lundi 11 février 2013

Sucre en poudre et sucre d'orge


J'ai pris cette photo de l'intérieur de mon bureau au cours de la semaine dernière. 


Fin janvier début février, nous avons connu des épisodes de grésil et de verglas suivis de grands froids, ce qui a ajouté de la dentelle aux arbres et enjolivé nos paysages. C'est joli à voir mais ça reste une épreuve pour les feuillus comme pour les conifères qui « ploient sous la douleur ». 


En y regardant d'un peu plus près, on remarque que les branches des arbres sont écrasées sous le poids de la neige et de la glace accumulées. 


Ainsi, notre hiver a des textures et des allures de...

Sucre en poudre et sucre d'orge

Ces temps-ci, avec une maison à vendre et une autre en grandes rénovations, sans compter les aléas du quotidien, je ne me sens pas tellement littéraire, disons. Mais j'ai toujours le goût de communiquer avec les eaux...tres, alors me voilà, fidèle au poste, pour ne pas que mon blogue s'étiole trop après 6 ans d'existence!  

Nos récents échanges et bons souvenirs au sujet de nos jeux d'enfants m'ont fait penser aux bonbons et gourmandises qu'on avait peut-être en commun également, du temps où il y avait au moins un dépanneur par quartier. Vous souvenez-vous de ces vitrines pleines de taches de doigts, remplies de toutes sortes de friandises à hauteur d'enfants, proches de la caisse? À mon premier job d'étudiante, chez Lou's Tobacco Shop, ces petits clients étaient mes préférés et il m'arrivait souvent de fournir des sous de ma poche quand des enfants hésitaient trop longtemps entre des caramels Kraft ou des réglisses rouges, je leur donnais les deux et ils repartaient contents, encore plus que les autres clients qui attendaient leur tour pour payer leurs cigares et leurs journaux! Ces enfants de l'époque sont remplacés aujourd'hui par les acheteurs de billets de loterie et personnellement, je trouve ça pas mal moins charmant! 

Je me demande si les cigarettes Popeye existent encore? Et les Koo Koo Bar? Vous savez, ces grandes barres minces de la longueur d'une règle à peu près, en trois couleurs, les mêmes que dans la crème glacée napolitaine? Les boules noires, j'aimais moins ça, elles étaient une aubaine, à 3 pour un cent, mais elles tachaient les lèvres, la langue, tout l'intérieur de la bouche et puis, quand ils en ont sorti des plus grosses, nos mères avaient peur qu'on s'étouffe avec, parce que des légendes urbaines couraient que c'était déjà arrivé!

Les réglisses. Les rouges aux fraises et les noires... à la réglisse! Même qu'il y en avait en forme de pipe, à l'époque, c'était politiquement acceptable qu'un enfant se régale de bonbons en forme de pipe ou de cigarette...  Aujourd'hui, on appellerait la DPJ pour moins que ça et on poursuivrait le confiseur en justice! 

Les caramels Kraft... La plupart étaient au caramel mais quelques-uns plus bruns que dorés goûtaient le chocolat. Bien chanceux ceux qui tombaient dessus parce qu'ils partaient toujours en premier, ceux-là. Les soucoupes volantes contenaient des petits bonbons minuscules inclus dans une forme bombée en retailles d'hosties de couleur pastel. Les colliers de bonbons coûtaient 5 cents, je m'en achetais parfois, soit pour m'en faire un collier ou encore mieux, les tourner trois fois autour de mon poignet pour m'en faire un bracelet mangeable. 

Les gommes Bazooka. Et leur petite bande dessinée avec leurs farces pas drôles qui ne se renouvelaient jamais! Je suis certaine qu'ils ont encore les mêmes, je devrais faire l'expérience... 

Mes p'tits frères, eux, dès qu'ils avaient des sous, couraient s'acheter des paquets de cartes de hockey. Comme de raison, il n'y en avait pas toujours mais quand les cartes d'hockey arrivaient, ils le savaient des semaines à l'avance parce que ça se parlait en ville et surtout dans les cours d'écoles! Ça fait partie de leurs plus beaux souvenirs d'enfance, ils ont tellement fait des collections et des échanges, je vous dis que ça négociait serré des fois. Ils ont inventé des jeux avec ces cartes de photos de leurs joueurs préférés de toutes les équipes ainsi que leur fiche de performance qu'ils connaissaient par coeur. Il y avait dans chaque paquet une gomme mince qui sentait et goûtait bizarre, il me semble. Je me souviens qu'en période d'abondance, ils en avaient des grosses chiques! 

Les framboises en jujubes... Ah celles-là étaient mes préférées. Je m'en suis acheté un petit sac encore dernièrement, elles se vendent en enveloppes transparentes sous le nom de « framboises nordiques » mais je ne retrouve plus leur goût d'avant. C'est peut-être moi qui ai grandi?  

Les Pop Sicle. Friandise idéale qui se coupe en deux par un coup solide et bien précis sur le glaçon convoité, appliqué sur le coin du frigidaire à Coke pour le partager avec un(e) ami(e) et se rafraîchir délicieusement par une journée d'été un peu trop « collante ». 

Les lunes de miel coûtaient cher mais valaient leur prix. Bonheur suprême, il y a quelques années, dans une exposition d'artisans, j'ai vu qu'une miellerie de ma région en offrait en assortiments d'une douzaine. Quinze dollars pour une douzaine... mais elles valent toujours leur pesant d'or, encore plus qu'avant. Le succès qu'elles ont eu, ces lunes de miel, faites de bon miel/caramel et recouvertes d'un chocolat noir de qualité? J'en ai acheté 3 assortiments du coup, deux pour offrir et un pour moi... à partager, bien sûr. Une lune de miel non partagée, ce n'est pas vraiment une lune de miel, n'est-ce pas? Parce que c'est bien meilleur quand on? Partage! Le propriétaire de la miellerie me disait qu'il ne fournit pas d'en faire juste avant les Fêtes, ils partent comme des petits pains chauds et on ne les retrouve pas ailleurs que dans ces salons d'artisans où ils attirent la clientèle... comme des mouches sur du miel. 

