mardi 30 octobre 2007

MON Festival du cinéma


L'image que je vous présente ici est l'oeuvre de Patrick Gauvin qui vient illustrer la 26e édition du Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue. Dans cette métaphore entre le mineur et le projectionniste, « la vision du monde et de sa création se grave sur pellicule, mais dans les deux cas, l'individu est porté par sa recherche. Dans la même veine, le cinéaste devient mineur d'images, travaillant dans le noir, utilisant la lumière dans une perspective de découverte. »

MON Festival est débuté depuis samedi dernier et il se poursuit jusqu'à jeudi prochain. En soirée d'ouverture, Desjardins/Monderie présentaient le documentaire Le peuple invisible, où l'on raconte l'histoire des Algonquins, cette nation qu'on ne connaît pas, qui habite le territoire depuis plus de 5 000 ans. J'ai vu le film, je pourrais vous en parler pendant des heures mais je m'abstiendrai. Vous pourrez le voir sur vos écrans dès le 23 novembre prochain, partout au Québec. Je vous dirai seulement que ce film est percutant mais qu'il ne verse à aucun moment dans le sensationnalisme. L'histoire est vraie, bien documentée, difficile à croire mais elle a été racontée avec un grand respect pour les Algonquins. Vous vous ferez votre propre idée, je ne veux pas vous influencer, juste vous mettre en garde que ce film dérangera, qu'on ne voudra pas croire ce qu'on verra, qu'on en dira du mal aussi mais d'une façon très civilisée parce qu'on voudra se donner bonne conscience. Surtout chez les politiciens.

Mais revenons à MON Festival. Je l'écrivais à un ami dernièrement, MON Festival du cinéma, c'est ma fête, ma chasse, mon Halloween et mon Noël tout à la fois. Chaque année, à cette période, je suis prise d'une fièvre. Je n'achète pas mon passeport pour tout voir mais ça viendra un jour, je vous l'assure, quand j'aurai plus de temps. Avec ma gang de festivaleux, depuis 2001, on a notre tradition, on se paie le luxe de 4 blocs d'après-midi, du lundi au jeudi. Il y a mille façons de vivre ce Festival du cinéma international chez nous mais je vous parlerai de MON Festival à moi.

D'abord, on se donne rendez-vous dans un resto différent chaque jour, à 11 h 30. Là, on se commande un verre de rouge, un petit gueuleton, il faut manger léger, il n'est pas question qu'on s'endorme pendant les projections!

Le premier jour, on s'organise un peu, on est énervés, fébriles, on s'échange les anecdotes, les potins, on se met dans l'ambiance, on partage nos impressions et nos coups de coeur. Comme hier, c'était le jour 1. Jean me voit arriver avec ma programmation du jour toute détaillée, bien découpée, pliée soigneusement, il dit : « Bon, là v'là qu'elle fait encore sa première de classe, elle! » et je lui réponds du tac au tac qu'il sera bien content que je sois si organisée et que je réponde à ses questions parce qu'il passe son temps à m'en poser entre chaque film. Ça donne le ton à cette 26e édition. Mais on s'adore! Jolyne en avait long à raconter sur sa soirée d'ouverture, elle a pris une semaine de vacances, déjà vu d'excellents films de partout dans le monde et vu les yeux éblouis des enfants, dimanche matin, lors du Ciné-muffins, où elle était en support, avec d'autres bénévoles. On a des choses à se raconter à profusion mais on a hâte aussi de retrouver les autres. Alors, à 12 h 45, on paie l'addition et on s'en va à la hâte au Théâtre du Cuivre. On fume en s'en allant. Pas question d'arriver en retard, même qu'il faut être en avance pour trouver des places assises ensemble. Nos noms ne sont pas sur nos bancs mais presque. On retrouve Fernand, bisou, bisou, Gisèle, toute discrète qui nous sourit, bisou bisou, France, l'inconditionnelle, avec sa soeur et bien d'autres. De vraies retrouvailles!

13 heures. Le réalisateur/trice viendra parfois nous présenter son film, ou un acteur, une actrice, le producteur, la productrice. Le Festival est convivial, tout le monde le reconnaît, les vedettes, ici, ce sont autant les cinéphiles, les bénévoles que les réalisateurs, acteurs, chroniqueurs culturels et gens des médias. Tous sont reçus avec la même chaleur, le même respect, la simplicité et la passion sont au rendez-vous. Les réalisateurs sont nerveux, ils nous livrent le fruit de leur travail, dans une primeur qu'ils présenteront plus tard ailleurs. Le public d'ici est passionné de cinéma, un excellent public fidèle, discipliné, respectueux mais connaisseur. Après tout, nous sommes dans la ville où sont nés Gilles Carles, André Mélançon, Richard Desjardins, Robert Monderie et voulez-vous que je vous nomme les prochains? Je les connais déjà! Mais je leur laisse le temps de faire leur marque, ils sont encore jeunes mais le potentiel est là, le talent aussi, je l'ai reconnu.

Les lumières s'éteignent. On nous passe la bande-annonce du Festival, toujours aussi belle, on ne s'en lasse jamais. Quand l'orignal apparaît, c'est notre drapeau qu'on salue, c'est plus fort que nous, on est bébés lala, on applaudit! Puis, débute la succession des courts et moyens métrages de l'après-midi. Jusqu'à la pause. Bien sûr qu'on sort dehors pendant ces 15 minutes, on ne raterait pas ce moment merveilleux, où l'on discute de ce qu'on vient de voir, avec nos amis et d'autres, ça peut être aussi bien un réalisateur, un acteur, un inconnu, on se pose des questions, on y répond parfois, les gangs se mélangent, on s'offre de la gomme, des bonbons, on se retrouve, on s'embrasse, on se passe le programme, les bulletins de vote, pure folie et passion partagée. J'ai fait là au fil des années de merveilleuses rencontres, inoubliables.

On retourne à nos places pour le long métrage. Pas un mot pendant la projection ou si peu. Mais on respire au même rythme, on réagit aux mêmes endroits, par le rire, l'étonnement ou les silences lourds...

Les lumières se rallument. On applaudit si on a aimé. En général, on aime. Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie. Certains iront discuter avec les artisans de ce film, dans le hall ou dehors. Nous, on se dépêche à s'en aller chez nous, dans ma gang, je veux dire. C'est la tradition. On se dit à demain, 11 h 30, à tel resto. C'est là qu'on fera ensemble notre bilan de la journée qu'on vient de vivre. Ça prend parfois 24 heures pour bien décanter tout ce qu'on vient de voir. Tout à l'heure, donc, je rejoindrai mes festivaleux, le long métrage d'hier, La Capture, de Carole Laure, m'aura laissé à moi comme aux autres, des sentiments mélangés, des questions sans réponses, des images fortes, mais j'ai aimé. Eux aussi, je crois, parce qu'ils ont applaudi très fort Carole Laure.

Ce sera comme ça jusqu'à jeudi. C'est MON Festival à moi. Cette année, y seront présentés 22 longs métrages, 59 courts et moyens métrages et 37 d'animation, en provenance de 23 pays, dont 24 films primés, 12 premières à saveur internationale dont 7 mondiales et 5 nord-américaines. Je pourrais vous parler aussi de l'équipe des 3 fondateurs qui y sont depuis le début, de l'équipe de l'organisation de l'événement, dont j'ai déjà fait partie, de l'équipe des bénévoles, soudés dans une amitié véritable depuis les débuts, ils prennent leurs vacances pour vivre l'événement en gang, en travaillant, en vivant leur Festival de l'intérieur. Je les connais tous et toutes, ils sont les piliers du Festival.

