coutumes ancestrales et probablement un peu révolues. On ne mate pas la nature mais elle nous laisse passer si on la connaît bien. Les rapides sont classés de R-1 à R-5 sur les cartes, selon leur puissance et il appartient à chacun de décider s'il peut « le descendre » en canot ou alors, faire un portage ou de la cordelle, selon la manière qu'il se présente. Les décisions sont prises de manière solidaire, ce n'est pas le moment d'être téméraire et de se blesser, les communications sont inexistantes entre l'expédition et le reste du monde. On n'y apporte que l'essentiel, ce qui a fait dire un jour à Crocodile Dundee une phrase célèbre que les gars répètent depuis ce temps-là et qu'ils considèrent comme hautement philosophique : « À force de manquer de toutttttt, on manque de rien! »

Mon opinion est la suivante et vous n'êtes pas obligés d'être d'accord : Qu'on dénature ainsi la rivière Rupert, c'est grave, on porte atteinte au patrimoine québécois et, pire encore, à la nature, à notre mère, la Terre. J'en ai toujours été convaincue.

Au retour de l'une de ces expéditions, alors que j'attendais Crocodile Dundee à l'aéroport de Val-d'Or, l'avion d'Air Creebec en provenance de Waskaganish avait 5 heures de retard. J'avoue que ça m'inquiétait un peu et pour tromper l'angoisse, j'ai écrit cette chanson à l'endos d'un napperon de papier :

HO HÉ HO

Refrain :

Ho Hé Ho, mon canot
Amène-moi dans l'effort
Vers les eaux
Vives du Nord

Une rivière solitaire
Aussi vive que l'éclair
Toujours indomptée
Souvent passionnée
Comme un vent de liberté
Nottaway, Broadback, Rupert
Faudrait jamais de barrières
Qui viennent entraver
Toutes ces beautés
Des hommes me l'ont raconté

Refrain

Une rivière solidaire
De son ciel et de sa Terre
Sauvage escapade
Et douce bravade
Contre-courants et marées
Une rivière sans manières
Qui rassemble comme des frères
Au coeur de l'immense
La vie prend son sens
Pour ces hommes de liberté

Refrain

Quand vous entendrez dans les médias que l'on vend notre hydroélectricité aux Américains à fort prix, que tout va bien, que cette énergie propre et renouvelable nous enrichit comme Québécois, vous saurez aussi qu'on ne vous présente qu'un seul côté des choses.

samedi 11 août 2007

Eau feu!









Ces photos, je les ai prises mardi de cette semaine, il devait être environ 16 heures. Mon bureau est chez moi, j'y suis installée pour tout voir. Je travaillais à un dossier pas si urgent, pour une fois, lorsque j'ai entendu un grondement sourd qui s'approchait de plus en plus. J'ai reconnu tout de suite ce grondement familier, c'était celui d'un CL-415 de la Sopfeu, ces avions qui combattent les feux de forêt. J'ai abandonné illico mon travail pour aller dehors, sur les balcons et sur le quai, suivre les manoeuvres fascinantes de ceux qui font un travail que je considère comme de la plus haute importance.

Ici, au lac Dufault, nous sommes habitués à ces avions citernes qui viennent puiser à même le lac des tonnes d'eau qu'ils lâchent ensuite de manière très précise, stratégiquement, aux endroits où le feu sévit. Idéalement, quand ils attaquent au début, ils peuvent éviter la catastrophe, sauver des hectares et des hectares de forêt. Les gens de Sopfeu, les pompiers de la forêt, travaillent en équipe : l'avion pointeur vole beaucoup plus haut que le CL-415, il a une vue d'ensemble de la situation, coordonne les interventions, celles du ou des avions citernes et celles de l'équipe au sol.