Vous souvenez-vous des fraises en guimauve? Elles aussi, elles nous tachaient la bouche, mais ça nous faisait comme du rouge à lèvres. Peut-être pour ça qu'elles avaient plus de succès auprès des filles que des gars? Les Cracker Jacks, ces boîtes à moitié vides... euh... à moitié pleines je devrais dire plutôt, contenant du maïs soufflé au caramel avec arachides, et une surprise dedans! 

J'ai toujours aimé les sucres d'orge, leur douceur et leur transparence. Il paraît qu'on peut s'en faire à la maison. Il faudrait bien que j'apprenne cet art un jour. 

Et vous, quels étaient vos bonbons préférés? Existent-ils encore? En achetez-vous parfois? Est-ce qu'ils goûtent comme avant? 


mardi 29 janvier 2013

Nos jeux d'enfants


C'était l'été dernier, au campe à mon frère, à un kilomètre du nôtre, à Rapide Deux. Nous étions à faire des travaux extérieurs pendant que les enfants jouaient autour de nous. 


Y a-t-il quelque chose de plus attirant qu'une balançoire aussi rustique en plein bois?


Adam, Félixe et Clara ont eu un plaisir fou ce jour-là!

Nos jeux d'enfants

En classant mes photos ce matin, je me faisais la réflexion que les jeux d'enfants les plus mémorables qu'on a connus quand on était petits ne s'achètent nulle part dans les magasins. Vous souvenez-vous de ces jeux-là? On n'avait rien mais on avait tout!

Les familles étaient si nombreuses que nos parents avaient bien d'autres choses à faire que de nous divertir et nous amuser. C'est tout juste s'ils nous surveillaient, on avait la responsabilité de se surveiller entre nous autres et de régler nos différends sans qu'ils s'en mêlent. D'ailleurs, on aimait mieux qu'ils ne s'en mêlent pas, on aurait pu se faire chicaner, on ne prenait pas de chance. « Jette un oeil sur tes p'tits frères » que Maman disait. Et Maman était très représentative de tous les parents de l'époque. 

On n'avait pas besoin de bébelles, on avait plein d'amis! 

Jouer à la cachette était une activité très populaire. Des heures de plaisir. Comme la tag. Fallait courir vite et anticiper les déplacements. On a déjà poussé le raffinement jusqu'à jouer à la tag Bar-B-Q. Je me souviens de soirées complètes à jouer à Police délivrance aussi. Et aux Drapeaux. Le summum du bonheur, c'était quand l'une de nos mères cassait son manche à balai ou à moppe. Là, on héritait du manche cassé et on demandait à l'un de nos pères de le couper droit avec une scie pour en faire un petit et un grand bâton, on se divisait en deux équipes et on était repartis pour au moins une semaine! 

À Matagami, on construisait des campes au bout de la rue Rupert qui était encore boisée et plus tard, sur le boulevard Matagami, où il y a aujourd'hui un bar très populaire. Ils ont dû en trouver des bouts de planches et des 2 par 4 quand ils ont construit ce bar! On en avait semé partout, des campes, et on ne coupait jamais d'arbres. Au pire, on en pliait quelques-uns des petits rabougris pour s'en faire un toit. On construisait écolo avant la mode et pour nous autres, le développement durable, ça voulait dire le temps d'un été... 

La corde à danser... Il suffisait qu'un parent, dans un grand élan de générosité printanière, en trouve une en faisant l'épicerie et la mette dans son panier avant de passer à la caisse. C'était d'ailleurs un signe de printemps quand une fille arrivait à l'école avec une grande corde à danser toute neuve. « C'est pas moi qui tourne stampette », ça voulait dire que c'est pas moi qui tourne, stamp it, genre c'est coulé dans le ciment, c'est pas moi qui tourne, je suis la première à le dire. On n'aimait pas ça tourner, on aimait juste sauter à la corde mais ça en prenait deux qui tournaient pour que les autres puissent jouer. On pouvait être jusqu'à huit, dix, douze, à s'amuser avec la même corde. 

Je sais pas pourquoi, les petites chansons de corde à danser, je m'en souviens de toutes. « Ah ah ah que je t'aime/Viens ici ma très chère Claire à ma porte/J'ai un secret à te dire dans l'oreille/Que je t'aimerai toute ma vie/Ah oui chérie youpi ».

Quand mes parents sont déménagés de Matagami à Noranda, (j'ai eu tellement de peine, si vous saviez, je ne vivrai plus jamais pire déracinement...) les filles de ma nouvelle rue jouaient à la corde à danser en scandant : « Thinker taylor soldier sailor richman poorman bigman chief/A doctor/a lawyer/a pow wow chief ». J'avais compris que j'étais alors dans une ville minière où il fallait devenir bilingue au plus vite si on voulait se faire des amis. On avait de la misère à se faire servir en français chez Woolworth, Vic's Handy Store, Superior Food Market mais nous autres, on achetait toujours Chez Dumont! Heureusement, quelques années plus tard, le Parti Québécois et la Loi 101 ont changé la donne et dans ma famille on lisait plus La Frontière et L'Écho Abitibien que le Northern Miner et l'autre dont j'oublie le nom, sinon j'aurais été complètement perdue.

La balle. Vous souvenez-vous des balles bleu blanc rouge? Je m'excuse de vous taper sur les nerfs avec ça mais je vais vous la rechanter, celle-là aussi : « Allons dîner chez le Chinois/Rien à faire/Sans parler/Sans rire/Sans bouger/D'une main/De l'autre main/D'un pied/De l'autre pied/Tapez en avant/Tapez en arrière/En avant en arrière/En arrière en avant/Salut les garçons/Salut les filles/Salut les Scouts/Awinchigo! ». Magali nous avait dit que ça s'appelait la balle au mur. 

