lundi 28 juillet 2008

Les vacances de la construction




Je vous rappelle que vous pouvez cliquer sur les photos pour les voir de plus près...

Photo 1 : Je l'avoue tout de suite, ce n'est pas moi qui ai pris cette photo d'une maman orignal et ses deux petits, à l'aube, ce cliché est l'oeuvre de notre caméra espion, installée à la saline près de notre camp à Rapide Deux. Crocodile Dundee et mon frère Yves ont installé ce merveilleux gadget à mi-chemin entre nos deux camps, là où ils avaient préalablement installé un bloc de sel, parce qu'on sait que les mammifères adorent ça et qu'ils en ont besoin. L'appareil est programmé pour prendre un cliché aux 30 secondes lorsqu'il y a mouvement. En trois jours, la carte mémoire était pleine, la caméra espion a capté 99 photos, 5 différents orignaux, une femelle seule, un mâle et cette femelle avec ses deux petits.

Photo 2 : C'est mon petit lièvre. Lui et moi, on est devenus pas mal copains la semaine dernière. Quand on a de la visite, on ne le voit pas, il fait son gêné mais si je suis toute seule, il vient me conter ses affaires. Il est vraiment drôle. Pis beau bonhomme!

Les vacances de la (re)construction

Est-ce que je vous avais dit que Crocodile Dundee était menuisier? Un métier difficile, dur physiquement, avec beaucoup beaucoup de pression. Je pourrais vous en parler longtemps. Ma grand-mère lui disait tendrement qu'il faisait le même métier que Saint-Joseph mais moi, je vous dirais plutôt qu'il embellit tout ce qu'il touche et qu'il fait un très noble métier...

Alors, ces vacances de la construction sont les siennes. Bien méritées. Qu'est-ce qu'on fait? C'est ça, on se reconstruit... alors, ce sont les vacances de la reconstruction chez nous. La semaine dernière, nous étions à Rapide Deux jusqu'à hier soir. Aujourd'hui, quelques urgences dans le travail pour moi, un rendez-vous médical pour lui, deux ou trois brassées de lavage, l'épicerie, on replace le contenu réfrigéré ou congelé dans les glacières, quelques livres et magazines, je recharge les piles de mon appareil photo, des vêtements pour tous les temps et hop, tout à l'heure, on passe saluer Isabelle et Dominic, flatter la petite bedaine pleine de vie et on se sauve en forêt jusqu'à dimanche soir prochain.

Mais je pense à vous. Oui, souvent. Vous n'imaginez pas jusqu'à quel point vous faites partie des bonheurs de ma vie maintenant. Chacun de vous. Ceux et celles qui venez lire et jaser ici. Ceux et celles qui venez lire et ne commentez pas ici mais dans ma boîte de courriels, je vous amène avec moi, direction rivières Outaouais et Darlens. Là-bas, pas de téléphone, pas d'estristé, pas d'ordi, pas d'horaire, je vous amène dans mon coeur, pas ailleurs. J'ai hâte de vous lire par exemple, je ne voudrai rien manquer, je reviendrai en arrière pour repartir de l'endroit où je vous ai laissés la dernière fois, chez vous et chez nous. Tout ce que vous publiez, photos, textes, commentaires, est précieux, je ne me priverai de rien du tout, je suis juste... en vacances de la reconstruction!

Allez, on se sauve dans le bois, préparez votre petit baluchon, le soleil vient de sortir, le brochet et le doré seront frétillants, les framboises sont magnifiquement sucrées, juste à point, les bleuets, ça s'en vient bien, apportez-vous un petit bol, on se fera une super collation nature.

lundi 14 juillet 2008

Au pays de tous les miens, prise 3






Je vous le dis d'entrée de jeu, c'est le dernier billet de cette « trilogie » sur les Iles de la Madeleine même si je ne sais pas encore au moment de vous écrire de quoi exactement je vais vous entretenir. Non pas que je n'ai plus rien à dire sur le sujet ni que je n'ai plus de photos à partager, bien au contraire, il me faut faire des choix déchirants dans ces moments que j'y ai vécus, dans mes enthousiasmes débordants, des rencontres exceptionnelles, mes coups de coeur émus, ces paysages... Un jour, il faut bien revenir chez soi, dans sa réalité, même si grâce à ce voyage au pays de tous les miens, ma vie s'est enrichie à tout jamais de quelque chose de précieux comme un trésor qui m'attendait là...

Photo 1 : La brise du soir se fait douce et caressante à la butte chez Mounette, avec vue sur la lagune de Hâvre-aux-Maisons, que Papa appelait la « Baie d'en d'dans ».