Les pilotes de ces avions citernes doivent savoir maîtriser plein de choses à la fois, je me suis laissé dire qu'ils étaient les meilleurs de tous les pilotes. Ils passent leur temps à faire ce qu'on appelle du « touch and go », c'est-à-dire qu'ils aterrissent presque sur le plan d'eau le plus proche du lieu de la catastrophe, qu'au moment très précis où ils touchent l'eau, ils ouvrent les réservoirs qui s'emplissent d'eau pendant quelques secondes, puis, ils prennent de l'altitude juste assez pour se rendre déverser le contenu du réservoir là où ça brûle. Ils recommencent inlassablement cette manoeuvre jusqu'à ce que l'avion pointeur donne l'ordre de cesser l'attaque massive.

C'est à ce moment qu'intervient l'équipe au sol. Ces hommes, parce que ce sont en général des hommes mais il y a aussi quelques femmes, sont formés pour intervenir après l'attaque massive du CL-415. Ils savent repérer rapidement tous les moindres points d'eau, y installent rapidement leurs pompes et arrosent, font des tranchées, connaissent bien aussi les réactions du feu, conjugués aux éléments comme la chaleur, la foudre, le vent, le temps sec, et tout ce qui aura un impact sur leur travail. Ils ne comptent pas les heures, ils combattent l'ennemi, ils savent la valeur de la forêt, ne sont jamais téméraires mais solidaires, de leurs compagnons de travail d'abord, de la forêt ensuite.

Ce jour-là, mardi, 41 incendies de forêt sévissaient dans notre région. Rien qu'autour de Rouyn-Noranda, 3 ont nécessité l'intervention rapide des sapeurs de la Sopfeu. Le temps chaud et sec, sans pluie, fait monter l'indice d'inflammabilité parfois de façon dramatique et dans une région comme la nôtre, nous suivons ces données de l'actualité comme d'autres ailleurs s'intéressent aux indices de la bourse, du smog ou du niveau d'eau dans les rivières qui menacent de déborder. Il s'agit de notre barème à nous, celui qui a un impact sur nos vies quand on habite une région où la forêt constitue une richesse autant qu'une façon de vivre.



lundi 6 août 2007

Mais où sont passés MES bleuets?



Ah là, j'ai ben de la peine... De la grosse peine... (soupir). D'abord, je vous présente mes photos, prises l'été dernier, début août, à notre campe à Rapide Deux, évidemment. J'aime tellement cueillir les petits fruits de l'été que quand je trouve une belle grosse talle, des fois je la pose avant de la ramasser! Et quand on fait une belle cueillette, j'appuie encore sur la gachette de mon appareil, comme pour me rappeler tout ça durant l'hiver. Non, je ne suis pas équilibrée du tout en ce domaine et je l'assume. Vous voyez la récolte? C'était le fruit (!) d'un seul après-midi. Je ne croyais jamais que je pourrais vivre un jour une pénurie de MES petits fruits de la forêt, la nature a pourtant toujours été si généreuse jusqu'ici...

Mais il m'a fallu en fin de semaine me rendre à l'évidence : Pas de petits fruits cette année!

Au temps des tites fraises, fin juin, j'avais connu une déception mais je ne vous en avais pas parlé, je me contenais encore, je ne comprenais pas ce qui était arrivé à mes tites fraises entre la fin de semaine où je les avais vues, blanches, un peu roses, riches de promesses... et la fin de semaine d'ensuite où elles étaient toutes disparues comme par enchantement. J'y suis retournée par la suite pour tâcher de m'expliquer à moi-même ce qui avait pu se produire. Crocodile Dundee m'a montré beaucoup de pistes d'ours dans ma talle et alentour, ce qui laissait croire qu'ils avaient cueilli avant moi, pendant la semaine, mes petits fruits préférés. Je me disais qu'ils avaient la priorité, après tout, eux, ils doivent survivre, ils ont plus d'ancienneté que moi dans la forêt et comme ils ne travaillent pas la semaine...

