dimanche 10 avril 2016

Elle avait semé le doute

Ce matin, en prenant ma marche quotidienne, je laissais vagabonder mon esprit comme à mon habitude lorsque mes pas réguliers et bien rythmés m'ont ramenée à un souvenir d'enfance que j'avais enfoui très loin pour être certaine de l'oublier. Vous savez ce qu'on dit? « Ce qu'on fuit nous poursuit et ce qu'on efface nous pourchasse ». À mon retour à la maison, j'ai eu le goût d'aller fouiller dans les vieilles photos de mon enfance pour effacer ce doute à tout jamais. J'ai pour mon dire qu'à 58 ans, il est grand temps que je fasse le ménage là-dedans. 


J'avais 8 ans. On habitait au 4, rue Rupert, à Matagami, dans une roulotte de la mine. Papa travaillait à la Orchan Mines mais il avait aussi plusieurs autres occupations pour arrondir les fins de mois. Maman ne travaillait pas à l'extérieur dans ce temps-là, elle en avait plein les bras avec nous trois : mon petit frère Yves avait 3 ans et le petit dernier de la famille, Jocelyn, avait un an, on le voit lui aussi sur cette photo. 


Ici, j'avais 9 ans, Yves et Jocelyn respectivement 4 et 2 ans. On habitait toujours dans une roulotte de la mine... entourée par d'autres roulottes de mines. 


J'avais 10 ans, Yves 5, Jocelyn 3. On était en vacances au lac Nipissing, près de North Bay en Ontario. Ce furent les plus belles vacances de notre vie pour nous les enfants et probablement aussi pour nos parents. Pour Yves et Joce comme pour moi, cette photo déclenche des fous rires à chaque fois qu'on la voit, il y a tant d'histoires vécues qui sont rattachées à ces vacances! 

Elle avait semé le doute

J'ai beau regarder mes jambes sur chacune de ces photos, je n'y vois rien qui cloche. Et pourtant, en revenant de ma marche cet avant-midi, j'ai eu comme besoin de vérifier! Je vous raconte... 

Je l'ai déjà dit souvent, dans la petite ville minière de Matagami que j'ai vue naître et grandir, nous étions des pionniers. C'était dans le temps qu'on ouvrait des villages au lieu d'en fermer et cela a été très formateur pour les enfants que nous étions. Nous avons toujours cru que tout était possible au Nord, qu'il suffisait de se retrousser les manches et de travailler ensemble dans la même direction pour faire arriver les choses et ce, à tout point de vue. 

À Matagami, la ville était en pleine effervescence, les trois mines employaient tous nos pères, le parc de roulottes s'agrandissait à vue d'oeil, on ajoutait des rues à mesure, les maisons se construisaient autour de l'école, les commerces s'installaient à la Place du Commerce, les services se multipliaient, les institutions s'organisaient, l'économie roulait sur l'or et dans ce contexte, Papa n'avait pas de misère à se trouver de l'ouvrage et il était très vaillant. En plus de travailler à la mine, il vendait des voitures usagées et des habits sur mesure. 

Moi, j'avais 7-8-9 ans et plein d'amis qui venaient de partout. Personne n'était né à Matagami, la ville n'existait pas avant nous, on venait tous d'ailleurs. J'avais beaucoup de cousins et cousines aussi, on nous appelait les Madelinots, on était faciles à reconnaître avec notre accent et nos expressions colorées! J'ai eu une enfance extraordinaire à faire des campes dans le bois, s'inventer des jeux, aller à la pêche sur la rivière Bell et organiser nos loisirs. C'est ainsi que j'ai fait partie du corps de majorettes Les Rubis de Matagami!

La bonne femme Kramer était l'organisatrice et la responsable des Rubis de Matagami. Elle n'était pas commode, la bonne femme, on aurait dit qu'elle se prenait pour une générale d'armée, elle avait un ton autoritaire, presque militaire et elle criait fort pour tout et pour rien. Mes cousines et mes amies étaient dans les majorettes et je voulais moi aussi avoir comme les autres ma petite jupette blanche, mes bottes blanches avec le gros pompon rouge, le corsage rouge, le chapeau haut de forme blanc avec le pompon rouge et surtout, le bâton de majorettes que j'allais faire virevolter dans les airs lors des parades.  J'étais donc fière quand j'ai eu mon uniforme de majorettes!