Photo 2 : À partir du sommet du cap qui a donné son nom à Cap-aux-Meules où il y a maintenant un grand escalier, je suis montée le coeur battant comme quand j'avais 15 ans, pour apercevoir dans la splendeur ensoleillée les diamants de la Baie de Plaisance et la merveilleuse, la mystérieuse Île d'Entrée que je n'ai pas encore pu découvrir de plus près, ce qui me place dans la situation suivante, comme disait mon frère : « T'as pas le choix, faudra que tu y retournes aux Iles! »

Photo 3 : En m'en allant ce jour-là à la plage de Gros-Cap, j'avais la tête ailleurs, comme recueillie, je pensais très fort à mon père. J'ai arrêté la voiture pour faire une marche sur la plage et qui c'est qui m'attendait là? Ce petit renardeau qui n'a pas eu peur de moi, que j'ai pu prendre en photo à deux reprises. Je ne savais même pas qu'il pouvait y avoir des renards aux Iles. Comment sont-ils arrivés là?

Photo 4 : Sur le bateau des Croisières de la Lagune, propriété de trois de mes cousins/cousines, on nous explique des choses fascinantes sur la faune, la flore, les fonds marins et l'environnement des Iles. Alain, celui de droite, est un grand communicateur, il partage ses connaissances et son expérience d'ancien pêcheur avec une telle passion... avant de remettre à la mer, chaque fois, le contenu de la cage.

Les pêcheurs de homards

Le homard des Iles est reconnu comme étant le meilleur, en tout cas, sa réputation n'est plus à faire de par le monde! C'est Fred à mon oncle Will, mon grand ami et presque frère, pêcheur lui-même, qui m'expliquait que cette vocation économique très importante là-bas est soumise à une réglementation très stricte de Pêches et Océans Canada. C'est au hâvre de pêche de Grande-Entrée que sont ancrés chaque soir la moitié des homardiers de l'ensemble de l'archipel, c'est là aussi que se capturent à l'aube de chaque jour la moitié des homards des Iles, pendant la courte saison, dans des cages très lourdes qu'on remonte des fonds rocheux pour récolter leur précieux contenu et qu'on retourne au fond de l'eau, après avoir remis de l'appât bien sûr, jusqu'au lendemain. Cette pêche s'étend sur neuf semaines, cette année du 5 mai au 3 juillet. Les homards de taille inférieure à celle réglementaire et les femelles oeuvées doivent être remis à la mer. Les prises totales atteignent annuellement environ 2,25 millions de kilogrammes.

Aux Iles, 325 permis sont autorisés depuis de nombreuses années. Pas un de plus, pas un de moins. Assez souvent, un homardier possède son propre bateau, qui vient avec son grément, son permis et tout ce qu'il faut pour faire rouler son entreprise. Très sensibles à la préservation de la ressource, tous s'entendent pour baisser chaque année le nombre des cages qu'ils mettent à l'eau, pour ne pas qu'il y ait de transition trop brutale entre les revenus générés d'une année à l'autre. Cette année, ils avaient droit à 290 cages chacun, l'an prochain, ce sera 287. On prévoit poursuivre à ce rythme jusqu'à atteindre 270 cages par homardier. J'ai eu l'occasion d'en rencontrer quelques-uns, des amis de Fred, qui discutaient au retour d'une grosse journée, ils ont leurs préoccupations, leur langage d'initiés, leurs courages, leurs difficultés, leur esprit d'équipe, d'entraide, et une science absolument précise et étonnante de la mer, des vents, des courants, des brumes, des vagues, des fonds marins, un respect sans limite pour la mer nourricière et parfois meurtrière, cette mer qui les berce mais qui peut aussi leur ravir leur santé et leur vie.

Par ordre d'importance, les pêches commerciales aux Iles sont le homard, le pétoncle, le crabe des neiges, les poissons (morue, plie, maquereau, hareng, sébaste, requin, éperlan) les coquillages (moules, coques, palourdes), c'est ce qu'on m'a donné comme informations.

Message aux touristes

Le tourisme représente aux Iles de la Madeleine la deuxième vocation économique en importance. L'archipel est situé au coeur du golfe Saint-Laurent, au Québec, plus exactement à 215 km de la péninsule gaspésienne, à 105 km de l'Île du Prince Edouard et à 95 km de l'île du Cap Breton, Nouvelle-Écosse. Certains sont étonnés mais contents de faire partie du Québec et les Iles, comme beaucoup de régions, sont en majorité peuplées d'indépendantistes farouches! L'ensemble forme un croissant allongé (en forme d'hameçon) sur une distance de 65 km orienté sud-ouest/nord-est. On y vit à l'heure de l'Atlantique (comme dans l'expression une heure plus tard dans les Maritimes) soit une heure de décalage avec le Québec continental. L'archipel des Iles de la Madeleine comprend une douzaine d'îles, dont six sont reliées entre elles par d'étroites dunes de sable. Plus de 300 km de plages...

