samedi 11 août 2007

Eau feu!









Ces photos, je les ai prises mardi de cette semaine, il devait être environ 16 heures. Mon bureau est chez moi, j'y suis installée pour tout voir. Je travaillais à un dossier pas si urgent, pour une fois, lorsque j'ai entendu un grondement sourd qui s'approchait de plus en plus. J'ai reconnu tout de suite ce grondement familier, c'était celui d'un CL-415 de la Sopfeu, ces avions qui combattent les feux de forêt. J'ai abandonné illico mon travail pour aller dehors, sur les balcons et sur le quai, suivre les manoeuvres fascinantes de ceux qui font un travail que je considère comme de la plus haute importance.

Ici, au lac Dufault, nous sommes habitués à ces avions citernes qui viennent puiser à même le lac des tonnes d'eau qu'ils lâchent ensuite de manière très précise, stratégiquement, aux endroits où le feu sévit. Idéalement, quand ils attaquent au début, ils peuvent éviter la catastrophe, sauver des hectares et des hectares de forêt. Les gens de Sopfeu, les pompiers de la forêt, travaillent en équipe : l'avion pointeur vole beaucoup plus haut que le CL-415, il a une vue d'ensemble de la situation, coordonne les interventions, celles du ou des avions citernes et celles de l'équipe au sol.

Les pilotes de ces avions citernes doivent savoir maîtriser plein de choses à la fois, je me suis laissé dire qu'ils étaient les meilleurs de tous les pilotes. Ils passent leur temps à faire ce qu'on appelle du « touch and go », c'est-à-dire qu'ils aterrissent presque sur le plan d'eau le plus proche du lieu de la catastrophe, qu'au moment très précis où ils touchent l'eau, ils ouvrent les réservoirs qui s'emplissent d'eau pendant quelques secondes, puis, ils prennent de l'altitude juste assez pour se rendre déverser le contenu du réservoir là où ça brûle. Ils recommencent inlassablement cette manoeuvre jusqu'à ce que l'avion pointeur donne l'ordre de cesser l'attaque massive.

C'est à ce moment qu'intervient l'équipe au sol. Ces hommes, parce que ce sont en général des hommes mais il y a aussi quelques femmes, sont formés pour intervenir après l'attaque massive du CL-415. Ils savent repérer rapidement tous les moindres points d'eau, y installent rapidement leurs pompes et arrosent, font des tranchées, connaissent bien aussi les réactions du feu, conjugués aux éléments comme la chaleur, la foudre, le vent, le temps sec, et tout ce qui aura un impact sur leur travail. Ils ne comptent pas les heures, ils combattent l'ennemi, ils savent la valeur de la forêt, ne sont jamais téméraires mais solidaires, de leurs compagnons de travail d'abord, de la forêt ensuite.

Ce jour-là, mardi, 41 incendies de forêt sévissaient dans notre région. Rien qu'autour de Rouyn-Noranda, 3 ont nécessité l'intervention rapide des sapeurs de la Sopfeu. Le temps chaud et sec, sans pluie, fait monter l'indice d'inflammabilité parfois de façon dramatique et dans une région comme la nôtre, nous suivons ces données de l'actualité comme d'autres ailleurs s'intéressent aux indices de la bourse, du smog ou du niveau d'eau dans les rivières qui menacent de déborder. Il s'agit de notre barème à nous, celui qui a un impact sur nos vies quand on habite une région où la forêt constitue une richesse autant qu'une façon de vivre.



18 commentaires:

André Bérard a dit…

Toute mon admiration à ces as du pilotage! Merci pour les photos!

Anonyme a dit…

Superbe texte mettant en valeur un beau métier pratiqué par des gens passionnés et courageux.Un grand coup de chapeau à la confrérie des pompiers forestiers.
Un fan

Anonyme a dit…

Salut Francine,
je trouve que ton texte révèle très bien le métier difficile de ces héros des feux de forêts. C'est merveilleusement bien écrit.

OMO-ERECTUS a dit…

Tout petit, et sans grande originalité je l'avoue, je rêvais d'être pilote d'avion ou pompier. Mon coeur de môme balancait entre les deux. Maman me demandait, pour m'agacer: " alors, petit Omo-Erectus, aujourd'hui, tu seras pompier ou pilote?"

Les années ont passées et je ne suis devenu ni l'un et ni l'autre, encore ici sans grande originalté.

Et voilà que vous nous arrivez avec le métier de rêve de mon enfance: être à la fois ET pilote, ET pompier.

