jeudi 24 octobre 2013

Le fébrile Festival


Page couverture de L'Indice bohémien, notre magazine culturel en Abitibi-Témiscamingue. Cette photo (une signature de Christian Leduc) nous présente trois gars qui ont une histoire et des passions communes en lien avec le Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue dont la 32e édition se tiendra du 26 au 31 octobre : Éric Morin, réalisateur de Chasse au Godard d'Abbittibbi, Alexandre Castonguay, comédien et artiste à temps plein qui tient l'un des trois rôles principaux dans Chasse au Godard, et le rôle principal dans le premier long métrage du réalisateur Dominic Leclerc, Alex marche à l'amour. 


Je vous avais raconté l'année dernière mon expérience de deux jours de tournage sur le film Chasse au Godard d'Abbittibbi. Ici, j'étais au CCM (costumes, coiffure, maquillage) comme beaucoup d'autres femmes qui devaient jouer ce jour-là des troisièmes rôles, désignés sous l'appellation des « femmes Moose ». L'histoire du film se passe en 1968. 


Toujours sur le tournage de Chasse au Godard d'Abbittibbi, voici ma gang avec laquelle on avait eu tant de plaisir : les femmes Moose. On ne nous verra probablement pas beaucoup dans le film, nos rôles sont très accessoires à l'histoire mais nous y avons contribué de notre présence comme beaucoup d'autres personnes d'ailleurs, puisque le film a été tourné entièrement à Rouyn-Noranda tout le mois de février 2012. Les rôles principaux sont incarnés par Sophie Desmarais, Alexandre Castonguay et Martin Dubreuil. 

Le fébrile Festival

Chaque année, à ce temps-ci de l'automne, je vous fais mon petit topo sur le Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue. Je l'appelle « MON » Festival parce que je l'aime depuis longtemps et que j'y ai déjà travaillé aux communications, en l'an 2000, lors de la 19e édition. J'en garde un souvenir ému et toujours très excitant. Cette année-là, je n'avais pas vu de films mais j'avais vécu « MON » Festival de l'intérieur et croyez-moi, avec 267 médias à alimenter en plus des équipes de télévision qui passaient la semaine à diffuser leurs quotidiennes en direct de Rouyn-Noranda, c'était pas reposant!  

Pour cette 32e édition à nos portes, je me sens fébrile pour de multiples raisons. D'abord, c'est la première fois que j'ai acheté mon passeport complet ainsi que mes billets pour la soirée d'ouverture, qui présente en première nord-américaine Chasse au Godard d'Abbittibbi, film dans lequel je verrai peut-être ma grosse face (à moins qu'on m'ait coupée au montage, ce qui ne m'étonnerait pas!...)  mais j'y verrai aussi Crocodile Dundee (de son vrai nom Gilles Rivest) dans le rôle d'un mineur révolté ainsi que Isabelle Rivest, notre fille, dans le rôle d'une serveuse pas achalée dans une taverne. Beaucoup de nos amis et connaissances ont aussi accepté de jouer le jeu et participer à ce tournage, soit comme troisièmes rôles ou comme figurants mais Alexandre Castonguay, dans le rôle de Michel, crèvera l'écran, j'en suis assurée, tout comme Sophie Desmarais d'ailleurs et Martin Dubreuil. Alex est un ami de notre famille et surtout un ami très proche de « mes enfants ». 

Le propos du film d'Éric Morin part d'un fait réel, une anecdote tout à fait vraie, lorsque Jean-Luc Godard (cinéaste français de réputation internationale) en 1968, a fait un passage inattendu à Rouyn-Noranda, pour y faire des expériences politiques et télévisuelles. Éric Morin est parti de ce fait véridique pour faire évoluer son film vers la question identitaire et le fameux dilemme que vivent souvent les gens dans des régions comme les nôtres : Partir ou rester?  J'ai trouvé cet article très intéressant à lire dans L'Actualité, si ça vous intéresse. En plus, on peut y voir la bande-annonce : 

http://www.lactualite.com/opinions/le-blogue-culture/chasse-au-godard-dabbittibbi-ouvre-le-festival-du-cinema-international-en-abitibi-temiscamingue-rencontre-avec-le-realisateur-eric-morin/

Et si je reviens à la fébrilité de la soirée d'ouverture du Festival, nous sommes tout un groupe d'amis qui allons souper ensemble juste avant et ensuite nous nous rendons au Théâtre du Cuivre pour la projection, tous assis ensemble, on avait réservé nos billets en même temps!