J'allais à toutes les pratiques et toutes les parades, je n'en manquais pas une, j'aimais trop ça. J'étais rendue bonne pour faire toutes sortes de mouvements avec mon bâton argenté. J'aspirais un jour être promue pour jouer des cymbales, du tambour ou de la lyre, comme les grandes filles qui fermaient la parade. Moi, c'était la musique que j'aimais le plus mais j'étais trop petite encore alors je gardais mon rang, je suivais le rythme et je faisais partie fièrement de notre corps de majorettes. La bonne femme Kramer nous avait promis que si on continuait d'être bonnes de même, on irait peut-être au pageant à Rouyn (une grosse ville!...) l'été suivant. 

Papa avait vendu une auto usagée à la bonne femme Kramer au cours de l'hiver. Peu de temps après, elle a eu du trouble avec son auto et pourtant, Papa s'était assuré que la voiture était en excellente condition avant de la lui vendre. Même qu'il avait payé une partie de la facture lorsqu'elle l'avait fait réparer chez le mécanicien de son choix. C'est à partir de ce moment-là que la bonne femme s'est mise à crier de plus en plus souvent après moi. Elle me faisait peur avec sa voix de générale d'armée. J'aimais moins ça qu'avant aller à mes pratiques de majorettes. 

Un bon samedi matin, devant tout le corps de majorettes, elle m'appelle pour aller en avant et elle m'annonce que je ne pourrai plus faire partie des Rubis de Matagami parce que j'ai une jambe plus courte que l'autre... Elle m'indique le vestiaire où je dois aller tout de suite enlever mon costume et m'en retourner chez nous. 

J'ai tellement braillé quand je me suis retrouvée toute seule dans le vestiaire. Je n'avais jamais vu que j'avais une jambe plus courte que l'autre. Mes parents non plus. Mais peut-être que tous ceux qui m'aimaient ne voulaient pas me le dire pour ne pas me faire de peine? J'ai enlevé ma petite jupette, mes bottes blanches, j'ai marché d'un pas de majorettes dans le vestiaire, pieds nus, en bobettes, cherchant à savoir laquelle de mes deux jambes était plus courte que l'autre. Je ne voyais vraiment pas. Je ne comprenais pas. 

Une fois à la maison, j'ai annoncé ça à mes parents, qu'ils avaient une fille handicapée, avec une jambe plus courte que l'autre. La bonne femme Kramer m'avait jeté dehors des majorettes à cause de ça. J'avais de la peine de ne plus pouvoir être avec mes amies et mes cousines, on avait tant de plaisir ensemble. Je voyais s'envoler tous mes espoirs de jouer de la lyre un jour, d'aller au pageant à Rouyn avec tout le groupe... 

Les jours suivants, à chaque fois qu'il y avait du monde chez nous, Maman me faisait déambuler tout le long du salon et de la cuisine et du corridor (une roulotte, c'est fait en long!...) en leur demandant leur avis : « Trouvez-vous qu'elle a une jambe plus courte que l'autre, vous autres? », ce à quoi ils répondaient tous non. Et moi, à chaque fois, j'avais le goût de brailler. Une fois que Papa était là lorsqu'elle m'a fait déambuler dans la roulotte avec sa question qui tue, il a vu que j'avais peine à retenir mes larmes alors il a dit : « Elle n'a pas une jambe plus courte que l'autre, c'est la bonne femme Kramer qui est folle raide! » 

Je ne me souviens plus si les filles sont allées au pageant à Rouyn ou si mes cousines et mes amies sont restées bien longtemps dans les majorettes mais je me souviens que j'ai longtemps cru que j'avais une jambe plus courte que l'autre et que la bonne femme avait semé le doute dans mon esprit et celui de ma mère. Ce que je sais aujourd'hui, par exemple, c'est que quand t'es enfant et que t'es victime d'une injustice au point d'en être rejetée du groupe, ça sème le doute pour longtemps dans ton esprit.
 
Au fond, ce n'est pas grave et il n'y a pas de grand drame humain dans cette histoire et je n'en suis pas restée traumatisée tant que ça mais n'empêche, ce matin encore, 50 ans plus tard, en marchant au soleil d'un pas léger, dynamique, rythmé et entraînant, ce souvenir m'est revenu et j'ai eu besoin d'aller vérifier dans mes photos d'enfance si j'avais à cette époque comme aujourd'hui les deux jambes bien égales!
 

30 commentaires:

Le factotum a dit…

Je me rappelle bien du nom "Les Rubis"de Matagami.
De mémoire, il me semble avoir déjà vu votre groupe de majorettes à Amos lors d'un défilé de la Saint-Jean.J'aimais bien regarder ces belles jeunes filles.
Et pour vous rassurer, vous avez bien les deux jambes de la même longueur, croyez m'en.
Bonne journée!

