vendredi 8 mars 2013

Paperasseries


Mon bureau. Là où je suis présentement. Où j'ai exercé mon métier jusqu'au 31 décembre dernier. Où je prends mes courriels, où je lis d'autres blogues, où je fais certaines transactions, où j'entretiens mes amitiés et mes liens familiaux, pas juste mes amitiés Facebook. Là où je tombais si souvent dans la lune à cause de la grande porte patio et de la fenêtre à droite où j'allais tout le temps me perdre pour mieux me retrouver et explorer une foule d'avenues! 

Paperasseries

Avez-vous vu toute la rangée de dictionnaires et de manuels de conjugaison, de difficulté de la langue française, des citations, de traduction de l'anglais au français, grammaires, dictionnaire de la langue québécoise, du français au bureau, des synonymes, etc. C'est parce que plus je les consultais, plus je m'apercevais que je ne savais rien, que j'avais seulement un intérêt et une curiosité pour tout cela. Pendant longtemps, j'ai fait de la correction et de la révision de textes, et j'avais toujours le syndrome de l'imposteur parce que je n'avais jamais fait d'études dans ce domaine précis.  Mais depuis que je ne travaille plus, (je n'ai jamais autant travaillé mais à mon rythme) on dirait que j'ai abandonné tous mes « aidants naturels » de l'étage au-dessus de mon ordinateur! 

J'avais mon rendez-vous annuel avec ma comptable en début de semaine. On se connaît depuis longtemps, elle et moi. La confiance règne. On peut tout se dire. Je lui apprenais avec enthousiasme que j'avais fermé mon entreprise à la fin de l'année 2012, comme elle s'en rendrait compte en faisant ses vérifications comptables et mes déclarations d'impôt. J'aimais mieux lui dire de vive voix, répondre à ses questions si elle en avait et me guider s'il y avait autre chose à faire pour que tout devienne officiel et irrévocable, du point de vue légal et comptable. Elle s'est montrée inquiète pour moi, la pauvre. Je l'ai bien rassurée!!!

Comme ma petite entreprise était enregistrée et non pas incorporée, ça simplifiait beaucoup la chose, me disait-elle. Elle m'enjoignait au plus vite de remplir une déclaration de radiation au registre des entreprises et pour cela, j'avais besoin de mon code d'accès clicSÉQUR express, un document bleu de trois pages que j'aurais supposément reçu il y a quelques années et sur lequel j'allais trouver tout ce qu'il me fallait, comme des numéros de téléphone, des codes d'identification, des sites Internet, etc. Hein, quoi? J'ai jamais vu ça passer, moi. Je veux juste fermer mon entreprise, pas demander de subvention ni ouvrir une nouvelle succursale en pays étranger!

Une chance que je jette jamais rien. Surtout quand ça vient d'un Ministère. J'ai fini par retrouver le document bleu en question que j'avais bien sagement remis dans son enveloppe sans l'avoir lu, tellement je ne me sentais pas concernée le moindrement. C'était daté de décembre 2010. 

Alors, hier, avec acharnement et détermination, je me suis fait un deuxième café décaféiné, je me suis retroussé les manches et je me suis mise à l'oeuvre. Des bouts par téléphone et d'autres bouts par Internet. L'enfer!  

À la fin d'un paquet d'entourloupettes administratives, ma demande de radiation au registre des entreprises a été acceptée et j'ai un numéro de confirmation si jamais j'en avais besoin (Ne jamais sous-estimer les dédalles administratives d'un Ministère qui s'apparente à celui du Revenu particulièrement, j'ai appris ça depuis longtemps). Turbide Communications n'existe plus, ni légalement ni autrement. J'étais épuisée... 

Je me suis demandé si ça me faisait quelque chose, comme un petit pincement, un vague à l'âme, une nostalgie, un regret, un sentiment quelconque qui serait venu boucler la boucle de ces 40 années sur le marché du travail. Mais non. Rien. Vraiment rien. Ah peut-être un miiiiiiiiinuscule sentiment de soulagement de rien du tout mais pas tant que ça. Je me suis bien plus sentie soulagée au lendemain du 31 décembre. Pas hier. Non. Ah peut-être que... oui, si je veux être tout à fait franche, une seule pensée m'a traversé l'esprit tellement trop détaché en pensant à ma petite entreprise fermée.

Flashback : imaginez la petite musique de retour vers le passé avec de la brume tout le tour de l'écran...