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L'autre film qui m'interpelle aussi fébrilement sera présenté le lendemain, donc le dimanche après-midi (toujours l'un des moments forts du Festival, le dimanche p.m). le premier long métrage Alex marche à l'amour, du réalisateur Dominic Leclerc. Juste au cas où vous ne le sauriez pas, si je prends ça aussi personnel, c'est que Dominic est notre beau-fils, notre presque fils, le mari de notre fille, le père de notre petite-fille Félixe. Son film est présenté au FCIAT en grande première mondiale, même s'il est déjà sélectionné en compétition pour un autre Festival international du documentaire qui se tiendra plus tard, en novembre. Je prédis à son film une belle carrière! 

Dans Alex marche à l'amour, Alex, c'est Alexandre Castonguay, comédien, « qui prend la route pour un pèlerinage poétique sur le territoire de l'Abitibi-Témiscamingue. Marchant plus de 700 km en ce mois de juillet propice à la chaleur des rencontres nécessaires, l'artiste en quête existentielle, se laissera guérir par ces paysages, ces hommes et ces femmes, défilant au rythme des mots de Gaston Miron ». Voilà  ce qu'on en dit en résumé dans la programmation. Pour s'en faire une petite idée, voici la bande annonce : 

http://dominicleclerc.com/video/66616725

Je n'ose pas vous en dire plus, parce que je suis trop proche de ce film-là, j'aime trop Dominic, comme homme et comme artiste. Je sais tellement l'importance de voir aboutir un projet sur lequel on travaille depuis si longtemps, de toute son âme de créateurs, d'artistes ouverts au monde mais bien enracinés dans son environnement, (je parle de Dominic et d'Alexandre) dans cette quête universelle qu'on a au dedans de soi, plus puissante qu'on se l'imagine, les difficultés rencontrées, les coups de coeur, les coups de chance, les secrets de tournage, les liens qui s'approfondissent tout au long de la production, les rencontres fortuites et formidables, etc. Le propos de ce film est aussi pas mal mon credo mais cette fois, il est incarné par les talents conjugués de Dominic et d'Alexandre, l'attachement profond à cette région, un territoire immense et encore à s'approprier pour le meilleur et pour le pire, des gens ordinaires qui deviennent extraordinaires par leur engagement et leur authenticité, leur goût d'aller vers les autres et l'Abitibi-Témiscamingue y tient un grand rôle... 

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Bien au-delà de ces deux films, la 32e édition du Festival nous réserve des moments forts et des petits trésors pendant 6 jours : 16 longs métrages, 81 courts ou moyens métrages, 37 animations, en provenance de 26 pays. Nous aurons droit à 49 premières : 16 mondiales, 12 nord-américaines, 9 canadiennes et 12 québécoises. Tout au long de cette semaine formidable, il y a des spectacles, des soirées, de la musique, des lancements, une tournée, des expositions, des tables rondes, et plein d'activités spéciales, toutes très liées au monde du cinéma, de la création et de la vidéo. 

Comme toujours, on attend de la belle visite! Parce que le cinéma, en fin de compte, ça signifie des rencontres... 

Pour en savoir plus sur le Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue : www.festivalcinema.ca 


vendredi 18 octobre 2013

Récolte d'automne


Voici ma watch (le mot français est mirador) au matin de l'ouverture de la saison de chasse à l'orignal, le samedi 12 octobre dernier. À cet endroit, au fil des années, j'ai pu y observer et y entendre des orignaux, loutres, castors, hérons, rats musqués, canards, des vols d'outardes, une pygargue à tête blanche, même un ours une fois, un lynx une autre fois et je ne compte plus les écureuils, tétras, gélinottes, lièvres, etc. 


Juste avant de monter dans ma watch, j'ai remarqué ce matin-là cette souche où poussent des ti thés qu'on peut faire en tisanes ou encore de mâchouiller les petites feuilles qui goûtent le Wintergreen ou encore le paparmanne rose! 