La population des Iles se situe autour de 13 000 habitants. Durant l'été, haute saison touristique, ce nombre quadruple... Vous imaginez la pression qui est induite sur les infrastructures telles que l'eau potable, l'environnement, la gestion des déchets, etc. Les Madelinots nous donnent tout ce qu'ils ont, ils nous accueillent avec ce qu'ils ont de meilleur et de plus beau à nous offrir. Ils possèdent ces dons incroyables, l'accueil et la chaleur légendaires qui savent nous faire sentir chez nous chez eux. N'abusons pas de leur hospitalité.

J'ai vu l'hiver dernier un film de l'ONF intitulé « Le temps des Madelinots » qui décrit leur réalité à eux, ces insulaires qu'on envahit durant les mois d'été sans se soucier de ce qu'on peut leur imposer si on ne fait pas attention. Par exemple, prendre une douche de 15 minutes aux Iles, gaspiller l'eau, c'est priver quelqu'un d'autre d'eau potable pour une partie de la journée. Je conseille à tout le monde de voir ce film avant d'aller séjourner aux Iles pour être ensuite des visiteurs attentifs à nos hôtes, respectueux de leur réalité, ce serait la moindre des générosités qu'on pourrait avoir à leur égard. Ils sont tellement conscients de l'environnement qu'ils m'ont réconciliée avec le reste de notre société : eux, ça fait longtemps qu'ils recyclent et qu'ils compostent, c'est une question d'environnement et de survie très immédiate!

Message à Brigitte Bardot, Paul Watson, Paul McCartney et son ex

Les valeurs qui m'ont été inculquées par mes parents, ma famille, je les ai retrouvées intactes et toujours bien vivantes aux Iles, au pays de tous les miens. Par exemple, ma grand-mère a habité avec nous autres lorsqu'elle a cassé maison au décès de mon grand-père. Dans le quartier, nous étions les seuls à vivre ainsi. Notre Grand-Maman a été une vraie bénédiction dans nos vies, à mes frères et à moi, et nous avons développé avec elle des liens si forts qu'ils ont survécu même à sa mort. Aux Iles, on s'occupe de nos vieux, on les chouchoute, on les chérit, on fait tout pour leur agrémenter la vie et on les entoure de tendresse. C'est une manière d'être et d'aimer que je ne retrouve plus ailleurs. J'ai vu comment on traitait là-bas ma tante Irma, Adèle et tous les autres vieux qu'on ne se gêne pas d'appeler des vieux, parce qu'il s'agit d'un titre de noblesse bien mérité qui signifie amour et attachement, qui donne droit à tous les égards. Les enfants, c'est pareil, on les amène partout, on les considère, on met à leur disposition tout ce qu'il y a de plus merveilleux et de plus constructif, ça se voit dans des milliers de petits gestes quotidiens. Et ça m'émeut que ça existe encore.

D'un autre côté, j'ignore pourquoi, les extrémistes de Green Peace et toutes les Brigitte Bardot de ce monde se sont acharnés et ont propagé la rumeur à la grandeur de la planète que les chasseurs de loups marins madelinots étaient des êtres sanguinaires au coeur durci qui tiraient des avantages onéreux à tuer des pauvres petits bébés phoques aux yeux larmoyants, avec des images spectaculaires montrant du sang rouge vif sur la banquise immaculée. Foutaise, c'est de la grande mise en scène, comme savent en faire les gens du show business.

On ne tue jamais un bébé phoque. Par contre, les phoques (loups marins) se ramassent par centaines de milliers dans cette partie du golfe à la fonte des glaces. Chacun d'eux consomme au moins 12 livres de poisson par jour (principalement de la morue). Pour les chasseurs de loups marins (dont les membres de l'équipage de l'Acadien II qui a sombré ce printemps) cette activité pratiquée dans les règles de l'art est une tradition de longue date, nécessaire, strictement réglementée, qui peut amener quelques petits dollars mais surtout qui aide à protéger la ressource principale, le poisson de fonds. Comme beaucoup d'autres, je suis outrée des mensonges éhontés qu'on colporte à grands renforts de documentaires biaisés et « stagés » d'un bout à l'autre, des nouvelles sensationnalistes qu'on diffuse partout où l'on veut voir vieillir en direct la Bardot, quitte pour cela à se taper ses élucubrations hystériques, qui s'ajoutent à des pages complètes qu'on achète dans les grands magazines américains sans rien comprendre du point de vue des scientifiques, des biologistes et des Madelinots.

Alors, quand les Brigitte Bardot, Paul Watson, Paul McCartney et son ex auront démontré qu'ils ont un minimum de respect pour les humains, les vieux, les enfants et les destinées de la race humaine, là et seulement là, ils pourront se payer des gros hélicoptères, des bateaux, des caméramen et des équipes de tournage pour venir faire la leçon aux Madelinots et les faire passer pour des êtres sans scrupules. Point.

