jeudi 17 septembre 2009

Contrastes




Photo 1 : Tout l'été, chaque fois que je passais par là, je me demandais quel artiste avait bien pu nous offrir ça et surtout quel était le message qu'il voulait transmettre. Hier, sur le chemin du retour, j'ai pris des photos de son oeuvre, sur la route 393 Sud, après Palmarolle, juste avant de tourner vers Rapide-Danseur, tout près de Duparquet.

Photos 2 et 3 : Quand je travaille en Abitibi-Ouest, ce qui était le cas cette semaine, je reviens au pays de mon enfance. Avec tout ce que ça comporte de bonheur, de souvenirs, de paysages familiers et d'un petit brin de nostalgie. J'ai pris celles-ci à 7 heures hier matin, sur la route 101 Nord entre Ste-Rose de Poularies et Macamic. Le soleil se levait, éblouissant, et la brume enveloppait tout le paysage d'une aura de sérénité.

Contrastes

J'ai enfin résolu le mystère de l'oeuvre en cassant la croûte ce midi avec mes deux cousins qui habitent pas loin de là et qui travaillent à Rouyn-Noranda. Je ne sais toujours pas le nom de l'artiste mais on m'a dit qu'il était de Rapide-Danseur. Pour un deuxième été, il expose ses épouvantails à la vue des automobilistes. On les voit de loin. On se demande jusqu'à la dernière minute ce que c'est... Il paraît que l'été dernier, il situait son oeuvre dans l'environnement environ 2 kilomètres avant l'emplacement actuel. Et mon cousin Lucien m'a dit qu'il avait eu l'air fou à l'automne en voulant aller montrer ça à sa visite et qu'il s'était buté sur une affiche : « Partis pour l'hiver »!...

Quel est le message que l'artiste veut nous communiquer? Il se désole de l'exode des jeunes...

...

Quant aux photos 2 et 3 et j'en ai quelques-unes dans le genre, elles me font dire : « Ah, si je savais peindre... je n'écrirais pas ».

Je reviens chez nous

Je fais beaucoup de choses par instinct. J'ai l'habitude de suivre les élans de mon coeur quand ça se peut. Je ne comprends pas pourquoi quand je vais travailler en Abitibi-Ouest, je pars toujours par la 101 Nord et je reviens systématiquement par la 393 Sud. C'est comme ça que j'aime ça. Pour le temps ou la distance, c'est pareil. Et ce n'est pas tout... En arrivant à La Sarre, je fais toujours un mini détour pour passer devant ma première école (Victor-Cormier) et ma petite maison qui n'a pas changé au bout de la rue. Tout a changé autour mais pas mon école et ma petite maison!

Mais ce qui m'a émerveillée cette semaine dans ce séjour de travail au pays de mon enfance s'explique difficilement. Appelons ça un colloque pour faire une histoire courte. L'initiative des gens de l'endroit rassemblait dans un même lieu, et pour deux jours de travail intense, pas moins de 130 personnes (représentants de la population, partenaires internes et externes) pour réfléchir, discuter, se concerter, prioriser et mettre de l'avant une démarche audacieuse pour faire plus avec moins. C'est dans l'air du temps, n'est-ce pas?

Pour la cinquième fois, on m'a invitée comme tant d'autres et j'y suis allée de bon coeur. Pendant les ateliers, les pauses, les déplacements, les dîners, je crois avoir rencontré à peu près tout le monde et j'ai eu droit à des retrouvailles qui m'ont fait chaud au coeur, des accolades, des poignées de main sincères, des complicités qui m'ont rendue fière. J'étais touchée d'être traitée comme l'une des leurs.

Les gens d'Abitibi-Ouest ont un petit quelque chose de particulier, je trouve. Ils sont d'une simplicité et d'une familliarité bon enfant qui ne s'enfarge pas dans les fleurs du tapis. Ils engagent facilement la conversation, vous font une place dans le cercle dès que vous arrivez, vous sourient et vous ouvrent la porte, vous présentent avec votre prénom, votre nom, comme s'ils étaient allés à l'école avec vous ou que vous étiez de la famille.

Ils ont beaucoup d'humour aussi, ça s'entend et ça se voit. Un petit rien de cynique, jamais blasé, toujours avec une finesse qui vous passe un message si vous êtes assez sensible pour le comprendre.

La tâche était colossale mais elle est en voie d'être accomplie. Le défi a été relevé. Le miracle s'est encore produit grâce à la solidarité que j'ai vue là. Ça donne de l'espoir, vous n'imaginez pas jusqu'à quel point. Que là où je suis née, où j'ai fait mes premiers pas, où je me suis baignée dans tous les lacs dont le lac Abitibi, où j'ai sillonné avec mon papa tous les petits chemins de campagne quand je « travaillais » avec lui, où j'ai connu mes premières journées d'école, où j'ai eu mes premiers amis, où j'ai joué dans les petits boisés qui n'existent plus, où j'ai appris à faire du vélo et volé la sacoche blanche de Patsy Leblanc et que j'ai dû lui remettre et m'excuser... Là, dans ce coin de pays où je me reconnais tellement, qu'on me reconnaisse aussi et que j'y retrouve des valeurs qui me sont chères, des espoirs que je croyais évanouis... Comment dire? Ça donne des photos avec plein de douceur et le coeur qui se gonfle de quelque chose d'infiniment bon... Ah si je savais peindre...