Une fois montée dans ma watch, si je regarde vers la droite, c'est ce que j'aperçois, la rivière qui rétrécit et qui serpente jusqu'à devenir un ruisseau un kilomètre plus loin. 


Et si je regarde à gauche, mon regard est attiré vers le bras de rivière qui nous mène au carrefour des rivières des Outaouais et Darlens. En canot ou à vol d'oiseau, à un kilomètre d'ici, il y a le campe à mon frère Yves. C'est ce qu'Isabelle avait pagayé en canot en ce beau samedi matin ensoleillé et frais, espérant apercevoir « la bête lumineuse ». J'ai capté cette photo d'elle à son retour. 


J'ai zoomé autant que j'ai pu. Elle est belle, notre fille... Au dehors comme au dedans... 


Je ne lui reconnais pas cette expression. Ou plutôt oui, je la reconnais, c'est celle de son visage de petite fille qui a peur. Et puis elle rame vite, elle ne semble pas aussi zen que je croyais qu'elle serait au retour de sa sortie en canot...


Habituée qu'elle est de ramer avec des coups en J pour diriger le canot en même temps qu'elle avance, ses coups de rame sont francs et précis mais je la trouve songeuse et elle balaie du regard le rivage constamment. Elle ne m'a pas vue. 


Elle approche du quai, je saurai très bientôt ce qui l'inquiète. La forêt est si calme et silencieuse qu'il ne me viendrait pas à l'idée de lui crier que je suis là, tout près, bien camouflée, dans ma watch, à la croquer sur le vif... 


Elle arrive au quai, prend son temps pour faire les manoeuvres sécuritaires d'accostage, je prends cette dernière photo et je descends doucement de ma watch pour aller à sa rencontre. « Maman, j'ai vu un ours sur le rivage juste de l'autre bord de la pointe à Noémie! » et moi, je lui réponds : « Pas encore un? Il y en a tellement ici... » et personne ne les chasse, donc ils prolifèrent. 


Dimanche matin, je me suis amusée longuement à suivre et essayer de déjouer le tétras mâle qui voulait m'impressionner en déployant ses plumes. Bah, je peux bien m'en faire accroire si je veux, je sais très bien que ce sont les femelles alentour qu'il voulait séduire! Mais elles s'en fichaient royalement, les cocottes, c'était drôle de les voir si indépendantes et indifférentes. Bravo les filles, ne vous laissez pas impressionner par ce petit arrogant! (On peut cliquer sur les photos pour mieux voir les détails). 


Lundi matin, 7 h 32, à deux kilomètres du campe, dans une autre watch près d'une saline, Dominic a abattu son gibier d'un seul coup de feu. Foudroyant. Ce petit mâle de 2 1/2 ans n'a jamais su ce qui lui arrivait. Aucune souffrance. En voilà un que les ours et les loups n'auront pas. Le dernier orignal abattu chez nous, c'était à l'automne 2009. Je m'excuse si cette photo vous choque mais je considère que de prélever un orignal par 4 ans ne fait pas de nous des prédateurs si terribles lorsqu'on se compare aux loups et aux ours qui ne font pas le travail aussi proprement. 


Ça s'est passé là. Il faisait beau. Crocodile Dundee a tout vu, tout entendu, tout vécu de près, il était dessous la watch avec son appareil photo. Mais il n'a pas pris de photo de ce moment-là. Il a plutôt pris son gendre dans ses bras et l'a soulevé comme une plume. Ils ont dansé... en silence... Ils étaient fous de joie, les deux. Et tellement habitués à ne pas faire de bruit! 


On se communiquait par radios lorsqu'il le fallait, en chuchotant bien entendu, les cinq chasseurs que nous étions (trois chassaient les images, deux chassaient l'orignal). En apprenant la nouvelle, Isabelle et moi, on est allés les rejoindre sur les lieux en apportant tout ce qu'il fallait, en plus de la bouteille de champagne que Dominic avait apportée au cas où... Mais il y avait tant de travail à faire sur place qu'on a attendu d'être revenus au campe pour faire sauter le bouchon! 