L'histoire des Iles, celle des Acadiens

Parce que j'aime l'histoire et qu'au fil des années, j'ai fouillé les généalogies de mes parents, de mes quatre grands-parents, tous originaires de Hâvre-aux-Maisons, j'ai trouvé des histoires incroyables, invraisemblables, qui sont arrivées à mes ancêtres qui se sont toujours suivis, depuis 1604, partis du Poitou en France pour aller en Acadie, à Beaubassin et à Louisbourg, avant même que Champlain fonde Québec. Les histoires de l'Acadie, comme celles de la Nouvelle-France ont eu des développements différents mais parallèles.

Ils étaient pêcheurs bien avant de s'établir de ce côté-ci de l'Atlantique. Ils venaient tendre leurs filets au large des côtes de la Nouvelle-Écosse, de Terre-Neuve et des Iles de la Madeleine. Ils cultivaient la terre aussi, les aboîteaux étant les symboles de leur esprit inventif et de leurs connaissances en agriculture. Les autochtones Micmacs étaient leurs alliés, leurs amis, chacun faisant profiter l'autre de ce qu'il savait de la Terre et de la Mer, de la Vie tout simplement.

Puis les Anglais sont arrivés. Le drame s'est joué à l'église de Grand Pré, entre autres. Ces Acadiens étaient d'une nation fière et pacifique. Ils n'ont pas voulu prêter serment d'allégeance à l'Angleterre, le roi de France les a abandonnés aussi, ils n'étaient que des Acadiens. En 1755, on les a déportés, déchirant les couples, séparant les familles, tuant et violant les insoumis, hommes, femmes et enfants, s'appropriant et brûlant leurs biens, les maisons, le bétail, les embarcations. L'histoire du Canada en a traité un peu mais pas assez à mon goût. Aujourd'hui, la diaspora acadienne est partout présente dans le monde et parmi tous les descendants, certains se cherchent encore, leur destin reste marqué par ce drame de la Déportation, ce que ma grand-mère appelait Le Grand Dérangement. Quand je vois l'extraordinaire émotion qu'on a toujours à se retrouver, dans nos ressemblances, nos parentés, nos accents et nos musiques, je ne peux m'empêcher de penser que ça doit venir de ce qu'on a vécu comme peuple, de ce qu'on transporte d'eau salée dans nos veines à se chercher de la famille depuis Le Grand Dérangement.

Mes ancêtres ont donc été déportés. En Angleterre, en Louisianne, en France, alors que quelques-uns se sont enfuis avec l'aide des Micmacs pour gagner le Québec. Je les retrouve, mes quatre familles, aux îles Saint-Pierre et Miquelon en 1790, alors que mon ancêtre Turbide épouse la veuve d'un de mes trois ancêtres Poirier, cette femme s'appelle Anne Boudreau, dame veuve Jean Poirier, et elle figure dans deux de mes quatre arbres généalogiques, j'ai le certificat de mariage du Ministère d'état aux affaires culturelles, direction des archives de France, section outre-mer, des îles Saint-Pierre et Miquelon, pour le prouver.

Peu après, en 1793, suite à la Révolution française, des familles acadiennes de Saint-Pierre et Miquelon, sous la gouverne de l'abbé Jean-Baptiste Alain, viennent s'établir aux Iles de la Madeleine. C'est avec eux que commence la véritable colonisation des Iles. Tous mes ancêtres étaient du nombre de ce contingent des pionniers des Iles, arrivés avec l'abbé Alain. Ils se sont établis depuis ce temps toujours à Hâvre-aux-Maisons, avec quelques exceptions à Hâvre Aubert.

Au fil du temps, la vie difficile des insulaires a amené plusieurs contingents à quitter leurs chères îles pour aller s'établir ailleurs, trouver du travail et assurer leur subsistance. Ils vont ainsi fonder plusieurs villages sur la Côte Nord dont Blanc-Sablon (1854) Hâvre-Saint-Pierre, Natashquan (1855) et Sept-Iles (1872). Un autre contingent partira plus tard pour fonder Lac-au-Saumon en Gaspésie, mon père a de la famille dans ce groupe-là. Vers 1930, on partira encore un gros contingent pour aller s'établir dans la région de Jonquière, au Saguenay Lac St-Jean et la dernière grande mouvance, le dernier contingent, celui qui n'est pas documenté, celui dont l'histoire reste encore à écrire, comprenait de nombreuses familles de Hâvre-aux-Maisons, dont mes quatre grands-parents venus s'établir en Abitibi, en 1941 à l'Ile Nepawa pour mon père, en 1942, à Roquemaure, pour ma mère. Ça vous explique l'inscription qui figure depuis toujours dans le haut de mon blogue...

