mardi 29 janvier 2013

Nos jeux d'enfants


C'était l'été dernier, au campe à mon frère, à un kilomètre du nôtre, à Rapide Deux. Nous étions à faire des travaux extérieurs pendant que les enfants jouaient autour de nous. 


Y a-t-il quelque chose de plus attirant qu'une balançoire aussi rustique en plein bois?


Adam, Félixe et Clara ont eu un plaisir fou ce jour-là!

Nos jeux d'enfants

En classant mes photos ce matin, je me faisais la réflexion que les jeux d'enfants les plus mémorables qu'on a connus quand on était petits ne s'achètent nulle part dans les magasins. Vous souvenez-vous de ces jeux-là? On n'avait rien mais on avait tout!

Les familles étaient si nombreuses que nos parents avaient bien d'autres choses à faire que de nous divertir et nous amuser. C'est tout juste s'ils nous surveillaient, on avait la responsabilité de se surveiller entre nous autres et de régler nos différends sans qu'ils s'en mêlent. D'ailleurs, on aimait mieux qu'ils ne s'en mêlent pas, on aurait pu se faire chicaner, on ne prenait pas de chance. « Jette un oeil sur tes p'tits frères » que Maman disait. Et Maman était très représentative de tous les parents de l'époque. 

On n'avait pas besoin de bébelles, on avait plein d'amis! 

Jouer à la cachette était une activité très populaire. Des heures de plaisir. Comme la tag. Fallait courir vite et anticiper les déplacements. On a déjà poussé le raffinement jusqu'à jouer à la tag Bar-B-Q. Je me souviens de soirées complètes à jouer à Police délivrance aussi. Et aux Drapeaux. Le summum du bonheur, c'était quand l'une de nos mères cassait son manche à balai ou à moppe. Là, on héritait du manche cassé et on demandait à l'un de nos pères de le couper droit avec une scie pour en faire un petit et un grand bâton, on se divisait en deux équipes et on était repartis pour au moins une semaine! 

À Matagami, on construisait des campes au bout de la rue Rupert qui était encore boisée et plus tard, sur le boulevard Matagami, où il y a aujourd'hui un bar très populaire. Ils ont dû en trouver des bouts de planches et des 2 par 4 quand ils ont construit ce bar! On en avait semé partout, des campes, et on ne coupait jamais d'arbres. Au pire, on en pliait quelques-uns des petits rabougris pour s'en faire un toit. On construisait écolo avant la mode et pour nous autres, le développement durable, ça voulait dire le temps d'un été... 

La corde à danser... Il suffisait qu'un parent, dans un grand élan de générosité printanière, en trouve une en faisant l'épicerie et la mette dans son panier avant de passer à la caisse. C'était d'ailleurs un signe de printemps quand une fille arrivait à l'école avec une grande corde à danser toute neuve. « C'est pas moi qui tourne stampette », ça voulait dire que c'est pas moi qui tourne, stamp it, genre c'est coulé dans le ciment, c'est pas moi qui tourne, je suis la première à le dire. On n'aimait pas ça tourner, on aimait juste sauter à la corde mais ça en prenait deux qui tournaient pour que les autres puissent jouer. On pouvait être jusqu'à huit, dix, douze, à s'amuser avec la même corde. 

Je sais pas pourquoi, les petites chansons de corde à danser, je m'en souviens de toutes. « Ah ah ah que je t'aime/Viens ici ma très chère Claire à ma porte/J'ai un secret à te dire dans l'oreille/Que je t'aimerai toute ma vie/Ah oui chérie youpi ».

Quand mes parents sont déménagés de Matagami à Noranda, (j'ai eu tellement de peine, si vous saviez, je ne vivrai plus jamais pire déracinement...) les filles de ma nouvelle rue jouaient à la corde à danser en scandant : « Thinker taylor soldier sailor richman poorman bigman chief/A doctor/a lawyer/a pow wow chief ». J'avais compris que j'étais alors dans une ville minière où il fallait devenir bilingue au plus vite si on voulait se faire des amis. On avait de la misère à se faire servir en français chez Woolworth, Vic's Handy Store, Superior Food Market mais nous autres, on achetait toujours Chez Dumont! Heureusement, quelques années plus tard, le Parti Québécois et la Loi 101 ont changé la donne et dans ma famille on lisait plus La Frontière et L'Écho Abitibien que le Northern Miner et l'autre dont j'oublie le nom, sinon j'aurais été complètement perdue.