Puis, le temps des framboises est venu. En fait, là, on est en plein dedans. Je me gardais la surprise pour samedi, il y a tellement de belles talles de framboises près du campe et le territoire est grand. J'allais « revaucher » ça, remplacer mes tites fraises par des framboises. Deuxième déception. Il y en a bien une ou deux de temps en temps pour y goûter sur place mais les talles sont ratissées par les ours, qui sont passés avant nous encore une fois et ne nous ont rien laissé.

D'ailleurs, mon frère qui a son campe à 1 kilomètre du nôtre a eu la visite d'une mère ours et son petit la semaine dernière, ces ours désespèrent tellement de se trouver de la nourriture qu'ils s'approchent des camps, chalets, résidences et autres lieux où il y a des odeurs de cuisson ou présence d'humains et donc, de nourriture. La mère ours et son petit ont déguerpi en vitesse quand mon frère leur a lâché son grand cri primal et ils ont emporté avec eux dans leur fuite les pantalons de mon neveu qui séchaient sur la corde à linge de fortune! On n'a jamais retrouvé les pantalons! J'ai demandé à mon neveu s'il n'avait pas oublié des bonbons dans ses poches mais non, il m'affirme qu'il n'y avait rien du tout dans ses poches...

Moi aussi, la semaine dernière, alors que j'étais dans le bateau, j'ai pu prendre en photos une grosse maman ours et ses deux petits sur le rivage, à quelques kilomètres de nos camps. Samedi matin, alors que j'étirais mon café en regardant dehors, j'ai vu passer un gros ours, tout seul, au bout de la rivière. Partout autour du campe, on voit des traces de leurs passages, ils défont même les vieilles souches pour trouver les fourmilières, etc. Mais les ours ne sont pas responsables de cette pénurie de petits fruits cette année. Comme moi, ils en sont plutôt les victimes!

À partir de vendredi soir, avec Crocodile Dundee, on a fait le tour de toutes nos talles des années passées. Rien. Ou si peu. J'en revenais pas. Nenon, nenon, je n'allais pas baisser les bras, m'avouer vaincue, c'est sûr que 2007 ne passerait pas à l'histoire comme une année à bleuets mais il y a toujours bien des maudites limites. Nous sommes repartis à la chasse aux bleuets samedi, à des endroits vraiment garantis à 100 %, nos talles secrètes. Rien. Hier matin, dernier essai, on allait jusqu'au bout de nos sentiers, inspectant les flancs de montagnes, les côtés plus au sud, protégés par des gros arbres, tout, tout, tout. Nous sommes revenus déçus avec nos paniers vides. Ben... disons que, pour être vraiment franche, un petit fond tout maigrelet, pauvre, juste assez pour une mini collation.

Maintenant, je vous le confirme, en 2007, je serai privée de mes plaisirs de l'été. La même chose se produit sur nos îles du lac Dufault, où j'habite. Sur les 103 îles de notre lac, il y en a quelques-unes qui portent le nom de « l'île aux bleuets » et laissez-moi vous dire qu'elles portent bien leur nom, habituellement. J'avais coutume, parce que j'étais dans l'abondance, de faire cadeau de bleuets frais à ceux et celles, personnes âgées surtout de mon voisinage, qui raffolaient d'en manger des frais, des gros, des sucrés naturellement par le soleil. Et j'en faisais des réserves, des antioxydants à la tonne (ou presque) dans mon congélateur. Qu'est-ce que je vais donner à mes vieux? Qu'est-ce que je vais mettre dans mes muffins cet hiver?

Nous avons fini par éclaircir le mystère, la vraie raison de ces pénuries de petits fruits cette année dans notre région est la suivante : Il y a eu gel au sol au mauvais moment, quand les plants sont en fleurs. En fait, il avait fait très chaud en mai, les plantes de la forêt avaient « pris de l'avance » alors, quand le gel s'est produit, les conséquences ont été désastreuses.