Zoreilles a dit…

@ Le factotum : T'es sérieux là? T'as eu connaissance des Rubis de Matagami? Ah ben là, je suis bouche bée! Il se peut très bien en effet que « mon » corps de majorettes ait été parader lors d'un défilé de la Saint-Jean dans ces années-là, après tout, Amos était la ville la plus proche, à 2 heures de route!!!

Mais je n'y étais pas, ça devait être après que la bonne femme Kramer m'ait jetée dehors... malgré que j'avais, selon ton avis, les deux jambes de la même longueur.

Bonne journée à toi aussi, d'ailleurs, tu fais ma journée en me disant que t'as déjà vu les Rubis de Matagami parce que malgré tout, même si ça s'est mal fini pour moi et qu'aujourd'hui, j'y vois une grande injustice, on avait tellement de plaisir que ça reste un beau souvenir quand même.

Solange a dit…

C'est terrible de faire ça à un enfant. Elle voulait se venger à cause de son auto sûrement, certaines religieuses frustrées agissaient comme ça aussi. Ça marque à vie ces choses là. C'est toujours un plaisir de te lire, tu as l'art de raconter, c'est bien de ne pas avoir fermé ton blogue pour notre plus grand plaisir.

Zoreilles a dit…

@ Solange : Oui, c'était terrible de faire ça à un enfant, je suis bien d'accord avec toi. Certains adultes n'ont aucune maturité de faire vivre leurs conflits personnels à des enfants et on sait que ça existe encore aujourd'hui. Ce n'est pas la première fois que j'entends parler que des religieuses frustrées agissaient comme ça aussi. Un adulte qui abuse de son pouvoir sur des enfants, je trouve ça terrible. Si ce souvenir a marqué ma vie, ou du moins mon enfance, je n'en suis pas restée traumatisée tant que ça, comme je le mentionne à la fin de mon billet mais j'imagine sans peine quand un enfant a été victime de pire que ça, d'intimidation par exemple ou d'humiliation, de rejet, de violence, de sévices de toutes sortes... et qu'il doit se reconstruire par la suite avec une estime de lui-même en bas de zéro... Heureusement pour moi, j'avais plein de ressources, je performais à l'école, j'étais dans un environnement favorable, entourée de parenté et d'amis(es) et un papa qui me comprenait sans que j'aie besoin de m'expliquer!

T'es fine de venir me lire encore, c'est ce qui m'encourage à venir écrire ici quand l'envie me prend d'écrire et de raconter toutes sortes d'affaires comme des souvenirs, des anecdotes, des réflexions, des constats, des questionnements et tout ce qui me passe par la tête, librement, pour le plaisir moi aussi.

Je t'embrasse Solange xx et nous souhaite un printemps pour bientôt, on serait rendues là!

Une femme libre a dit…

Ah! La maudite méchante chipie! Me semble que tes parents auraient pu te défendre plus que ça! Misère de misère! On se fait un grand plaisir de l'haïr la bonne femme Kramer, tu la rends si "vivante" dans ton récit que j'ai l'impression de l'entendre crier jusqu'ici! Elle m'énerve au boutte!

Zoreilles a dit…

@ Une femme libre : Eh que tu m'as fait rire! Toi, tu lui aurais fait sa fête, à la bonne femme Kramer, hein? Moi, j'étais incapable, trop démunie devant « ça ». Mais elle doit quand même te rappeler quelqu'un si tu te fais un plaisir de l'haïr, n'est-ce pas? Qui n'a pas connu dans sa vie une chipie de ce genre? J'en ai rencontré une autre un jour dans l'un de mes contrats de travail, elle était ma supérieure en plus, on l'appelait « le bulldozer » parce qu'elle bousillait les santés, les personnalités, même les carrières. J'avais dû quitter au bout de 6 mois, avant la fin de mon contrat, j'étais en train d'y laisser ma peau. Je n'ai jamais su comment réagir devant la bêtise humaine, ça m'a toujours laissée sans voix, sans défense, sans ressources... Mais pour tout le reste, je sais me défendre, ne crains rien!

Non, mes parents n'ont jamais cru bon de me défendre, ni devant un voisin ou un enfant d'un voisin, ni un prof (ma mère est une ancienne prof) ni devant une direction, ni un entraîneur sportif, ni un employeur quand j'étais ado et sous leur toit. Mais ils m'incitaient beaucoup à me défendre, par exemple. Et puis, qu'auraient-ils pu faire dans ce cas, la bonne femme Kramer était la seule responsable des majorettes, elle avait le pouvoir à elle toute seule, elle m'aurait fait la vie dure si mes parents avaient insisté pour me réintégrer avec les autres.