Je ne vous ai pas parlé de Magali... À Matagami, sur la rue Rupert, on habitait dans des maisons mobiles. On disait « les roulottes de la mine ». Une fois, Papa nous avait dit que la roulotte de biais à la nôtre allait être habitée prochainement, un nouveau mineur venait d'arriver, directement de la France, il travaillait à la Orchan Mines lui aussi. C'est là qu'on a connu Magali et son p'tit frère Bernard. Ils étaient adorables. Avec un accent très fort du Midi de la France. Ils ne jouaient pas aux mêmes jeux que nous. Ils nous ont donné de grandes leçons d'intégration ces deux-là. 

Au début, Magali disait à toutes les deux phrases : « Nous autres, à Toulouse, en France... » mais on lui a vite fait comprendre que jouer à la marelle, ici, ça s'appelait « jouer aux carreaux » mais c'était pareil. Ils nous ont montré de si belles chansons... dont je me souviens encore mais je ne vous les chanterai pas toutes! Et puis, la mère de Magali et Bernard a cassé son manche de moppe  presque en arrivant et on leur a montré à jouer aux bâtons. Ils savaient jouer à la cachette mais ils appelaient ça « à cache-cache ». Fallait tout leur expliquer, à Magali et Bernard, mais ils apprenaient très très vite. Aujourd'hui, je comprends qu'ils devaient beaucoup s'ennuyer de leur pays d'origine... à Toulouse, en France. Et me reviennent tous ces récits qu'ils nous racontaient parfois quand on leur posait des questions sur leur vie d'avant Matagami, parce qu'en pays neuf, on venait tous d'ailleurs et eux venaient d'encore beaucoup plus loin que nous. Ils aimaient à en parler et nous, on les écoutait avec des envies de voyages... avant de retourner jouer. 

Une fois, Papa était devenu le héros instantané de la rue Allard. Là, on avait eu un loyer de la mine et on se trouvait beaucoup mieux logés que dans la roulotte, c'était immense il me semble. Papa s'était construit un garage et avec les restes de 2 par 4, il m'avait fait des échasses. Le grand luxe! Tout le monde voulait les essayer, avoir son tour, alors Papa en avait fait d'autres jusqu'à ce qu'il ne lui  reste plus de 2 par 4. On avait grandi de 18 pouces tous en même temps dans la même semaine! 

Je sais pas pourquoi je vous raconte ça... Ah oui, je le sais, c'est parce que je me trouve chanceuse d'avoir vécu ces belles années d'enfance où l'on n'avait besoin de rien pour s'amuser, juste des amis... Savez-vous quoi? Cela construit une vie, je crois. Aucun jeu éducatif et coûteux ne nous en apprendrait autant sur la vie et sur le monde. 

Si j'avais un souhait à faire, ce serait que nos petits d'aujourd'hui connaissent de temps en temps ces plaisirs démodés. 

lundi 21 janvier 2013

L'art de ne pas travailler


Un tétras mâle (perdrix) perché dans un pin gris, l'été dernier. 


Je m'approche à pas de loup (très mauvais choix d'expression pour ne pas effrayer mon tétras qui a plusieurs prédateurs, dont le loup). 


Il ne craint rien, visiblement, puisqu'il me fait face. 


Il ne craint tellement rien qu'il vient me montrer ses plumes! 

L'art de ne pas travailler 

Encore une fois, mes photos n'ont rien à voir avec mon billet mais j'avais le goût de partager un petit bout d'été en ce matin de froid sibérien! 

« L'art de ne pas travailler », par Ernie Zelinski, publié chez Stanké en 1998, arbore en sous-titre « Petit traité d'oisiveté active à l'usage des surmenés, des retraités et des sans-emploi ». Je me souviens de l'avoir acheté et d'avoir eu le goût de le lire à l'époque où j'étais dans la catégorie des surmenés! Maintenant dans la catégorie des sans-emploi, je devrais le relire pour voir si ça me parle encore... 

Ce que j'avais beaucoup aimé de ce livre, c'est qu'il posait des questions essentielles et que chacun y répondait à sa manière. La valeur sociale du travail n'y est pas remise en question mais plutôt décortiquée, soupesée, évaluée, en suggérant des pistes pour mieux équilibrer nos vies, entre le travail et notre vraie nature. Tout un programme... 

Depuis que je ne travaille plus, en fait depuis le début de l'année 2013, on dirait que je n'ai jamais tant réfléchi à cet aspect très important de notre vie, le travail. D'en être libérée m'amène à tellement voir et comprendre des choses que je ne saisissais pas encore il y a à peine quelques mois. Beaucoup de personnes autour de moi vivent des situations très difficiles par rapport à leur travail, ce qui ne repose pas du tout le petit hamster que j'ai dans le ciboulot, qui reçoit plein d'informations contradictoires et qui essaie de faire du ménage là-dedans, entre mythes et réalités. 

Dans les années 70, il y avait un succès qu'on pouvait entendre à la radio et dont le refrain me projetait toujours dans une réflexion qui durait bien plus longtemps que la chanson : « On perd sa vie à vouloir la gagner/Tu devrais y penser ». 

Les plus mal pris, à mon avis, sont ceux qui bossent pour des grosses institutions, où ils ont des conventions collectives, des droits et des avantages de toutes sortes. Vient un moment où la structure et l'organigramme les étouffent à tel point qu'ils se sentent comme des numéros et qu'ils finissent par agir comme tels, parce que des décisions administratives totalement imbéciles sont prises ailleurs, loin loin loin de chez nous, et qu'ils doivent en payer le prix, au péril de leur vie personnelle, amoureuse, familiale et sociale. Ceux-là, j'ai peur qu'ils perdent leur vie à vouloir la gagner. 

Ils seraient plus jeunes et moins bien payés qu'ils penseraient à remettre en question tout ça. Ils disent qu'ils ne peuvent pas. Quand je les écoute, je pense aussi qu'ils perdraient beaucoup en quittant leur travail, et sûrement qu'ils perdraient trop. Mais ils ne perdraient pas tout. On a tort d'accorder tant d'importance au travail, surtout quand il nous rend si malheureux. 