La 19e édition, en l'an 2000

J'ai toujours eu cet attachement pour le Festival mais depuis l'an 2000, c'est encore plus fort. Je venais de quitter un emploi d'agente de communication où j'étais en train de laisser ma peau, l'organisme tout croche où je bossais allait toujours à l'encontre de mes convictions les plus profondes. On me faisait la vie dure... Ma santé et mon ego n'en menaient pas large, j'avais trop persisté, je crois. Deux semaines plus tard, je n'avais pas eu le temps de me reconstruire, on m'appelle pour me proposer de remplacer à pied levé la personne aux communications du Festival qui s'était trouvé un travail permanent ailleurs. Un contrat de trois mois dont les trois premières semaines étaient déjà passées. Je savais l'ampleur de la tâche, même si je la sous-estimais encore, et surtout, je n'avais plus aucune confiance en moi, en mes possibilités, en mon travail. Mais j'ai dit oui, instinctivement, sans m'occuper du reste.

Puis, je suis entrée dans ce tourbillon et je n'ai plus eu le temps de me poser de questions. Je devais produire les communiqués de presse, les publicités de la presse écrite, la radio, la télé, faire affaire avec 265 médias, oui, vous avez bien lu, 265 médias de partout au Québec, au Canada, dans le monde. Organiser la tournée de notre porte-parole, dans les émissions branchées des principaux réseaux, convaincre des recherchistes, planifier des journées complètes d'entrevues à Montréal, en Outaouais, dans le Nord-Est Ontarien et dans notre région aussi, évidemment. Pendant deux mois et demi, il me semble que je n'ai presque pas dormi ni mangé. En tout cas, je n'avais plus aucune vie de famille. Je fonctionnais à l'instinct mais je n'étais pas une automate, loin de là, chaque rencontre me demandait une écoute et une attention bienveillante pour bien traiter tout le monde. Palpitant mais infernal. J'étais en survie. Encore aujourd'hui, il y a des gens qui m'en racontent des bouts que j'avais échappés mais dans lesquels ils gardent un bon souvenir de moi et ça m'étonne toujours!

Pendant cette 19e édition, dans la salle de presse, j'avais élu domicile de jour comme de nuit. Le quartier général des opérations, c'est là que ça se passe. J'ai côtoyé des grands et des grandes, que je regrettais de ne pas avoir le temps de mieux connaître, répondant à leurs questions, leur offrant une bière ou un verre de vin entre quatre appels téléphoniques, huit entrevues et mille bonheurs. Il fallait tout superviser. Du jeune journaliste d'une radio communautaire montréalaise qu'il faut rassurer constamment et materner dans ses premiers pas jusqu'à celui qui arrive d'un autre pays et qui croit tout connaître, auquel il faut tenir les mains baladeuses en faisant semblant de rien, parce qu'il est rattaché à un gros réalisateur de renommée mondiale, en passant par ceux qui ont un reportage à faire mais qui se fient sur nous pour les alimenter parce qu'ils sont sur le party depuis leur arrivée, j'avais relevé le défi mais n'avais vu aucun film cette année-là!

Pendant cette 19e édition, nous avions eu la visite de Stéphan Bureau et l'émission Le Point de Radio-Canada, ils passaient la semaine au Festival, tout en faisant beaucoup de reportages sur notre région. Une équipe solide, structurée, professionnelle, polie mais qui prenait beaucoup de place. Dans un autre coin du hall, passant aussi la semaine au Festival, il y avait Sophie Durocher et toute son équipe des Choix de Sophie, à Télé-Québec. Mêmes qualités et même envergure que ceux de Radio-Canada. Aussi, les émissions habituelles de la radio et de la télé, à diffusion d'un océan à l'autre, tout en traitant très bien aussi nos médias régionaux, ceux sur lesquels on compte en tout temps et avec qui on va continuer à vivre quand les autres nous auront oubliés...

À la fin du Festival, quand tous les invités et journalistes avaient repris leur avion vers chez eux, j'ai eu une semaine pour « wrapper » toutes les communications, diffuser les lauréats, répondre aux oublis des journalistes et fermer le chapitre des communications de cette 19e édition. J'avais perdu 12 livres, j'étais extrêmement fatiguée mais fière, j'avais retrouvé un peu confiance en moi sans m'en rendre compte, on me disait que j'avais relevé un grand défi et que je ne devais plus avoir peur de rien. On n'est pas arrivé à me convaincre, j'aurais toujours des doutes mais c'est vrai qu'après être passée par le Festival, on n'a plus peur de rien. C'est une grosse machine, le Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue mais elle est formidable, bien rodée, tenue avec force, simplicité, chaleur et passion. Vous comprenez pourquoi, maintenant, je dis MON Festival, je me l'approprie un peu pour mieux le partager et c'est comme un mot d'amour pour l'événement, le cinéma, les gens qui y oeuvrent et ma région.

jeudi 25 octobre 2007

Comme l'eau vive


Photo prise samedi dernier au Parc Aiguebelle lors d'une journée délicieuse en compagnie de mon frère Jocelyn et ma presque soeur, Guylaine, qui m'avaient téléphoné le matin même, en ce samedi gris et pluvieux, pour me proposer ce rendez-vous si doux en ces lieux magnifiques. La pluie nous a accompagnés tout au long de nos promenades dans les sentiers mais le bonheur d'être ensemble nous enveloppait aussi, beaucoup plus présent encore que cette pluie d'automne. Au retour, j'ai constaté que je n'avais pris que des clichés de ruisseaux, de chutes, de lacs, sauf peut-être une photo d'eux, heureux et amoureux, souriants, avec leur chocolat chaud!

L'histoire que je vous raconte, je la leur avais racontée aussi en marchant dans le sentier des marmites géantes où nous étions tout seuls avec cette nature si belle, si généreuse et qui nous réconcilie avec les aléas de la vie... Ensemble, on se disait que des gens comme Anne-Marie, il y en a plus qu'on le pense et heureusement mais que, comme le dit toujours notre mère : « Le bien fait peu de bruit », alors, il convient parfois de leur rendre hommage, pour nous surtout, pour se donner de l'espoir dans les jours de pluie.

Printemps 2007. Anne-Marie achève sa formation universitaire à l'UQAM en communication. Elle est actuellement en stage à Québec, sa ville d'origine, dans un projet qui semble l'emballer beaucoup. On ne se connaît pas du tout mais puisque j'oeuvre dans le même domaine qu'elle et dans la région où elle aimerait bien s'établir, elle fait appel à moi pour connaître mieux le réseau dans lequel elle aimerait se faire une place. Je suis honorée qu'elle m'ait choisie comme une sorte de marraine et je veux absolument lui donner le meilleur de moi-même.

À partir de là, nous échangeons des courriels et des conversations téléphoniques. Elle m'appelle toujours Madame T....... et me vouvoie. Chaque fois, je lui dis : « Anne-Marie, si tu veux me faire plaisir, appelle-moi Francine en me tutoyant, O.K.? » mais c'est toujours à recommencer et je me dis que c'est peut-être parce qu'on ne s'est jamais rencontrées en vrai. Pourtant, au fil de nos conversations, j'apprends à la connaître beaucoup, elle a une voix qui sourit, une énergie et un dynamisme qui m'impressionnent et un petit quelque chose de fondamentalement généreux. À 23 ans, elle est si allumée, consciente et ouverte aux autres que ça ne m'étonne pas lorsqu'elle m'apprend qu'elle part bientôt au Pérou, pour un séjour de travail humanitaire, et qu'elle reviendra s'installer à Rouyn à son retour, en septembre, pour y rejoindre son amoureux. Idéalement, elle aimerait décrocher un emploi avant de partir là-bas, ça la sécuriserait de régler ce gros détail avant de partir.