Moi aussi, lorsque je me ferme les yeux, je l'entends crier encore, hahaha!

Grand-Langue a dit…

Un détail titillait mon esprit en regardant vos photos. N'ayant pu déterminer la cause de ce léger malaise, je me suis dit que cela devait être le fruit de mon imagination. Aujourd'hui vous éclairez ma lanterne: vous avez une jambe plus courte que l'autre, à moins que ce soit l'autre qui soit trop longue.

Grâce à ce billet vous confirmez que je suis normal, que j'avais raison d'être perturbé en vous regardant. Ça soulage de se savoir normal!

Quant à vous, faut pas trop vous en faire avec ce handicap, ça s'opère peut-être.

Grand-Langue

Pierre Forest a dit…

C'est fou le pouvoir des croyances sur nos vies, tout ce qu'on croit vrai sans aucune preuve pour l'appuyer et qui vient soit illuminer, soit assombrir nos pensées. Imagines tout ce que pourraient faire les êtres humains s'ils s'en croyaient capables.

Zoreilles a dit…

@ Grand-Langue : Nenon nenon, vous ne m'aurez pas, plus personne ne va semer le doute dans mon esprit maintenant à ce sujet!

J'aime quand même votre façon de le dire « à moins que ce soit l'autre qui soit trop longue ». En effet, quelle femme ne voudrait pas avoir de plus longues jambes et s'il y avait une opération à faire, ce ne serait pas d'en faire raccourcir une mais de faire rallonger l'autre!

Ça m'a fait plaisir de vous « voir » même si vous avez tenté d'ébranler l'une de mes trop rares certitudes.

Zoreilles a dit…

@ Pierre : Quelles belles réflexions tu viens de tirer sur ma petite anecdote d'enfance... Et si l'on se croyait capables du meilleur et que ce meilleur illumine nos pensées et nos actions?

canneberge14 a dit…

Bonjour Zoreilles!

Je réagis toujours fortement à ces dites anecdotes du pays de l'enfance. J'ai enseigné pendant 36 ans à des jeunes de 12 à 18 ans en grande difficulté. L'intimidation jeune-jeune, j'ai bien connue. Mai j'ai beaucoup investi mes énergies à combattre l'intimidation adulte-jeune. (parent-jeune, enseignant-jeune...) probablement à cause de mes antécédents personnels. Les "intimidés" bien entourés s'en sortent mais certains doutent à un point tel qu'ils devront reconstruire leur ego pendant de nombreuses années.

La bonne femme Kramer a été très méchante envers toi, une petite fille de huit ans. Elle t'a fait beaucoup de peine, beaucoup de mal et surtout, elle a semé le doute...elle n'a pas réussi à ébranler "une de tes trop rares certitudes" mais c'est un souvenir clair d'un moment douloureux. Le pouvoir discrétionnaire et la méchanceté gratuite comme moyen de vengeance, cela fait partie de l'histoire du monde encore et toujours. Les petites anecdotes de l'enfance illustrent bien ce que l'institution nous révèle à grande échelle...malheureusement. Tout un défi que de combattre ces injustices.

Heureusement, il y a tellement de belles histoires à raconter. Je t'en raconte une. Sylvain, un de mes élèves de 12 ans, avait eu un accident à la ferme parentale. Une machine agricole lui avait arracher le bras droit. Le rêve de Sylvain, devenir enseignant en éducation physique. L'enseignant, dans la matière en question à cette époque, ainsi que les parents du jeune, ne cessaient de lui refléter l'impossibilité de la réalisation de ce rêve. Je n'oublierai jamais le sourire éclatant et l'attitude de fierté de Sylvain lorsque, quelques années plus tard, il a fait son entrée dans notre école en août comme enseignant en éducation physique.

Ma bonne femme Kramer à moi, c'était Soeur St-Yvan. (que Dieu ait son âme). Elle avait fait de notre classe une chorale "Les petits anges". Avant de nous donner la note la plus aiguë possible, elle prenait toujours une cuillerée de miel. Je me souviens que notre plus grand succès était "L'Angelus"...trois octaves dans le plafond...nous participions à des concours au Québec. Pendant les pratiques et les représentations, je devais faire du lipsing parce que je faussais trop dans les notes aiguës. Cela ne me dérangeait pas car je demeurais avec la classe, avec mes amies. Puis elle nous parlé de la grande finale qui avait lieu à Sherbrooke. Coucher toute une fin de semaine, dans des dortoirs d'Université, manger à la cafétéria, voir des spectacles...puis elle ajoute...toi Chantale, tu ne viendras pas avec nous parce que tu ne sais pas chanter...la seule de la classe qui est restée chez elle. J'ai pleuré toutes les larmes de mon corps, je ne suis plus retrounée à la chorale et j'ai passé le reste de l'année à détester la bonne sœur!