Je connais un gars de mon âge qui, s'il quittait tout de suite son enfer qui le rend malade, aurait un fonds de pension amputé de 18 %. En boutade, je lui ai dit que ça lui ferait quand même toujours bien 82 % de plus que moi... Ça ne l'a pas fait rire. D'ailleurs, il ne rit plus beaucoup, c'est ce qui m'inquiète. Il va donc endurer son enfer au péril de sa santé et de sa vie pour encore 4 ans, sans savoir s'il sera toujours vivant à ce moment-là pour profiter de son fonds de pension à 100 %. 

Peut-être que c'est juste sa conception du travail, comme valeur sociale et personnelle, qu'il devrait remettre en question? Je n'oserais jamais opposer mes arguments aux siens, s'il y a une question intime et grave, c'est bien celle-là et j'ai trop peur de me mettre les pieds dans les plats, surtout que je me suis toujours reconnue dans la cigale plus que dans la fourmi. 

Évidemment, l'idéal, c'est quand on aime ce qu'on fait, qu'on a le sentiment de participer à construire quelque chose de signifiant pour notre société et qu'on trouve un sens à notre vie dans notre gagne-pain. J'ai entendu dire qu'il y avait même des gens qui se sentaient valorisés dans leur travail. Oui oui, ça existe encore, il paraît. Mais autour de moi, il y a beaucoup de personnes qui ont déjà été heureuses au travail et qu'on a réussi à complètement démotiver et éteindre, à rendre esclaves d'un univers qui leur fait perdre leur vie au lieu de la gagner. 

À ceux-là que j'aime et que je respecte énormément, je leur souhaite de lire « L'art de ne pas travailler », en espérant qu'ils y trouvent une petite lumière qui, dans le temps, m'avait beaucoup aidée à faire des choix plus éclairés et des pas dans une direction plus heureuse.

* * * * *

Petite anecdote personnelle pour vous illustrer combien je suis libérée du travail : Fin décembre, la personne avec laquelle j'étais en lien 10 fois par jour, par téléphone et par courriel, depuis 8 ans, m'avait fait promettre que lorsque j'irais en Abitibi-Ouest en janvier, j'allais passer au bureau les saluer et qu'on irait dîner ensemble. J'avais promis. 

Mardi dernier, je lui envoie un courriel pour l'aviser que j'y allais jeudi. En lui disant deux jours d'avance, je me trouvais pas mal fine! J'ai eu une réponse courriel de sa part le mercredi en fin de journée. Elle s'excusait d'avoir un horaire vraiment trop chargé pour le lendemain (elle me donnait la liste complète de ses réunions, obligations et déplacements) mais qu'elle aimerait beaucoup que je vienne plutôt le vendredi. 

Bzzzzztttt, mauvaise réponse! J'ai simplement réagi (par courriel aussi) en lui disant que je ne pouvais pas retarder d'une journée ce déplacement mais qu'on se reprendrait... à une prochaine!

Je me sentais tellement soulagée. Je sais fort bien que... « la prochaine » arrivera par hasard ou n'arrivera pas du tout. 

dimanche 6 janvier 2013

Libération!


Le phénomène des trois soleils s'est reproduit encore devant mes yeux, au matin du 20 décembre dernier. J'aime toujours y voir un heureux présage... C'était le jour où ma mère célébrait ses 81 ans, j'ai pensé qu'elle allait avoir encore beaucoup d'années de bonheur devant elle. 


Mitraillant le paysage avec ma caméra, j'essayais de capter cette lumière pour m'en imprégner comme j'en avais besoin. Un soleil n'était pas assez, j'en avais besoin de trois pour terminer l'année et me rendre jusqu'à la fin de ces quarante années où j'avais donné le meilleur de moi-même sur le marché du travail. 



J'avais avisé mon client au début du mois de septembre, ils avaient amplement le temps de réagir et de voir à se trouver une autre consultante en communication pour me remplacer. Comme travailleuse autonome, on sait qu'on doit faire partie d'une équipe tout en n'en faisant jamais partie vraiment. On donne tout ce qu'on a et on ne reçoit jamais autre chose que le paiement de la facture mensuelle qui devrait faire office de claque dans le dos. 


N'empêche qu'à l'approche de ma retraite, je trouvais dommage que ça finisse ainsi, en queue de poisson, dans le silence et l'indifférence. Je n'en étais pas démolie mais un peu triste tout de même et je me faisais la réflexion qu'au fond, dans notre travail comme dans la vie, on est souvent tout seul. 


Et finalement, ces trois soleils au matin du 20 décembre étaient vraiment un heureux présage mais pour moi... Dans la même journée, juste avant d'aller célébrer l'anniversaire de Maman, je suis passée prendre mon courrier postal où m'attendait un écrit qui a fait toute la différence, un écrit sensible, touchant, reconnaissant et chaleureux de la part de mon client, une lettre signée par le directeur général et la directrice générale adjointe, au nom de l'ensemble du personnel. Jamais je n'aurais même imaginé recevoir pareille claque dans le dos. J'en étais fière, un peu émue même, et je pouvais, grâce à cette lettre,  passer à cette étape de ma vie de manière sereine et assumée. 

Libération!

Pourtant, s'il y en a une qui a toujours été consciente du pouvoir des mots, c'est bien moi... Mais ça m'étonne encore chaque fois de constater combien une lettre, un message, une carte de voeu, un mot de remerciement, une « présence » écrite, peut faire toute la différence dans la vie d'une personne ou même d'un groupe de personnes. 

