vendredi 23 février 2007

Les cigales font parfois des crises d'angoisse!


J'ai pris cette photo je ne me souviens plus quel été, j'habite ici depuis 15 ans et cette heure particulière, comme ce paysage me sont si familiers qu'ils m'habitent plus encore que je les habite. De mon bureau, c'est tout à fait l'angle dans lequel mes yeux et mon imaginaire se perdent quand je cherche entre les îles et au bout de mon lac à mettre de l'ordre dans mes idées, mes mots, pour en arriver à produire, souvent sous pression, des écrits qui doivent jouer le rôle qu'on attend d'eux. Je dis souvent que j'habite une sorte d'aquarium parce que les fenêtres et portes patio sont si nombreuses que le lac est un peu dans la maison et je peux le voir de partout. Richard Desjardins chante « m'as prendre la chambre avec un lac dedans » et Félix Leclerc a écrit que « On n'a pas besoin de tableaux chez nous, on a les fenêtres ». Cette vision m'apaise même lorsqu'elle est habillée de blanc, comme en ce moment.

Si je vous la présente pour illustrer mon propos, je veux faire comprendre surtout que je ne suis pas toujours aussi zen qu'il semble et que je dois souvent lutter pour ne pas sombrer dans l'insécurité qui devrait pourtant être mon lot. Oui, je suis travailleuse autonome, consultante en communication et si ce choix professionnel me semblait le seul évident à cause de toute la liberté qu'il me procure, il faut bien admettre que cette liberté, je la paie très cher, parce que je ne bénéficie d'aucune sécurité comme l'assurance emploi, la santé et sécurité au travail, l'assurance salaires, etc.

La semaine dernière, un reportage entendu à Radio-Canada sur l'heure du souper, m'a laissée perplexe et je ne cesse d'être hantée depuis ce temps par la mine souriante et la voix sereine de Pascale Nadeau qui pourtant me faisait réaliser jusqu'à quel point j'incarne parfaitement la cigale insouciante de la fable bien connue. J'y reviendrai.

Je suis sur le marché du travail à temps plein depuis 32 ans. Un fameux bail. À 17 ans, petit diplôme tout neuf frais en poche, j'avais le choix entre 3 emplois de secrétaire de service bilingue qui s'offraient à moi. Une belle époque révolue. J'ai fait ce métier pendant 10 ans, dans le secteur privé et comme fonctionnaire permanente dans plusieurs ministères et à l'âge de 27 ans, j'ai voulu en sortir à tout prix parce que j'y étouffais, donc, je suis allée à l'université de chez nous, l'UQAT. Par la suite, j'ai tout fait, de contrats en contrats, comme salariée, comme travailleuse autonome aussi, jusqu'à ce que j'en vienne à la conclusion qui s'imposait, offrir mes services pour ne plus dépendre des budgets de l'un ou l'autre des organismes qui m'embauchaient. Donc, vous devinez qu'un fond de pension, pour moi, c'est quelque chose d'inexistant et de tout à fait abstrait.

Mon conjoint étant un travailleur de la construction, il pratique, comme le disait ma grand-mère, le plus noble des métiers, comme Saint-Joseph! Oui, il sent bon le bois quand il arrive de travailler et il me charme toujours avec son bran de scie dans les cheveux mais n'empêche que lui aussi, il a une vie de travailleur autonome, il va de contrats en contrats depuis toujours et c'est son professionnalisme et ses habiletés qui lui garantissent un revenu honnête mais toujours irrégulier. Donc, pas de fond de pension, pas de sécurité d'emploi pour lui non plus.

Pour nous deux, malheureusement, les projets de retraites et de planification financière « pour plus tard » dont nos amis parlent tout le temps nous semblaient bien lointains et futiles. Eux qui ont des postes permanents garantis à vie et des salaires très au-dessus des nôtres essaient toujours de se sécuriser l'avenir en investissant des sommes respectables chaque année dans leurs REER. On les a toujours écoutés se plaindre de leur condition en se disant qu'on avait de la chance de n'être pas aussi insécures, alors que c'est nous qui aurions dû angoisser en n'ayant ni l'un ni l'autre de quoi assurer nos vieux jours, comme si on pensait qu'on avait bien le temps... Pour les REER, nous n'en avons pas, disons simplement que... il y avait toujours plus urgent à faire que d'assurer le plus tard alors qu'on luttait pour l'aujourd'hui.

