jeudi 5 juillet 2012

Les Îles 2012 - Billet 5







Photo 1 : Comme il avait été convenu depuis un bon moment déjà, nous avions rendez-vous au Musée de la Mer, à Havre-Aubert, avec le coordonnateur, Monsieur Reynald Briand, un passionné d'histoire et de généalogie, un fier Madelinot. J'y apportais tout ce que j'avais d'histoire des Madelinots en Abitibi, une mission que personne ne m'avait donnée mais dont je voulais m'acquitter depuis 4 ans. 

Photo 2 : Monsieur Briand nous a reçus très chaleureusement, mon frère Jocelyn et moi. Pendant ce temps, Crocodile Dundee et Guylaine souhaitaient plutôt rester du côté du musée où ils ont fait de belles trouvailles. 

Photo 3 : Avec le sentiment du devoir accompli, pour rester dans un contexte historique (!) nous nous sommes dirigés à quelques pas du Musée de la Mer, au Café de la Grave, où l'ambiance nous a une fois de plus transportés dans un univers si chaud, si doux, si délicieux. Dans ce café, on y trouve des livres, des magazines, des journaux, des oeuvres d'art sur les tables, les murs, les chaises dépareillées, les abats-jours crées par les Artisans du Sable et il y a souvent quelqu'un qui vient jouer du piano, comme sur ma photo, ou encore de l'accordéon, de la guitare, etc.  

Photo 4 : Là, on est encore quelques pas plus loin mais encore sur La Grave, chez les Artisans du Sable. On voulait montrer à Félixe que Papi et Mamie avaient visité pour elle les plus grands créateurs de châteaux de sable au monde, des artistes qui savent tirer le meilleur de tout ce qu'ils trouvent à profusion sur les plages des Îles de la Madeleine. C'est là que j'ai trouvé des petites choses à rapporter à ceux et celles que j'aime. 

Photos 5 et 6 : Tout juste à côté des Artisans du Sable, au pied des buttes des Demoiselles, on a passé là un bon moment à se laisser vivre, à jaser de tout et de rien. On redevenait des enfants qui jouaient à ramasser des coquillages, des coquilles vides de couteaux de mer, des bouts de bois usés par la mer, des cailloux, des galets. Ici, un concours de ricochets sur l'eau entre deux gars très compétitifs. Je ne me souviens même plus lequel des deux a gagné mais une chose est certaine, ils prenaient ça très à coeur et ils ne voulaient plus s'arrêter! 

Une page de notre histoire


Je l'ai déjà raconté ici, la dernière fois que j'étais allée au Musée de la Mer, en juin 2008, j'avais demandé ce qu'on avait sur les deux contingents de Madelinots en Abitibi, histoire de compléter ce que j'avais déjà, puisque je m'y étais toujours intéressée. À mon grand étonnement, on m'a répondu qu'on n'avait rien là-dessus, tout simplement parce que personne n'avait documenté cette page de notre histoire, ni le contingent de 1941 dont faisait partie mon père, ni celui de 1942 dont ma mère était. En tout, en deux ans, 206 Madelinots et Madeliniennes avaient quitté leurs chères Îles pour s'en aller en Abitibi et aujourd'hui, nous sommes plus de 1000 à s'identifier comme des descendants de ces courageux bâtisseurs de pays. 

À l'été 1993, j'avais entrepris de faire la biographie de ma grand-mère maternelle à l'aide d'entrevues avec elle, que je réalisais avec la collaboration et le soutien de mon frère Yves. J'avais eu le temps de terminer le tout, retranscrire fidèlement ses propos, lui faire approuver une version finale que j'ai fait imprimer et relier à la bonne franquette et de distribuer ce précieux héritage dans sa famille et ses amis vers la fin de l'été. Elle est décédée à l'automne alors que tous ceux qui voulaient réagir auprès d'elle avaient pu le faire. Je restais donc avec 270 minutes d'enregistrement audio d'entretiens avec elle, ainsi que son point de vue, sa vision, de toute cette épopée. Ce fut le point de départ de tout ce qui est arrivé par la suite. 