Le jour où je suis devenue écrivain public, en 1993, ma grand-mère qui venait de vivre toutes les réactions de sa très grande famille à sa biographie qu'on avait faite ensemble, m'avait pris les deux mains dans les siennes et m'avait regardée droit dans les yeux avec un air solennel que je ne lui avais pas vu souvent. Elle m'avait dit : « Bon, maintenant, tu ne vas plus jamais arrêter d'écrire, tu n'as pas le droit, parce que tu sais comme les gens en ont besoin... » et on savait l'une comme l'autre tout l'engagement que ça représentait et la nécessité de le faire de tout son coeur. Grand-Maman avait toute sa vie rapproché des familles, tissé des liens, aidé des gens, grâce à ses lettres, de l'Abitibi jusqu'aux Îles de la Madeleine, en passant par le Nouveau-Brunswick. Elle connaissait encore bien plus que moi le pouvoir des mots, ceux qu'on écrit. 

L'intensité de son regard bleu, ce jour-là, ne m'a jamais quitté. Ça fait partie de mon héritage. Elle est décédée quelques semaines plus tard. Je la sens toujours avec moi quand j'écris quelque chose de difficile, de délicat, quelque chose qui pourrait faire la différence, qui pourrait rapprocher des gens, donner un peu d'espoir, de répit ou une mince consolation.  Je n'ai jamais d'attentes mais j'ai souvent des surprises. Comme cette lettre que j'ai reçue le 20 décembre de mon dernier client et qui m'a permis enfin de dire et de ressentir « mission accomplie ». 

Depuis, je me sens libérée. Encore plus depuis le 31 décembre.

Je mesure tellement l'esclavage qu'était devenu mon travail. La responsabilité était lourde... Je devais être disponible chaque fois qu'on avait besoin de moi mais je ne pouvais compter sur personne ni prévoir à l'avance. Ils étaient 800, je faisais affaire avec une trentaine de gestionnaires et j'étais seule dans mon bureau. On m'appelait toujours en cas de catastrophe, je devais être calme, à l'écoute, rassurer et voir la situation dans son ensemble pour mettre en place des stratégies de communication et des relations de presse qui feraient la différence. Ma marque de commerce a toujours été la transparence. C'était non négociable et c'est ce qu'on a retenu de moi, disponibilité, rigueur, professionnalisme et transparence.

Mon rôle était celui de la consultante en coulisses. Jamais on ne m'a vue ou entendue dans les médias, en tout cas pas dans le cadre de mes fonctions avec ce client, je n'étais pas autorisée à être une porte-parole mais je devais former les porte-parole. C'est la partie de mon travail que j'ai le plus aimée, parce que j'étais en lien avec des gens. J'aime le monde, que voulez-vous et le monde me manquait, toute seule dans mon bureau.

La partie la plus difficile était la vigie médiatique, surtout ces dernières années. Qu'est-ce que la vigie médiatique? Surveiller, être aux aguets, écouter, lire, voir, analyser, décortiquer et résumer en quelques lignes ce qui se dit, s'écrit, se rapporte, et se diffuse dans les médias, en lien avec le réseau pour lequel je travaillais, pour en informer le client qui n'a pas le temps ou la disponibilité de se taper l'écoute, le visionnement et la lecture de toutes ces sources d'information qui se multiplient de manière exponentielle, la presse écrite, radio, télé et web. Un esclavage qui me minait de plus en plus. Une surinformation de laquelle je m'éloigne avec grand soulagement.

Et c'est commencé depuis le 1er janvier! Libération!

Les hebdos régionaux du mardi et du mercredi, je les ai lus seulement vendredi, deux jours en retard. Bonheur!

Les hebdos du vendredi matin qu'on doit résumer avant midi? Je les ai lus seulement hier soir au souper et rien que les grands titres, en plus. Youpi!

Les actualités régionales télévisées de cette semaine? Je les ai manquées deux soirs d'affilée, ça me dérangeait même pas!

Je n'ouvre plus la radio en me levant le matin. Je me fous de l'heure des bulletins de nouvelles. C'est fini, ce temps-là!

Je ne traîne plus crayon et papier systématiquement quand je m'informe et qu'est-ce que je m'en fous du titre exact de la personne qui donne l'entrevue à la caméra! Je retiendrai ce qui m'intéresse, c'est tout.

Je serai toujours à l'affût de ce qui se passe dans ma ville, dans ma région, dans les autres régions, au Québec, et dans le monde mais je ne suis plus concernée autant ni responsable d'en rendre compte à d'autres en trois lignes et d'un point de vue sans parti pris. Je peux penser.... librement. Je peux m'en sacrer pas mal aussi, si je veux!

J'ai encore beaucoup de réflexes automatiques d'une travailleuse autonome, consultante en communication. J'en aurai encore pour un petit bout, je pense, il me faut désapprendre tellement de paramètres qui ne me serviront plus à rien. Tenez, par exemple, je prenais rendez-vous au téléphone avec ma coiffeuse pour la semaine prochaine et lorsqu'elle m'a proposé une plage horaire qui normalement ne m'aurait pas convenue, j'ai presque dit non mais je me suis ravisée. Mais oui, je suis libre vendredi avant-midi, pourquoi pas?

Je me sens un peu exaltée, c'est vrai. Je voudrais m'en excuser auprès de ceux et celles qui sont encore pris pour des années dans leur travail, en leur souhaitant que ce ne soit pas un esclavage pour eux comme ça l'était pour moi, à la fin. Continuer à travailler quand on ne trouve plus le sens ni la motivation et qu'on ne croit plus à ce qu'on fait, tout en demeurant professionnelle et efficace, c'était au-dessus de mes forces. Si j'avais continué encore, j'aime mieux ne pas savoir ce qui aurait pu m'arriver. J'ai fait des choix. Que je vais assumer. Être libre, c'est aussi ça, ASSUMER quoiqu'il arrive. Je me sens d'attaque!

Me reviennent aujourd'hui encore ces mots de Grand-Maman qui me disait que je n'avais pas le droit d'arrêter d'écrire, parce que les gens en avaient besoin. D'accord, Grand-Maman, je vais continuer à écrire, à mon rythme, à mon heure et à mon pas, mais sûrement pas des communiqués de presse qui ne servent qu'à nourrir la grosse machine médiatique dans laquelle je ne me reconnais pas.