Je parle d'elle à beaucoup de mes collègues qui oeuvrent dans le même domaine, à des amis aussi, ceux et celles qui occupent des postes de direction ou en ressources humaines, où l'on pourrait avoir besoin d'une si belle jeunesse! Puis, je pense tout à coup à un mandat qu'on m'a proposé quelques semaines auparavant, quelque chose d'intéressant que j'avais dû refuser par manque de disponibilité. J'appelle Marie-Josée, l'amie qui me proposait ce travail et lui parle d'Anne-Marie abondamment. Passionnément. Le poste est toujours libre mais on a peut-être trouvé une personne. J'insiste. Anne-Marie, c'est pas rien, je le sais, je la connais, je n'ai aucune crainte de la recommander.

Après avoir mis en relation l'offre (Marie-Josée) et la demande (Anne-Marie) j'avais fait ce que j'avais à faire, et cette jeune femme de 23 ans était tellement faite sur mesure pour l'emploi que j'avais confiance que la vie arrangerait le reste. C'est ce qui s'est produit. Anne-Marie était folle de joie, à quelques jours de son départ pour le Pérou, quand elle m'a téléphoné : « Madame T...., je ne sais pas comment vous remercier, je commence ce nouvel emploi en septembre! » et je lui explique qu'elle s'est méritée cet emploi par son implication, son talent, sa formation et ses qualités personnelles, je lui souhaite bon voyage au Pérou, et surtout, j'ai hâte de la rencontrer à son retour au pays, en septembre.

Pendant l'été, une fois, son amoureux est venu à la maison pour se présenter et me donner des nouvelles d'elle qui venait d'échapper tout juste à un gros tremblement de terre survenu au Pérou, dans le village qu'elle avait quitté quelques jours plus tôt. Il avait tellement eu peur pour elle avec tout ce qu'on rapportait dans les actualités télévisées et il a pensé avec raison que j'avais eu les mêmes inquiétudes que lui.

À son arrivée ici, en septembre, après quelques jours de travail, elle me rappelle à nouveau, me résume son séjour là-bas, toute heureuse de me dire, « Madame T...., vous remercier... ce travail me comble, vraiment, il y a tant à faire, j'ai plein d'idées, c'est merveilleux et nous devrions nous rencontrer, je vous ai rapporté un petit quelque chose du Pérou... » et nous convenons qu'elle vienne chez moi, jeudi soir dernier, à 19 heures.

Lorsque je lui ouvre, que je la vois, j'en suis impressionnée, elle est vraiment jolie en plus. Pas rien qu'un peu là, je vous assure, une beauté vraie, naturelle, enjouée, pleine de vie, souriante. D'un charme et d'une simplicité désarmante, elle me parle d'elle, de son travail, de son expérience des milieux communautaires, de ses amours, de sa famille, de notre région qu'elle a choisie et tout. Je me réjouis d'avoir eu une telle intuition de la recommander à d'autres avec tant de chaleur et de passion. Je nous sers un petit porto et nous parlons de notre métier, du monde des communications, comment ça se passe ici et ailleurs. Elle me vouvoie encore...

Et là, je me lance : « Écoute-moi bien, ma belle chouette, je vais te raconter toutes les fois où je me suis plantée all right dans le métier, toutes toutes les fois, pis je te jure, quand j'aurai fini, tu vas arrêter de m'appeller Madame T.... pis de me vouvoyer! » alors, j'ai raconté quelques anecdotes et on a ri comme des collégiennes. On avait le même âge, on faisait le même métier et on avait beaucoup à s'apprendre l'une et l'autre.

Puis, on a discuté des causes qui nous tiennent à coeur. Nous avons aussi les mêmes préoccupations sociales. Je n'en revenais pas de tout ce temps qu'elle donne, à 23 ans, dans une région où elle amène déjà beaucoup depuis qu'elle y est. C'est là qu'elle m'a dit une chose absolument magnifique, un vrai cadeau pour moi d'entendre ça de la bouche d'une si belle jeunesse :

« Je ne peux pas concevoir qu'on puisse vivre dans une société sans faire notre part, de redonner un peu de tout ce qu'on a reçu quand on a une chance comme la mienne. Si à 23 ans, je ne trouve pas le temps de m'impliquer pour améliorer des choses, alors que je n'ai pas d'enfant ni personne qui dépende de moi, quand est-ce que je trouverai le temps? Alors, je m'implique à fond et je donne tout ce que je peux, je veux vivre dans une société meilleure »

Cette jeune femme qui a un peu l'âge de ma fille venait de me donner un espoir merveilleux, un cadeau hors de prix. Je l'admire beaucoup. Là, c'est moi qui devrais l'appeller Madame N..... et la vouvoyer et après cette soirée magique en sa compagnie, c'est moi qui lui ai dit merci, pas seulement pour ce cadeau qu'elle m'avait rapporté du Pérou mais bien plus encore pour tout l'espoir qu'elle représente. Décidément, il n'y a que des gens extraordinaires dans ma vie!

jeudi 18 octobre 2007

Le concours de rédaction


Cette photo a toujours été ma préférée, je ne saurais vous dire pourquoi et ce n'est pourtant pas parce qu'on y est à notre avantage! Nous ne trouvons plus l'original mais elle avait fait partie des 50 photos agrandies qui ont servi de décor et de thème lorsque nous avons célébré, en 2001, le 50e anniversaire de mariage de nos parents. Alors, elle fait partie du grand livre souvenir que nous leur avons offert et qui nous fait crouler de rire à chaque fois qu'on le revoit. Très égoïstement, je publie ce récit, pour ne jamais l'oublier. Je veux l'illustrer avec cette photo, chronologiquement la plus proche, parce que l'histoire s'est passée environ 18 mois plus tard. Entre temps, nous étions déménagés de la rue Rupert à la rue Allard, Papa avait eu enfin « un loyer de la mine » et Grand-Maman était venue habiter avec nous à la mort de Grand-Papa. À partir de là, notre famille s'est agrandie, nous n'étions plus 5 mais 6...

J'ai emprunté à Maman la semaine dernière son beau grand livre pour numériser cette vieille photo à laquelle je tiens tant et nous en avons profité pour faire ensemble un survol de tous ses albums. Un beau moment... qui s'est prolongé évidemment, nous sommes toutes deux passionnées de photos, des histoires, de la famille, des amis, de la vie. Ce texte qui suit, je l'ai retrouvé dernièrement et j'ai compris tant de choses à le lire avec 11 ans de recul, puisque je l'ai écrit en 1996. Je ne m'excuserai pas qu'il soit si long, vous m'avez appris à ne plus faire ça. Mais j'aime quand même mieux vous avertir... Aussi, il s'agit du dernier de la « trilogie de Matagami », je reviendrai dans notre siècle dès la semaine prochaine!

Le concours de rédaction

La maîtresse avait été claire et précise : Nous DEVIONS participer au concours organisé par la Matagami Lake Mines! Afin que personne ne discute, elle avait ajouté que cette rédaction-là allait faire figure d'examen pour notre bulletin de Noël, à la ligne rédaction de la section français écrit. Elle avait spécifié qu'un jury proclamerait le 20 décembre un gagnant pour le premier cycle, le concours de dessin, et un autre pour le deuxième cycle, le concours de rédaction. Le titre et le sujet imposés pour tous? « Le travail de mon père ». Le prix à gagner? 10 $, une véritable fortune quand on a 11 ans!

Moi qui ne disais jamais un mot en classe, j'avais tout à coup mille questions à poser et ne m'en privais plus tellement ça bouillonnait déjà dans mon cerveau. « Madame, est-ce qu'on prendra en considération le fait que nous sommes en 5e année ou nous juger au même titre que les grands de 7e année? », « Les membres du jury sont-ils conscients de notre différence d'âge? » et encore, « Est-ce que les 10 $ nous seront remis à nous ou seront-ils ajoutés aux salaires de notre père? ». Ces questions qui me semblent aujourd'hui bien anodines s'avéraient à cette époque d'une importance capitale et tous les élèves s'attendaient, comme moi, à des réponses tout aussi claires et précises que le mandat qui nous était confié l'exigeait.