On a passé la journée à se raconter toutes nos histoires, à s'occuper des quartiers de viande à transporter, suspendre, nettoyer avec du vinaigre, saupoudrer de poivre noir, emballer dans du coton à fromage, etc. D'autres membres de notre famille sont venus célébrer l'événement et y prendre part avec nous durant l'après-midi : mon frère Yves, Anne-Marie son amoureuse, le petit Adam qui a l'âge de Félixe, 4 1/2 ans, et ma mère qui aura bientôt 82 ans, qui était tellement fière elle aussi. On a soupé très tard ce soir-là, on était contents comme ça se dit pas. On passe notre temps à semer sur ce territoire et là, enfin, on récoltait. C'était le Jour de l'Action de Grâces. On a dit « Merci la vie » et comme les Algonquins, on a remercié l'orignal de nous avoir donné sa vie pour nous nourrir pendant toute une saison. 

Récolte d'automne

Moi, je raconte des histoires. Je ne sais pas les inventer, alors j'en raconte des vraies. Vécues. Avec des photos qui racontent mieux que moi.  

vendredi 11 octobre 2013

Qui va à la chasse...


La plupart y vont pour cette raison-là. (Photo prise à l'été 2010 tout près de notre campe).


Ou celle-là. (Photo faisant partie d'une série de 58 clichés que j'avais pris par un bel après-midi d'été, le 25 juillet 2011, tout près du campe à mon frère Yves, à un kilomètre du nôtre). 


Ou encore celle-là (photo prise par une caméra espion, une femelle et ses deux petits au printemps). 


Mais pas moi. J'y vais plutôt pour des raisons comme celle-ci. (À l'aube du premier matin de chasse, dans ma watch, armée de mon appareil photo, deux piles gonflées à bloc, prête à faire... clic! et re-clic!...)


Marcher dans les sentiers, humer les parfums secrets de la forêt boréale... 


Faire d'heureuses rencontres...


Vivre de bons moments... 


Se retrouver tous autour de la même table à l'heure des repas... Partager tout ce qu'on a vu, entendu et vécu, se raconter nos histoires, celles de la forêt comme celles d'en ville qu'on prend le temps d'écouter et de raconter jusqu'au bout. 

Qui va à la chasse...

... Perd sa place! Vous la connaissiez celle-là, n'est-ce pas? Eh bien cette marotte est fausse! Qui va à la chasse ne perd pas sa place, bien au contraire. S'il y a un événement annuel auquel j'ai l'impression d'être à ma place, c'est bien la saison de la chasse en Abitibi-Témiscamingue. 

Dans la zone 13 où nous sommes, la chasse ouvre cette année le samedi 12 pour se terminer le 27 octobre. Mais je n'y vais pas tout ce temps-là. 

Cette saison de chasse sera très particulière pour nous, pour des raisons que je ne me permettrai pas d'évoquer ici parce que la révolte et l'incompréhension m'habitent encore beaucoup trop à la suite d'injustices commises par des agents de la faune qui croyaient dur comme fer au scénario qu'ils avaient échafaudé et qui a fait deux victimes lors d'un procès bâclé qui s'est déroulé le 12 février 2013, qui n'a jamais abordé les faits proprement dits mais qui s'est concentré uniquement sur des technicalités juridiques. Je vous avoue que je dois travailler fort là-dessus pour retrouver une certaine sérénité quand je vais en forêt.  Il y aurait tout lieu de paranoïer pour moins que ça!

Crocodile Dundee est parti tout à l'heure avec plein de bagages et des glacières remplies de bonnes choses. Il va porter un premier voyage au campe et du même coup, il va à la rencontre de notre beau-frère Robert qui arrivera à 11 heures à la marina, directement de Ste-Anne des Lacs, dans les Laurentides. 

Isabelle, Dominic et moi, on partira vers 13 heures de Rouyn-Noranda, puisqu'ils terminent tous les deux leur travail à midi. On ira rejoindre Crocodile Dundee et Robert qui nous attendent à 15 heures à la marina. Huit minutes plus tard, en bateau, on sera tous rendus au campe, fébriles et contents, à faire des projets et des prédictions pour les prochains jours. Et on annonce beau, des températures estivales même!