Mais qui sait. Il n'est jamais trop tard pour réaliser nos rêves. Si un jour, de votre quai, vous voyez l'un de ces sapeur/pilote vous envoyer la main de son poste de pilotage, songez à moi!

Anonyme a dit…

Chose certaine, ce métier est gratifiant. L'effet des efforts conjugués se constate sans délai. Chaque manoeuvre réussie doit être gratifiante.

Accent Grave

Anonyme a dit…

C'est vrai que se sont des héros ces gens là. Ils se battent contre la nature, mais pour la sauver! Ironique non?
Noémie XxXxX....

Anonyme a dit…

T'ai-je déjà dit que lorsque j'étais étudiant, il y a longtemps, j'ai déjà travaillé pour la Sopfeu (qui ne portait même pas ce nom à l'époque) ? J'étais sapeur au sol. J'ai travaillé entre autres à l'est de Belleterre et à Duhamel-Ouest. Après éboueur et planteur d'arbres, c'est l'un des métiers les plus difficiles physiquement que j'ai eu la chance de pratiquer. Chaleur, fumée, insectes, déplacements dans le bois, le plaisir quoi.

Lors d'un incendie, j'ai déjà vu un gros arbre très sain être carrément écrasé sous le poids de l'eau larguée par un CL-215 (toujours à l'époque !). De plus, on a déjà retrouvé un brochet... en plein bois ! Mais l'anecdote la plus savoureuse, c'est celle d'un collègue qui,un lendemain de veille et donc pas trop éveillé, n'a pas eu le temps de sortir de la zone où on larguait de l'eau. Il a juste eu le temps de se planquer derrière un gros rocher... et de prendre une douche !

De beaux souvenirs !

Zoreilles a dit…

@ André Bérard : Oui, je sais, vous enviez ces pilotes, j'ai pensé à vous en écrivant ce billet.

@ Un fan : Tu as tout compris, c'était un hommage à ces gens-là.

@ Jean-Mi : Toi aussi, tu es mon héros, dans un domaine tout autre mais mon héros quand même!

@ Omo-erectus : Et vous serez surpris d'apprendre que je pourrais bien les voir « vos beubailles », ces avions passent parfois si près de ma maison que je viens de décider de tous les saluer, au cas où!

@ Accent Grave : Oui et quand le Cl-415 repart, c'est pour aller ailleurs, recommencer sans cesse la même mission.

@ Noémie : T'as raison, je n'avais pas vu ça comme ça, ils se battent contre elle pour la sauver... Ouais!

@ Henri : Comme c'est intéressant, j'ignorais ça que tu avais travaillé pour la Société de conservation du Nord-Ouest, si je me souviens bien de leur nom de l'époque? Wow, tu connais ces choses, tu les as vécues de l'intérieur? T'en as d'autres anecdotes comme ça? C'est vrai, c'est le métier le plus dur physiquement... Tu peux répondre à ma question peut-être? Pourquoi on disait avant « CL-215 » alors qu'on dit maintenant « CL-415 »?

Anonyme a dit…

"Pourquoi on disait avant « CL-215 » alors qu'on dit maintenant « CL-415 »?"

Simplement que ce n'est pas le même modèle d'avion. J'imagine que les 215 étaient moins puissants et avaient probablement un plus petit réservoir... mais ça reste à vérifier.

Une autre anecdote ? En tant que sapeur, après le passage des avions, il faut partir à la recherche des "fumées", c'est-à-dire des petites zones où le feu est encore actif mais sans flamme. C'est très important de neutraliser les "fumées" sinon, le feu risque de reprendre.

Et on éteind les "fumées" avec des "crosseux" (excusez ma vulgarité mais c'était le terme utilisé). Ce sont des pompes mécaniques, manuelles, reliées à un réservoir que l'on accrochait sur son dos. Le réservoir, une fois plein, devait peser près de 50 livres (si je me souviens bien...). Il fallait marcher dans la forêt, sans sentier, avec ça sur le dos !

Anonyme a dit…

Je n'ai jamais eu la chance de voir ces avions à l'oeuvre à part à la télé.

J'image que ça doit être impressionnant quand même.

J'aurais aimer piloté moi aussi.

À la Baie james j'ai eu l'occasion de voler presque à tous les jours surtout en hélico. J'adorais ça.

Manoeuvrer les CL-415 ça doit prendre de sapré bon nerf.