À Matagami, notre petite ville minière, tout était à faire. L'école Galinée était neuve et moderne. La ville avait poussé comme un champignon quelques années auparavant à mesure que les mineurs y établissaient leur famille. La Matagami Lake Mines, la Orchan Mines et la New Hosco Mines employaient tous nos pères. Oui, nous étions tous et toutes des fils et des filles de mineurs, alors, je me disais que nous étions tous égaux au concours de rédaction. J'avais quand même quelques doutes sur mes chances parce que, même s'il était le meilleur père au monde, qu'il recevait souvent le « top bonus » et que ses compagnons de travail lui reconnaissaient des qualités de « leader », mon père n'était quand même pas « shift boss » ou capitaine et, pire encore, il travaillait à la Orchan Mines, concurrente principale de la Matagami Lake Mines, celle qui organisait le concours.

Je ne m'inquiétais pas du tout de la note que j'aurais à mon bulletin mais l'objectif ultime pour moi, dès cet instant, devenait une vraie mission : remporter ce concours pour que tout le monde sache que mon père était le meilleur mineur, toutes mines confondues, que Maman soit fière de moi parce que comme elle, j'allais me servir de l'écriture à des motifs louables et que la preuve en serait faite le jour de sa fête, le 20 décembre. Le prix de 10 $ ne paraissait plus à mes yeux qu'une reconnaissance de seconde importance. J'allais écrire pour l'honneur et le faire avec vaillance, ne laissant rien au hasard, besognant sans relâche, peaufinant chaque mot, chaque phrase, sachant que le succès n'arrive qu'après des efforts acharnés...

J'entrepris donc d'interviewer Papa au souper sur son travail. Pour commencer, il me dit qu'il travaillait dans les « stopes », il me parlait de « long holes », du « hoist man » et de tout ce qui le passionnait. J'avais un problème! Le langage de nos pères dans leur travail quotidien était incontestablement l'anglais. La loi alors non écrite de la langue de travail s'inscrivait automatiquement comme étant l'anglais dans l'esprit des anglophones qui dirigeaient ces mines et, plus insidieusement encore, dans la tête des francophones qui voulaient y obtenir du travail, un droit de parole ou des conditions sécuritaires.

En classe, durant la période prévue à cet effet, on se défonçait littéralement au travail dans un silence relatif où l'on entendait quand même des bruits de feuilles froissées, les sons délicats des crayons à mine (tout à fait de circonstance) et des effaces sur les brouillons, entremêlés des gros soupirs qui fusaient ça et là, entre deux coups de manivelle de l'aiguisoire qui nous donnait parfois un second souffle.

À tous les soupers où Papa était présent, c'est-à-dire quand il travaillait de 8 à 4, la conversation à table tournait inévitablement autour du travail des mineurs, ces hommes à l'âme fière et au coeur vaillant, que j'imaginais tous comme lui. J'avais demandé à Maman et Grand-Maman de m'aider à la rédaction parce qu'elles étaient à l'aise avec la plume, étant toutes deux d'anciennes maîtresses d'école. Grand-Maman avait hésité un instant mais Maman avait tranché : « Jamais de la vie! ». Me sentant abandonnée, laissée seule à moi-même, j'avais demandé pourquoi et Maman avait répondu que si je gagnais le concours avec de l'aide, j'allais toujours douter que ce n'était pas réellement moi qui avais gagné et ainsi, je n'allais pas être fière de moi mais d'elles. Alors, dans un de ses élans de fougue et de passion, elle s'était mise à nous parler du droit d'auteur, de la propriété intellectuelle, de la puissance des mots, de la beauté et de la complexité de la langue française, du respect que l'on doit porter à notre langue, notre culture, etc.

Papa l'admirait et l'écoutait tout sourire quand elle partait comme ça dans de grandes envolées oratoires. Je ne comprenais pas tout mais je pressentais, à tout le moins, qu'il s'agissait là de quelque chose de fondamental, en tout cas, chez nous!

Grand-Maman avait jugé bon après le souper de venir interrompre mon travail pour me proposer quelque chose de bien prometteur. De sa voix toute en douceur, elle avait suggéré qu'en plus de travailler, travailler et encore travailler sur mon texte, je pourrais dire mon Notre Père tous les soirs jusqu'au 20 décembre, en y pensant très très fort et que là, je mettrais toutes les chances de mon côté.

Le lendemain, en arrivant de l'école, j'ai remarqué que Maman avait déposé sur la table du salon, bien en vue, notre nouveau dictionnaire anglais-français qu'elle avait acheté le jour même au Hudson's Bay. Il paraît qu'il y en avait juste un. Elle m'avait mentionné la chose négligemment mais je comprenais que cet outil qu'elle venait de mettre à ma disposition était le maximum qu'elle pouvait faire dans les circonstances. J'avais pris ce geste comme un encouragement sincère, attentionné et cette leçon de vie a porté fruit depuis.

Le mois de décembre s'écoulait beaucoup trop rapidement et chaque jour, nous avions une période en classe pour travailler à notre rédaction. J'étais la seule, je crois, qui continuais à y travailler chez moi tous les soirs et je m'endormais souvent avec des images de mines et de mineurs, tout de suite après avoir récité un Notre Père bien senti, parfois même deux ou trois.

Pour mes amis de la classe, ce concours ne faisait plus partie des préoccupations quotidiennes parce que les fêtes de Noël et du Jour de l'An approchaient et prenaient toute la place. On parlait des cadeaux de Noël, de visites attendues, de retrouvailles avec nos cousins, cousines et de tout ce qui nous faisait rêver. J'étais dans un autre univers avec mes textes à travailler, mon dictionnaire anglais-français et mes Notre Père. Déjà, l'écriture me marginalisait un peu quand je m'y abandonnais...

À la date limite où nous devions remettre notre rédaction, comme tous mes amis, j'avais soigné mon écriture, vérifié une dernière fois l'orthographe et c'en était fait de ma participation. Advienne que pourra! Au retour de l'école ce jour-là, Maman m'avait demandé si je ressentais quelque chose comme une fierté, une sérénité, une sorte de joie. J'avais dit oui. Elle m'avait dit que cela s'appelait « la satisfaction du travail bien fait » et qu'en ce sens, j'avais déjà gagné. Pour ma part, j'étais plutôt étonnée qu'elle se souvienne qu'on était à la date limite. J'avais une drôle de mère et je le savais bien!

Pendant les quelques jours qui restaient avant de connaître les noms des gagnants, j'oubliais parfois pour quelques minutes le concours de rédaction. J'avais quand même ouvert un compte de banque au cas où j'aurais à échanger un chèque! Je flânais après l'école chez Nell's Sundries et Hudson's Bay pour trouver de jolies choses à acheter si jamais je recevais un montant d'argent. Mon texte étant remis, il me restait toujours la possibilité de continuer à dire mes Notre Père, je ne prenais aucune chance! J'avais la conviction profonde, la foi inébranlable et la confiance absolue de mes 11 ans.

Le jour J arriva enfin. Je m'étais levée plus à bonne heure pour préparer le déjeuner de Maman et lui souhaiter un joyeux anniversaire. Mes petits frères m'avaient aidée à transporter jusqu'à sa chambre le jus et les rôties et nous lui avions chanté ensemble la chanson de circonstance. Tout était parfait. Papa travaillait de 8 à 4, il serait donc avec nous au souper. J'avais revêtu ma plus belle robe parce que j'allais peut-être devoir rencontrer les grands « boss » de la Matagami Lake Mines dans le bureau du directeur. Vraiment, un parfait 20 décembre!