Durant les derniers mois, j'avais travaillé à rassembler documents, livres, enregistrements audio, photos, livres-souvenirs, CD et à faire des liens entre toutes ces pièces de puzzle qui me semblaient maintenant s'imbriquer toutes seules comme par enchantement. À mesure que j'avançais dans toute l'affaire, j'envoyais des petits bouts par courriel à mon frère Jocelyn en lui demandant de m'en parler franchement s'il avait le moindre doute quant à l'angle que je donnais à tout ça, est-ce que j'en oubliais des bouts? Est-ce que j'occultais ce qui ne faisait pas mon affaire? Est-ce que je mettais de l'avant quelque chose qui aurait dû prendre moins d'importance? Est-ce que je devais écrire telle ou telle vérité? Bref, Jocelyn m'a encouragée et soutenue tout au long de ma « mission » et il m'avait dit dès le début qu'il aimerait beaucoup aller au Musée de la mer avec moi le jour où nous irions porter notre histoire là où elle doit être racontée. 

Par courriel ou par téléphone, on échangeait beaucoup durant cette période, c'était passionnant et réconfortant de se rendre compte qu'on avait fait souvent la même lecture des événements au cours des années, même celles où nous n'étions pas nés, ni lui ni moi. 

Nos grands-parents Poirier et Turbide ne sont plus là. Notre cher Papa non plus. Mais il nous reste notre Maman qui a vécu ces événements et qui a une mémoire fidèle de toute cette épopée « Des Îles jusqu'en Abitibi ». Et moi, j'avais vécu quelque chose de très fort avec mon frère Yves au moment de faire la bio de Grand-Maman en 1993 et ça n'avait d'égal que tout ce que je vivais de très intense aussi, avec mon frère Jocelyn, au moment d'aller livrer cette page de notre histoire aux Îles de la Madeleine. 

La veille de notre visite au Musée de la Mer, comme je revérifiais une dernière fois l'ordre des documents, la clé USB et le contenu de la valise, Jocelyn m'a posé une question franche et directe qui m'indiquait jusqu'à quel point il saisissait l'importance et la subtilité de tout ça : « Es-tu prête à faire face à d'éventuelles critiques, à ce qu'on pourrait te reprocher même si ce n'était pas fondé, es-tu prête à assumer tout ça? » et sans l'ombre d'un doute, je lui ai répondu « Oui ». 

Nous savions tous les deux que si cette histoire n'avait jamais été racontée, c'était peut-être parce qu'il y avait de la pudeur, de la souffrance et des incompréhensions là-dessous mais j'avais choisi délibérément, avec son accord et son analyse comme soutiens indéfectibles, de raconter cette histoire le plus authentiquement possible, sans jamais tomber dans le misérabilisme et l'anecdote trop personnelle. Après ça, si quelqu'un a quelque chose à redire, libre à lui de continuer là où j'ai laissé ou selon sa propre lecture des événements. J'étais en paix avec ce que j'allais déposer au Musée de la Mer. 

Monsieur Briand nous a accueillis comme si on était de la famille. On aurait pu y rester des heures dans son bureau. Curieusement, ce n'était pas moi qui parlait le plus cette fois-là. J'écoutais beaucoup. Je goûtais chaque moment, avec lui et mon grand p'tit frère, tout fier. On aurait dit un rêve. Monsieur Briand a dit qu'on était de vrais Madelinots! Il a ajouté que Joce, c'est un vrai Poirier pure laine, il se fait toujours dire ça d'ailleurs, ce à quoi il a rétorqué que c'était bien possible, parce que nous étions aux 3/4 Poirier, avec trois grands-parents sur quatre qui portent ce nom de famille. Quant à moi, je me fais toujours dire que je ressemble physiquement à ma mère et à ses soeurs, pour une fois, on m'a dit que j'avais tout d'une Turbide, les yeux bleus, les cheveux blonds, une caractéristique des Turbide du Havre-aux-Maisons, il paraît. Je n'étais pas peu fière! 

Le coordonnateur des collections historiques du Musée de la Mer m'a dit merci et il me regardait droit dans les yeux quand il a dit ça. Il a ajouté : « Pour tous les Madelinots, ceux d'ici, ceux de chez vous et ceux de partout ». 

