mercredi 30 novembre 2011

Elle s'appelait Aldina...

Photo : Une belle journée de l'été dernier, avec mon amie Francine, nous nous étions donné rendez-vous pour aller visiter l'Île Nepawa, en Abitibi-Ouest. J'ai pris cette photo à partir d'un point précis de l'île, de là où l'on aperçoit cette petite église (ou chapelle) isolée sur une autre île pas loin. Ça m'intriguait et Francine aussi. On n'a jamais su ce qu'elle représentait, à qui elle appartenait, si elle avait déjà servi d'église ou si elle était devenue un chalet. Mystère... Et ce que je m'apprête à vous raconter s'est passé tout près de là, en Abitibi-Ouest également, samedi dernier, à Ste-Claire de Colombourg.

Elle s'appelait Aldina...

Je dédie ce billet (ça fait prétentieux mais je le fais du fond de mon coeur) à Dominic, mon beau-fils.

Ça n'arrive pas qu'à moi, j'en suis certaine. Là où il faut aller, là où l'on nous attend, là où l'on ne peut se défiler, là où il faut tenir sa promesse, on y va en se faisant une face, on se retrousse les manches, on soigne son attitude et on fonce, advienne que pourra. Et puis, on s'aperçoit après coup qu'on y a vécu quelque chose qu'on n'aurait jamais voulu manquer.

Vendredi dernier, donc la veille, comme j'étais dans le secteur, j'avais été faire mes politesses aux proches d'Aldina, au salon funéraire de La Sarre, avant de revenir chez moi. Je n'avais donc aucune raison d'y retourner samedi matin pour accompagner ma mère à ces funérailles mais j'ai tenu parole. J'étais grippée, on annonçait une tempête de pluie verglassante et j'attendais mes enfants pour souper.

D'abord, je devrais vous parler d'Aldina. Je l'ai croisée à deux ou trois reprises seulement dans ma vie, surtout quand j'étais petite. Ma petite enfance s'est passée en Abitibi-Ouest. Elle m'avait charmée et impressionnée par son beau visage, sa joie de vivre, son attitude, tout en elle m'attirait. Aldina était la mère de deux de mes tantes que j'aime beaucoup, la belle-mère de deux des frères de mon père, la grand-mère de plusieurs de mes cousins et d'une de mes cousines.

Aldina était née à Québec, en 1914. Elle avait 3 ans quand ses parents sont venus s'établir en Abitibi, où ils allaient fonder avec d'autres un nouveau village : Ste-Claire de Colombourg. C'est là que cette véritable pionnière a grandi, a trouvé l'amour, qu'elle a épousé celui qui faisait battre son coeur. Toute sa vie elle a semé ce que j'avais décelé d'extraordinaire chez elle, même quand j'étais enfant.

Aldina est décédée la semaine dernière, à l'âge de 97 ans, laissant derrière elle 17 enfants, 64 petits-enfants, 131 arrière petits-enfants, 67 arrière arrière petits-enfants et une arrière arrière arrière petite-fille. Pas besoin d'en dire davantage.

* * * * *

Samedi matin, très tôt, en route vers ce village que je n'avais pas visité depuis longtemps, le ciel gris de novembre s'illuminait de quelque chose de tendre, à mesure qu'on approchait des paysages de mon enfance, ceux qui me sont restés dans le coeur comme des personnages attachants et familiers, le coin chez Marouffe, les 9 milles, Duparquet, la fourche de Matheson qu'on prenait pour aller à notre chalet du lac Hébécourt, les épouvantails de Rapide-Danseur, la fourche de Gallichan et de Roquemaure, le village de Palmarolle et la grande côte d'où l'on voit le bout du monde, où l'on tourne soit à gauche pour aller sur l'Île Nepawa, soit à droite, pour aller à Ste-Claire de Colombourg.

De chaque côté de la route, des maisons de ferme, vieillottes mais toujours coquettes, des belles d'autrefois qui côtoient fièrement des modernes fonctionnelles et de loin, de partout, on aperçoit le clocher de l'église de Ste-Claire de Colombourg. Je vais revoir la maison des Villeneuve, la cour où l'on se patentait une motoneige qui réussissait à pétarader jusqu'au dépanneur chez Lecours ou dans la vaste cour de l'église qui me semble aujourd'hui si petite.

En ce samedi de fin novembre, tout est là, rien n'a changé, je retrouve comme par enchantement mon enfance et l'ambiance couleur sépia qui colore toutes mes images dans ma tête. On dirait que la vie me ramène un peu malgré moi à ce que j'avais oublié mais que je retrouve intact.