Après la récré de l'après-midi, quand tout le monde fut bien installé à son pupitre, j'avais un trac fou. Nous étions tous fébriles, même la maîtresse. Le directeur ouvrit l'intercom et prit la parole, mais là, je suis certaine d'en avoir perdu des bouts. Il a annoncé le gagnant du concours de dessin du premier cycle et nous a expliqué que les membres du jury avaient décidé de désigner deux gagnants au lieu d'un seul, pour le deuxième cycle, à cause de la différence d'âge des participants. Il a annoncé qu'il y aurait alors deux prix de 10 $ décernés à chacun des deux gagnants du deuxième cycle. Pour le reste, je me souviens parfaitement de ses paroles...

« Dans la classe de 7e année, le gagnant est Claude P....... ». Après une petite pause pour nous permettre d'applaudir, il continua : « L'autre gagnante du deuxième cycle est une élève de 5e année, Francine T....... » et j'étais debout avant même qu'il ait fini de prononcer mon nom, je m'étais reconnue avant, il me semblait que c'est à moi qu'il s'adressait, Monsieur le directeur!

Sous les applaudissements chaleureux de la classe de 5e année et des autres classes dont les portes s'étaient ouvertes pour voir passer les gagnants qui se dirigeaient vers le bureau du directeur, j'imaginais déjà la réaction de Papa, Maman, Grand-Maman et les petits à qui j'offrirais des cadeaux. C'était la première fois que je voyais en personne le directeur de l'école Galinée. Jusque là, il n'était qu'une voix sans visage, la voix de l'intercom. Derrière sa porte toujours close, je l'avais imaginé grand, austère et chauve alors que là, je constatais qu'au milieu des représentants de la Matagami Lake Mines, il était petit et plutôt sympathique.

Ils nous ont serré la main à tour de rôle et nous ont remis à chacun un chèque de 10 $. Ces grands messieurs en complet foncé m'impressionnaient beaucoup mais malgré tout, quand ils nous ont demandé dans quelle mine nos pères travaillaient, le grand Claude de la 7e année et moi avons répondu haut et fort, à l'unisson : « À la Orchan Mines! », ce qui les a bien fait sourire. De retour dans ma classe, on a recommencé à m'applaudir. Tout le monde voulait voir mon chèque. La maîtresse m'a demandé ce que j'allais faire de tout cet argent. En m'entendant défiler la liste de tous mes achats imminents, elle a pu se rendre compte que j'y avais beaucoup réfléchi, alors elle m'a dit : « Je vais te donner ton bulletin tout de suite et tu pourras partir en congé avant les autres, si tu veux arriver à la banque avant que ça ferme ». Elle comprenait vraiment tout, notre maîtresse.

Je suis sortie de l'école toute seule en ce 20 décembre inoubliable. Entre l'école Galinée et la succursale de l'unique banque de Matagami, tout le monde me souriait... Sur le bout des pieds, j'ai tendu mon chèque et mon livret à la caissière, assez fièrement, je dois le dire. « Je veux déposer 3 $ et en garder 7 $ s'il-vous-plaît ».

Dehors, il neigeait de beaux gros flocons bien dodus et Matagami était le plus bel endroit au monde. Mon bonheur immense n'avait d'égal que la splendeur de ces grands espaces qui nous appartenaient et la bonne étoile qui me guidait. Quelle chance j'avais dans la vie...

Chez Hudson's Bay, j'ai acheté le chandelier de Noël qui allait être mon cadeau à Papa et Maman. Grand-Maman aurait des jolis savon avec de la poudre Chantilly. Chez Nell's Sundries, j'avais choisi à chacun de mes petits frères une voiture Matchbox, une de police et une de pompier, pour que ce soit juste et qu'ils puissent jouer ensemble. Pour moi, j'achetais ce disque 45 tours de Jenny Rock. Pour les sous qui restaient, j'avais acheté un plein sac de bonbons mélangés à partager avec les petits.

Ployant sous le poids de tous ces trésors en m'en revenant à la maison toute seule, je flottais dans ce paysage de village minier, au nord du nord, là où il peut faire si beau parfois, où le ciel est plus haut qu'ailleurs, où l'on s'enracine de manière si profonde jusqu'au ventre en or de cette Terre en sol mineur qui permettait qu'une petite fille dont le père travaillait à la Orchan Mines puisse être récompensée par la Matagami Lake Mines. Ce monde extraordinaire s'avérait aussi empreint de vraie justice, d'une noblesse de l'âme assez répandue qui avait le don de m'émouvoir.

Arrivée à la maison avant l'heure, j'avais les bras chargés de cadeaux mais surtout, le coeur débordant d'émotions de toutes sortes. Maman a tout de suite su. Grand-Maman voulait que je raconte tout en détails. Les petits sautaient partout avec les bonbons et les voiturettes neuves. Maman ne disait rien, elle m'écoutait raconter. Je crois qu'elle aurait aimé dire quelque chose mais elle en était incapable. Je venais de comprendre ma mère et l'importance qu'elle accordait aux mots, spécialement à ceux qu'on doit écrire parce qu'on n'arrive pas à les dire.

Quand Papa est arrivé de la mine, il y avait un joyeux comité d'accueil dans l'entrée. Son sourire était encore plus large que d'habitude et ses yeux étaient d'un bleu plus foncé, plus brillant. Il riait sans arrêt en essayant de nous écouter tous à la fois, avec nos cadeaux, nos éclats de voix et nos rires, les bonbons qu'on lui offrait, mon livret de banque que je lui tendais comme une preuve irréfutable, etc. C'est là que Grand-Maman a dit qu'il fallait penser à remercier Notre Père. C'est pourtant vrai, j'avais oublié!

Le travail de mon père qu'on appelait mineur venait de prendre une importance majeure et j'en étais tellement fière. J'avais appris aussi que les « stopes » s'appelaient en réalité des chantiers d'abattage et Papa allait me faire l'honneur par la suite de se reprendre en français chaque fois qu'il en ferait mention, en me lançant, bien entendu, un clin d'oeil complice, fier et attendri.


lundi 15 octobre 2007

Si je savais peindre... je n'écrirais pas!


Ce matin, 15 octobre 2007, 7 h 10, j'étais déjà assise à mon bureau, en train de faire la revue de presse des hebdos régionaux de la fin de semaine lorsque le soleil s'est levé d'une manière si flamboyante que je n'ai pu résister, je suis sortie dehors en pyjama avec mon appareil et j'ai pris 5 photos. Entre la première et la cinquième, la lumière changeait et le paysage aussi. Comme ça m'arrive souvent, je me faisais la réflexion suivante : « Si je savais peindre... je n'écrirais pas! »

Ce sera probablement mon plus court billet à vie. Il y a des images qui valent mille mots... Mais aussi, je veux compenser un peu à l'avance parce que le prochain sera sûrement mon plus long. Je l'ai retrouvé parmi bien d'autres que j'avais écrits en 1996 et de le relire aujourd'hui, 11 ans plus tard, m'a fait comprendre tant de choses que rien que pour ça, j'étais contente de l'avoir écrit un jour. Ça vaut tellement la peine de laisser des traces, même dans ses fonds de tiroir, pour soi-même, pour que jamais on n'oublie ce qui nous a construit, quelles sont nos motivations profondes et pourquoi on s'acharne à réaliser nos rêves.

samedi 13 octobre 2007

Mon éducation sexuelle... au nord du nord


Non mais avouez que mon titre est punché, hein? Comment racoler le client? J'avais toujours rêvé de faire ça! Et vous allez voir, ce titre, il n'est pas tout à fait faux... sans être tout à fait vrai, et en plus, je suis blindée s'il m'arrivait une poursuite pour atteinte à la vie privée! Oui, je vais nommer des noms, un seul nom en fait, celui de la grande Thisdale et si jamais, parce que les blogues sont des espaces publics de prise de parole, son avocat m'envoyait une mise en demeure, je la poursuivrais à mon tour pour perte de jouissance...