Janvier 2005. Papa était à la Maison des soins palliatifs et nous passions beaucoup de temps ensemble, évidemment. Papa n'était jamais seul. Il savait depuis l'automne que je préparais mon retour comme travailleuse autonome et que j'avais déjà un gros contrat qui m'attendait dès que j'étais prête à foncer. À chaque fois que j'arrivais à sa chambre le matin, il me demandait des nouvelles de ma « business », ça l'emballait pour moi et ça lui faisait vivre des projets, lui qui ne pouvait plus en faire... Un bon matin, j'étais arrivée avec mes nouvelles cartes d'affaires que j'avais faites moi-même avec beaucoup d'application. Une bonne centaine que j'avais imprimées. Je les avais conçues sobrement mais de bon goût, réalisées par ordinateur et j'avais poussé le raffinement jusqu'à les plastifier, puisque j'avais la machine pour le faire. Papa avait trouvé qu'elles avaient de la classe, mes cartes d'affaires, et que Turbide Communications, c'était un beau nom, c'était le sien, celui qu'il m'avait donné et que je portais si fièrement. 

Il m'en avait demandé une qu'il avait affichée tout de suite sur le tableau de liège où nous avions piqué plusieurs de nos photos de famille, dans sa chambre à la Maison des soins palliatifs. Il l'avait mise là parce qu'il était fier. Et ça paraissait chaque fois qu'il la regardait et qu'il me souriait. Il me souhaitait tout le succès possible, dans ma job, dans ma vie, et d'être heureuse dans ma « business ». Il ne le disait pas comme ça mais on le comprenait comme ça, lui et moi.

C'est la seule pensée un peu émue qui m'est venue à l'esprit en fermant Turbide Communications, hier. Si Papa était encore là pour voir combien sereine je suis à la fermeture, encore plus qu'à l'ouverture, mon coeur me dit qu'il serait encore plus fier qu'il l'avait été en janvier 2005 et qu'il afficherait probablement cette fois sur le tableau de liège ma « déclaration de radiation au registre des entreprises du Québec ». J'aime penser qu'il la regarderait en me souriant...

31 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour chère Zoreilles .
Ta belle sérénité fait plaisir à voir .... Que de personnes prennent leur retraite en vivant des regrets et des frustrations ... Tu est prête à passer à autre chose ......
Je comprend ton épuisement devant les démarches à faire pour fermer ton entreprise ...... c`est vraiment toute une aventure que de rester en ligne pour obtenir des renseignements ou donner des informations dans les ministères .... Nous avons parfois
l `impression d`être sur une autre planète ...
Aujourd `hui ... c`est la journée de la femme ... alors je salue la femme autonome et unique que tu es et te souhaite une bonne journée .
Amitié
Capucine .

Zoreilles a dit…

@ Capucine : Bonjour toi, c'est bien vrai, on est « LA HUITE MARSE » aujourd'hui et je partage avec toi toute la fierté qu'on a d'être une femme, au Québec, en 2013, grâce à toutes celles qui nous ont précédées, nous ont inspirées et nous ont montré la voie à suivre, de même que tout le chemin qui reste encore à faire. Parce que c'est pas gagné partout, hein? Pas même ici... Quoiqu'on a fait de sacrés bouts de chemin, reconnaissons-le!

Y a-t-il une Journée de l'Homme? Je trouverais que ce serait équitable. Parce que j'aime les hommes, j'en ai épousé un, j'ai deux p'tits frères merveilleux, un Papa extraordinaire toujours présent dans ma vie à sa manière (ou à ma manière?...) et un beau-fils en or que j'aime tendrement aussi. Et que dire de tous mes amis? Bref, une Journée de la Femme, c'est très bien, mais ça n'enlève rien aux hommes, sinon je joue pas!!!

Oui, je suis sereine au coton dans ma décision. Je n'aurais jamais pensé que c'était aussi lourd sur mes épaules en dernier, je n'arrête pas de trouver que je vais trrrrrrrrès bien sans ma job. Et je mange encore trois repas par jour, tu sais? ;o)

J'étais tellement rendue là!

Anne-Marie a dit…

Il te regarde en souriant...!
:)

Joce a dit…

D'la "bizenusse...il doit en faire encore,mais où ????

Zoreilles a dit…

@ Anne-Marie : J'en suis certaine!

;o)

Zoreilles a dit…

@ Joce : De la bizenusse, c'est vrai qu'il disait ça de même, P'pa!

Moi je pense qu'au ciel, il vend des Winnebago... en français! Avec son sourire international et son accent madelinot irrésistible. Il couvre tout le secteur sud-est de la Floride jusqu'à Key West.

;o)

Quand il y a « un p'tit vent de Nord », il dépine même pas, il reste dans son Winnebago Triple A à lui et c'est le monde qui viennent le voir. Il donne ses cartes d'affaires sur lesquelles c'est écrit Turbide Accomodations...

Le factotum a dit…

Justement en revenant de voyage, on est passé au-dessus des Keys sans nuages et j'ai remarqué un Winnebago Triple A arrêté nous regardant passer.
Sérénité égale santé!
Toute la santé que tu mérites bien!