14 commentaires:

Henri a dit…

Le champs d'épouvantails, c'est tout simplement génial !! Merci de nous l'avoir partagé.

Zoreilles a dit…

@ Henri : Sais-tu quoi? Ça m'intriguait trop alors j'ai cherché. Finalement, ce n'est pas l'oeuvre d'un artiste mais plutôt d'un collectif. Une réaction de fierté et de positivisme parti d'une fausse information publiée dans un magazine spécialisé qui disait que le village de Rapide Danseur allait fermer. Ensuite, la Fête des voisins, dans l'esprit du Réseau québécois de Villes et villages en santé, etc.

Pour connaître le fond de l'histoire, très belle, on peut lire le communiqué de presse du maire de Rapide-Danseur à cette adresse :

http://www.noscommunications.ca/communique-rapide-danseurferme-bien-voyons-donc--1496.html

Je suis tellement fière d'eux autres. Ça, c'est bien les gens d'Abitibi-Ouest!

Soisig a dit…

C'est vraiment rigolo n'est-ce pas ces épouvantails qui nous saluent bien bas le long de la route! Idée ingénieuse qui surprend et attire l'attention, réjouit l'âme et amène un sourire aux lèvres. Je les avais photographiés ces beaux personnages dès l'an dernier (et envoyés à Jocelyn pour le site Merveilles de l'Abitibi) et je pensais même t'avoir écrit pourquoi les gens de Rapide Danseur l'avaient fait... Un oubli de ma part, hihihi!

Je n'ai pas réussi à voir ma copine (celle que tu as vue au colloque) car elle était trop occupée... comme toi!

Ce que je trouve le plus beau ces temps-ci, c'est justement la brume qui lève tranquillement eet les paysages féériques qu'elle crée, la rosée qui s'accroche aux dentelles formées par les toiles d'araignées le long des fossés: magnifiques chefs-d'oeuvres offerts gratuitement à nos yeux éblouis... J'adore l'automne!

bisous

Jackss a dit…

Elles sont très belles ces photos en effet. Ça vaut la peine de les regarder en vision agrandie.

Quand on vit sur la Côte Nord, on peut se permettre d'apprécier. Les réalités se ressemblent. Ici, il y a beaucoup d'émotions lorsque les jeunes partent pour étudier à Sept-Iles, Rimouski, Québec, Sherbrooke ou ailleurs.

Ils ne savent jamais s'ils ne sont partis que pour l'hiver et le printemps, s'ils vont revenir. Ça crée beaucoup d'émois. C'est comme une partie de vie en accéléré.

Zoreilles a dit…

@ Soisig : Oui, tu m'avais envoyé tes photos quand je t'en avais parlé, (je regrettais tellement cette fois-là de n'avoir pas apporté mon petit numérique) mais si j'avais, comme toi, trouvé l'initiative amusante, je voulais en comprendre le sens plus profond. Ah l'automne... Les couleurs, la fraîcheur, les odeurs des sous-bois...

@ Jacks : Mêmes réalités ici. Les jeunes partent étudier au loin quand ils choisissent des domaines d'études qu'on n'enseigne pas à l'UQAT. Parfois ils reviennent, mais pas toujours. C'est pourquoi on a mis sur pied des initiatives comme « Valorisation Abitibi-Témiscamingue », l'accueil des nouveaux arrivants, le mentorat et différents programmes qui sont des incitatifs pour favoriser les retours ou l'installation des nouveaux arrivants. Il y a deux ans, j'ai marrainé une jeune diplômée en communication qui avait grandi à Québec, étudié à Montréal et qui était amoureuse d'un jeune ingénieur d'ici. (l'amour, c'est tout un incitatif!...) Une jeune femme épatante. Deux ou trois coups de fil plus tard, elle avait des entrevues, puis un boulot. Depuis ce temps, elle fait son chemin, c'est formidable de la voir aller. Je suis très fière d'elle. Très enracinée dans son milieu, elle représente déjà un apport incroyable pour notre région.

Barbe blanche a dit…

Le village ne fermera pas, as tu vu la foule qui te souhaite la bienvenue.
La volonté de vivre est plus forte que tout.
Ces épouvantails me font penser que à Ste Flavie en Gaspésie,il y a sur la grève toute une population qui marche vers la mer,
en fait ce sont des personnages en ciment sculptés par l'artiste Marcel Gagnon.