Un hameçon ancré au large de mon coeur

Vous voyez bien que je ne sais plus comment terminer ce billet, cet adieu à mes îles, celles que m'ont légué mes chers disparus qui m'ont accompagnée dans ces paysages jusqu'à me faire pleurer de joie à certains moments. J'ai la certitude et la conviction que je devrai y retourner encore, des gens que j'aime et qui m'aiment m'y attendent avec leurs charmes, leurs histoires, qui sont les miennes, leur parlure et leur musique, et je n'ai pas encore tout vu, tout vécu de ce que j'avais à y vivre.

Alors, pour revenir sur terre en douceur, je laisserai la parole à Sylvain Rivière, un Madelinot d'adoption, écrivain de talent que j'ai rencontré en 2002 mais dont je viens de découvrir les derniers ouvrages :

C'est un paradis échoué
Entre Bretagne et Acadie
Un archipel dégolfé
Au beau mitan du jour d'ici
C'est un hameçon sur la carte
Ancré au large de mon coeur
Un tout petit point sur la mappe
Qui m'attend à demain d'ailleurs

Elles sont marquises et souveraines
Ces îles d'or de ma chanson
Ces îles-de-la-Madeleine
Filles de buttes et de sillons

C'est un chapelet d'îlots frileux
Qui fait la vie dure aux agrès
Quand l'été se fait généreux
Que l'aube cale ses filets
C'est un pays où la parlure
Sait tenir le langage qu'il faut
Quand la nuit parle d'aventures
Dedans les yeux des matelots

Elles sont marquises et souveraines
Ces îles d'or de ma chanson
Ces Îles-de-la-Madeleine
Filles de buttes et de sillons

C'est familles, arrivées, partances
C'est lui que je porte en ma voix
C'est corps et âmes autant qu'errances
Vaillance, jargon et patois
C'est un frisson qui me nourrit
De sa rime parfois faraude
C'est mon pays, c'est ma chanson
Que je vous chante en moi qui rôde



vendredi 4 juillet 2008

Au pays de tous les miens, prise 2




Photo 1 : Coucher de soleil à Belle Anse, sur l'île du Cap-aux-Meules, le soir du 27 juin, en compagnie de Fred et Rollande, de mon père aussi, parce que mon phare, c'est lui...

Photo 2 : À marée haute, jeudi dernier, les vagues de la Baie de Plaisance frappaient doucement sur les caps comme pour me traiter avec tous les égards, dans toutes mes fragilités... Quand j'avais 15 ans, cet endroit était plutôt une grotte et la mer a fait son oeuvre depuis, pour me faire prendre conscience du temps qui passe, qui efface presque tout mais jamais la mémoire du coeur. J'avais besoin de retourner à cet endroit toute seule, sur les plages de Gros Cap et de La Martinique. Mon 15e anniversaire, on me l'avait fêté là, devant ces grottes où on allait se cacher chaque fois qu'il en arrivait des nouveaux, sur la plage où ils avaient ramassé du bois de grève depuis une semaine et quand on connaît la valeur et la rareté du bois là-bas, c'était très émouvant qu'ils avaient fait tout ça pour moi, « la cousine de l'Abitibi ». Ce feu immense, il brûle encore en moi, parce que c'est la fois de ma vie où je m'étais sentie le plus aimée, on avait été si nombreux à chanter toutes nos chansons jusque tard dans la nuit...

Photo 3 : Le 22 juin, 12 h 30, j'étais émue de retrouver mes Iles. Je n'ai pas pu l'apercevoir au complet, cet archipel en forme d'hameçon, mais quand l'avion est descendu sous les nuages, qu'il approchait de l'aéroport de Hâvre-aux-Maisons, j'ai « ressenti » ce paysage, la Dune-du-Sud... avec une telle force... Le voyage était tout neuf, j'avais une semaine de rêve devant moi et tellement de choses à vivre...

Au gré du vent

Je vous ai raconté dans mon dernier billet comment j'avais été accueillie, entourée, aimée, émerveillée et charmée par tous ces gens qui sont de ma parenté, ces personnes chères à mon coeur qui m'ont tout donné, qui me rappelaient ici et là, à tout moment, dans leur parlure, leur façon d'être, d'autres que j'ai tant aimés et qui sont disparus. C'était chaud et douillet, tellement bienfaisant que sous mes rires aux larmes, au fil des histoires et des rencontres, je cachais souvent des vagues d'émotion qui me prenaient toute entière.