Il y a tant d'autres choses à écrire... 

mercredi 2 janvier 2013

Passages et repères


Le 24 décembre, en après-midi, chez l'arrière grand-mère de Félixe, qu'elle appelle affectueusement sa Grand-Maman Elise, celle qui vit dans un grand château (une résidence privée pour personnes âgées semi-autonomes). Félixe le sait d'instinct qu'elle a beaucoup de chance d'avoir deux parents qui s'aiment, deux papis, deux mamies, et trois arrière grands-mères, dont celle-ci, à 91 ans, qui adore toujours autant les tout petits. 

Le 27 décembre, juste avant souper. Pendant que les grands se « retrouvaillent » à qui mieux mieux, les enfants bricolent des oeuvres avec des couleurs et des brillants. Un moment de douceur... pour Clara, Félixe et Adam, sous la supervision d'Isabelle. 


Le 28 décembre en après-midi, pendant que je suis aux préparatifs du souper, je surveille de ma cuisine les premiers pas de Félixe... sur ses patins. On pourra dire qu'elle aussi, comme sa mère jadis, aura appris à patiner sur le lac Dufault. 


Le 28 décembre. Le dragon (Adam) faisait une super équipe avec la princesse (qui vous pensez?...)  Lui vient tout juste d'avoir 4 ans, elle les aura le 14 janvier prochain, ils ont un mois de différence d'âge. Ils sont cousin et cousine en quelque sorte et s'entendent comme larrons en foire. Ils habitent aussi le même quartier.  


Le 28 décembre, pendant le souper. Comment faire pour que les enfants patientent en s'amusant jusqu'au dessert? On leur fait préparer chacun leur cupcake! Quelle idée géniale tu as eue, Anne-Marie! Et merci à Yves de m'avoir piqué mon appareil-photo pour capter tous ces moments-là... 


Le 28 décembre, la patinoire joue son rôle rassembleur, tant le jour que le soir. Les grands m'ont envoyé jouer dehors pendant qu'ils s'occupaient de la vaisselle. Merci à Isabelle, Dominic, Noémie, Hubert, Jean-Michel, Louis-Vincent. 


Le 28 décembre en soirée. La photo n'est pas claire mais elle représente tout un monde pour moi. Mes deux « p'tits frères »,  Yves et Jocelyn, jouant au hockey ensemble, l'un avec l'autre ou l'un contre l'autre, c'est pas important de le savoir, en essayant de déjouer le chien du voisin, Lucky. Voilà l'une des images que j'emporte dans mon coeur à jamais. 


Le 31 décembre, 13 heures. La fameuse partie de hockey traditionnelle sur le lac Dufault... Je prends toujours les premières photos de ma cuisine.


Le 31 décembre, 13 h 30. Cette année, nous n'avions pas fait d'invitations mais ils sont venus, nombreux et reconnaissants, joyeux mais tout de même un peu nostalgiques. Une moitié qui jouait au hockey en donnant tout ce qu'ils avaient dans le ventre, et au moins autant qui jasaient autour de la patinoire en jouant dans la neige et en suivant le match. 


Le 31 décembre, au plus fort du match, un match enlevant! Si RDS, en manque de hockey, avait envoyé une équipe ici, ils auraient eu de quoi remonter la cote de notre sport national. 


Le 31 décembre, autour de 15 heures... Le ciel s'est tout à coup assombri, le vent s'est levé et un méchant blizzard a forcé pour une quinzaine de minutes l'arrêt du match... Moment étrange et beau... Les joueurs de hockey ont ressorti les grattes, se sont mis en gang pour « passer la Zamboni » et le match a repris de plus belle. Au premier plan, on voit Dominic et Félixe qui courent rejoindre les autres.


Le 31 décembre, après le fameux blizzard, entre deux périodes du match de hockey. C'est toute une page qui se tourne... Mais on la tourne ensemble, nous cinq. Nous pourrions devenir six au cours de l'année 2013, j'ai entendu dire ça entre les branches enneigées des sapins, des épinettes et des bouleaux. 

Passages et repères

Que sont les débuts et fins d'années? Des passages, des repères, des moments pour se souvenir, se revoir, se remettre à jour, se fixer de nouvelles balises et reprendre nos chemins qui vont de l'avant, en se croisant et se recroisant aussi souvent que possible. 

Le 31 décembre marquait la fin de l'année 2012 pour tout le monde. Pour moi, cette date marquait ma dernière journée de travail « À VIE ». À 11 heures 20 précises, je cliquais sur « envoyer » ma dernière intervention par courriel à mon client. C'était ma facture numéro 226, celle de décembre 2012, la dernière!

Juste avant, celle avec laquelle j'étais en lien dix fois par jour depuis 8 ans, a tenu à me téléphoner, me parler de vive voix, disait-elle. Ce fut une heure de conversation douce, franche, sereine et très étonnante où, curieusement, il n'a jamais été question de santé et de services sociaux! 

Donc, à 11 h 20, j'ai pris conscience du moment, le regard hypnotisé au coin droit de mon ordinateur où figure l'heure qui avait tant d'importance pour les heures de tombée des différents médias. Tout à coup, le temps s'arrêtait à 11 h 20 et plus jamais je n'aurais à me préoccuper des minutes et des heures en lien avec mon travail. J'ai ressenti une telle bouffée de liberté...

L'après-midi s'est déroulé dans la douceur du temps avec toutes les personnes aimées qui étaient venues, dont des surprises fort émouvantes. Personne ne m'a parlé de ma « retraite » et je n'en ai pas soufflé mot non plus. Ça n'avait d'importance que pour moi. Il se vivait tant de choses sur cette patinoire...