Maintenant, tout peut arriver. Je suis prête à assumer!


20 commentaires:

Barbe blanche a dit…

Billet 5, oupsss, j'en ai échappé une couple, au cours de la journée passé en forêt...
Je me met à la tâche immédiatement, douce tâche s'il en est une.
Prête pas prête, elle y va...
J'aime quand tu dis, :
"Après ça, si quelqu'un a quelque chose à redire, libre à lui de continuer là où j'ai laissé ou selon sa propre lecture des événements."
C'est ma devise , je commence un projet, en me disant, si je quitte ce monde avant la fin, mon successeur n'aura qu'à continuer...
Bon, la , je file lire tes autres billets...

Lise a dit…

Misère Zoreilles, depuis tout à l'heure (revenue tard) j'ai du mal à te suivre (ici voir mon sourire) et j'en suis ravie. Je crois, enfin il me semble que ce voyage a été inoubliable d'après un tel enthousiasme (re-sourire), et je reviendrai te lire à nouveau moins superficiellement et regarder encore tes magnifiques photos en fin de semaine.

Là, une douche froide me fera le plus grand bien, et ensuite dodo! Je n'en peut déjà plus de l'été ici...

Lise xx

Anonyme a dit…

Quels beaux billets tu nous as concoctés là ma Zoreilles!

Ce soir je me suis gâtée, j'ai pris le temps de te lire, de savourer tes textes, de me promener avec toi et tes images!

Un beau voyage que tu nous as offert... et il n'est pas terminé j'en suis sûre, lol!

xx Soisig

Zoreilles a dit…

@ Barbe blanche : Ouais, je te donne de l'ouvrage, hein?

C'est pas tout, j'ai l'intention d'en publier d'autres aujourd'hui avant de partir pour la fin de semaine.

Après, je vais prendre une pause, mais il me restera le plaisir d'échanger avec vous tous. J'aime beaucoup la formule des blogues pour ça, les échanges que ça permet.

J'ai hâte d'aller vous lire aussi...

Zoreilles a dit…

@ Lise : Oui, ça a été un vrai voyage de rêve, tu as bien saisi. Et comme je ne peux le raconter en un seul billet, j'en ai fait une série. Tu auras de la lecture pour toute la fin de semaine si tu veux et même au-delà!

Après ça, je vais me tenir tranquille, promis juré.

J'espère que tu as réussi à bien dormir après ta douche froide. Quand on ne dort pas bien, plus rien ne nous semble intéressant...

Bonne fin de semaine, Lise ♥

Zoreilles a dit…

@ Soisig : Merci, c'est toi qui me gâtes, si tu savais...

Tu as raison, j'ai pas fini, j'ai encore au moins 2 ou 3 billets qui mijotent, ils se bousculent pour sortir!

Tu reviendras? Quand tu auras le temps... Ça ne presse pas, ils ne s'effacent pas!

Et merci d'être là ♥

crocomickey a dit…

Je suis incapable de mesurer l'immense fierté que j'aurais d'avoir accompli le travail que tu as fait.

Je me contenterai de cette grande fierté que j'ai de ... te connaître.

Zoreilles a dit…

@ Crocomickey : T'es trop fin...

Ce que je ressens après coup, ce n'est pas de la fierté, non, c'est plutôt comme un soulagement, un sentiment de mission accomplie, comme si une injustice était réparée maintenant.

Toutes les émotions et les remises en question par rapport à ça, je les ai vécues du temps que je préparais mon butin, j'y mettais tout mon coeur, je tombais sur des trouvailles extraordinaires, je me sentais comme un instrument au service de la cause, un témoin privilégié, j'avais une responsabilité.

Maintenant, je suis libérée de ça... ;o)

Qu'est-ce qu'on fera de tout ça au Musée de la Mer? Ça va rester dans un classeur, sur une tablette, sur le dessus d'une pile de dossiers en attente d'être traité pendant des années? Je ne sais pas, ça m'est égal, ça ne m'appartient plus. Cette histoire appartient à tous les Madelinots, ceux d'Abitibi particulièrement et ceux qui s'y intéressent.

crocomickey a dit…

Mission accomplie !