La balle. Vous souvenez-vous des balles bleu blanc rouge? Je m'excuse de vous taper sur les nerfs avec ça mais je vais vous la rechanter, celle-là aussi : « Allons dîner chez le Chinois/Rien à faire/Sans parler/Sans rire/Sans bouger/D'une main/De l'autre main/D'un pied/De l'autre pied/Tapez en avant/Tapez en arrière/En avant en arrière/En arrière en avant/Salut les garçons/Salut les filles/Salut les Scouts/Awinchigo! ». Magali nous avait dit que ça s'appelait la balle au mur. 

Je ne vous ai pas parlé de Magali... À Matagami, sur la rue Rupert, on habitait dans des maisons mobiles. On disait « les roulottes de la mine ». Une fois, Papa nous avait dit que la roulotte de biais à la nôtre allait être habitée prochainement, un nouveau mineur venait d'arriver, directement de la France, il travaillait à la Orchan Mines lui aussi. C'est là qu'on a connu Magali et son p'tit frère Bernard. Ils étaient adorables. Avec un accent très fort du Midi de la France. Ils ne jouaient pas aux mêmes jeux que nous. Ils nous ont donné de grandes leçons d'intégration ces deux-là. 

Au début, Magali disait à toutes les deux phrases : « Nous autres, à Toulouse, en France... » mais on lui a vite fait comprendre que jouer à la marelle, ici, ça s'appelait « jouer aux carreaux » mais c'était pareil. Ils nous ont montré de si belles chansons... dont je me souviens encore mais je ne vous les chanterai pas toutes! Et puis, la mère de Magali et Bernard a cassé son manche de moppe  presque en arrivant et on leur a montré à jouer aux bâtons. Ils savaient jouer à la cachette mais ils appelaient ça « à cache-cache ». Fallait tout leur expliquer, à Magali et Bernard, mais ils apprenaient très très vite. Aujourd'hui, je comprends qu'ils devaient beaucoup s'ennuyer de leur pays d'origine... à Toulouse, en France. Et me reviennent tous ces récits qu'ils nous racontaient parfois quand on leur posait des questions sur leur vie d'avant Matagami, parce qu'en pays neuf, on venait tous d'ailleurs et eux venaient d'encore beaucoup plus loin que nous. Ils aimaient à en parler et nous, on les écoutait avec des envies de voyages... avant de retourner jouer. 

Une fois, Papa était devenu le héros instantané de la rue Allard. Là, on avait eu un loyer de la mine et on se trouvait beaucoup mieux logés que dans la roulotte, c'était immense il me semble. Papa s'était construit un garage et avec les restes de 2 par 4, il m'avait fait des échasses. Le grand luxe! Tout le monde voulait les essayer, avoir son tour, alors Papa en avait fait d'autres jusqu'à ce qu'il ne lui  reste plus de 2 par 4. On avait grandi de 18 pouces tous en même temps dans la même semaine! 

Je sais pas pourquoi je vous raconte ça... Ah oui, je le sais, c'est parce que je me trouve chanceuse d'avoir vécu ces belles années d'enfance où l'on n'avait besoin de rien pour s'amuser, juste des amis... Savez-vous quoi? Cela construit une vie, je crois. Aucun jeu éducatif et coûteux ne nous en apprendrait autant sur la vie et sur le monde. 

Si j'avais un souhait à faire, ce serait que nos petits d'aujourd'hui connaissent de temps en temps ces plaisirs démodés. 

lundi 21 janvier 2013

L'art de ne pas travailler


Un tétras mâle (perdrix) perché dans un pin gris, l'été dernier. 


Je m'approche à pas de loup (très mauvais choix d'expression pour ne pas effrayer mon tétras qui a plusieurs prédateurs, dont le loup). 


Il ne craint rien, visiblement, puisqu'il me fait face. 


Il ne craint tellement rien qu'il vient me montrer ses plumes! 