À ceux et celles qui se souhaitaient déjà une Bonne et Heureuse Année 2013, pour ma part, je me sentais en harmonie avec le Monde en souhaitant aux autres comme à moi, la Santé, la Paix, la Sérénité. Pas plus. Mais pas moins. 

Est-ce qu'on n'a pas déjà tout pour être heureux à condition d'y mettre du sien? 


dimanche 23 décembre 2012

Noël serein


Jamais ils ne sèment, 


Jamais ils ne moissonnent,


Et pourtant... 

Noël serein

Je n'allais quand même pas vous laisser sur un bête accident de voiture...  Je voulais d'abord vous souhaiter un Joyeux Noël et puis je me suis ravisée. Non, je ne vais pas illustrer ce billet de photos du Père Noël, c'est trop commercial, je ne marche plus là-dedans. Et puis tout le monde vous souhaite ces jours-ci un Joyeux Noël, alors ça met beaucoup de pression pour être heureux à tout prix et je n'aime pas beaucoup ce que ça impose. 

C'est la première année que je n'écris pas mes cartes de Noël. Je me suis privée de ce plaisir de décembre tout simplement parce que je manquais cruellement de temps. Ça m'a manqué. C'est que j'aime faire ces petites lettres de Noël toutes spéciales, écrites à la main, avec des autocollants brillants sur le rabat des enveloppes, dans de jolies cartes illustrées d'images de bonheur, de célébrations, d'enfants, d'hiver, de sapins illuminés avec plein de cadeaux en dessous, des scènes peintes par des artistes, la plupart du temps, parce que j'aime tellement les artistes et la beauté qu'ils savent créer. 

Mais Noël n'est plus ce qu'il était. Les marchands ont peut-être tout bousillé en essayant de nous vendre du bonheur à crédit ou bien c'est nous qui avons conservé des souvenirs épurés de nos Noëls d'avant, du temps qu'on était petits, qu'on n'avait qu'à attendre que les autres nous rendent heureux. 

Si je veux être honnête, les plus beaux Noëls chez mes grands-parents maternels, où la maison du rang VII à La Sarre était remplie de toute cette grande famille, grands-parents, parents, oncles, tantes, cousins, cousines, qu'il y avait de la musique partout et qu'on chantait les mêmes refrains en tapant du pied ou en se prenant par le cou, qu'on avait chacun notre marche dans l'escalier qui montait en haut et qu'il fallait faire deux ou trois tablées pour venir à bout de nourrir tout le monde, j'en oublie la fois que mon oncle Claude, arrivé  chaudasse, s'était assis sur mon beau Colorola que je venais d'avoir en cadeau (mon seul cadeau de Noël) et qu'il avait trouvé ça drôle... 

Non, Noël, c'est pas forcément joyeux pour tout le monde absolument. Il y a ceux et celles qui sont malades ou inquiets, en attente d'un diagnostic, en peine d'amour, qui ont perdu un être cher, qui sont loin, en chicane ou en froid, qui travaillent aux services essentiels, qui s'ennuient, qui sont plus seuls qu'à l'habitude, qui craignent l'avenir, etc. Ayons une bonne pensée pour ceux-là qui n'ont pas la même chance que nous et qui se sentent mal à l'aise d'exposer leur souffrance aux autres. 

Ce Noël, je vous le souhaite serein. Malgré la vie qui bat, qui ne va pas toujours comme on voudrait et les aléas de l'existence, il y aura sûrement pour chacun de vous des moments de paix, de repos, de recueillement, des sourires de tendresse, peut-être même des fous rires si ça se trouve, des accolades qui font chaud au coeur, des coups de fil que vous n'attendiez plus, des visites improvisées, des yeux brillants, des bisous tout doux, des délices qu'on ne déguste qu'au temps des Fêtes et plusieurs autres petits bonheurs dont je vous souhaite de profiter pleinement. Sans attentes. Sans contraintes. Sans obligations d'être joyeux à tout prix. 

Voilà mes voeux de la saison pour vous : Un Noël serein, comme en vivent les p'tits oiseaux, qui ne sèment ni ne moissonnent!


mardi 18 décembre 2012

Un ange sur mon chemin


Fin juin dernier, aux Îles de la Madeleine, on s'en allait marcher la Dune du Bout du banc, qui commence à  Havre-Aubert et qui finit en douce dans la mer, près de l'Île d'Entrée. Là-bas, tout le monde l'appelle « le Sandy Hook » mais depuis quelques jours, ce joli nom évoque une petite école primaire de Newtown au Connecticut... Je suis incapable d'en parler mais cela m'affecte profondément, comme pas mal de monde. 


Tout au long du Sandy Hook, il y a des bouées comme celle-là. La plupart du temps, on se fait poser la face dedans pour faire comme les Joyeux Naufragés mais n'empêche que ces bouées ont une utilité qu'on est porté à oublier quand il fait soleil et que la mer n'est pas trop houleuse. 


Ce jour-là, tout en marchant, on avait l'impression que le temps avait suspendu son vol et qu'on était hors du temps et de l'espace. On s'amusait à s'inventer des noms de bateau pour le cas où un jour, on s'en achèterait un! On était redevenus des enfants qui jouaient. Mon frère Jocelyn a écrit dans le sable le nom de son bateau : L'Effet-Mer. J'avais trouvé ça tellement évocateur et riche de sens... 


Marcher le Sandy Hook aux Îles de la Madeleine, c'est marcher vers l'infini... Il faut donc prendre des pauses! Un jour, je le ferai au complet et rendue au bout, j'admirerai l'Île d'Entrée de ce point de vue-là. C'est mon genre de Compostelle à moi toute seule et je rêve depuis longtemps d'aller jusqu'au bout de cette perspective fascinante que permet ce lieu qui m'enchante. Dorénavant, je vais toujours dire son nom en français, la Dune du Bout du banc. 