Noémie Turbide a dit…

Bravo Francine ;) On dirait que c'est la fin de quelque chose qui annonce le début d'une nouvelle aventure.

Merci pour le beau billet, c'est toujours agréable de penser à grand-papa!

Passe une superbe journée :)

xxxxxx

P.S Je t'avais parler d'un nouveau blog durant le temps des fêtes... Et bien le premier billet est en ligne ;)

Zoreilles a dit…

@ Le factotum : En revenant du Pérou, t'as survolé les Keys et t'as vu mon père avec son Triple A? C'est bien ce que je pensais, tu reviens du paradis!

Merci pour la sérénité et la santé... et l'humour, bien sûr.

Zoreilles a dit…

@ Noémie : Ah que j'ai hâte d'aller lire ton nouveau blogue, je serai une fidèle et je l'ajouterai à ma liste des blogues amis si tu me donnes la permission...

Pour l'instant, on est sur le bord de la porte, on s'en va à Rapide Deux, il fait un soleil époustouflant et on nous annonce des températures ultra douces, au-dessus de zéro.

On s'ennuie tous de ton grand-papa Léo mais on est capable d'y penser encore avec beaucoup de tendresse, d'amour et d'humour. C'est ce que j'appelle aimer plus fort, au-delà des frontières de la mort.

Je t'embrasse, ma belle No!

Noémie Turbide a dit…

Permission accordée ;)

Bon voyage a R-2!!!

Je vous embrasse fort aussi toi et crocodile-dundee!!

xxxxxx

Grand-Langue a dit…

De la même façon, j'ai déjà fermé une entreprise enregistrée, c'est plus compliqué que de l'ouvrir. Si on néglige la fermeture, à chaque année faut remplir d'autres papiers. J'ai baissé les bras et l'ai fermée, sans chagrin. Au besoin, j'en ouvrirai une autre que je me suis dit, une compagnie à numéro, encore plus simple!

Grand-Langue

Caboche a dit…

Cette sérénité face aux derniers gestes à poser confirme bien que tu as pris la bonne décision.

Je suis heureuse de voir qu’il n’y a pas de regrets, pas de nostalgie.
Le terrain est fertile maintenant pour d’autres projets.

Nanou La Terre a dit…

Hum,
j'ai pas ça moi ces 3 pages de paperasse et si je les ai reçues, je ne sais pas où elles sont! Pas de panique, on fera ça en temps et lieu car je suis loin de l'idée de fermer mon entreprise.

Les derniers paragraphes de ton billets sont si attendrissants Zoreille... Il était fier de toi et même aux soins palliatifs, il t'a encouragée jusqu'à la toute fin. T'as été vraiment millionnaire xxx
Avec tendresse xxx

Louisianne a dit…

Joli bureau ! Je découvre ton blog et j'y reviendrai avec plaisir !

Zoreilles a dit…

@ Noémie : Ça part fort, ton nouveau blogue! J'adore te lire, je viens de t'ajouter à ma liste des blogues-amis, ça veut dire que j'irai faire mon petit tour régulièrement.

Longue vie à ton nouveau blogue, ma belle No, on s'y sent comme... Chez Nous!

Zoreilles a dit…

@ Grand-Langue : Tant qu'on ne la ferme pas officiellement, l'entreprise, il y a des petits frais annuels et des formulaires à compléter, c'est ce que ma comptable m'a expliqué. Si je n'avais pas été aussi certaine de mon choix, ça m'aurait déstabilisée un peu mais heureusement, ce n'était pas le cas!

Zoreilles a dit…

@ Caboche : Oh que oui, aucun regret, aucune nostalgie, juste le goût de foncer par en avant! Dans le présent et l'avenir, avec plein de projets déjà enclenchés, tu devrais voir ça... ;o)

Zoreilles a dit…

@ Nanou : Tu n'as pas reçu ça? C'était vers la fin de 2010, il paraît qu'on l'a tous reçu? Ma comptable avait raison, j'ai fini par le retrouver, ce document de 4 pages plus précisément, de couleur bleu, titré « Votre code d'accès clicSÉQUR express », il devrait y avoir ton nom en haut de la première page. Mais comme ça ne presse pas, il n'y a pas lieu de le chercher pour tout de suite!

J'ai été millionnaire mets-en d'avoir un père comme lui et une mère comme la mienne, toujours jeune de coeur avec plein de projets. Je connais ma chance d'être née dans une famille comme la mienne...

Pour une fille particulièrement, quand ton père est fier de toi et qu'il te croit capable de réussir, puisqu'il est le premier homme que tu as aimé et qui t'a aimée en retour, ça te construit dès l'enfance une sorte de confiance en la vie. J'en suis même devenue idéaliste à la longue!!!