L'art de ne pas travailler 

Encore une fois, mes photos n'ont rien à voir avec mon billet mais j'avais le goût de partager un petit bout d'été en ce matin de froid sibérien! 

« L'art de ne pas travailler », par Ernie Zelinski, publié chez Stanké en 1998, arbore en sous-titre « Petit traité d'oisiveté active à l'usage des surmenés, des retraités et des sans-emploi ». Je me souviens de l'avoir acheté et d'avoir eu le goût de le lire à l'époque où j'étais dans la catégorie des surmenés! Maintenant dans la catégorie des sans-emploi, je devrais le relire pour voir si ça me parle encore... 

Ce que j'avais beaucoup aimé de ce livre, c'est qu'il posait des questions essentielles et que chacun y répondait à sa manière. La valeur sociale du travail n'y est pas remise en question mais plutôt décortiquée, soupesée, évaluée, en suggérant des pistes pour mieux équilibrer nos vies, entre le travail et notre vraie nature. Tout un programme... 

Depuis que je ne travaille plus, en fait depuis le début de l'année 2013, on dirait que je n'ai jamais tant réfléchi à cet aspect très important de notre vie, le travail. D'en être libérée m'amène à tellement voir et comprendre des choses que je ne saisissais pas encore il y a à peine quelques mois. Beaucoup de personnes autour de moi vivent des situations très difficiles par rapport à leur travail, ce qui ne repose pas du tout le petit hamster que j'ai dans le ciboulot, qui reçoit plein d'informations contradictoires et qui essaie de faire du ménage là-dedans, entre mythes et réalités. 

Dans les années 70, il y avait un succès qu'on pouvait entendre à la radio et dont le refrain me projetait toujours dans une réflexion qui durait bien plus longtemps que la chanson : « On perd sa vie à vouloir la gagner/Tu devrais y penser ». 

Les plus mal pris, à mon avis, sont ceux qui bossent pour des grosses institutions, où ils ont des conventions collectives, des droits et des avantages de toutes sortes. Vient un moment où la structure et l'organigramme les étouffent à tel point qu'ils se sentent comme des numéros et qu'ils finissent par agir comme tels, parce que des décisions administratives totalement imbéciles sont prises ailleurs, loin loin loin de chez nous, et qu'ils doivent en payer le prix, au péril de leur vie personnelle, amoureuse, familiale et sociale. Ceux-là, j'ai peur qu'ils perdent leur vie à vouloir la gagner. 

Ils seraient plus jeunes et moins bien payés qu'ils penseraient à remettre en question tout ça. Ils disent qu'ils ne peuvent pas. Quand je les écoute, je pense aussi qu'ils perdraient beaucoup en quittant leur travail, et sûrement qu'ils perdraient trop. Mais ils ne perdraient pas tout. On a tort d'accorder tant d'importance au travail, surtout quand il nous rend si malheureux. 

Je connais un gars de mon âge qui, s'il quittait tout de suite son enfer qui le rend malade, aurait un fonds de pension amputé de 18 %. En boutade, je lui ai dit que ça lui ferait quand même toujours bien 82 % de plus que moi... Ça ne l'a pas fait rire. D'ailleurs, il ne rit plus beaucoup, c'est ce qui m'inquiète. Il va donc endurer son enfer au péril de sa santé et de sa vie pour encore 4 ans, sans savoir s'il sera toujours vivant à ce moment-là pour profiter de son fonds de pension à 100 %. 

Peut-être que c'est juste sa conception du travail, comme valeur sociale et personnelle, qu'il devrait remettre en question? Je n'oserais jamais opposer mes arguments aux siens, s'il y a une question intime et grave, c'est bien celle-là et j'ai trop peur de me mettre les pieds dans les plats, surtout que je me suis toujours reconnue dans la cigale plus que dans la fourmi. 

Évidemment, l'idéal, c'est quand on aime ce qu'on fait, qu'on a le sentiment de participer à construire quelque chose de signifiant pour notre société et qu'on trouve un sens à notre vie dans notre gagne-pain. J'ai entendu dire qu'il y avait même des gens qui se sentaient valorisés dans leur travail. Oui oui, ça existe encore, il paraît. Mais autour de moi, il y a beaucoup de personnes qui ont déjà été heureuses au travail et qu'on a réussi à complètement démotiver et éteindre, à rendre esclaves d'un univers qui leur fait perdre leur vie au lieu de la gagner. 