Mais voilà que Radio-Canada se désolait que « chez les moins de 30 ans, pas plus de 50 % des individus cotisent à leur REER, ce qui s'avère très inquiétant ». Moi, je trouvais que c'était déjà absolument fantasmagorique que près de 50 % des jeunes y pensent et passent à l'action! Au début, ça m'a choquée que d'aussi jeunes personnes en si grand nombre préparent leur futur alors qu'ils n'étaient encore qu'à leurs débuts de vie professionnelle mais après coup, en y réfléchissant bien, je me suis rendue compte que ces fourmis avaient bien mieux compris que nous, les cigales, qu'il fallait y voir au plus vite, avant même de rembourser ses prêts étudiants et l'angoisse m'a frappée en plein front et de plein fouet.

« La cigale ayant chanté tout l'été se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue »... Et là, on a vraiment peur que la bise fut venue avant qu'on ait réalisé qu'on prenait de l'âge, même si on se sent toujours jeunes. Ça fait que les cigales que nous sommes font parfois des crises d'angoisse! Et c'est pas parce qu'on rit que c'est drôle...

16 commentaires:

Anonyme a dit…

La cimaise et la fraction
(Raymond Queneau)

La cimaise ayant chaponné tout l'éternueur
se tuba fort dépurative quand la bixacée fut verdie :
pas un sexué pétrographique morio de mouffette ou de verrat.
Elle alla crocher frange
Chez la fraction sa volcanique
La processionnant de lui primer
Quelque gramen pour succomber
Jusqu'à la salanque nucléaire.
« Je vous peinerai, lui discorda-t-elle,
avant l'apanage, folâtrerie d'Annamite!
interlocutoire et priodonte. »
La fraction n'est pas prévisible :
c'est là son moléculaire défi.
« Que ferriez-vous au tendon cher?
discorda-t-elle à cette énarthrose.
- Nuncupation et joyau à tout vendeur,
Je chaponnais, ne vous déploie.
- Vous chaponniez? J'en suis fort alarmante.
Eh bien! débagoulez maintenant.

Si on fait de même avec le mot angoisse, laisse-moi voir dans le dico P. R. 2002)...

Voilà : « anguillule ». Le sixième nom suivant angoisse, c'est ça. Je sais que cela n'a rien de rassurant, souffrir d'un petit ver rond.

Y a-t-il une solution? Gruger pour économiser à compter de maintenant? Gruger sur quoi, je sais..... Mais s'il y en a encore moins plus tard. Les années fastes de pension sont passées car plus personne pour les payer et de plus en plus de gens âgés et e perte d'autonomie ou malades, financés par de moins en moins de personnes.

Je ne vois pas le jour où je pourrai prendre une retraite de travail salarié, malgré les REER.

Ton toit, il est payé ou bientôt payé?

;-)

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Anonyme a dit…

Désolée, deux clics par erreur... J'ai effacé la copie. ;-)

Anonyme a dit…

A part la fonction publique, il n'y a pas grand monde pour pouvoir prendre une retaite correcte et complete.
De plus en plus de retraités travail dans toutes sortes de commerces et dans le tourisme dans les Laurentides.A Sainte Adele ils entreprises du coin ont flairées le filon.
Ces semi-retraités sont très efficaces,ils coutent pas cher et ils se plaignent pas.
Comme le dis bien Zed,Ton nid est-il payé ou bientôt payé?
C'est ca la plus important.Il me reste 2 ans a payer et je peux te dire que je suis tres satisfait.
Moi aussi je suis travailleur autonome et j'ai les mêmes soucis que toi.
La solution est de continuer a travailler a notre rythme le plus longtemps possible et surtout en santé.
Je pense que les prochains rayons de soleil du printemps vont effacer ce petit moment de dépresse
Alain

Anonyme a dit…

Alain,

Désolée de te décevoir, mais, pour compter plusieurs amis dans la fonction publique, celle-ci est de plus en plus composée principalement d'occasionnels au mieux sur une liste de priorité et de sous-contractants. Donc, on oublie ça, la retraire, sauf pour les quelques permanents et employés réguliers.