Le stationnement de l'église déborde jusqu'à la salle municipale, le village est réuni pour rendre hommage à Aldina. Nous entrons dans l'église, pleine à craquer. L'odeur de vieux bois me saisit au même moment où je suis envahie de la beauté de l'architecture et des vitraux. Une si petite église de village avec tant de charme... Une douce musique vient du jubée. Tout le monde sourit. Je n'ai jamais vu tant de retrouvailles chaleureuses et d'accolades qui s'attardent, tant d'enfants si beaux, si affectueux, si collés sur d'autres enfants qui se tiennent par la main, qui se lâchent pas, qui se ressemblent, qui ont un air de famille. Aldina a tout transmis ça à sa nombreuse descendance...

Pendant la cérémonie des funérailles, tout le monde est recueilli, respectueux et souriant. Dans tous les moindres petits gestes et les rituels habituels, on s'inspire d'elle, on parle d'elle, on s'imprègne d'elle, si présente dans cette église, surtout dans son absence. Il n'y a pas de vide au départ d'Aldina, elle a tant semé tout au cours de sa vie.

Dans l'un des nombreux hommages qu'on lui rendra, on rira beaucoup, on s'attendrira parfois, on sourira tout le temps, on se souviendra de son accueil, ses chansons, son humour, sa générosité, sa grande curiosité intellectuelle, ses phrases célèbres, son besoin de rassembler son monde, de donner sans attendre en retour, son attitude devant la vie, les épreuves, la mort, la vie, les coups durs, les entourloupettes du destin, et tout ce qu'elle était, de beau et de bon.

Au jubée, les chants se succèdent avec entrain, harmonie, puissance et joie. J'en ai la chair de poule par moments, si j'écoute les paroles. On se croirait avec les anges, au paradis, comme ils nous le décrivaient quand j'étais enfant. Je ne reconnais pas les chants habituels des funérailles, je ne les ai jamais entendus ceux-là, si pleins d'espoir et d'amour de la vie. J'apprendrai plus tard que cette chorale improvisée était faite surtout de ses petits-enfants qui savent toutes ces chansons par coeur parce qu'elle les a bercés de ses chants-là toute leur enfance et même parfois dans leur vie adulte.

La cérémonie achève et on nous invite tous à rester ensemble pour nous rendre jusqu'à la salle municipale où le dîner nous attend. Aldina nous invite comme elle l'a fait si souvent pour rassembler tout son monde autour d'elle. On insiste qu'il faut y aller. La salle municipale est en soi une curiosité, sa façade si modeste abrite de nombreuses rallonges qu'on ne réalise que lorsqu'on entre à l'intérieur, où c'est immense et tout ouvert, avec des mezzanines, des petites élévations, une scène, une autre scène plus élevée encore, c'est clair qu'avec les années, et la vie communautaire de ce village, on l'a agrandie par en dedans et à défaut d'être somptueux, le décor est si chaleureux, délicieusement imparfait et authentique. On est en famille ici. D'ailleurs, les membres de ma famille viendront se joindre à nous, à la même table.

On nous sert un repas chaud, dans la bonne humeur et la joie. Ces abeilles-là, hommes et femmes du village, sont à l'oeuvre depuis la veille à préparer tout ça. En mémoire d'Aldina qu'ils aimaient tant. Ils retrouvent des membres de la famille pas vus depuis longtemps, se présentent les conjoints, les enfants, s'embrassent, se serrent la main, se brassent les épaules, s'éclatent de rire et collent les chaises, les tables, se volent les enfants à bercer, à cajoler. On dirait une noce de l'ancien temps...

Une belle jeune femme circule dans les allées avec un énorme gâteau qu'elle a fait la veille, où elle a dessiné le visage d'Aldina, au glaçage, une Aldina souriante et son regard bienveillant sous ses lunettes et ses frisettes. C'est son hommage sucré et personnel, elle est l'une des 64 petits-enfants et elle nous offre « un morceau de sa Grand-Maman » au dessert.

Tout au long de ce repas, j'étais émerveillée de toute cette solidarité et cette affection qui se déployaient sous mes yeux, cette ambiance familiale et conviviale, que je croyais révolue à tout jamais, dans notre monde d'aujourd'hui. Au moment de quitter, on m'a même dit que la famille (fort nombreuse) profiterait de la salle pour le reste de la journée, que la même chose se reproduirait au souper, qu'on allait chanter et peut-être même danser quand les tables seraient rangées. On nous a remerciées d'être venues, ma mère et moi, et on m'a bien avertie d'être prudente sur la route au retour, avec raison d'ailleurs, puisque la tempête de pluie verglassante était déjà commencée.