Soisig a dit…

Oh! Je voulais vraiment savoir le pourquoi de ces épouvantails et j'avais fait une recherche (et trouvé la vraie raison)quand je t'ai envoyé le texte avec les photos, me semble-t-il à Joce et toi... C'est pourquoi je m'étonnais que tu écrives les "propos" de tes cousins dans ton billet... hihihi!

En tout cas, ça fait jaser cette belle initiative et ça embellit nos petits déplacements! Tu sais, quand je vais à Rouyn, je fais le contraire de toi dans mon trajet: je passe par Palmarole à l'aller et par Macamic au retour! Un plaisir bien simple...

Anonyme a dit…

"Le champs d'épouvantails, c'est tout simplement génial !! Merci de nous l'avoir partagé." - Henri

Il ne faut pas abuser du mot "génial" ! Aux autres qui cherchent LA signification de l'oeuvre, eh ben comme dans toute oeuvre, il n'y en a pas qu'une. C'est le propre de l'oeuvre et bien souvent l'intention de l'artiste ne l'aide pas et il "dit" ce qu'il ne pensait pas dire.

Un épouvantail, ça sert à faire peur. Moi j'y vois plutôt une invective adressée aux autos (et indirectement aux automobilistes) : fichez le camp, vous polluez la terre (le champ).

Ian Lemaître

Solange a dit…

À te lire je vois très bien ta maison, ton école,ton village et tout ce que tu décris. Ce n'est pas de la peinture, mais c'est une forme d'art que tout le monde n'a pas.
C'est original ces épouvantails, belle façon de signaler la vie d'un village.

Zoreilles a dit…

@ Barbe blanche : Ça doit être émouvant, cette sculpture de Marcel Gagnon, dont tu parles,à Ste-Flavie, en Gaspésie. Tout un peuple en marche vers la mer. Ça doit être quelque chose à voir!

@ Soisig : T'es drôle, toi, tu fais exactement et systématiquement le contraire de moi? Faudrait qu'on s'en parle! Les paysages sont-ils plus beaux dans un sens que dans l'autre? Ha ha ha!

@ Ian Lemaître : Ce qui est parfait avec les oeuvres que font les artistes, c'est que chacun se laisse atteindre différemment, y voit une signification qui lui convienne. C'est pourquoi les artistes sont de formidables agents de changement dans notre société. Dans ce cas-ci, après recherche, il s'agit d'un collectif qui avait pour objectif d'exprimer un propos précis, selon le maire de Rapide-Danseur : le village ne fermera pas, on se prend en main, il est toujours habité par des personnes colorées et impliquées qui vous interpellent avec humour.

@ Solange : C'est l'artiste en toi qui est touchée? Oui, ça fait joli quand on passe par là. Ça fait sourire et ça étonne. Et ça fait jaser aussi. Tu vois, j'ai été intriguée, j'en ai parlé, d'autres s'y sont intéressés et ça fait boule de neige, même en automne!

Barbe blanche a dit…

Bonjour zoreille je me permet de t'offrir l'adresse du site de Marcel Gagnon,tu pourras y voir ses sculptures (Le grand rassemblement) des gens qui marchent dans la mer.
Au plaisir.

http://www.centredart.net/le-grand-rassemblement.html

Zoreilles a dit…

@ Barbe blanche : Wow, quel beau cadeau tu me fais. J'ai vu ça. C'est un peu ce que j'imaginais. Vraiment émouvant. Et riche de sens. J'aime quand des artistes créent des oeuvres qui prennent place dans l'environnement. J'ai aimé lire aussi l'explication et la démarche continue de l'artiste. Tu es un bon ambassadeur pour ton coin de pays. Merci encore!

Stephen Burman a dit…

Bonjour Zoreilles

Pour les épouvantails, ma version est plutôt que les gens qui se donnent la peine de faire ces belles folies à chaque année le font pour surprendre, pour plaire et pour signifier leur affection aux gens qui passent par là. Cette année, j'en ai vu dans un coin très peu fréquenté, sur le chemin du Pouce, même pas à une intersection. Quelle audace, me dis-je en passant devant. « Ils ont fait ça juste pour moi? ». C'est drôlement sympathique et presque affectueux.

Ça fait plus de deux ans que je demeure à Palmarolle et je découvre de plus en plus des gens intéressants. Je dirais que les gens de Rapide-Danseur ont un bon sens de la collectivité. De plus, selon moi, c'est le plus beau coin d'Abitibi-Ouest. Je me demande si, le fait qu'il n'y ait pas beaucoup d'attraits touristiques, ça centrerait davantage les gens sur leurs bien-être personnel et collectif...

Zoreilles a dit…

@ Maestro : Ah mais quelle surprise tu me fais, toi! Que j'aime ta compréhension toute personnelle (et poétique) de l'initiative des gens de Rapide Danseur. Et ta réflexion finale, je l'achète aussi. Comble de bonheur, en cliquant sur ton pseudo, (tout à coup devenu bleu et cliquable) je vois que tu es en train de développer ton blogue? Une autre excellente nouvelle. Je te fais la bise, tiens, je suis trop contente!