Alors, il m'arrivait de refuser des invitations, des sorties, des visites qu'on me proposait si gentiment, en leur disant : « ce matin, je pars au gré du vent » et j'avais besoin de le faire de temps en temps, je vous assure. Là, je partais avec ma petite voiture et j'allais vraiment au gré du vent, m'échouer où mon âme m'amenait. J'ai sillonné tous les chemins les moins fréquentés en écoutant ma musique des Iles, du Havre-Aubert jusqu'à la Grande Entrée, m'arrêtant partout où mes grands-pères avaient pêché (la petite Sheg) où ils ont construit des jetées avec seulement la force des chevaux et leur courage (vers la Pointe-aux-loups) où Papa courait si vite avec ses petites pattes pour aller voir la Baie d'en Dedans (la butte chez Mounette) où Grand-Maman a fait l'école, les plus belles années de sa vie qu'elle disait, (Verrerie La Méduse, La Petite École, Hâvre-aux-Maisons) l'église construite avec du bois de naufrage à Lavernière ou celle de Grande-Entrée, où mon arrière grand-père Poirier a fait les clochers, entre autre. Je pourrais en nommer jusqu'à demain matin de ces lieux significatifs et évocateurs pour eux, pour moi aussi.

Des fois, j'en oubliais de manger!

De la musique et des mots

J'en profitais aussi pour découvrir des artistes et des artisans des Iles, des lieux historiques qui m'apportaient des éléments nouveaux du temps de l'empremier, parce que si je suis Francine à Léo à Avila à Julien à Jos à Dominique, du côté de Papa, la tradition orale ne s'est pas rendue jusqu'à moi plus loin qu'à partir de Julien. J'en savais des bouts, entre autre qu'ils avaient toujours été pêcheurs de homard, de morue et autres poissons de fond, chasseurs de loups marins aussi en saison, qu'ils habitaient Hâvre-aux-Maisons. J'ai retrouvé des bouts qui me manquaient. J'ai même vu une photo de mes arrière grands-parents, Julien et Julie. Ils portaient le même nom que moi. C'était du monde fier, au regard qui portait loin. J'ai compris plein de choses en les voyant.

Du côté de Maman, je suis Francine à Rita à Aubin à Emmanuel à Léon à Jean-Hyppolite à Jean et plus encore et pour ce côté-là, ma généalogie se rend jusqu'à Joseph, né en 1640 dans le Poitou, en France, marié en 1662 à Beaubassin, Nouvelle-Écosse. Du côté de Maman, on sait peu de choses, pourtant, ils en auraient eu long à raconter. Tous mes ancêtres ont connu la déportation des Acadiens et je sais tout le parcours douloureux qu'ils ont affronté à partir de 1755, les familles déchirées, qui se cherchaient pendant toute une vie, passant de la Louisianne à la France à St-Pierre et Miquelon, pour revenir dans leur Acadie, s'établir pour toujours aux Iles de la Madeleine.

Étant habituellement une adepte de la simplicité volontaire, vous ne m'auriez pas reconnue aux Iles. Pour les livres et pour la musique, j'étais boulimique. J'en ramène beaucoup dans mes bagages, ça va prolonger mon voyage, au moins aussi longtemps que je paierai ma carte de crédit. Je vous le dis, je ne me reconnaissais plus!

Des CD, on m'en a fait de merveilleux cadeaux, à commencer par ceux qui ne s'achètent pas dans les magasins, les enregistrements maison de ma parenté, ces voix chaudes et familières, ces airs d'harmonica comme ceux que mon père jouait le dimanche, en revenant de la messe, ou quand il était heureux tout simplement, en faisant son sourire dans l'oeil que j'aimais tant, d'autres chansons du coeur aux musiques qui me rentrent dedans, qui racontent nos partances, nos fêtes, nos errances, nos histoires d'amour et de famille, nos échoueries, nos misères, nos dérives, nos naufrages et nos retrouvailles. Dans les boutiques, j'ai acheté aussi Alain Poirier, Didier Turbide, Bertrand Deraspe, Georges Langford et plusieurs autres, dont des compilations d'artistes variés. En vous écrivant, j'écoute l'une de mes chansons préférées, L'île d'Entrée, par Daniel Léger, interprétée par un cousin, Alain Poirier. Ah, c'est tellement beau, écoutez ça, je vous en chante un p'tit bout...

Je respire à pleins poumons
Le vent du Suroît
Qui glace les moissons
Et le souffle des chevaux
Je descends de la montagne
Prends le dernier bateau
Et c'est contre mon gré
Lorsque je m'éloigne...
De L'île d'Entrée

Je reviendrai un jour au large de Terre-Neuve
J'achèterai le chalutier d'un vieux capitaine
Les filets sont toujours pleins dans le lit du fleuve
La tradition de mon père coulera dans mes veines

Et Alain, il a une belle voix forte qui s'adoucit en devenant plus grave à certains moments, ça me vire à l'envers! Le violon part en grande à la fin de chaque couplet et refrain, on dirait que ça résonne dans mon ventre! En tout cas, ça coule dans mes veines. Ça me fait penser qu'il faudra que je vous raconte le violon de Michel, la veille de mon départ, alors que je chantais et dansais avec ma gang « Su'l'débaris » à Cap-aux-Meules, l'endroit où il fallait aller absolument selon Jocelyne à mon oncle Will, sinon je manquais mon voyage. Vous savez quoi? Elle avait raison!