J'ai mon appareil photo tout prêt. Crocodile Dundee aussi. Le sien est plus performant que le mien, il peut zoomer jusqu'à 30 fois, faire de la vidéo, etc. Je lui ai fait ce cadeau que je considère comme une mince consolation. Un juste retour des choses puisqu'il m'avait fait cadeau de celui que j'ai depuis 3 ans, sur mesure pour ce que j'aime faire. Il avait comploté avec son gendre pour me faire le plus beau des cadeaux, deux gars dévoués, prêts à tout pour me faire plaisir, l'un qui me connaît mieux que personne et l'autre qui est un artiste de l'image qui me connaît pas mal aussi!

Isabelle ne chassera pas non plus, elle accompagnera son chasseur de mari. Robert est un bon chasseur, il l'a prouvé depuis longtemps. Il connaît absolument tout de l'orignal, il a même fait son doctorat là-dessus. 

Par mesure de précaution, j'ai acheté tous les permis qu'il fallait, petit gibier et orignal. Je ne fais plus confiance aux autorités dans le domaine, ils peuvent aussi bien me coller une accusation s'ils me prennent en flagrant délit en train de cueillir des atocas ou des pousses de sapin, c'est pas mal leur genre. Et ils travaillent beaucoup avec des caméras-espions. « Souriez, vous êtes filmés »...

Donc, je serai partie quelques jours. Isabelle et moi, on revient lundi en fin d'après-midi, puisqu'elle retravaille mardi matin, mais les gars resteront dans le bois jusqu'à la fin de semaine prochaine. Deux qui chassent, un qui chasse pas. 

Gardez ma place au chaud, je vous reviens bientôt avec, souhaitez-le moi, de belles images. Je n'ai jamais pu photographier des orignaux l'automne... Ça manque à mon tableau de chasse!

jeudi 3 octobre 2013

L'ère de l'éphémère


Quelque part en 1993. C'était ma photo « officielle » d'écrivain public. Le photographe m'avait suggéré d'apporter un chapeau, une plume, quelques accessoires qu'il allait mettre en scène pour la séance de photos. Mon ami Jacks me parlait justement de cette photo dernièrement et je lui avais promis que j'allais la publier ici. Et je tiens toujours mes promesses... en autant que je m'en souvienne!

L'ère de l'éphémère

Il y a deux semaines environ, tous mes équipements informatiques ont lâché. J'avais du vieux stock, il faut dire. Probablement infesté de virus parce que pas suffisamment bien protégé. Mon ordinateur fixe et mon portable ont reçu le même diagnostic : passé date, plus réparable et pas compatible avec les autres. J'ai dû m'acheter du neuf, faire transférer mes fichiers tandis que c'était encore possible de le faire (il était moins une!...) et me voilà équipée d'un ordinateur fixe, version Windows 7, et d'un mini Ipad qui remplace mon portable. Je peine encore à me familiariser avec tout ça et j'ai toujours la tentation de dire que c'était mieux avant. Je ne suis pas si sûre que si mes équipements neufs suivent le courant il en va de même pour moi. 

Voici quelques faits vécus dans la dernière semaine : 

- Ma fille m'envoie un texto le matin à 8 heures mais je n'ouvre mon mini Ipad qu'en fin de journée et j'aperçois un message dont je reconnais l'origine par le numéro de téléphone. Je pense que je parle à ma fille et je lui demande si elle a pris mon message sur son répondeur. On me répond qu'est-ce qu'un répondeur, c'est passé de mode? Je réplique en disant que je n'avais toujours bien pas envoyé un papyrus et que le répondeur était fort pratique pendant la journée pour répondre à sa question de l'avant-midi. Après quelques échanges farfelus où mon interlocutrice fait juste de rire et ne comprend rien à ce que je raconte, je m'aperçois que je suis en train de texter avec mon adorable gendre qui me trouve drôle à s'en taper sur les cuisses. Il finit par me démêler, me dire qu'Isabelle n'est pas là mais qu'il lui dira d'écouter ses messages sur le répondeur et depuis ce temps, il m'appelle « Mamie 2.0 ». 