À ceux-là que j'aime et que je respecte énormément, je leur souhaite de lire « L'art de ne pas travailler », en espérant qu'ils y trouvent une petite lumière qui, dans le temps, m'avait beaucoup aidée à faire des choix plus éclairés et des pas dans une direction plus heureuse.

* * * * *

Petite anecdote personnelle pour vous illustrer combien je suis libérée du travail : Fin décembre, la personne avec laquelle j'étais en lien 10 fois par jour, par téléphone et par courriel, depuis 8 ans, m'avait fait promettre que lorsque j'irais en Abitibi-Ouest en janvier, j'allais passer au bureau les saluer et qu'on irait dîner ensemble. J'avais promis. 

Mardi dernier, je lui envoie un courriel pour l'aviser que j'y allais jeudi. En lui disant deux jours d'avance, je me trouvais pas mal fine! J'ai eu une réponse courriel de sa part le mercredi en fin de journée. Elle s'excusait d'avoir un horaire vraiment trop chargé pour le lendemain (elle me donnait la liste complète de ses réunions, obligations et déplacements) mais qu'elle aimerait beaucoup que je vienne plutôt le vendredi. 

Bzzzzztttt, mauvaise réponse! J'ai simplement réagi (par courriel aussi) en lui disant que je ne pouvais pas retarder d'une journée ce déplacement mais qu'on se reprendrait... à une prochaine!

Je me sentais tellement soulagée. Je sais fort bien que... « la prochaine » arrivera par hasard ou n'arrivera pas du tout. 

dimanche 6 janvier 2013

Libération!


Le phénomène des trois soleils s'est reproduit encore devant mes yeux, au matin du 20 décembre dernier. J'aime toujours y voir un heureux présage... C'était le jour où ma mère célébrait ses 81 ans, j'ai pensé qu'elle allait avoir encore beaucoup d'années de bonheur devant elle. 


Mitraillant le paysage avec ma caméra, j'essayais de capter cette lumière pour m'en imprégner comme j'en avais besoin. Un soleil n'était pas assez, j'en avais besoin de trois pour terminer l'année et me rendre jusqu'à la fin de ces quarante années où j'avais donné le meilleur de moi-même sur le marché du travail. 



J'avais avisé mon client au début du mois de septembre, ils avaient amplement le temps de réagir et de voir à se trouver une autre consultante en communication pour me remplacer. Comme travailleuse autonome, on sait qu'on doit faire partie d'une équipe tout en n'en faisant jamais partie vraiment. On donne tout ce qu'on a et on ne reçoit jamais autre chose que le paiement de la facture mensuelle qui devrait faire office de claque dans le dos. 


N'empêche qu'à l'approche de ma retraite, je trouvais dommage que ça finisse ainsi, en queue de poisson, dans le silence et l'indifférence. Je n'en étais pas démolie mais un peu triste tout de même et je me faisais la réflexion qu'au fond, dans notre travail comme dans la vie, on est souvent tout seul. 


Et finalement, ces trois soleils au matin du 20 décembre étaient vraiment un heureux présage mais pour moi... Dans la même journée, juste avant d'aller célébrer l'anniversaire de Maman, je suis passée prendre mon courrier postal où m'attendait un écrit qui a fait toute la différence, un écrit sensible, touchant, reconnaissant et chaleureux de la part de mon client, une lettre signée par le directeur général et la directrice générale adjointe, au nom de l'ensemble du personnel. Jamais je n'aurais même imaginé recevoir pareille claque dans le dos. J'en étais fière, un peu émue même, et je pouvais, grâce à cette lettre,  passer à cette étape de ma vie de manière sereine et assumée. 

Libération!

Pourtant, s'il y en a une qui a toujours été consciente du pouvoir des mots, c'est bien moi... Mais ça m'étonne encore chaque fois de constater combien une lettre, un message, une carte de voeu, un mot de remerciement, une « présence » écrite, peut faire toute la différence dans la vie d'une personne ou même d'un groupe de personnes. 