J'ai vu, entendu et vécu tant de choses cette journée-là que j'en suis revenue avec quelque chose de tout neuf dans le coeur qui m'a regaillardie pour un bout. Je me sentais privilégiée d'être là et de vivre ça. Grâce à Aldina.

* * * * *

Sur le chemin du retour, la pluie verglassante et la neige ralentissaient ma conduite à 60- 70 km/heure tout au long. Je n'avais pas peur, je me sentais en sécurité. Il n'y avait pas de place pour autre chose dans ma vie à cet instant-là que la simplicité du bonheur de vivre et d'aimer... En plus, après avoir déposé ma mère chez elle, je m'en allais chez moi cuisiner un repas chaleureux pour mes zamours, que j'avais si hâte de retrouver.

* * * * *

En attendant qu'on se mette à table pour le souper chez nous, Isabelle et son père jouaient avec Félixe dans le salon. Dominic et moi, on jasait dans la cuisine et je ne pouvais m'empêcher de lui raconter cette journée étrange où j'avais tant reçu, et je lui partageais pêle-mêle des bribes de tout ce dont j'avais été témoin.

- C'est donc ben beau, ça, Francine, tu devrais écrire ça!

- Je te le dis, Dominic, ça me remplit le coeur de quelque chose que je pensais pas qui existait encore, comme une sorte de monde idéal...

- Vas-tu écrire quelque chose sur ton blogue?

- Je le sais pas... Ça va être ben difficile de « pas »... Peut-être...

- Ben moi, j'ai super hâte de te lire!

Alors, voilà, mon très cher Dominic. Celui-là, il était pour toi!

mardi 22 novembre 2011

Phénomènes modernes






Photo 1 : Été 2011. Papillon. Mirage. Éphémère.


Photo 2 : Un danger rôde. Dans les pistes du petit orignal se profilent celles, redoutables, d'un gros ours...


Photo 3 : Novembre 2011. Soleil levant sur matin froid.


Phénomènes modernes


Ce billet qui contraste cruellement avec le précédent (Plaisir démodé suivi de Phénomènes modernes!...) m'est inspiré par un petit fait banal survenu vendredi soir dernier. J'aurais souhaité que ça me passe mais non, c'est toujours là à me chicoter, alors il faut que je vous en parle!


Au bistrot bar où l'on cinqàseptte tranquillement, avec la musique jazz en sourdine et les petites lumières coquines qui nous rendent tous plus beaux, les gens se rejoignent, se retrouvent, s'interpellent, se serrent la main ou se bisoutent sur les joues, avant de s'asseoir ensemble dans une ambiance joyeuse et détendue de vendredi soir en ville. Notre fille viendra nous saluer elle aussi juste avant d'aller chanter au P'tit Théâtre du Vieux Noranda. Tout est parfait? Non. Quelque chose cloche pour moi qui suis tellement sensible aux ambiances.


À une table près de la nôtre, de biais un peu, une petite table pour deux... Un gars est assis tout seul, son ordinateur portable ouvert, sa bière froide repose à côté, il a les yeux braqués à la fois sur son Iphone dans sa main gauche et sur son écran d'ordinateur. Il ne les quitte pas une seconde, pitonnant allègrement sur l'un et l'autre. De toute manière, ses deux laisses font des murs entre lui et le reste du monde. Ça me met mal à l'aise. Ça me déconcentre. Je me dis que ce gars-là, tout seul au milieu de tant de monde qui communiquent, doit être un étudiant débordé en fin de session, ou alors un travailleur autonome qui approche dangereusement de l'heure de tombée d'un contrat important. Je le plains...


J'en parle à Isabelle et à Crocodile Dundee. Elle me rassure, il ne fait pas pitié du tout, elle peut voir son écran, il est sur Facebook! Ah bon. Sur son Iphone, il ne parle à personne non plus, il pitonne frénétiquement. Crocodile Dundee, lui, se met à observer le gars comme un animal étrange. Il n'en a jamais vu en forêt de ces spécimens bizarres... Il finit par décréter : « Pourquoi il la prend pas chez lui, sa bière, tant qu'à être isolé de même? » et on finit tous les trois par être un peu hypnotisés par la présence (si absente) de ce dépendant aux réseaux sociaux avec lequel on n'échangera même pas un regard pendant toute l'heure qu'on passera là. Quand on est partis, il était encore là, à pitonner. On trouvait ça malsain, on ne pouvait rien faire. On venait d'assister à un phénomène moderne troublant.