Zoreilles a dit…

@ Louisianne : Merci! Je crois comprendre que tu as aussi un blogue que j'aurai sûrement l'occasion de découvrir très bientôt, je me promets une petite visite chez toi.

Au plaisir!

crocomickey a dit…

Bravo belle écrivaine ! :-)

Solange a dit…

Une autre étape de passée, comme dirait Yvon Deschamps tu es maintenant lib' lib' lib'. Et je suis certaine que papa est aussi très fier de la-haut.

Zoreilles a dit…

@ Crocomickey : T'es trop fin... Je ne mérite pas ces bravos, il me semble. Mais si tu me les donnes, je les prends!

Zoreilles a dit…

@ Solange : Et je me sens déjà lib' lib' lib' de plus en plus. Je pense aussi que Papa serait fier, parce que si je suis heureuse, il l'est aussi. Dans ma famille, on a une grande chance, on a des valeurs très semblables!

Joce a dit…

As-tu remarqué que ton billet commençait par....Pape...Je sais, c'est une coincidence.

J'avais déjà préparé mon slogan au cas où Le cards. Ouellet aurait battu tout le monde au finish ou au bras de fer....

"C'EST RARE COMME DE LA MOTTE DE PAPE"
dixit Gérard.D.Laflaque.

Zoreilles a dit…

@ Joce : Simonac qu'on pense pareil... C'est pas du tout une coïncidence si mon titre était Paperasseries, ça m'avait tenté de l'écrire en deux mots « Pape rasseries » mais j'ai eu comme une petite gêne à la dernière minute!

Le slogan était bon mais il ne sera pas nécessaire! Les pape parazzi vont décamper de La Motte à compter de demain matin pas tard, d'après moi. Les pape pillons vont pouvoir pape pillonner tranquille l'été prochain pendant la Route du Terroir, le nom de Ouellet ne se retrouvera sur aucun pape pyrus qui passera à l'Histoire.

Il y a beaucoup de monde soulagé à La Motte, à commencer par la mère de Marc Ouellet, Madame Graziella (tu te souviens des jardins de Graziella?...) ainsi que toute sa famille...

As-tu vu la caricature de Ygreck aujourd'hui? J'ai pogné ça sur Facebook. On voit à l'arrière plan l'ancienne église de La Motte, bien identifiée, et stationnés juste en face un orignal complètement abasourdi couché au pied d'un beau papeskidoo tout blanc (au lieu d'une papemobile) les détails sont tellement drôles, c'est typiquement Abitibi!

Joce a dit…

C'est vrai qu'on pense pareil...en écoutant les nouvelles,j'ai dit à Guylaine..check le journaliste à Lamotte..y tiens son micro toujours dans la main droite,pis chu sûr que y a déjà sa valise dans main gauche...pis le char marchait déjà.......Pas de Pape,on d."christ"
sous les applaudissements des Lamoteux, Lamotton, Lamoto qui retrouverons exactement ce à quoi aspire tous les bons chrétiens, soit : La SAINTE PAIX!

Joce a dit…

Je M,en vais voir la caricature!
Pis je r'viens!

Zoreilles a dit…

@ Joce : On dirait que t'étais sur place, c'est drette ça!

T'as p't'être pas trouvé la caricature de Ygreck? Je te l'ai partagée par FB, check ça... Moi, c'est la mimique de l'orignal qui me fait le plus rire!

Mijo a dit…

Ce billet me pince le coeur. Tu y parles de ton père et de la Maison des soins palliatifs.

La veille de ton billet, peut-être au moment où tu te retroussais les manches pour fermer administrativement ton entreprise, j'enterrais mon cher Papa...

Zoreilles a dit…

@ Mijo : Tu enterrais ton cher Papa le 7 mars dernier... J'en suis très peinée pour toi, Mijo. Ça fait si mal de perdre ceux qu'on aime.

Même après 8 ans, je n'oublie pas. Et puis vient un moment où la souffrance n'est plus aussi vive, elle se transforme au fil des jours en tendresse, en doux souvenirs, en amour infini.

Qu'est-ce qui nous manque le plus? L'amour qu'on leur porte ou celui qu'ils nous portent?

Me viennent à l'esprit des bouts de deux chansons :

La première, de Gilles Vignault,

« Le temps qu'on a pris/Pour dire je t'aime/Est le seul qui reste/Au bout de nos jours... »

La deuxième, chantée par Diane Dufresne,

« Un souvenir heureux/Est plus vrai bien souvent que le bonheur... »

Parfois, les chansons nous consolent, d'autres fois ce sont ceux qu'on aime, qui pleurent le même chagrin que nous ou qui prennent part à notre peine.

Sache que je prends part à ta peine xxx