J'avais de bons résultats scolaires. Mes parents, très peu fortunés, avaient accepté une bourse pour que je fréquente un collège renommé. À la fin d'une journée de classe, je vois sortir en courant une pensionnaire avec toutes mes notes de cours d'histoire, la veille de l'examen. Je vais voir une religieuse pour qu'elle récupère mes notes de cours. Elle m'a dit...pensez-vous Mlle, que la fille du premier ministre aurait oser voler vos notes de cours...rappellez-vous que vous avez la chance d'être avec nous grâce à l'argent d'un généreux donateur parce que votre père est un simple ouvrier...fin de la discussion, pas de notes de cours.
Ce jour-là, j'ai décidé que dans la vie j'allais sauver la veuve et l'orphelin.

Oui, elle me fait beaucoup parler ton anecdote...je m'arrêterai ici! Des anecdotes qui sont finalement des événements plus importants qu'on pense. Des vecteurs de vie.

Bonne journée et bisous!

P.S. Quand on monte les escaliers du Théâtre du Cuivre en courant, ou qu'on marche vers les restos de Rouyn, tes jambes ont la même longueur!!!

Zoreilles a dit…

Ah mon p'tit fruit préféré, ma sœur de cœur, mon amie Chantale!

Ta Sœur St-Yvan et ma bonne femme Kramer = même combat!... pour les deux ostracisées au petit cœur brisé qu'on a été à cette époque de notre enfance! Là où l'on s'est tout de suite connues... et reconnues, grâce à ces conversations qu'on a eues depuis qu'on se connaît, je sais très bien que c'est parce qu'on a un contexte très semblable et qu'on s'est reconstruites, l'une et l'autre, de la même manière aussi. Elles ne nous aurons pas eues, ni l'une ni l'autre de ces chipies mais une chance qu'on s'a, l'une et l'autre, depuis quelques années, pour boucler ces boucles entre deux grands sourires complices et se reconnaître dans nos confidences pour se réparer dans nos manques, faire face à nos vieux doutes... une fois pour toutes!

Tu as été prof et tu en seras toujours une au fond du coeur, par amour de la vie, des enfants et de la nature humaine que tu défends plus que tout. Moi, j'ai toujours eu en horreur l'injustice et l'abus de pouvoir pour les mêmes raisons qui t'ont amenée dans le monde de l'éducation. Et nos motivations personnelles (nourries par nos manques) ont façonné les carrières qu'on a eues, les choix qu'on a faits et les femmes que nous sommes devenues.

C'est souvent à partir de petites anecdotes de l'enfance, qu'elles soient reliées à un bon ou à un moins bon souvenir, qu'on arrive à comprendre et s'expliquer mieux plus tard comment fonctionne le monde autour de nous, ce qu'on peut en espérer... ou pas. Je vois bien que tu procèdes de la même manière que moi et encore cette fois, ça m'enchante de le constater.

J'aime beaucoup l'histoire de Sylvain, un beau modèle pour ceux et celles qui fréquentent ses cours aujourd'hui. Ce sont des héros du quotidien dont on n'entend pas suffisamment parler. On a soif de ces gens-là, de ces attitudes-là, de ces motivations-là, qui pourraient nous aider à mieux vivre. Hélas, on meurt de soif dans nos sociétés actuelles!

Sais-tu quoi? En courant dans les escaliers au TDC et dans les rues de Rouyn en allant au resto, tu trouves que j'ai les deux jambes de la même longueur? Eh bien, moi, je trouve que tu chantes très bien, ta voix est juste, au même diapason que la mienne en harmonie et on ferait un sacré beau duo si j'apporte ma guitare et qu'on les part toutes en sol!

Je t'embrasse xx j'ai hâte de te voir!

Jackss a dit…

Zoreilles,

Tes photos sont fascinantes. Je l'ai constaté avant d'avoir lu l'anecdote que tu as racontée. Cette histoire parle d'elle-même. C'est tellement bête comment certaines personnes ont l'art de tout gâcher. L'intimidation est un des pires vices. C'est bête, ça marche et ça dure souvent bien longtemps avant que quelqu'un ne vienne casser les dynamiques qui prennent forme autour de ces semeurs de bêtises. Il suffit d'un tout petit rien parfois pour briser cette confiance en soi dont on a tant besoin. Celui qui détient le pouvoir et n'intervient pas est aussi coupable que celui qui intimide ou s'attaque à la confiance en soi de son entourage. Pour ma part, je trouve que tes photos illustrent tellement bien les atouts dignes de stimuler ta confiance en toi.