Ça fait que c'est pour ça que j'ai ben de la peine... Mais si je veux me consoler, il y a toujours une note d'espoir, mon dernier espoir. Vers la mi-septembre, j'irai au bout de notre territoire, là où il y a une tourbière... et des canneberges sauvages, qu'on appelle aussi des « atocas ». C'est quand même bon dans les muffins, plein de vitamines et on peut les cueillir par une température confortable. Souhaitez-moi au moins des atocas cette année!

jeudi 2 août 2007

Un show drôle... qui m'a presque fait pleurer


J'ai pris cette photo hier après-midi, à Authier, alors que j'assistais avec ma voisine et sa tante à une pièce de théâtre dans une grange, en face de L'École du rang II d'Authier. Cette pièce était présentée pour l'avant-dernière fois et je voulais absolument la voir parce qu'elle raconte la vie, le quotidien des pionniers de l'Abitibi-Ouest dans les années 40, mes parents étant arrivés ici en 1941 dans le cas de mon père et en 1942 dans celui de ma mère. On voit sur ma photo les trois musiciens qui nous divertissaient avant le début de la pièce, parce que les portes de la grange ouvrent toujours une heure avant.

Nous avions une heure de route à faire, à partir de Rouyn-Noranda, pour nous rendre sur les lieux du site historique « L'École du rang II d'Authier ». Et parce que nous connaissons François, le comédien qui campe avec brio le rôle principal de Joachim, on avait eu le conseil de se rendre assez d'avance pour trouver de bonnes places assises, surtout que des musiciens d'une même famille savaient mettre une belle ambiance en attendant le début du spectacle théâtral.

En complémentarité avec L'École du rang II, située juste en face, ce théâtre interactif relate avec humour, les mercredis et dimanches après-midi, le quotidien de ceux qui ont bâti notre région, encore si jeune. Le spectacle se déroule dans une grange où l'on a mis des bancs, des estrades de fortune, un décor tout simple, des costumes d'époque, il ne pouvait en être autrement... Pourtant, il se passe vraiment quelque chose là puisque, hier encore, par une chaleur torride de 34 degrés avec un taux d'humidité à faire fondre le Pôle Nord, la grange était pleine à craquer et je n'ai pas pensé une seule minute à m'en aller...

Déjà qu'en Abitibi-Ouest, chaque fois que j'y vais, je sens quelque chose de très familier. Je reviens sur les chemins de mon enfance en quelque sorte. Dans chaque visage, je crois reconnaître un ancien voisin, un cousin éloigné, une collègue de travail, une connaissance, quelqu'un qui était dans ma classe à la petite école et ce n'est pas mon imaginaire, on me salue et on me sourit souvent, familièrement, je m'y sens chez moi, comme l'enfant que j'étais, que je suis toujours en fin de compte.

Avec 30 minutes d'avance, on n'était pas trop tôt. On a eu du mal à trouver des places, tellement que j'ai laissé Danièle et sa tante s'asseoir ensemble et j'ai cherché une place ailleurs. Pas facile. Finalement, au bout d'un banc de métal, un monsieur qui ressemblait à mon grand-père maternel m'a accueillie d'un geste et d'un sourire, en se collant autant qu'il pouvait du côté de sa femme et j'ai pu m'appuyer une fesse plus que m'asseoir véritablement, mais avec un tel accueil, c'était quand même confortable!

J'ai été conquise par la musique à la minute où nous sommes sorties de la voiture. Ça m'attirait comme un aimant très puissant. Ils jouaient les mêmes chansons que j'ai entendues toute mon enfance, mes oncles, tantes, cousins, cousines se rassemblaient toujours autour de ces instruments de musique faciles à transporter. Ils communiquent toujours ainsi, ils s'aiment comme ça, à travers leurs chansons. Je reconnaissais les reels à mon oncle Jos, à Cyrice, à Lauréat, les vieilles chansons à ma tante Marie-Louise, ma tante Flavie, à Grand-Maman, les guitares à mon oncle Marcel, mon oncle Paul, ce que Papa jouait à l'harmonica, les rares fois où il en jouait, mais par-dessus tout, je voyais l'harmonie qu'il y avait entre eux quand ils jouaient ensemble, ces sourires, ces connivences, ces regards qui disent tout...

