mardi 6 mars 2007

Comme pour étirer le temps...


J'ai pris cette photo samedi dernier, aux lendemains de la tempête de neige, à notre camp de Rapide Deux et s'il vous semble qu'il n'y a rien à y voir et pas de quoi écrire à sa mère, vous aurez raison. Il m'arrive souvent de prendre des clichés pour moi-même, sans penser à autre chose qu'à fixer sur pellicule et à jamais un instant de bonheur fugitif que je voudrais voir s'éterniser.

J'ai la chance d'avoir plusieurs passions dans la vie, certaines palpitantes, d'autres moins, les unes plus faciles à comprendre que les autres. Il y a mes jardins secrets aussi, tellement secrets en fait, que je les ignore moi-même! J'aimerais un jour en arriver à saisir pourquoi je mets une telle ardeur à redonner vie à ce qui n'est plus, aux cas désespérés, aux rejets.

Au hasard de nos transactions immobilières passées, j'ai fait de belles trouvailles, laissées pour mortes, abandonnées sur place par les anciens propriétaires des maisons, chalets, camps, remises et garages qui ont été les nôtres au fil du temps. J'ai pu redonner vie à des vieilles berçantes aux barreaux cassés, des courtes-pointes décousues, faites par des grands-mères depuis longtemps décédées, des lampes à l'huile anciennes à nettoyer et réparer, des coffres de bois ayant contenu des trésors probablement, des tables à battants qui, une fois ouvertes, pouvaient accueillir des soupers de Gaulois, des chaises avec l'assise brisée, tressées en foin de mer, qui m'ont obligée à fouiller dans des vieux livres et apprendre cet art démodé, des gramophones qui font de fort jolis meubles même quand ils ne font plus entendre leur musique et bien d'autres choses encore qui n'ont pas de prix pour moi, parce que je les ai sauvées d'une mort certaine. Souvenez-vous du Petit Prince... « Ce qui donne du prix à ta rose, c'est le temps que tu as consacré pour elle... »

J'ai toujours un petit chantier en marche. Là, ma table à battants est revenue en vie, elle trône, discrète et toute mignonne dans un coin du salon maintenant, avec sa belle couleur caramel, révélée au fur et à mesure des heures de sablage passées dans le garage et j'ai pu la conserver ainsi avec un mélange spécial de thérébentine et d'huile de lin. Elle retrouve tout son sens et son essence quand la maison s'emplit et qu'on doit la jumeler à celle de la cuisine pour en faire un lieu de rencontre où chacun a sa place et tous l'ont tout entier!

Au camp, j'avais mis la main sur une vieille chaise finie dans le vieux camp abandonné qu'on avait acheté en l'an 2000 et qu'on a débâti pour le reconstruire. L'abandon total. Rien à faire avec ça. Il paraît qu'il n'y avait que moi pour essayer de ressusciter pareil cas. Ça m'a juste motivée davantage de me l'entendre dire! J'ai cru que j'aurais l'admiration de mes proches en m'y attaquant avec conviction mais à la place, on commence à me laisser entendre que ce serait de l'entêtement de m'y acharner, alors, j'ai d'autant plus l'ambition et l'obligation d'en faire la plus belle chaise qui soit. Il me faut sauver mon honneur!

Chaque fois que je sévis, dans ma folie, j'y vais à ma manière, « à' mitaine », à l'ancienne, avec le temps, la douceur, la patience. Jamais, au grand jamais, de décapants, d'outils électriques (on n'a pas l'essstristé là-bas) ou d'affaires qui vont vite. J'ai mon code d'éthique. Non, moi, je fais ça pour étirer le temps, j'utilise du papier sablé, des outils de métal et de bois... et de l'huile de bras. Cette chaise était quand même solide, j'ai vérifié avant de m'investir autant, il ne restait plus qu'à la déshabiller, lui enlever ses couches successives de maquillage rouge, jaune pâle et turquoise, pour y trouver sa vraie personnalité, ses noeuds, ses courants, le grain de son bois, ses imperfections aussi, donc, sa matière noble qui a su défier le temps...