:)

Anonyme a dit…

Zed,
je ne suis pas déçu mais plutôt inquiet et un peu jalou.
Mes voisins viennent de prendre leur retraite,55 ans ,tous les deux de poste Canada.Bus entierement équipé,6 mois dans le sud,voitures neuves etc.
Je ne dis pas qu'ils ne l'ont pas mérité mais ça me fait c....!.
IL y a une trop grande différence par rapport a la grande majorité des gens qui ont ramés toute leur vie et qui arrivent a la retraite avec pas grand chose.
Alain

Zoreilles a dit…

Alors, je vois qu'on se comprend bien! Alainsteadele, tu penses tellement comme moi... les mêmes réflexes! Ça paraît que tu le vis. Curieusement, je n'ai pas beaucoup de proches ou d'amis qui sont travailleurs autonomes, ceux que je connais le sont depuis si peu de temps que c'est pour eux comme une pré-retraite plutôt, une seconde carrière, parce qu'ils ont assuré leur sécurité avant de plonger, donc, je croyais à tort que j'étais un cas rare!

C'était bon de vous entendre en tout cas.

Les fournis qui m'entourent viennent de la fonction publique, oui, ou du monde des affaires, ils oeuvent depuis le même nombre d'années que moi sur le marché du travail, ils ont survécu à ça avec des mutations dans différents ministères, des congés de maternité, des épuisements professionnels, des dépressions même et certains d'entre eux sont carrément éteints. Ils ont un bel avenir mais plus de « p'tit brillant dans l'oeil »... D'autres sont des enseignants en fin de carrière, toujours passionnés de ce qu'ils font, d'autres encore ont eu des héritages de leurs parents, de leur vivant ou décédés, ce qui ne saurait vraiment pas être notre cas!

Et pour répondre très honnêtement à votre question, (je m'étonne moi-même de tant de confidences) oui, notre toit nous appartient depuis très peu de temps, c'est notre seule richesse, mais notre fille entre à l'université à l'automne... et pour les 4 prochaines années, peut-être plus. C'est une autre sorte d'hypothèque!

Je ne suis pas déprimée du tout par contre, seulement réaliste de ma condition, NOTRE condition, en fait. Heureusement qu'on a le bonheur facile et qu'on continue de rêver à plein de merveilleuses choses... sauf à une retraite!

Anonyme a dit…

Zoreilles,
T'en fais pas ,je suis passé par la.Les jeunes savent aussi prendrent leurs responsabilités.
MOn épouse m'a donnée trois filles.Elles ont toutes faites leur université dont un doctorat pour une.Je l'ai est aidé autant que j'ai pu,mais il y a des limites.
Elles ont du travaillées et aussi s'endettées un peu.
La vie n'est pas un long fleuve tranquille mais plutôt une riviere tumultueuse ou il faut savoir ramer et contourner les obstacles pour pour arriver peut-être un jour sur un beau lac nommé "satisfaction"
Alain

Anonyme a dit…

Zoreilles,
C'est fait. Tel que promis, le billet sur la sécurité Internet Voudrais-tu, si tu y passes, me dire si cela t'aide un peu, s'il te plait?

Deux billets : celui dont le titre est « Sécurité Internet : comment ça marche. » Si je l'ai fait si rapidement, c'est pour toi! N'hésite pas à commenter ou à poser des questions ou faire des objections...

;-)

Anonyme a dit…

Chère Zoreilles,
Ne t'en fais pas pour l'université. J'en suis sorti avec une maîtrise et je n'ai jamais demandé de l'aide financière à mes parents (ou si peu). Ils m'ont toujours affirmé que j'avais pris mes responsabilités et que mes études n'avaient eu aucun impact sur leur situation financière (et ils n'étaient pas riches, loin de là).

Donc, je ne crois pas que ça soit une autre hypothèque.

Zoreilles a dit…

@ Alainsteadele : Bravo pour cette belle réussite au sujet des études de vos filles, des propos « sécurisants » qui tombent pile!

@ Zed : Aussitôt que j'ai deux minutes, je passerai lire ça, promis!

@ Henri : Je me doutais bien que tu te sois « fait tout seul » et sans vouloir te vexer, tu te situes au point de vue générationnel entre notre fille et nous. Ça semble être très différent aujourd'hui, en tout cas, dans notre entourage. C'est comme moi, je suis allée à l'université « sur mon pouvoir » étant déjà mariée avec bien des années sur le marché du travail derrière moi.