Le jour où je suis devenue écrivain public, en 1993, ma grand-mère qui venait de vivre toutes les réactions de sa très grande famille à sa biographie qu'on avait faite ensemble, m'avait pris les deux mains dans les siennes et m'avait regardée droit dans les yeux avec un air solennel que je ne lui avais pas vu souvent. Elle m'avait dit : « Bon, maintenant, tu ne vas plus jamais arrêter d'écrire, tu n'as pas le droit, parce que tu sais comme les gens en ont besoin... » et on savait l'une comme l'autre tout l'engagement que ça représentait et la nécessité de le faire de tout son coeur. Grand-Maman avait toute sa vie rapproché des familles, tissé des liens, aidé des gens, grâce à ses lettres, de l'Abitibi jusqu'aux Îles de la Madeleine, en passant par le Nouveau-Brunswick. Elle connaissait encore bien plus que moi le pouvoir des mots, ceux qu'on écrit. 

L'intensité de son regard bleu, ce jour-là, ne m'a jamais quitté. Ça fait partie de mon héritage. Elle est décédée quelques semaines plus tard. Je la sens toujours avec moi quand j'écris quelque chose de difficile, de délicat, quelque chose qui pourrait faire la différence, qui pourrait rapprocher des gens, donner un peu d'espoir, de répit ou une mince consolation.  Je n'ai jamais d'attentes mais j'ai souvent des surprises. Comme cette lettre que j'ai reçue le 20 décembre de mon dernier client et qui m'a permis enfin de dire et de ressentir « mission accomplie ». 

Depuis, je me sens libérée. Encore plus depuis le 31 décembre.

Je mesure tellement l'esclavage qu'était devenu mon travail. La responsabilité était lourde... Je devais être disponible chaque fois qu'on avait besoin de moi mais je ne pouvais compter sur personne ni prévoir à l'avance. Ils étaient 800, je faisais affaire avec une trentaine de gestionnaires et j'étais seule dans mon bureau. On m'appelait toujours en cas de catastrophe, je devais être calme, à l'écoute, rassurer et voir la situation dans son ensemble pour mettre en place des stratégies de communication et des relations de presse qui feraient la différence. Ma marque de commerce a toujours été la transparence. C'était non négociable et c'est ce qu'on a retenu de moi, disponibilité, rigueur, professionnalisme et transparence.

Mon rôle était celui de la consultante en coulisses. Jamais on ne m'a vue ou entendue dans les médias, en tout cas pas dans le cadre de mes fonctions avec ce client, je n'étais pas autorisée à être une porte-parole mais je devais former les porte-parole. C'est la partie de mon travail que j'ai le plus aimée, parce que j'étais en lien avec des gens. J'aime le monde, que voulez-vous et le monde me manquait, toute seule dans mon bureau.

La partie la plus difficile était la vigie médiatique, surtout ces dernières années. Qu'est-ce que la vigie médiatique? Surveiller, être aux aguets, écouter, lire, voir, analyser, décortiquer et résumer en quelques lignes ce qui se dit, s'écrit, se rapporte, et se diffuse dans les médias, en lien avec le réseau pour lequel je travaillais, pour en informer le client qui n'a pas le temps ou la disponibilité de se taper l'écoute, le visionnement et la lecture de toutes ces sources d'information qui se multiplient de manière exponentielle, la presse écrite, radio, télé et web. Un esclavage qui me minait de plus en plus. Une surinformation de laquelle je m'éloigne avec grand soulagement.

Et c'est commencé depuis le 1er janvier! Libération!

Les hebdos régionaux du mardi et du mercredi, je les ai lus seulement vendredi, deux jours en retard. Bonheur!

Les hebdos du vendredi matin qu'on doit résumer avant midi? Je les ai lus seulement hier soir au souper et rien que les grands titres, en plus. Youpi!

Les actualités régionales télévisées de cette semaine? Je les ai manquées deux soirs d'affilée, ça me dérangeait même pas!

Je n'ouvre plus la radio en me levant le matin. Je me fous de l'heure des bulletins de nouvelles. C'est fini, ce temps-là!