Au début de ton texte, tu as écrit une bien belle pensée « Ce qu'on fuit nous poursuit et ce qu'on efface nous pourchasse ». Quelqu'un me l'a citée lorsque je travaillais à la Coop d'Aide à domicile de Havre-Saint-Pierre.

Cette pensée me revient régulièrement depuis...

Zoreilles a dit…

@ Jacks : Cette anecdote que je raconte beaucoup d'années plus tard, je la revisite avec mon expérience d'aujourd'hui, avec 58 ans de vie, et c'est évident qu'il faut la prendre avec un grain de sel. Très jeune, avec mon vécu de petite fille de l'époque, j'avais découvert qu'il était possible que des gens aient des intentions qui n'étaient pas louables, que l'injustice existait, qu'on n'avait pas toujours ce qu'on méritait dans la vie et qu'on ne devait jamais accepter une déclaration que qui que ce soit sans la remettre en question. C'est peut-être un service qu'elle m'a rendu, au fond, depuis ce temps que je remets tout en question, surtout l'autorité!!!

J'ai toujours trouvé ça triste le jour où un enfant perd son insouciance. Et ça arrive habituellement autour de 7-8 ans. Dans le temps, on appelait ça « l'âge de raison ». Ils nous disaient qu'à cet âge, on savait faire la différence entre le bien et le mal.

Je trouvais important de revenir là-dessus, cette anecdote sans gravité illustre quand même un comportement humain qu'on observe souvent et il vaut mieux savoir y faire face, chacun à sa manière, parce que la nature humaine, même si elle m'émerveille en général, comporte aussi ses écueils qui peuvent être dangereux.

Barbe blanche a dit…

Zoreilles,
vois tu, la vie parfois nous présente des personnes qui au premier abords nous semblent haïssables, mais, après réflexion et un peu de temps, nous constatons que ces individues étaient là pour nous faire grandir, nous apprendre, que nous devons parfois nous garder bien loin d'eux, pour mieux apprécier les personnes de qualité que nous côtoyons au quotidien.
Je dois dire que la tienne était du genre super malfaisante.
Personnellement, une bonne soeur m'a appris que si tu veux quelque chose de cette vie, il faut être persévérant et tenace.
Je raconte: "à une fête en première année,lors d'un tirage, je gagne un livre,
la bonne soeur, dit haut et fort,
(un petit de première année, il va tout déchirer le livre nous recommençons le tirage.)une injustice si il en est une.
Elle refait donc le tirage, je garde la même lettre choisit la première fois,
et je gagne à nouveau le criss de livre.
Mère Marie de la transpiration des pieds de Saint Joseph n'eut d'autre choix que de me remettre le prix doublement gagné.
Ce sont mes enfants qui ayant besoin d'images d'agriculture pur leurs travaux scolaires qui ont eu le plaisir de découper dans ce livre si précieux...

Zoreilles a dit…

@ Barbe blanche : On est du bon monde, on leur donne même du crédit pour nous avoir fait grandir... quand on était petits!!! Ah, c'est de là que ça te vient, ta sainte horreur de l'injustice? T'en as fait un métier : syndicaliste... même après ta retraite!

Tu l'appelles encore « la bonne sœur »? Moi je crois que c'était juste une sœur, elle était loin d'être bonne si elle voulait priver un enfant de première année d'un livre en pensant qu'il aurait pu en déchirer les pages! C'était pas une grande pédagogue en tout cas...

Tu me fais penser... J'ai déjà gagné un prix moi aussi, qui était un livre. J'étais en 8e année, l'année que j'étais assise à côté de celui qui est devenu mon mari. J'avais participé à l'exposition scientifique. J'avais travaillé fort, ça m'emballait ces affaires-là dans le temps. Et j'avais gagné non pas le premier prix mais une mention. Le prix était un livre. J'avais tellement hâte de savoir lequel, j'étais une bonne lectrice. Quand j'ai eu mon prix... Je me rappelle que Gilles, mon voisin de pupitre, avait tellement ri. Il feuilletait les pages avec moi et tournait tout en dérision. J'ai fini par en rire aux larmes moi aussi. Le titre était : « Le guide Marabout de la jeune fille d'aujourd'hui ». C'était démodé dans les années 70 alors imagine aujourd'hui, on appellerait la DPJ pour dénoncer tant de sexisme et de préjugés!!!