Évidemment, notre fille a même deux emplois comme étudiante mais on sait que ce ne sont pas les emplois les plus payants! Et nous, comme parents, nous voulons l'encourager à poursuivre ses études, sans devoir emprunter, pour lui léguer cet héritage au moment où elle en a le plus besoin.

Qui sait, en sortant de l'université, à l'âge de 24 ans, peut-être qu'au lieu de rembourser ses prêts étudiants, elle aura la sagesse... avant 30 ans, de... cotiser dans son REER?

Zoreilles a dit…

@ Accent Grave : Mais oui, vous faites beaucoup, je suis de plus en plus rassurée en « entendant » vos propos. Que j'aime la discussion! Pas croyable comme ça éclaire de connaître des points de vue différents! Ça élargit nos horizons de pouvoir communiquer. J'aurais dû, donc dû, ben dû... vous en parler avant!

Ma réflexion pourrait maintenant s'exprimer ainsi :

- Nous n'avons pas à nous en faire parce que nous ne sommes pas dans le courant. L'avons-nous jamais été?

- Nous avons la chance d'être pourvus de choses qui ne s'achètent pas, ne se comptabilisent pas non plus.

- Nous avons des goûts pas luxueux pour deux sous et des amis avec qui les partager, des riches comme des pauvres, même des ermites qui vivent en forêt avec rien (je pense à un billet précédent sur Lylas, mon frère autochtone). Lui, mes angoisses, ça le ferait tellement sourire!

- Puisque nous aimons notre travail, nous allons continuer à le faire pendant longtemps et sans problème, toujours avec « le p'tit brillant dans l'oeil ».

Donc, la fable de la cigale et la fourmi, telle que je la connais, j'aurais le goût de la continuer ainsi, n'en déplaise à Jean de la Fontaine, je la reprends donc au moment où la fourmi, cette moralisatrice au coeur si peu généreux, eut dit : « Vous chantiez? J'en suis fort aise : eh bien, dansez maintenant! » :

La cigale continua à chanter pour son plaisir et celui des autres autour, parce que c'est tout ce qu'elle savait faire. Sur sa route, il se trouva toujours d'autres insectes avec qui partager ce qu'elle était, ce qu'elle savait, ce qu'elle aimait, ce qu'elle amenait de différent et d'unique. On ne sut jamais ce qui advint de la fourmi, sa voisine, puisqu'elle ne la croisait plus sur son chemin, bizarrement, mais on raconte que la cigale ne manqua jamais de rien et vécut si heureusement et si longtemps que certains beaux soirs d'été, on l'entend encore chanter...

Anonyme a dit…

Et voilà, Monsieur de Lafontaine!

Que ferions-nous sans la joie!

Et sans la culture! Chanter, danser, la communauté en a bien besoin!

Et les fourmis ne sont pas toutes aussi sérieuses. Tu devrais voir les fêtes qu'elles se font, une fois que tout a été préparé? In-des-crip-ti-ble. On dit même qu'elles écoutent en secret des DC (ou CD) de cigales, quand elles sont trop timides pour les inviter.

Anonyme a dit…

J'avais raison, deux jours de soleil et voila que les cigales se mettent a chanter.
Vive le printemps
Alain

Guy Vandal a dit…

Je suis dans la même situation que toi chère Zoreilles...

Dans mon cas, je dirais même une cigale délinquante. J'essaie de ne vivre qu'une journée à la fois. Et je me dis que je ne prendrai pas de retraite. Rendu à cet âge, si je m'y rend, j'ai confiance que j'aimerai beaucoup le travail que je ferai.

Ceci étant, je rêve de finir ma vie dans une piaule avec vue sur un lac. La très belle photo qui accompagne ton billet m'a fait "voyager".

Je terminerais ce commentaire en disant que c'est le propre des gens talentueux de s'inquiéter de temps en temps, ou souvent. ;-)

Anonyme a dit…

Une autre cigale Outre Atlantique, autonome vivant avec un autonome, deux garçonnets.
Une autre cigale parfois angoissée quand on lui parle retraite.

Une autre cigale qui a beaucoup apprécié lire ce billet et les commentaires qui le suivent.

Enfin, une autre cigale qui espère, un an 1/2 plus tard, que vos yeux pétillent toujours !!