Je ne traîne plus crayon et papier systématiquement quand je m'informe et qu'est-ce que je m'en fous du titre exact de la personne qui donne l'entrevue à la caméra! Je retiendrai ce qui m'intéresse, c'est tout.

Je serai toujours à l'affût de ce qui se passe dans ma ville, dans ma région, dans les autres régions, au Québec, et dans le monde mais je ne suis plus concernée autant ni responsable d'en rendre compte à d'autres en trois lignes et d'un point de vue sans parti pris. Je peux penser.... librement. Je peux m'en sacrer pas mal aussi, si je veux!

J'ai encore beaucoup de réflexes automatiques d'une travailleuse autonome, consultante en communication. J'en aurai encore pour un petit bout, je pense, il me faut désapprendre tellement de paramètres qui ne me serviront plus à rien. Tenez, par exemple, je prenais rendez-vous au téléphone avec ma coiffeuse pour la semaine prochaine et lorsqu'elle m'a proposé une plage horaire qui normalement ne m'aurait pas convenue, j'ai presque dit non mais je me suis ravisée. Mais oui, je suis libre vendredi avant-midi, pourquoi pas?

Je me sens un peu exaltée, c'est vrai. Je voudrais m'en excuser auprès de ceux et celles qui sont encore pris pour des années dans leur travail, en leur souhaitant que ce ne soit pas un esclavage pour eux comme ça l'était pour moi, à la fin. Continuer à travailler quand on ne trouve plus le sens ni la motivation et qu'on ne croit plus à ce qu'on fait, tout en demeurant professionnelle et efficace, c'était au-dessus de mes forces. Si j'avais continué encore, j'aime mieux ne pas savoir ce qui aurait pu m'arriver. J'ai fait des choix. Que je vais assumer. Être libre, c'est aussi ça, ASSUMER quoiqu'il arrive. Je me sens d'attaque!

Me reviennent aujourd'hui encore ces mots de Grand-Maman qui me disait que je n'avais pas le droit d'arrêter d'écrire, parce que les gens en avaient besoin. D'accord, Grand-Maman, je vais continuer à écrire, à mon rythme, à mon heure et à mon pas, mais sûrement pas des communiqués de presse qui ne servent qu'à nourrir la grosse machine médiatique dans laquelle je ne me reconnais pas.

Il y a tant d'autres choses à écrire... 

mercredi 2 janvier 2013

Passages et repères


Le 24 décembre, en après-midi, chez l'arrière grand-mère de Félixe, qu'elle appelle affectueusement sa Grand-Maman Elise, celle qui vit dans un grand château (une résidence privée pour personnes âgées semi-autonomes). Félixe le sait d'instinct qu'elle a beaucoup de chance d'avoir deux parents qui s'aiment, deux papis, deux mamies, et trois arrière grands-mères, dont celle-ci, à 91 ans, qui adore toujours autant les tout petits. 

Le 27 décembre, juste avant souper. Pendant que les grands se « retrouvaillent » à qui mieux mieux, les enfants bricolent des oeuvres avec des couleurs et des brillants. Un moment de douceur... pour Clara, Félixe et Adam, sous la supervision d'Isabelle. 


Le 28 décembre en après-midi, pendant que je suis aux préparatifs du souper, je surveille de ma cuisine les premiers pas de Félixe... sur ses patins. On pourra dire qu'elle aussi, comme sa mère jadis, aura appris à patiner sur le lac Dufault. 


Le 28 décembre. Le dragon (Adam) faisait une super équipe avec la princesse (qui vous pensez?...)  Lui vient tout juste d'avoir 4 ans, elle les aura le 14 janvier prochain, ils ont un mois de différence d'âge. Ils sont cousin et cousine en quelque sorte et s'entendent comme larrons en foire. Ils habitent aussi le même quartier.  


Le 28 décembre, pendant le souper. Comment faire pour que les enfants patientent en s'amusant jusqu'au dessert? On leur fait préparer chacun leur cupcake! Quelle idée géniale tu as eue, Anne-Marie! Et merci à Yves de m'avoir piqué mon appareil-photo pour capter tous ces moments-là... 