Chapeau à ces gars là.

voyageuse du monde a dit…

J'ai vu ces avions à l'oeuvre quand je demeurais à Matagami. C'est très impressionnant.
C'est très beau la nature mais en même temps, penser au pouvoir de destruction qu'elle possède, l'eau, le vent, les tempêtes, il faut croire qu'elle se défend du mieux qu'elle peut contre les nombreuses agressions des hommes.
Ce doit être un métier passionnant et valorisant, pour moi sauver la nature et les gens qui vivent autour, ça m'épate toujours, de toute façon, tu sais très bien que j'ai toujours eu un faible pour ceux qui sauvent le monde, un rêve que j'ai moi aussi.
bye
bonne journée

crocomickey a dit…

Avec mon fils pompier à la ville de Montréal (je sais c'est pas pareil mais c'est dangereux tout de même)je peux comprendre votre admiration (et la mienne) pour ces casse-cou qui risquent souvent leurs vies. Faut avoir l'âme généreuse pour exercer ce métier.

Zoreilles a dit…

@ Henri : Merci de répondre à ma question et d'enrichir autant la discussion avec tes histoires vécues. Pour nous, tu es le représentant de tous ces héros!

@ Macamic : Survoler le Nord-du-Québec en hélico, ça doit être quelque chose de fascinant aussi.

@ Modotcom : Bienvenue chez nous et... Merci! J'aime aussi vous lire.

@ Voyageuse du monde : Oui, je sais, tu admires ceux qui sauvent le monde, tu oublies que tu es de ceux-là. C'est d'ailleurs ce que je te souhaite de faire prochainement dans un pays étranger, pour conjuguer deux de tes passions.

@ Crocomickey : L'âme généreuse, oui, mais aussi une bonne dose de courage, une santé de fer, l'esprit d'équipe, une formation solide et des nerfs d'acier, entre autres.

natouO a dit…

merci pour ces belles photos et ce récit... le 11 aout c'était mon jour...et j'étais en "forêt"de mon côté du monde, bien que notre foret n'ai rien de comparable à la foret canadienne elle connait ausi ces feux et ces avions que nous appelons ici des CANADair... lorsque j'étais petite je m'imaginais qu'ils venaient tous du CANADA le ventre plein de liquide bleu pour nous arroser de leur eau... j'en ai une jolie photo...sur un de mes blogs va voir si tu veux http://mediterrannee.blogspot.com/2007/04/canadair-monaco.html
natou O

Zoreilles a dit…

Comme c'est exotique de voir nos CL-415 (CANADair) oeuvrer dans le paysage féérique de... Monaco! Parce que je crois que ce sont les mêmes, j'ai agrandi la photo pour mieux voir... Vraiment fascinant. Et ton impression d'enfant, que l'eau venait aussi du Canada, c'est charmant, tendre et drôle. Merci Natouo!

Amourable a dit…

J'en ai vu une seule fois et j'ai été très impressioné. Je me suis toujours demandé qu'est qui empêchait ces avoins de piquer du nez lorsqu'ils touchent l'eau.
J,ai vu un documentaire un fois sur ces sappeurs pompiers et, ma fois, ce n'est pas pour tout le monde ne serait-ce que pour l'entrainement qui est très exigent.

Zoreilles a dit…

Je vous l'apprends peut-être, amis blogueurs et lecteurs, même si j'imagine que c'est un phénomène courant : des gens me lisent mais n'écrivent jamais de commentaires directement sur ce blogue, plutôt, ils préfèrent m'envoyer des courriels, puisque ce sont des amis, collègues ou connaissances qui ont déjà mes coordonnées. C'est ce qui vient de se produire, un ami Français vient de me transmettre une information qui pourra aussi vous intéresser. Je vous transcris donc la partie de son message qui serait « d'intérêt public » :

« En effet, il existait des avions « Canadair » CL215 avec des moteurs à pistons à 18 cylindres en étoile mais depuis 1993, les moteurs ont été remplacés par des turbopropulseurs, donc plus puissants et plus souples, l'électronique a été modifié et ils sont devenus des CL415, voilà l'origine du changement de désignation. De plus CANADAIR a été racheté par BOMBARDIER! Ils font du travail formidable également en France. »

Voilà, je voulais partager l'information avec vous!

Anonyme a dit…

Le Canseau puis le cl-215 et maintenant le cl-415 comptent parmi les fleurons de l'industrie québécoise.Tout comme le travail efficace de nos sapeurs forestiers qui sont bien formés et expérimentés.