Jackss a dit…

Personnellement, j'ai été plus chanceux.
La première religieuse que j'ai rencontrée, c'était un ange.
J'avais 5 ans. Il faut dire qu'elle n'était pas tout à fait religieuse.
Elle avait 18 ans et bien jolie, selon mes souvenirs. Je me souviens même de son nom: Sœur Jeannine Daoust. Je m'étais retrouvé pensionnaire dans un orphelinat, suite à la séparation de mes parents. Le religieuse en question m'avait accueilli et m'avait longuement écouté.
À un moment donné je luis ai dit: "Je voudrais vous demander quelque chose, mais ça me gêne..." Elle a su me mettre à l'aise. Plein de confiance en moi, j'avais ajouté: "Est-ce que je peux vous embrasser?"
Plus tard, cette religieuse est devenue la Sœur Supérieure de toutes les sœur grises du Canada. Ma mère l'a revue à cette époque. Elle se souvenait encore de moi et de cette anecdote. Ce qui prouve toute l'influence d'un baiser.

Zoreilles a dit…

@ Jacks : Ce qui prouve aussi que les religieuses peuvent avoir été des anges, des mamans dans l'âme, des éducatrices hors pair, des infirmières dévouées, et s'il y avait parmi elles des pas fines, des frustrées, c'est qu'elles étaient représentatives de l'ensemble de la société de l'époque.

Ce chaste baiser, celui du petit garçon de 5 ans qui avait exprimé un besoin d'affection bien légitime, t'a laissé un souvenir inoubliable à toi et à elle aussi.

J'ai trois grandes-tantes religieuses qui étaient des femmes extraordinaires à la joie de vivre contagieuse. Ces trois sœurs de ma grand-mère maternelle étaient de la Congrégation Notre-Dame. Originaires des Îles de la Madeleine, elles étaient ce qu'on peut appeler aujourd'hui des femmes de carrière mais à l'époque, aux Îles, le destin d'une femme était de se marier, avoir beaucoup d'enfants et être femme de pêcheur. Elles ont choisi autre chose. L'une a œuvré en éducation toute sa vie parce qu'elle aimait tellement les enfants. La deuxième a été infirmière, elle voulait soigner les malades et aider les démunis. La dernière a aujourd'hui 90 ans, c'est la seule qui est toujours vivante, elle a été la supérieure de sa communauté, elle a beaucoup fait pour soulager la misère dans les communautés où elle a œuvré. Encore aujourd'hui, elle s'investit auprès des pauvres et des démunis à la mesure de sa santé devenue plus fragile, c'est plus fort qu'elle.

Ma préférée, c'était Sœur Hortense, celle qui aimait tellement les enfants. Elle aurait été du genre à te donner un petit bisou, c'était un ange, en plus elle ressemblait à ma grand-mère comme si elle avait été sa jumelle!

Jerry OX a dit…

Bonjour Zoreilles, j'aime ta description de ce flashback sur l’enfance avec , en plus des mots (les maux ?) de jolies photos aux allures Sépia qui font chavirer forcément .

Nanou La Terre a dit…

Quelle triste histoire et quel traumatisme pour une petite fille... À l'époque, la pédagogie était plutôt pâlotte! Et, oui, on garde ces traces longtemps au fond de nous. Mais j'adore lorsque tu nous fais revenir dans le temps avec tes histoires. Quelle belle vie, quelle belle enfance tout de même. Ça me donne le goût d'en raconter aussi. Tiens, peut-être sur la pédagogie à travers les époques. Je vais mijoter ça. E j'adore regarder toutes ces anciennes photos. Encore, encore! Bizous chère Zoreille xxx

Zoreilles a dit…

@ Jerry OX : Je pense qu'à tout âge, on aime se faire raconter des histoires, surtout des histoires vraies. Et les miennes sont vraies, je t'assure, je ne saurais pas inventer ça! J'ai emmagasiné plus de souvenirs du temps de mon enfance qu'à toute autre période de ma vie, peut-être que j'avais plus le temps d'observer et d'intégrer des choses dans ce temps-là.

«... de jolies photos aux allures Sépia... » et tu me fais penser qu'il m'est facile dans ce billet de savoir quand exactement ma mère a remplacé son vieil appareil photo en noir et blanc par un plus moderne, en couleurs : c'était entre mes 7 ans et mes 8 ans!

Zoreilles a dit…

@ Nanou : Un peu tristounette peut-être mais pas si triste au fond, c'est que tu as le cœur tendre, ma chère Nanou, comme moi d'ailleurs. Je n'en suis pas restée traumatisée, au contraire, cela a été très formateur et je pense aujourd'hui que cette anecdote m'a aidée à me rendre compte, très jeune, qu'il existait des gens comme la bonne femme Kramer, qui sont en poste d'autorité pour d'autres raisons que leurs bonnes intentions et qui ne sont pas pédagogues pour 5 cennes.