- À l'épicerie, là où tout le monde se parle d'habitude, dans le rayon des fruits et légumes, maintenant je vois plein de gens parler au téléphone, chacun dans son monde, un petit machin-truc greffé dans la main gauche et posé sur l'oreille pendant que la main droite accroche la laitue romaine, les tomates, les pommes, les bananes, etc. À l'ère des communications, moi j'appelle ça plutôt de l'incommunicabilité. 

- En attendant ma lumière pour traverser la rue hier, je vois de l'autre côté Christian qui s'en vient dans ma direction. Il y a tellement longtemps qu'on ne s'est pas vus, lui et moi. J'ai hâte qu'il arrive à ma hauteur, pour le saluer, lui faire un gros càlin et deux bisous, échanger quelques nouvelles. Mais Christian sourit à pleines dents,  il est ailleurs, tellement pas dans l'ici et maintenant, il parle à quelqu'un qui, visiblement, le fait sourire. Il passe à côté de moi sans me voir et je passe mon chemin sans le déranger. Encore l'incommunicabilité!

- Tout à l'heure, dans un café, en attendant mon amie Lise, je réalise que je suis 15 minutes à l'avance et toutes les personnes autour de moi, je dis bien toutes, sont sur leur Iphone, leur Ipad ou leur portable. Évidemment, l'endroit est Wi-Fi... L'ambiance est terne et monotone. Silencieuse. Aucun journal ne traîne sur aucune table. Je sors mon mini Ipad de mon sac à main, je me branche moi aussi et j'entre dans mon univers isolé des autres autour de moi. Je ne me sens pas bien. Je fais comme tout le monde mais je ne suis pas bien là-dedans. Mon amie Lise entre dans le café. Je ne la vois pas. Elle me dit : « Allo! Ça fait tu longtemps que t'es arrivée? » et comme si je venais de me faire prendre en flagrant délit, je m'empresse de fermer ma tablette! 

Comment se fait-il que j'ai l'impression qu'on n'a jamais si peu communiqué que depuis qu'on a à notre disposition tant d'outils de communication? Qu'on a jamais été aussi seuls que depuis qu'on a les moyens de rejoindre n'importe qui dans le monde à un clic de souris?  

Et pourtant... 

Nous sommes plusieurs à déplorer l'aspect éphémère, volatile et « formaté » de ce qu'on trouve sur les réseaux sociaux. Y a-t-il vraiment échange, rencontre, conversation, discussion? Non, pas souvent. Pour échanger, il faut qu'il y ait de l'écoute de part et d'autre. Si l'on disait auparavant que « Les écrits restent », on ne peut plus affirmer cela en parlant de ce qui s'écrit sur le web. 

Je ne suis pas la seule à avoir remarqué que plusieurs réflexions, commentaires, paroles ou ce qu'on appelle maintenant des « statuts » restent sans réponse, tombent dans l'oubli et sont vite remplacés par quelque chose de plus spectaculaire, avec des images et du son. Que beaucoup de courriels restent sans réponse. Que la politesse minimale d'antan qui voulait qu'on accuse réception d'un message n'a plus cours. Qu'on prend des centaines de photos avec nos appareils numériques mais qu'on ne les fait plus développer, qu'on ne fait plus d'albums, qu'on ne partage plus avec nos mères, nos frères et soeurs, nos enfants, nos amis. Non, on met ça sur Facebook! Notez bien qu'ici, « on » exclut la personne qui parle...

Je ne suis pas encore une personne âgée au sens où j'arrive très bien à être fonctionnelle dans la société où je vis. Mais à 56 ans, j'avoue que j'ai de la misère à suivre parfois. Je passe beaucoup de temps avec des personnes âgées de mon entourage qui sont loin de cet univers virtuel où tout est devenu instantané et digne d'être partagé, où les plus hardis exposent leurs états d'âme comme si c'était d'intérêt public. Où le flot immense et ininterrompu des paroles deviennent vite des dialogues de sourds. 

J'envie parfois les personnes âgées d'être à l'abri de cette « évolution » des communications qui nous plonge, sans qu'on le veuille, dans l'isolement le plus triste qui soit. Celui d'être seul dans la foule.