L'autre jour, en voiture, j'attendais que ma lumière tourne au vert, à l'entrée du viaduc près de RNC Média. Je voyais deux filles s'en venir à pied l'une vers l'autre, mais je n'imaginais pas une seconde qu'elles allaient se rencontrer puisqu'elles pitonnaient toutes les deux en marchant. Rendues au point de rencontre, elles se sont saluées puis elles ont marché ensemble, toujours en pitonnant. Ma lumière est tombée verte. Je suis partie.


Souper de Pâques 2011, dans une famille que je connais. Six personnes à table, dont quatre dans la vingtaine (enfants de la maison et amis) et les deux parents, dans la cinquantaine. Les quatre à table attendaient passivement le souper qui était sur le point d'être servi... en pitonnant sur leur Iphone. Ils ne se parlaient pas entre eux, non, ils étaient en lien avec d'autres, au loin. Les parents ont servi le souper aux quatre puis ils ont apporté leur assiette dans le salon. Personne ne s'en est rendu compte. Les parents ont dû avoir de la peine mais ils n'ont rien dit, n'ont pas réagi. Je ne sais pas comment ils ont fait. Moi, j'aurais pété une méchante coche poivrée de luxe 5 étoiles. Pourtant, je respecte énormément la liberté des gens mais ça, j'aurais pas pu.


Y a-t-il un lien entre ces trois faits apparemment anodins? En tout cas, j'en ressens un profond malaise, pour ma part, c'est certain. Tous ces gens, particulièrement des jeunes, qui se réfugient sous le parapluie de l'incommunicabilité, alors qu'on a tant de moyens de communiquer les uns avec les autres, je vous avoue que ça m'inquiète et que ça me fait peur.


Je suis arrivée dans le monde virtuel dans les années 90, où j'animais avec d'autres des forums de discussion regroupés sous le nom de Place Publique, qui avaient une grande popularité. Il y avait là plusieurs communautés virtuelles tissées serré, aux quatre coins du Québec et du monde entier. C'était l'effervescence, la découverte, l'enthousiasme, les passions partagées pour la littérature, l'éducation, le cinéma, l'informatique, la politique, la vie sociale, les voyages, etc. On communiquait vraiment, on se liait d'amitié, on échangeait, on discutait, on se donnait des trucs et des conseils et puis, on retournait à nos vies réelles. Derrière chaque pseudo, il y avait une personne qui transcendait l'écran et le clavier.


Sont arrivés les blogues qui ont connu leur plus grande popularité dans les années 2005 et les suivantes. Encore là, on y devinait une personne derrière chaque nom de plume. Chaque maison virtuelle ressemblait à celui ou celle qui l'avait construite pour y accueillir sa belle visite, les fidèles comme ceux de passage qui venaient y déposer quelques phrases. S'y dessinaient tranquillement des réseaux et des alliances tout à fait libres d'engagement, au fil du temps et des échanges. Une sorte de communauté virtuelle plus volatile mais à laquelle on pouvait quand même s'identifier.


Sur Facebook, j'y suis aussi présente mais si peu... pour des raisons pratiques et autres que l'amitié, l'échange et la communication. Ce réseau a ses particularités et ses fonctions utiles, j'en conviens, mais je ne m'y sens pas chez moi du tout. Je ne demande jamais à personne d'être mon ami(e) et lorsqu'on m'envoie ce genre d'invitation, c'est pas sûr du tout que je dise oui. Le jour où je serai rendue à 100 amis Facebook, je pense que je vais fermer mon compte!


Twitter, vous connaissez? Pas moi. Ça me rebuterait de fréquenter cette tour de Babel où tout le monde parle et personne n'écoute. Ça me rappellerait trop d'anciennes réunions de travail!


Donc, vous voyez où je veux en venir? Ces phénomènes modernes que sont les réseaux sociaux, à mesure qu'ils passent de mode et qu'il s'en crée d'autres, plus nouveaux et plus performants, ils perdent leur essence « sociale » et nous éloignent les uns des autres, si l'on suit le courant. Et moi, j'ai toujours eu le don d'être à contre-courant...


jeudi 17 novembre 2011

Plaisir démodé





Photos 1, 2 et 3 : C'était samedi dernier, on gardait Félixe à coucher et on lui avait promis (après le bain et avant les histoires) une collation très très très spéciale : Des « thaï » su'l'poêle à bois! Devrait-on plutôt écrire des « tailles » ou des « tye »? Est-ce que ça porte un autre nom par chez vous?