Il était aussi bien que je le comprenne quand j'étais jeune et que j'apprenne à faire face à l'adversité parce que le marché du travail, par la suite, m'en a fait voir de toutes les couleurs. J'ai été à contractuelle et travailleuse autonome la plupart du temps, au long de mes 40 années sur le marché du travail, je devais tout le temps prouver tout à tout le monde et faire ma place qui n'était jamais gagnée, toujours à recommencer.

Bisous à toi aussi xx

Jackss a dit…

Zoreilles,

Il y a toujours de l'action chez toi. La moindre idée te fait reboondir et susciter de bonnes répliques.
Je crois que tu n'a jamais dû connaître le syndrome de la page blanche. Et pourtant plusieurs auteurs volubiles disent y avoir été régulièrement confrontés.

Zoreilles a dit…

@ Jacks : C'est vrai, je ne connais pas et je n'ai jamais connu le syndrome de la page blanche. Tu sais pourquoi? Je ne suis justement pas une auteure!

Ici, j'écris librement, et seulement quand j'en ai l'élan, je parle à des amis(es) comme je le ferais si je les avais en face de moi, devant un bon café, je parle à des gens qui sont libres aussi de me lire ou pas, d'intervenir ou pas. Je dérange pas!

Quand j'étais écrivain public, je ne connaissais pas non plus le syndrome de la page blanche. Il y avait un besoin, un client, une demande, et je savais toujours comment m'y prendre, ça bouillonnait d'idées et d'arguments, je ressentais l'urgence de mettre ça « sur papier », je trouvais des solutions, des arrangements, des façons de faire, c'était facile pour moi. J'écrivais de l'utile et de l'agréable. Je ne dérangeais pas!

Quand j'ai été consultante en communication, je devais écrire aussi mais pour expliquer, convaincre, sensibiliser, rétablir les faits, vulgariser l'information, la faire passer à travers les mailles serrées des médias pour que ça se rende à la population à qui elle était destinée. J'écrivais de l'utile même si ce n'était pas toujours de l'agréable. Je ne dérangeais pas!

J'ai écrit des textes de toutes sortes, des chansons, des hommages pour des fêtes. Il y avait toujours des objectifs à atteindre ou des convictions à exprimer. Ça coulait de sources, c'était fluide, ça me venait comme un élan du cœur auquel j'avais le goût de répondre. Il n'y avait pas de page blanche non plus.

Autrement, j'écris du vrai, je raconte, je suis incapable d'inventer. Et s'il m'est facile d'écrire pour communiquer, je serais incapable d'écrire une seule ligne si je me prenais pour une auteure. Là, je t'assure, j'aurais le syndrome de la page blanche!

Jackss a dit…

Zoreilles,

Tu es trop humble. Si un jour tu connais le syndrome de la page blanche, alors là tu devrais consulter un docteur ou un notaire...

Zoreilles a dit…

@ Jacks : Nenon, c'est pas de l'humilité mais la réalité! Consulter un docteur? Où ça? Dans le privé? Je n'en ai pas les moyens! Depuis que les docteurs font de la politique au lieu de soigner les gens, on assiste impuissants (et silencieux) au démantèlement et aux nombreuses dérives de notre système public de santé et services sociaux, orchestré par le Dr Barrette.

Et que dire de ce qui se passe dans le milieu de l'éducation?

Le financement des partis politiques?

La totale non confiance en notre système de justice quand un juge de chez nous peut encore siéger parce que que le Conseil canadien de la magistrature a refusé de le destituer malgré une preuve accablante et des mensonges éhontés de sa part sous serment et qu'il a perdu la confiance du public et toute crédibilité?

Non, je suis pas à la veille d'avoir le syndrome de la page blanche!

Jackss a dit…

Zoreilles,

J'ai fait référence un peu plus haut à cette citation que tu avais laissé au début de ton billet: Ce que tu fuis te poursuit. Ce que tu efface te pourchasse. Il me semblait que la citation que je connaissais était différente. Ça vient de me revenir.
Celle que j'avais déjà entendue, c'est : "Ce que tu fuis te suit. Ce que tu fais face s'efface".

Zoreilles a dit…

@ Jacks : C'est ça, tu l'as, je l'avais réinterprétée à ma façon mais l'original est bien comme tu le cites!

Quelle mémoire!

Jerry OX a dit…

et bien , c'est un plaisir de les lire tes histoires vraies, Zoreilles !

Zoreilles a dit…

@ Jerry OX : La belle visite, ça fait très plaisir aussi. À la prochaine!