Les bouquins. Je n'ai pas pu résister. De l'histoire avec un grand H. Mais d'histoires à nous autres, avec nos héros à nous autres. Des gardiens de phare parents avec moi. De solitude et de mer. De buttes et de sillons. De capitaines et de matelots. Tellement de gens ont été inspirés par les Iles, des Madelinots, bien sûr, mais des « étranges » aussi. J'ai un recueil des plus beaux textes de Georges Langford, je ramène de la poésie et des personnages de Sylvain Rivière, les photos de Georges Fisher, le documentaire sur les 64 violonneux des Iles, dont Michel et plusieurs autres. J'ai même le Dictionnaire des régionalismes du français parlé des Iles de la Madeleine. J'en lisais des bouts dans l'avion, au retour, et je riais sous cape, parce que les exemples me venaient en tête où l'on utilise ces mots colorés et riches de sens et ces expressions dans ma famille. Ça m'évitait d'être trop nostalgique de quitter les Iles... Et je rapportais tout ça dans mon bagage à main, parce que c'était trop précieux et aussi pour ne pas payer le supplément pour excédent de bagage! Depuis mon retour, j'ai très mal à l'épaule, j'aurais dû payer le surplus mais je ne regrette absolument rien!

Des artistes et une culture distincte

J'aurais aimé vous parler aussi des artistes que j'ai rencontrés, dans leur atelier ou leur boutique, avec lesquels j'ai vécu de beaux moments. Me viennent à l'esprit les Artisans du Sable, à Havre-Aubert, la Maison du Héron, à la Pointe-aux-loups, la Verrerie La Méduse, où le souffleur de verre, François Turbide, exerce son art qu'il est en train de transmettre à son fils, Guillaume. Eux, ils sont des descendants d'Octave à Lisime, parents de loin avec nous. Et Marie Marto, à Grande-Entrée, créative et imaginative, généreuse et originale, elle fait de tout avec rien, récupère les vieilles cages à homards, le bois échoué, elle travaille avec le sable, les coquillages qu'elle broie, elle peint, dessine, écrit, crée sans cesse et voit la vie avec tant d'émerveillement. Nous sommes devenues amies instantanément. Elle m'a raconté son histoire...

Marie Marto, c'était un nom que je connaissais. Ma mère et ma grand-mère m'en avaient déjà parlé. Elle a existé pour vrai. C'est sa maison, un lieu historique resté intact, qui sert de lieu de création, de maison et de boutique à celle que j'ai rencontrée. C'est son nom d'artiste, Marie Marto. Au risque d'enlever un peu de magie au personnage, elle est originaire de... Notre-Dame-du-Nord, au Témiscamingue, dans ma région, ça doit être pour ça qu'on s'est comme reconnues! Elle a fait à peu près le tour du monde, c'est le genre de fille très capable de le faire, croyez-moi. Puis un jour, par curiosité, elle est venue aux Iles. C'était il y a 20 ans. Elle n'est plus jamais repartie... Je dois dire que pour un instant... elle m'a fait jongler...

mardi 1 juillet 2008

Clair de Dune... du Sud





Photo 1 : Les pêcheurs de homard se rapprochent des côtes à mesure que le jour avance et que la saison de la pêche au homard tire à sa fin. Dune-du-sud, Havre-aux-Maisons, Iles de la Madeleine. C'était le paysage qui s'offrait à moi juste devant mon petit chalet que j'appelais ma maison de poupée.

Photo 2 : Une vue des buttes Les Demoiselles, à partir de La Grave à Havre-Aubert. On peut apercevoir dans le ciel des pieds-de-vent. Le fromage délicieux qui porte le nom de Pied-de-vent vient de la fromagerie du même nom, située à la Pointe Basse, à Havre-aux-Maisons.

Photo 3 : Devant ma petite maison de poupée, sur la plage, en regardant vers la droite, je pouvais voir le début des falaises rouges sculptées par la mer et les buttes Pelées. Si je tournais vers la gauche, je voyais à l'infini la grande bleue et les 22 km de plage de la Dune-du-Sud.

Au pays de tous les miens

Je n'en suis pas encore revenue... En fait, oui, j'en suis revenue un peu quand même, j'ai pris l'avion dimanche dernier aux Iles, à 17 h 25, heure des Maritimes, accompagnée pour ce départ de ceux et celles qui étaient venus à l'aéroport me dire au revoir, me donnant encore jusqu'à la toute fin des présents riches de sens et de coeur, des rires, des chansons, des bisous, des câlins fort fort jusqu'à en étouffer d'espoir de se revoir, après s'être tellement reconnus, s'être tant aimés, avoir tant chanté, dansé, galopé sur les caps, partagé des moments uniques, des repas de famille, après si longtemps sans se voir, se retrouver comme si on ne s'était jamais quittés, avec la tendre promesse de ne plus jamais se perdre de vue.