Cette photo a été prise en mars 1965 comme on peut le voir dans la bordure à droite. Cela m'indique que nous n'habitions pas sur la rue Rupert depuis longtemps, c'était notre premier hiver à Matagami. D'ailleurs, s'il y avait moins de neige, on pourrait voir que notre roulotte n'était probablement pas encore cédoppée. Vous me reconnaissez à droite? J'ai 7 ans et 3/4, mon frère Yves, presque 3 ans, bébé Jocelyn a 10 mois, dans les bras de notre Maman de 34 ans. Ce qui ne se voit pas sur la photo, c'est que je suis en train de vivre mes derniers jours d'innocence...

Mon éducation sexuelle... au nord du nord

Quand on a eu la chance d'être des petits pionniers dans une ville minière, on ne s'étonne pas d'avoir connu des situations inhabituelles qu'on est parfois les seuls à avoir vécues. Je me dis souvent que c'est ce qui soude ensemble les membres d'une même famille ou d'une communauté. En tout cas, nous, on était tissés serrés à Matagami et sûrement que ceux qui ont grandi sur la rue Rupert ont été marqués à vie comme moi : Rien n'était facile mais tout était possible et merveilleux. On prenait possession d'un territoire, d'une ville, il n'en tenait qu'à nous de l'inventer comme on la voulait.

Au début, nous n'avions pas encore d'école, enfin, je veux dire que l'école Galinée n'était pas encore construite mais nous allions à l'école quand même. Un horaire pour les francophones que nous étions, un autre pour les anglophones et autochtones (de la nation Crie). Nos pères, qui travaillaient à la mine, avaient deux shifts : le shift de jour, de 8 à 4 et le shift de soir, de 4 à minuit. Nous autres, c'était pareil, on allait à l'école pendant un mois sur le shift de jour, de 8 à 10 et de midi à 3, le mois suivant, sur le shift de soir, de 10 à midi et de 3 à 6. Sur le shift de soir, on sortait de l'école à 6 heures, donc, 18 heures, en pleine noirceur pendant l'hiver. Et la rue Rupert était bien loin du lieu qui nous servait d'école, en tout cas, pour nos petites pattes, c'était loin. Pas d'autobus scolaire non plus. Pas de vraie école = pas d'autobus scolaire.

Plus par solidarité que par choix, on s'en revenait tous ensemble chez nous. Aucun d'entre nous n'aurait imaginé laisser les autres derrière ou les semer, on avait notre code d'éthique, une sorte de moralité. On pouvait s'écoeurer en masse mais jamais s'abandonner les uns les autres. De l'école jusqu'au Nell's Sundries, c'était éclairé, on pouvait se permettre de flâner un peu. On passait ensuite devant la banque et on coupait de travers juste avant le Hudson's Bay pour aller jusqu'au curling. Là, ça se corsait. C'est à partir de là, surtout, qu'on devait être solidaires, parce qu'après le curling, pas de lumières, pas de chemin, rien qu'un sentier enneigé, de la froidure et des grands vents jusque sur la rue Rupert.

Avec mes cousines, Lise, Solange et Raymonde, on attendait souvent Ginette, Nicole et Magali avant d'attaquer le dernier bout. Les gars, eux, s'en venaient ensemble, en se bagarrant, il y avait donc deux groupes assez distincts mais jamais très loin. Comme de raison, la grande Thisdale, toujours flanquée de ses deux niochons de frères, des jumeaux identiquement identiques, se rangeait invariablement du côté des filles. On n'avait pas le choix, c'était une charité chrétienne à lui faire que de l'endurer, surtout qu'elle nous écoeurait tout le temps à cause de notre accent madelinot, mes cousines et moi. Il me semble que je l'entends encore...

- Heille, les madelounes, marchez pas vite de même, avez-vous peur des loups?

Parce que ça, c'est une autre affaire. La grande Thisdale nous racontait tout le temps des histoires à faire peur et elle attendait tout le temps qu'on soit rendues entre le curling et la rue Rupert. Des affaires de loups qui auraient été vus dans le coin ou des maniaques ou des voleurs. On avait beau lui dire qu'on ne la croyait pas, ça nous achalait pareil, surtout les soirs d'hiver, en pleine noirceur, quand on n'avait aucun repère, avec les vents qui sifflent entre les branches de façon lugubre.

Un bon soir qu'elle devait être en manque d'histoires de peur, elle nous avait dit qu'elle avait su LA PATENTE... comment on fait les bébés. Là, pour une fois, elle avait capté notre attention et la charité chrétienne nous récompensait enfin de quelques charmes. Elle devait vérifier une petite affaire ou deux pour être bien certaine qu'elle disait mais qu'aussitôt qu'elle aurait tous les détails, elle nous mettrait dans le coup. Elle faisait toujours des mystères, elle, et nous autres, on se doutait pas mal que ça se passait pas vraiment comme en d'sour des bras, mais on manquait d'information précise sur le comment, disons.

La semaine se passe, on la voit arriver tous les soirs autour du curling, flanquée de ses deux niochons de frères, elle nous dit que ça avance, que vendredi, elle va faire notre éducation sexuelle mais il faudra être « juste les filles, les jumeaux vont marcher avec les gars ». Vendredi soir arrive, elle tapoche ses deux niochons de frères avec une claque derrière la tête jusque du côté des gars (ça explique peut-être pourquoi ils avaient tellement les oreilles décollées) et là, elle parle tout bas, se cache des autres, reporte la grande révélation jusqu'après chez Nell's, après le Hudson's Bay, puis, de l'autre bord du curling et quand on arrive dans le bout des loups, ça y est, elle ne peut plus reculer, elle va nous le dire.

D'un ton solennel, après une grande respiration, elle s'élance... Paf! Deux phrases. Peut-être même juste une, avec un point virgule dans le milieu. Je n'ose même pas répéter ça, encore aujourd'hui. Cru. Cruel même. Violent. Dégueulasse. Mes cousines et moi, on était abasourdies, déçues, vides, sous le choc, comme après un tremblement de terre. Silence total. Désolation. La maudite grande Thisdale avait l'air satisfaite de son effet sur les madelounes. Je me souviens de la suite comme si c'était hier.

Solange : Pis moi qui aime tant les enfants, je serai jamais capable... je pense que j'en aurai jamais.

Lise : Je peux pas croire que P'pa pis M'man... Pis on est quatre chez nous...

Raymonde, la petite soeur de Lise, avec l'envie de pleurer : Ah là, arrêtez-vous, je commence à avoir mal au coeur!

Et moi, je n'ai rien dit, je n'avais plus de mots, ça m'arrivait souvent dans ce temps-là. Mais je pensais par exemple, je pensais fort... Papa, un homme si doux, pourtant il l'aimait Maman, je pouvais pas croire qu'il lui avait déjà fait tant de mal. Et puis, on était trois chez nous, j'avais beaucoup de compassion pour Maman. J'aurais dû dire quelque chose parce que « ce qui ne s'exprime pas s'imprime...»