Il n'y a rien que j'aime mieux l'hiver, en revenant au camp après avoir fait le tour des sentiers enneigés, que de remettre une bûche dans le poêle, me préparer un café dans la cafetière qui fait bloup-bloup, sentir l'arôme qui s'en dégage tranquillement pas vite, pendant que j'écoute la radio à la première chaîne de Radio-Canada et que je m'attaque à ma chaise avec mes vieux outils, comme pour suspendre le temps, voler un petit moment d'éternité. Tout dort et je veille. Si vous saviez comme j'y règle une foule de problèmes, petits et grands, parfois même universels. Et puis, je regarde dehors aussi, au cas où... Mes jumelles ne sont jamais loin.

Mais je prends des pauses, par exemple, faut quand même pas se rendre la vie trop misérable. D'abord, il faut remettre une bûche dans le poêle de temps en temps, puis me verser mon café et m'allumer une cigarette aussi, comme récompense, pas souvent, juste si j'ai bien travaillé, comme après avoir fini un des barreaux, par exemple. Et parfois, mon Crocodile Dundee vient voir ce que je fabrique, attiré lui aussi par l'arôme du café bloup-bloup qui se rend assez loin en forêt paraît-il, il me jette alors un regard attendri mais étrange, que je ne saurais qualifier plus précisément. Dehors, il y a les pies qui me réclament un bout de croûte de pain ou mes perdrix qui font voler la neige dans ma direction, espérant attirer mon attention mais en vain, je m'accroche désespérément à ma chaise et mon papier sablé... Allez donc savoir pourquoi.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Tu étais réellement au paradis durant cette fin de semaine ! Je suis content pour toi.

Anonyme a dit…

whaaaaaaa Zoreilles !!!


Comment ça va toi ?


Quelle surprise !!

:o)))

Anonyme a dit…

Quelle belle relation avec le passé que cette habitude de faire ressusciter des choses. La société de consommation actuelle ne laisse plus suffisamment de place pour ce genre de retrouvailles avec l'histoire.

Je t'envie Zoreilles... Vraiment une belle passion que celle-là.

Zoreilles a dit…

@ Henri : Oui, le paradis, mon vieux!

@ Accent Grave : Là, vous me donnez un début d'explication qui fait bien mon affaire!

@ Esperanza : Une autre belle piste de réponse que celle que tu m'offres... Et puis, tu sais, c'est accessible à tout le monde!

@ Fredesk : Ah ben là... Tu me jettes à terre... Fredesk! Excusez-nous tout le monde, il faut que je vous explique un peu... Il était une fois, bien avant les blogues, il y avait les forums de discussion de la Place Publique de Sympatico. Une autre époque! Et dans ce temps-là, ça prenait des animateurs pour ces forums. J'y étais, Fredesk aussi. De tous les coins du Québec, nous étions une vingtaine à y faire un « malheur »! Je ne peux vous résumer ce qui s'est vécu là, mais je vous dis juste que c'était une expérience humaine formidable et des années inoubliables.

Un jour, nous avons réalisé le rêve fou de nous rencontrer, tous les animateurs du Québec, à Laurel, dans les Laurentides. Se voir, se parler en « vrai » chanter, bouffer, fêter ensemble... pendant deux jours.

Quelques mois plus tard (et je me demande encore s'il y a un lien) à une journée ou deux d'avis, les dirigeants de Toronto fermaient la Place Publique pour toujours, sans autre explication. On nous tirait la plogue!

Écoute, Fredesk, j'en ai fait deux conférences par la suite : « Les relations humaines dans le monde virtuel » et aussi, en tandem avec Jacks (tu te souviens de Jacks de Sherbrooke?)« L'éthique dans le monde virtuel ». J'avais l'intention d'écrire un billet un jour là-dessus mais j'en aurais trop long à raconter.

Et j'aurais mille questions à te poser mais j'irai chez toi, dans ton carnet, je crois comprendre que, comme moi, tu n'as pas changé de pseudonyme et que tu sévis toujours dans le meeeeeeeerveilleux monde virtuel?

J'en reviens pas... Fredesk! Es-tu toujours dans les Laurentides? Moi, toujours en Abitibi-Témiscamingue, évidemment! Je pense que ma guitare se rappelle elle aussi encore de toi!

Anonyme a dit…

Montérégie, Zoreilles, mais c'est pareil... que de souvenirs en voyant ton pseu dans un commentaire tantôt, je ne me souviens meme plus où j'étais ! 1997-2002... ça m'a déboulé dessus en une seconde !!

:o))) Ah je suis content !