À quelques minutes du départ, il y a ma tante Irma qui m'a donné du homard en pot scellé, à la façon des Madelinots, en me serrant très fort, du homard pêché par ses fils, comme son mari l'a fait longtemps, mes grands-pères aussi « Tu partageras ça avec ta mère... » et qu'on n'était plus capables de parler, ni l'une ni l'autre mais qu'on savait tout le merveilleux qu'il y avait dans ce geste-là.

Fred à mon oncle Will, Rollande, qui m'ont fait passer un séjour merveilleux, accueillie à l'aéroport, avec un repas de homard fraîchement pêché à la Grande-Entrée, et comme si ce n'était pas assez, m'ont donné des CD de leur musique, des photos prises par Fred tout au long de mon séjour et un emballage de croxignoles, des vrais, cuits dans l'huile de loups marins, comme ma mère faisait, mes grands-mères aussi et tellement de beaux souvenirs que je n'oublierai jamais.

Jocelyne à mon oncle Will, pas vue depuis 36 ans, mais que j'ai retrouvée avec nos mêmes fous rires, notre complicité, la même personnalité attachante de fille de buttes et de sillons. Le coeur grand comme le monde, on aurait dit plutôt ma soeur, toujours en train de chanter, comme son père, elle m'a aussi tout donné, m'a amenée partout où j'avais mes racines qui sont les siennes. Et son accent, le plus charmant, que j'ai retrouvé intact, vrai, pur, passionné, marin et enraciné, comme elle. Je m'ennuie déjà d'elle... et de ma Chantal qui chante, de Lina, Gilberte, Paulette, Marie. Nos soupers de filles, avec la guitare qu'on se passait au-dessus de la table, le temps d'en tricoter une autre, entre deux histoires de Nérée à Minic, de butte à Mounette, d'usine de homard, de violon à Michel, d'îles et d'échoueries, de recettes de galettes à la poudre, de croxignoles et de bordouilles...

De bateau, de chansons et de souvenirs des Iles jusqu'à l'Abitibi, à l'île Nepawa, avec Hilaire, Alain, Jacqueline et Marjolaine, à Adèle à mon oncle Azade, à se rappeler des chansons et des voix qui nous manquent, à 10 heures de l'avant-midi avec une tasse de thé. Ils m'ont fait parvenir à l'aéroport avec leur signature le CD où Adèle joue le même morceau de musique à bouche que Papa jouait, parce qu'ils m'ont donné aussi ce qu'ils avaient de meilleur : la famille et la musique.

À l'aéroport, il y avait aussi Aldège et Janette, à l'arrivée comme au départ, eux qui m'ont connue toute petite, nous étions voisins à Matagami, qui sont parents des deux bords et qui connaissent tous les miens. J'aurais aimé les voir davantage mais ils sont comme moi, un peu toujours en mouvance...

Comme j'allais passer à la sécurité, sont arrivés Roberte, Stanis et le petit Dimitri, avec lequel je suis tombée en amour. Ils m'avaient fait du sucre à la crème, avec écrit dessus la boîte un mot du coeur que je n'oublierai pas. Eux aussi sont parents des deux bords, je les aurais amenés avec moi si j'avais pu. Ils sont dans mon coeur à tout jamais...

J'ai tout vécu dans ce voyage. Tellement que je ne peux pas encore vous le raconter, une partie de moi est restée là-bas et je manque de mots. Mais pas d'émotions, en tout cas... Et j'ai pris au moins 300 photos, en plus de toutes celles que Fred m'a données sur CD, que je n'ai pas encore eu le temps de regarder en plus des photos anciennes de Jocelyne, comme un cadeau partagé qui me raconte mon histoire qui est aussi la sienne...

Et j'ai retrouvé même ceux que j'aimais et qui nous ont quittés, mon père, ma chère grand-mère, mon grand-père Poirier, mes grands-parents Turbide, reconnaître en chacun et chacune des traits de caractère, des ressemblances frappantes, des manières, des façons de dire et d'aimer, de donner, de chanter, de rire, de raconter, de se souvenir comme si on avait grandi ensemble même au loin, là où se trouve le meilleur de nous, aux Iles de la Madeleine, à Havre-aux-Maisons, entre la P'tite Baie, la butte chez Mounette, le chemin Cap-Rouge, la Dune-du-Sud, les buttes Pelées, la Pointe Basse, le chemin Poirier, le chemin Turbide, la butte Ronde, les grottes à marées basses, les sandales à déssabler, le vent de Nordet, les petites Sheg où ils ont pêché, le Barachois, l'Anse à Damasse, la Maisonnée, le golfe qui me rappelle que je ne serai jamais dégolfée...