Prologue : Il y a deux semaines, Crocodile Dundee et moi, sommes tombés par hasard sur ma cousine Solange et son Pierre, avec qui nous avons dîné, dans un restaurant à la sortie de Rouyn. Le fun qu'on a eu! Solange et Pierre ont 4 fils, tous des adultes, ils seront bientôt grands-parents pour la première fois. Solange a l'air très épanouie... Lise, mon autre cousine, toujours amoureuse de son Michel, a une fille de 28 ans, elle est mamie deux fois, très heureuse aussi. Quant à Raymonde, notre petite Raymonde si sensible, si elle a souvent connu des maux de coeur, c'est à cause de ses 4 grossesses, elle et Jacquelin ont 4 garçons. Finalement, la grande Thisdale n'aura traumatisé personne à part moi. Ah, pas de grands dommages irréparables, juste une peur insidieuse que mon imaginaire ressorte le spectre de la grande Thisdale dans un moment de grande passion. Mais jusqu'à date, c'est jamais arrivé!

jeudi 11 octobre 2007

Le printemps de mes 10 ans


Sur cette photo, je devais avoir 8 ans, d'après l'âge de mon p'tit frère Jocelyn qui a l'air d'avoir autour d'un an. Je reconnais notre roulotte de la rue Rupert, à Matagami, nous y habitions depuis à peine 6 mois. Cette petite ville minière de la région Nord-du-Québec prenait vie avec une telle effervescence que l'on n'arrivait pas à construire assez rapidement de maisons pour loger les familles des mineurs qui venaient s'y établir en provenance de partout, pour quelques mois, pour plus longtemps ou pour toujours. Les mines Orchan Mines, Matagami Lake Mines et New Hosco Mines employaient tous nos pères et nous, comme enfants, on avait juste à y être heureux. C'était facile. Matagami est un mot autochtone qui signifie « la rencontre des eaux » et lors des retrouvailles du 25e anniversaire de fondation de cette ville, on a intitulé l'album souvenir de la plus jolie façon qui soit : « La rencontre des eaux... tres »

Ici, je veux faire un clin d'oeil à Claire, mon amie d'enfance, avec qui j'ai eu la chance de passer un si bel après-midi aujourd'hui, ma très chère Claire de Matagami, que je retrouve toujours avec le même bonheur, comme si nous nous étions quittées la veille, avec nos mêmes éclats de rire, nos confidences, nos souvenirs, nos projets et nos rêves qui ne vieilliront jamais. Claire, je t'offre un petit bout de notre enfance, dans ce vieux texte retrouvé dans un de mes fonds de tiroirs ce soir...

Le printemps de mes 10 ans

J'allais avoir bientôt 10 ans. C'était le printemps. La neige qui fondait laissait bien voir que beaucoup de roulottes de la rue Rupert n'étaient pas cédoppées. À Matagami, quand on isolait le dessous des roulottes et qu'on recouvrait ensuite toute la base avec des panneaux de contreplaqué, cela s'appelait « se cédopper ».

Dans le parc des roulottes de la Orchan Mines, nous n'étions pas riches mais tous égaux. Pas riches mais heureux. C'est juste qu'on le savait pas... Enfin, pas encore.

À partir du moment où Papa avait cédoppé notre roulotte, deux ans plus tôt, mes amis de passage étaient devenus de vrais amis. Juste parce qu'on était cédoppés! Même qu'avec les restes de deux par quatre, Papa avait fabriqué des échasses pour mes amis et moi. À cause de ça, pour quelques jours, il était devenu le héros de toute la rue Rupert.

Daniel Rochette, lui, venait juste d'arriver. Sa roulotte n'était pas cédoppée. Comme nous tous, il arrivait d'un autre ailleurs. En classe, nous étions toujours, lui et moi, les finalistes au combat de vocabulaire. Mais je le battais en rédaction. Il se reprenait en calcul mental où il m'écrasait très facilement mais il me choisissait toujours en premier dans son équipe de ballon-chasseur.

Un jour, la maîtresse l'avait repris parce qu'il m'avait écrit « Nous allons peut-être nous cédopper. » C-É-D-O-P-P-E-R.

Elle avait écrit au tableau, en grosses lettres carrées

TO SET UP

et mes zoreilles se refusaient à entendre son affreuse explication. Pour moi, il était inadmissible que ce mot si important, peut-être même vital pour nous, ne fasse pas partie de notre langue, ne trouve pas d'équivalent pour se dire dans toute sa force dans notre réalité de tous les jours. Il me semblait que de la manière qu'elle écrivait « to set up » elle salissait ce mot qui m'apparaissait maintenant fade, vide de sens, irréel et méconnaissable. Une absurdité vraiment grave... Cédopper n'était pas français!

À la récré, Daniel Rochette m'en avait reparlé. Il n'en revenait pas lui non plus. D'ailleurs, m'avait-il dit, le mari de la maîtresse était anglophone et elle pouvait avoir confondu les deux langues. Pour clore le sujet, il m'avait invitée au cinéma du samedi après-midi. Au centre civique, à Matagami, la mine faisait venir des films. Presque toujours en anglais mais cette fois-là, c'était parfait, parce qu'on allait voir les Beatles. « Yellow Submarine ». On n'aurait pas voulu manquer ça.

Daniel Rochette et moi étions entrés chacun notre tour dans la salle de cinéma pour ne pas que nos amis sachent que nous y allions ensemble. C'était notre secret à nous. Un de plus, parce que nous en partagions déjà plusieurs et si la grande Thisdale l'avait su, qu'elle nous avait vus, elle se serait fait un malin plaisir d'interpréter tout de travers et raconter ça à sa manière dans la cour d'école.

On regardait le film ensemble mais à travers les yeux de l'autre. Tout naturellement, il m'avait pris la main. La sienne était plus grande. Je me sentais protégée jusqu'à l'âme. Alors, j'ai eu peur qu'on s'embrasse, comme les Beatles avec les filles, dans le film. Ça aurait pu rompre le charme. Daniel Rochette était admirable, avec son regard intelligent et profond, n'empêche que... c'était quand même un garçon. Et là, c'est sûr, la maudite grande Thisdale nous aurait traités de niochons.

Vers la fin du film, sans que je m'en rende compte tout à fait, il a appuyé sa tête sur mon épaule, puis dans mes cheveux et doucement, ses lèvres ont effleuré ma joue droite pendant longtemps, longtemps. C'était doux, immensément doux. Je sentais que je me rappellerais ce moment-là toute ma vie, comme quand on sent dans toutes les pores de sa peau et dans ses veines que la vie ne sera plus jamais pareille. Daniel Rochette n'était pas niochon, ça, j'en était sûre et dans un moment pareil, je me foutais pas mal de la grande Thisdale... Il flottait dans l'air une odeur de pommes, parce que chez lui, dans sa roulotte pas cédoppée, j'y allais souvent et ça sentait toujours les pommes.

Le lundi matin, sur le chemin de l'école, j'avais hâte de le revoir, d'autant plus qu'on avait un combat de vocabulaire à l'ordre du jour. En équipe, on allait faire un malheur. Où était-il? Est-ce que j'avais rêvé pendant la projection de Yellow Submarine?

Quand on a fait les équipes, la grande Thisdale, qui riait toujours de mon accent madelinot, avait lancé :

- On a peut-être une chance, Rochette est déménagé!

- QUOI?

- Ben oui, tu le savais pas? Sont partis hier!

- HEIN?

- Rochette, y était pas cédoppé!

Peu m'importait de savoir comment ça s'écrivait et si ça faisait partie de notre langue, je savais tellement trop ce que ça voulait dire...

Ce jour-là, j'avais compris deux choses. Premièrement, que les mots qu'on invente sont souvent plus efficaces et diaboliquement plus explicites que ceux qui existent dans les dictionnaires et deuxièmement, qu'à partir de là, mon père, malgré le fait qu'il savait fabriquer des échasses, ne serait plus jamais le seul homme de ma vie.

jeudi 4 octobre 2007

La fièvre de l'automne chez nous





La première photo, je l'ai prise à l'été 2006, en cette saison où une très jeune femelle orignal et son petit tout fragile avaient presque passé l'été près de notre camp. J'en ai parlé abondamment dans des billets précédents. Les deux autres photos ne sont pas de moi, je n'en connais pas les auteurs, malheureusement, elles font partie de ma collection personnelle, puisqu'on sait que je suis fascinée, émerveillée par ces « magnifiques bestioles » et qu'on m'en envoie très souvent, plus spectaculaires les unes que les autres. C'est ce que Crocodile Dundee appelle « de la pornographie pour chasseurs » parce que mes photos font fantasmer bien du monde, surtout ces jours-ci.