Plaisir démodé



Avez-vous déjà goûté à ça? Pas nécessaire d'être vieux! C'est le genre de gastronomie rustique accessible à tous, une « recette » magique comportant un seul ingrédient : des patates! Même pas épluchées!



Le poêle à bois doit être chaud par exemple. Il faut pas être pressés, encore moins stressés, l'idée là-dedans, c'est de prendre son temps, les surveiller, les virer de bord juste à point tout en jasant, en espérant, en anticipant la joie toute simple de ce plaisir démodé : déguster des thaï, se les offrir, les partager. On est loin de la restauration rapide là, on travaille plutôt son parfait contraire.



On prend une pomme de terre (ou deux ou trois) on la passe sous l'eau, on l'essuie, on la coupe en toutes petites tranches minces qu'on place sur le poêle à bois chaud et c'est tout. De temps en temps, avec une spatule, on les soulève pour savoir s'il est temps de les virer de bord.



Si on pousse la gourmandise un peu plus loin, on peut y saupoudrer du sel avant de les déguster. Crocodile Dundee, lui, il y fait fondre un peu de beurre, et nous avons un profond désaccord sur ce sujet chaud parce que moi, je les préfère nature, mais il a réussi à influencer Félixe, parce que Mamoiselle, elle veut du beurre dessus, comme Papi... C'est pas juste, il l'a prise par les sentiments!



C'est parce que chez lui, quand il était petit, on y faisait fondre du beurre, alors ça fait partie de sa culture. Ce sont ses grandes soeurs qui faisaient des thaï le samedi soir, ça devenait une activité familiale rassembleuse et agréable... autour du poêle à bois.



Moi j'ai connu ça chez mes grands-parents Poirier, dans la grande maison du Rang VII, à La Sarre. Mes oncles et tantes les plus jeunes se faisaient des thaï plein le poêle à bois et m'en offraient tant que j'en voulais, j'étais « la p'tite » qu'ils gâtaient et qu'ils trouvaient drôle. Je me souviens que c'était toujours un moment joyeux, de paix et de rires, de chansons aussi, quand mon oncle Paul sortait sa guitare et qu'on chantait les succès de l'époque en attendant les thaï. On aurait jamais mis de beurre là-dessus, nous autres, on les aimait croustillantes, avec juste un ti peu de sel...



J'en conviens, c'est pas tout le monde qui a un poêle à bois dans sa cuisine. En avez-vous un au chalet? Au campe? Sinon, j'ai pensé à vous pour que ce plaisir démodé puisse être partagé par tout le monde. Dans un four chaud (disons 450 degrés F) dans une grande tôle qu'on aura préalablement enduite d'huile, (juste pour ne pas que ça colle) on surveillera nos thaï pour ne pas qu'elles brûlent. C'est tout. Tout aussi magique même sans le poêle à bois!



Si j'ai dit que ce plaisir est démodé, je le regrette un peu parce qu'au fond, il est indémodable. Surtout que ces samedis soir nous laissent pour toujours des souvenirs impérissables.





mercredi 9 novembre 2011

Haute fidélité






Photo 1 : Deux huards. Ces oiseaux magnifiques sont fidèles l'un à l'autre tout au long de leur vie. Ils font équipe, s'entraident, reviennent toujours sur le même plan d'eau et partagent les tâches, comme la protection et l'éducation des petits, etc. Ils m'inspirent!



Photo 2 : Ciel d'été au lac Dufault.



Photo 3 : Encore un autre ciel d'été au lac Dufault. Non, je vous le jure, je n'avais pas de filtre orangé sur ma caméra.



Haute fidélité



Je pense très souvent à mon père. Il est décédé depuis bientôt 7 ans mais j'ai encore très souvent avec lui des conversations imaginaires qui me font du bien, me rassurent, répondent aux questions que je me pose ou m'amènent des sourires empreints de bons souvenirs et de tendresse. Ça, je le sais, c'est la complicité qui transcende les frontières du temps et de l'espace. Me reviennent aussi à l'esprit de ces conversations qu'on a eues réellement, lui et moi, quand j'étais une enfant, une adolescente, une jeune femme.