Moi qui ne pleure jamais, j'étais émue à en avoir les yeux pleins d'eau, j'étais mal à l'aise, pourtant, je n'aurais pas voulu être ailleurs. La dame à l'accordéon avait l'expression de ma tante Marie-Jeanne. Les deux messieurs qui jouaient de la guitare ont raconté que quand ils étaient petits, ils étaient pauvres et n'avaient qu'une seule guitare pour toute la famille, que leur mère leur avait « fait venir » du catalogue de Dupuis et Frères, à 2,95 $, alors, ils nous ont joué à quatre mains sur la même guitare un morceau de musique tellement beau... Ils étaient touchants, presqu'enlacés, ces deux costauds-là, tellement complices.

J'étais hypnotisée, subjuguée par ces deux frères, leur musique, et je me concentrais pour ne pas pleurer en dehors parce qu'en dedans, je pleurais doucement... de bonheur, d'une certaine nostalgie aussi, d'un passé qui m'a beaucoup marquée et qui me nourrit encore. Ils ont achevé cette musique en se serrant la main, en se souriant, gênés et émus par nos applaudissements, puis ils ont entamé la suivante : « J'avais 20 ans pour les yeux d'une femme, Un mot d'amour faisait battre mon coeur, Pour être aimé j'aurais vendu mon âme, Et de mon sang j'eus payé ce bonheur, Je vous voyais mesdames toutes belles, Je confondais l'automne et le printemps, Je vous croyais et vous étiez si belles, Comme je voudrais avoir encore 20 ans... »

Grand-Papa chantait ça... Je le revoyais encore, dans le petit salon de la maison du rang VII à La Sarre, sa maison toujours trop petite, ouverte à tous, qui débordait de monde et de musique, comme la grange d'Authier. Et comme pour ajouter à mon émotion, le monsieur à côté de moi qui ressemblait à Grand-Papa, chantait avec les musiciens, il connaissait bien les paroles de J'avais vingt ans, il avait une si jolie voix... Je sais qu'il a senti mon trouble, j'entends parfois ce que les gens ont dans le coeur, il se tassait sur sa femme et me laissait une plus grande place. J'ai presque failli le prendre dans mes bras!

J'avais beau être venue pour la pièce de théâtre, je ne voulais pas que les musiciens s'arrêtent. Pourtant, il a fallu, il était 14 heures, on s'apprêtait à nous raconter notre histoire. J'ai beaucoup ri pendant le show, à voir ces comédiens magnifiques, complètement dans la peau de leurs personnages, interagir avec le public qui participait avec intelligence et humour également. Le décor, tout simple, les comédiens, brillants, le texte, d'une simplicité et d'une authenticité rare, c'était chez nous, à nous, on se reconnaissait. Ma région, à l'image de cette pièce de théâtre dans une grange, je la trouve attachante, drôle, tendre et si facile à aimer qu'elle me bouleverse parfois...

Ah oui, j'oubliais... Toujours à l'image de la région, ça ne coûte rien pour entrer dans la grange, assister au spectacle. En plus, on nous donne un coupon à l'entrée, avec un numéro et à la fin, on fait le tirage de prix de présence. Hier, c'était des pains de ménage, la semaine dernière, du sucre à la crème, la semaine d'avant, des sublets, comme ceux que Papa me fabriquait quand j'étais petite. Les comédiens ont passé le chapeau à la sortie, je leur ai donné tout ce que je pouvais, j'ai vu de beaux billets dans les chapeaux. Ma région, elle est très généreuse aussi, elle donne sans compter, souvent beaucoup plus qu'elle ne reçoit, c'est ce qui fait qu'on l'aime, qu'on devrait aller la voir plus souvent.