Je m'étais tellement attachée à ces orignaux que je les avais baptisés. Il y avait Môman Orignal et Ti-Caramel, à cause de sa couleur pâle, du jamais vu pour nous que cette couleur unique. Je les avais croqués sur le vif plusieurs fois mais je les avais vus beaucoup plus souvent que j'avais pu les photographier. Puis, pendant l'automne et l'hiver, j'avais suivi leur évolution avec les pistes qu'on pouvait apercevoir. J'avais eu des inquiétudes aussi pour Ti-Caramel au plus fort de l'hiver.

Je prendrai quelques jours de vacances, je pars demain pour revenir mardi en fin de journée. Je vais à la chasse à l'orignal à notre camp de Rapide Deux. Chez nous, il y aura Crocodile Dundee et moi. Nous ne nous verrons pas beaucoup, il chasse très intensément et dans tous les coins les plus reculés de notre territoire. Debout à 6 heures, nous prendrons le déjeuner en vitesse et il partira, tandis que moi, je chasserai plus près du camp où j'ai mes coins préférés.

Chez mon frère Yves, à un kilomètre de chez nous, il y aura l'autre partie de notre groupe : mon frère, son fiston de 13 ans et ma mère. Maman ne chasse pas au sens habituel du terme, je ne l'imagine même pas tenir une arme à feu, c'est ma mère! Maman ne touche pas les arbres, elle les caresse, vous voyez le genre? Une contemplative qui aime la nature et la lecture. Elle chasse avec nous depuis la mort de Papa.

La chasse, ici, c'est souvent un trip familial. En ce sens, notre groupe sera au complet l'an prochain puisque ceux qui nous manquent actuellement viendront nous rejoindre. Nous sommes deux différents types de chasseurs : Les chasseurs sportifs qui traquent l'animal selon les règles de l'art. Ceux-là, je les comprends et je les respecte aussi. Et l'autre type, les chasseurs d'images, dont je fais partie, comme ma mère, comme mon autre frère et sa compagne.

Au cours des dernières années, j'étais toujours en règle pour le maniement des armes à feu, j'ai même mon permis de possession et d'acquisition d'armes, j'allais au champ de tir tous les automnes et je vidais mon chargeur sur les cibles à 100 m, à 200 m, jusqu'à ce que je sois satisfaite d'avoir pu grouper mes balles dans un petit rayon qu'on appelle le bull's eye. J'achetais mon permis de chasse aussi. Tout mon entourage savait que j'avais mon appareil photo à ma gauche, ma carabine à droite et je ne pouvais promettre à personne de quel côté j'allais pencher en voyant une si belle bête.

Quand je chasse, c'est toujours très sérieusement. Je « câlle », j'écoute, je craque des branches, j'écoute, je ne fume jamais en forêt, je frappe avec un bout de bois sur un arbre à la bonne hauteur pour imiter le son d'un panache qui provoque un autre mâle ou qui veut signaler sa présence à une femelle, je me parfume à l'essence d'épinette, je ne fais pas de bruit, bref, je fais tout ce qu'il faut. Un beau soir d'octobre dernier, en m'en retournant au camp à la presque noirceur, j'arrive face à face avec un magnifique petit mâle qui est resté plus étonné que moi. Je n'ai eu qu'un seul réflexe : ma poche gauche. Rien d'autre.

Je garde le souvenir de cet instant dans mon coeur comme la plus fructueuse de toutes les chasses. J'avais réussi à communiquer avec l'animal, le déjouer dans son instinct, son odorat, son ouïe, lui faire croire que j'étais belle et désirable!!! Cette complicité-là, c'était ma victoire et je n'ai même pas de photo souvenir!

J'ignore quand le changement s'est opéré en moi pour que je devienne une chasseresse d'images uniquement. J'en discutais avec mon frère Yves samedi soir dernier. Il pense que c'est depuis Môman Orignal et Ti-Caramel. Il a sûrement raison. Mais c'est plus profond que ça. Je n'ai pas été capable cette année d'aller au champ de tir. Juste à m'imaginer qu'en appuyant sur la gachette, je peux avoir le pouvoir de vie ou de mort... je ne suis plus capable. Je n'ai pas acheté mon permis de chasse non plus. À quoi ça servirait? J'assume maintenant que je ne pourrai jamais...

Dans notre région, la chasse à l'orignal génère une fièvre incroyable. Cette période dure deux semaines, cette année du 6 au 21 octobre. Cela se ressent dans les milieux de travail, les commerces, partout. Par exemple, ce soir, il y aura plein de chasseurs dans les épiceries, ils seront faciles à reconnaître, ils ne trouveront rien dans les rayons, si peu habitués d'y aller, ils auront des carosses pleins de boustifailles gourmandes et devront acquitter des sommes faramineuses aux caisses mais ils seront heureux, pleins d'espoir et seront assurés de ne manquer de rien. Surtout, ils auront entre eux des commentaires comiques, des rires et des complicités instantanées. Des hommes, des petits gars qui partent en expédition, jouer dehors, oublier tous leurs soucis dans la nature.

J'aime aller à la chasse. Je passe des heures et des heures et des heures dans mes différentes « watches » (miradors). J'y vois des castors travailler, des loutres, des perdrix, même un lynx une fois, des hérons qui pêchent, des poissons qui sautent, des écureuils qui sont fâchés après moi, qui me lancent des cocottes. Et le summum, ce serait de faire LA PHOTO d'orignal dont je serais le plus fière.

lundi 1 octobre 2007

Nounours en détresse, suite et fin


Surprise!!! Cette fois, aucune de mes photos ne vient illustrer ce que j'ai à vous dire. J'ai plutôt repris cette caricature parue cette semaine dans notre presse écrite régionale, le journal La Frontière, qui couvre surtout l'actualité de Rouyn-Noranda et de la région de l'Abitibi-Témiscamingue.

Si vous avez lu mon billet précédent, Nounours en détresse, vous savez déjà que cette histoire s'était bien terminée pour deux des trois petits oursons qui essayaient tant bien que mal de survivre sans leur maman et qui avaient élu domicile dans la presqu'île où j'habite. En effet, deux des trois petits nounours s'étaient retrouvés au meilleur endroit possible pour eux, le Refuge Pageau, à Amos. Et depuis, plusieurs personnes, moi la première, s'inquiétaient de ce qui allait advenir du troisième, devenu introuvable et maintenant tout seul...

Alors, je vous annonce que j'ai eu des nouvelles de lui hier, tout le monde est content par ici, parce que dimanche dernier, le troisième, sûrement le plus peureux des trois, a grimpé en haut d'un arbre chez Diane, l'une de nos voisines. Il ne pleurait pas, celui-là, il s'était réfugié là, un peu perdu et ne voulait plus redescendre. On pense qu'il était au bout de son rouleau... Diane a fait ce qu'il faut, elle a appelé les agents de conservation de la faune qui sont venus le cueillir dans une petite cage exprès et il paraît qu'ils ont dû le piquer deux fois pour l'endormir mais tout s'est bien déroulé.

Alors, comme dans un beau conte de fée, le troisième petit nounours est allé rejoindre ses deux p'tits frères au Refuge Pageau où il trouvera beaucoup d'amis, parce qu'il paraît que là-bas, on est actuellement débordé, avec plus de 27 oursons qui n'ont plus de maman et qui n'ont pas appris comment ni quand il faudrait hiberner!

Voilà une belle collaboration entre des citoyens, des agents de conservation de la faune et le Refuge Pageau, l'une de nos fiertés régionales.

Je le sais bien que ça fait Walt Disney mais je vous jure, je vous raconte fidèlement la suite et la fin heureuse de ces nounours en détresse.