Une fois, je me rappelle, j'avais exactement 20 ans, j'étais à la veille de me marier. Je venais de lire dans un magazine sérieux un article portant sur différents aspects de la vie de couple, documenté par une étude récente avec un important échantillonnage d'un sondage mené auprès de personnes d'âges divers. Les statistiques recueillies au chapitre de la fidélité m'avaient ébranlée. Et pas à peu près! Cette étude soutenait qu'au moins 60 % des personnes avaient connu ou allaient connaître un épisode d'infidélité au cours de leur vie... Outrée que j'étais, déçue de la nature humaine, inquiète de m'engager pour la vie avec le même homme, en sachant cela. J'avais besoin d'en parler avec P'pa. Cette fois-là, il ne m'avait pas rassurée du tout, au contraire. Voici à peu près la conversation qu'on avait eue sur le sujet :



Moi : C'est exagéré, certain, ça se peut pas, 60 % des hommes vont être infidèles au moins une fois dans leur vie. C'est décourageant.



P'pa : Attends un peu là, ils disent pas 60 % des hommes, c'est 60 % du monde.



Moi : Ça doit être les hommes...



P'pa : Avec qui tu penses qu'ils trompent leur femme? Avec des célibataires?



Moi : Y en a tu rien que 40 % qui sont fidèles?



P'pa : Ça se peut. On parle de toute une vie... Quelqu'un peut avoir un accident un soir, une erreur, ça veut pas dire que ça va se reproduire.



Moi : Si t'avais trompé M'man, toi, tu lui dirais?



P'pa : Je le sais pas. Ça dépendrait...



Moi : Comment ça, ça dépendrait?



P'pa : Si j'étais attelé double, ta mère le saurait tout de suite. Mais si c'était une erreur d'un soir, j'y penserais à deux fois avant de me jeter à l'eau.



Moi : Ça voudrait dire qu'en plus d'être infidèle, tu serais menteur à ce moment-là?



P'pa : Ben non... Ça voudrait dire que je l'aime pis que je veux pas la perdre, je vivrais avec mes remords, ça serait moi le pire. Mais c'est pas de moi qu'on parle ni de ta mère, c'est des 60 % d'infidèles, on n'est pas là-dedans!



Moi : OK. C'est qui ton meilleur ami?



P'pa : On va dire Paul.



Moi : J'y ai bien pensé que tu me dirais Paul. Bon, si sa femme le trompe pis qu'il se doute de rien, tu vas lui dire la vérité, toi, c'est ton meilleur ami?



P'pa : Il en est pas question!



Moi : Mais c'est ton meilleur ami, tu l'aimes, tu voudrais pas qu'il se fasse jouer dans le dos?



P'pa : C'est justement parce que je l'aime que je lui dirais rien. C'est entre lui et sa femme que ça se passe, ça me ferait de la peine, mais c'est pas à moi de lui dire ce qu'il voit pas, ce qu'il sait pas, ce qu'il a jamais vu venir.



Moi : Je te pensais plus franc que ça.



P'pa : Je suis franc mais je me mêle de mes affaires. Si la femme de Paul le trompe, c'est que ça va pas bien dans leur couple, l'infidélité c'est le signe de quelque chose qui va pas. Ça se pogne pas comme la grippe, ça!



Moi : Et si c'était Paul qui trompait sa femme?



P'pa : Là, j'essaierais d'avoir une bonne jase avec lui, voir ce qui va pas dans sa vie, je lui demanderais ce qui se passe, comment il vit ça, j'essaierais de l'aider à se démêler.



Au moins, je trouvais que mon père avait encore quelques bons vieux principes de meilleur ami! À la suite de cette conversation, je me souviens que j'étais quasiment déçue qu'il soit si nuancé, si réaliste, qu'il ait une si bizarre définition de la loyauté envers son meilleur ami, pas tranchant du tout ni accusateur à propos des faiblesses de la nature humaine qui n'avaient pas l'air de le surprendre ni de l'ébranler, lui. Je le trouvais pas mal trop compréhensif et ouvert d'esprit. J'étais à l'âge de l'absolu...



Et si j'avais 20 ans, ça veut donc dire que mon père en avait 50. Il avait vu neiger, comme on dit. Aujourd'hui, j'ai la cinquantaine, j'aimerais reprendre cette conversation avec lui. Celle-là sur la fidélité et pas mal d'autres sur la vie, la famille, les enfants, le travail, les obligations, les responsabilités, la société, les relations interpersonnelles, le sens qu'on donne à la loyauté, la fidélité, l'amour et l'amitié.



J'ai l'impression que je concluerais toutes nos conversations par :



« T'as raison, P'pa! »