Zoreilles a dit…

@ Crocomickey : Ouep!

Anne-Marie a dit…

Francine!!!!
J'veux aller lancer des cailloux moi aussi!

Je n'ai eu le temps que de regarder les photos jusqu'à présent et je voyage......

Que c'est cool!

Je te souhaite une belle fin de semiane à R-2...si tu n'es pas déjà partiexxx

Cher chéri y va demain matin...!

Zoreilles a dit…

@ Anne-Marie : Tu es bien invitée à venir faire le concours de ricochets. Guylaine et moi, on n'était pas des championnes alors peut-être que tu saurais mieux représenter les filles dans ce concours? À date t'aurais pas grand chose à faire pour être la meilleure!

Bonne fin de semaine à toi aussi. Ton Cher Chéri m'a appelée hier soir, il me disait ça qu'il y allait juste demain matin.

Nous autres, on est déjà presque partis, la glacière est prête, j'attends juste que Crocodile Dundee finisse de travailler. Je pense bien qu'on va souper en chemin, au chic resto de Cadillac.

Je te laisse de la lecture pour la fin de semaine, hihihi ♥

Solange a dit…

Félicitations pour ton travail, ça ne me surprend pas qu'il ait été bien accueilli.C'est bien intéressant de voir tes photos.

Étoile a dit…

Tu as fait tout un travail bravo aussi pour ceux qui vont suivre c'est si important de connaître son histoire quand on en a la chance. J'adore le châteaux de sable ça sent les vacance.Bonne journée!

Zoreilles a dit…

@ Solange : Merci, j'ai maintenant un sentiment de « mission accomplie » et je peux passer à autre chose!

Les photos, j'aime ça en voir moi aussi, alors j'aime ça en ajouter, ça rend le tout plus vivant, on dirait que je raconte mon voyage à mes amis.. c'est un peu ça aussi ♥

Zoreilles a dit…

@ Étoile : Je trouve aussi que c'est important de connaître son histoire, ça nous fait des repères quand on sait d'où l'on vient, on peut mieux décider vers où l'on va!

Moi aussi, j'aime les châteaux de sable, en faire et en voir. Aux Îles, ils ont un concours de châteaux de sable au mois d'août. Il paraît que c'est de toute beauté à voir. Des oeuvres d'art... éphémères.

Le factotum a dit…

Bravo pour le travail titanesque entrepris.
Je suis fier de toi et d'être un Abitibien comme toi!
Tu es ma meilleure!

Zoreilles a dit…

@ Le Factotum : Et c'est justement ma fierté toute abitienne qui s'est conjuguée à mes racines madeliniennes, doubles sources de motivation pour entreprendre, réaliser et « livrer » ce travail. Raconter notre histoire... Ils étaient 104 en 1941, 102 en 1942, donc 206 au total, et aujourd'hui, nous sommes plus de 1000. C'est bien assez pour que ça vaille la peine que quelqu'un écrive cette page d'histoire...

J'avais réalisé un jour qu'on n'était pas obligé d'être historien(ne) pour raconter un fait, un événement, un moment, un mouvement de foule, une tendance, une mouvance... On n'avait qu'à en avoir été témoin, à s'appliquer et y aller au meilleur de notre connaissance, sans prétention.

Merci pour ta claque dans le dos!

Mijo a dit…

Oh oui, pas besoin d'être historien pour rapporter et écrire l'histoire et sans témoin, que serait l'histoire ?

Sur les deux 1ères photos, on sent que les entrailles étaient un peu tiraillées.

Zoreilles a dit…

@ Mijo : C'est justement sans aucune prétention mais avec le goût de contribuer en mettant ma petite pierre à l'édifice que j'ai fait ce travail de recherche et d'histoire pour aller le déposer au Musée de la mer!

J'avais les entrailles tiraillées, tu penses? Nenon, je suis juste mal posée, je suis pas très photogénique! Et puis j'avais le soleil en pleine face sur la première photo, ça faisait trop officiel, j'étais un brin mal à l'aise, ça, tu l'as bien saisi, par exemple!!!