Le 28 décembre, la patinoire joue son rôle rassembleur, tant le jour que le soir. Les grands m'ont envoyé jouer dehors pendant qu'ils s'occupaient de la vaisselle. Merci à Isabelle, Dominic, Noémie, Hubert, Jean-Michel, Louis-Vincent. 


Le 28 décembre en soirée. La photo n'est pas claire mais elle représente tout un monde pour moi. Mes deux « p'tits frères »,  Yves et Jocelyn, jouant au hockey ensemble, l'un avec l'autre ou l'un contre l'autre, c'est pas important de le savoir, en essayant de déjouer le chien du voisin, Lucky. Voilà l'une des images que j'emporte dans mon coeur à jamais. 


Le 31 décembre, 13 heures. La fameuse partie de hockey traditionnelle sur le lac Dufault... Je prends toujours les premières photos de ma cuisine.


Le 31 décembre, 13 h 30. Cette année, nous n'avions pas fait d'invitations mais ils sont venus, nombreux et reconnaissants, joyeux mais tout de même un peu nostalgiques. Une moitié qui jouait au hockey en donnant tout ce qu'ils avaient dans le ventre, et au moins autant qui jasaient autour de la patinoire en jouant dans la neige et en suivant le match. 


Le 31 décembre, au plus fort du match, un match enlevant! Si RDS, en manque de hockey, avait envoyé une équipe ici, ils auraient eu de quoi remonter la cote de notre sport national. 


Le 31 décembre, autour de 15 heures... Le ciel s'est tout à coup assombri, le vent s'est levé et un méchant blizzard a forcé pour une quinzaine de minutes l'arrêt du match... Moment étrange et beau... Les joueurs de hockey ont ressorti les grattes, se sont mis en gang pour « passer la Zamboni » et le match a repris de plus belle. Au premier plan, on voit Dominic et Félixe qui courent rejoindre les autres.


Le 31 décembre, après le fameux blizzard, entre deux périodes du match de hockey. C'est toute une page qui se tourne... Mais on la tourne ensemble, nous cinq. Nous pourrions devenir six au cours de l'année 2013, j'ai entendu dire ça entre les branches enneigées des sapins, des épinettes et des bouleaux. 

Passages et repères

Que sont les débuts et fins d'années? Des passages, des repères, des moments pour se souvenir, se revoir, se remettre à jour, se fixer de nouvelles balises et reprendre nos chemins qui vont de l'avant, en se croisant et se recroisant aussi souvent que possible. 

Le 31 décembre marquait la fin de l'année 2012 pour tout le monde. Pour moi, cette date marquait ma dernière journée de travail « À VIE ». À 11 heures 20 précises, je cliquais sur « envoyer » ma dernière intervention par courriel à mon client. C'était ma facture numéro 226, celle de décembre 2012, la dernière!

Juste avant, celle avec laquelle j'étais en lien dix fois par jour depuis 8 ans, a tenu à me téléphoner, me parler de vive voix, disait-elle. Ce fut une heure de conversation douce, franche, sereine et très étonnante où, curieusement, il n'a jamais été question de santé et de services sociaux! 

Donc, à 11 h 20, j'ai pris conscience du moment, le regard hypnotisé au coin droit de mon ordinateur où figure l'heure qui avait tant d'importance pour les heures de tombée des différents médias. Tout à coup, le temps s'arrêtait à 11 h 20 et plus jamais je n'aurais à me préoccuper des minutes et des heures en lien avec mon travail. J'ai ressenti une telle bouffée de liberté...

L'après-midi s'est déroulé dans la douceur du temps avec toutes les personnes aimées qui étaient venues, dont des surprises fort émouvantes. Personne ne m'a parlé de ma « retraite » et je n'en ai pas soufflé mot non plus. Ça n'avait d'importance que pour moi. Il se vivait tant de choses sur cette patinoire...

À ceux et celles qui se souhaitaient déjà une Bonne et Heureuse Année 2013, pour ma part, je me sentais en harmonie avec le Monde en souhaitant aux autres comme à moi, la Santé, la Paix, la Sérénité. Pas plus. Mais pas moins. 

Est-ce qu'on n'a pas déjà tout pour être heureux à condition d'y mettre du sien?