Un ange sur mon chemin 

L'ange sur mon chemin, hier, s'appelait Marlène. Vous allez trouver ça drôle, elle est mon courtier d'assurance. Depuis 1976. En fait, depuis qu'on a des patentes à assurer. Donc, Marlène est au courant de ce qu'on achète et de ce qu'on vend, des changements qui sont dans l'air, des responsabilités qui s'ajoutent et des petites malchances qui risquent de nous arriver, comme un vol par effraction ou un accident de voiture. 

Dernièrement, j'ai beaucoup vu Marlène. Il y a des affinités naturelles entre elle et moi, ça nous semble évident à toutes les deux, et ça se confirme à chaque fois, on ne se le dit pas mais on le sait. C'est comme ça. Marlène sait qu'on vient d'acheter une nouvelle maison, qu'on en a une autre à vendre, que j'ai fait un petit accident avec ma voiture le 5 novembre dernier, que j'en étais responsable, et elle sait bien d'autres choses aussi. 

Hier, le 17 décembre, j'ai fait un autre accident avec ma voiture et après avoir rempli le constat amiable avec le Monsieur, il fallait que je rapporte l'accident à Marlène pour enclencher une autre réclamation. Je mesurais très bien les conséquences que ce deuxième accident responsable en 6 semaines allait avoir sur mes futures primes d'assurance automobile, je l'assumais, mais par-dessus tout, j'étais gênée d'aller le rapporter à Marlène. 

Il était 11:20 quand j'ai fait l'accident et midi quand j'ai terminé de remplir le constat amiable avec ce Monsieur qui se méfait tellement de moi qu'il passait son temps à relire en arrière de moi les renseignements que j'inscrivais mais qui se défilait totalement de la responsabilité de le compléter, même sa partie. Il me tendait plutôt ses papiers en me faisant signe de continuer. Il a lu à plusieurs reprises le constat avant de le signer. Je prenais la responsabilité de l'accident à 100 % mais il n'avait pas la conscience propre propre propre, parce que son véhicule était en mouvement quand j'ai reculé dedans, il dit qu'il avançait pour se stationner mais en mon for intérieur, je crois qu'il reculait plutôt. Je ne lui ai pas mentionné mon doute, déjà qu'il était tellement fâché après moi... Visiblement, la confiance ne règnait pas. On peut le comprendre, ce n'était sûrement pas prévu dans son horaire de la journée lui non plus, même s'il est retraité depuis plusieurs années, d'après son âge. 

J'ai pris l'heure du dîner pour me remettre de mes émotions, de toute manière, à cette heure-là, Marlène était sûrement partie du bureau. Je suis allée à l'épicerie m'acheter un sandwich même si je n'avais pas faim, c'est que j'avais peur de tomber dans les pommes, je ne me sentais pas bien. Et si mon corps était dans la file d'attente de la caisse rapide, ma tête était ailleurs, à trop de places en même temps. Partout sauf ici et maintenant. Pas là. J'étais carrément pas là. 

Un premier ange s'est manifesté sur mon chemin dans la file d'attente de la caisse rapide qui ne l'était pas du tout, hier. Un monsieur pas jeune, arrivé en même temps que moi, qui ressemblait à mon père. Je ne voulais pas passer devant lui mais il a insisté. Il avait tout son temps qu'il m'a dit. Je lui ai souri et je l'ai remercié, en lui mentionnant qu'il venait de dire une phrase qu'on n'entendait pas souvent, surtout ces temps-ci. Il s'est mis à me raconter plein de choses de sa vie, du temps qu'il avait devant lui, à 71 ans, qu'il vivait seul, qu'il aimait vraiment beaucoup cette sorte de céréale-là, bref, on aurait dit qu'il avait besoin de parler et moi, j'avoue que de l'écouter me faisait du bien, il me ramenait sur terre! Au bout de quelques minutes, quand mon tour est enfin arrivé, il m'a dit : « Je sais pas pourquoi je vous raconte tout ça! » et moi je lui ai répondu que ça devait être parce que j'avais de bonnes zoreilles! Lui ne pouvait pas comprendre l'allusion mais moi, oui! Et vous aussi!

En guise d'au revoir, pour boucler cette conversation, il a ajouté : « Vous êtes une bonne personne, vous, ça se voit tout de suite. Mais faites attention à vous. Je vous souhaite de joyeuses fêtes... »

C'est comme s'il avait deviné que je venais de faire un autre accident et qu'il me mettait en garde contre moi-même en me disant « Mais faites attention à vous ». Un pur inconnu avec lequel j'avais échangé pas plus qu'un sourire, une politesse et quelques mots. J'ai regagné le petit coin des goûters du supermarché et déballé mon sandwich sans trop m'en rendre compte, ça ne goûtait même pas rien,  je n'arrêtais pas de revoir le visage de cet homme et de me demander comment je pourrais mettre en pratique le conseil qu'il venait de me donner et qui m'avait ébranlée.

En mangeant du bout des lèvres mon sandwich, j'ai relu toutes les lignes du constat amiable et je les ai apprises par coeur, comme les dessins que j'avais faits des véhicules A et B. Je n'arrêtais pas de ressentir l'impact et chaque fois, ça faisait boum très très fort dans mes veines, dans mon coeur, aussi entre mes tempes. J'ai rangé le constat amiable dans mon sac. 

J'ai traversé de l'autre côté de la rue, chez mon courtier, et j'ai demandé à voir Marlène. En attendant qu'elle vienne me chercher, j'ai ressorti de mon sac le formulaire qu'elle a reconnu tout de suite, j'ai vu ça dans le sourire complice qu'elle m'a fait. « Tiens, tu as un beau petit papier, toi? » 

Dissimulant mal ma petite gêne, je lui ai dit qu'elle avait bien vu, que je n'étais pas fière de moi, un deuxième accrochage responsable en si peu de temps, moi qui avait toujours eu un dossier de conduite exemplaire. Marlène m'a dit que ce n'était pas grave du tout, en autant qu'il n'y ait personne de blessé. J'en convenais mais je trouvais qu'elle prenait bien la chose, en tant que mon courtier d'assurance! 

Elle a pris le constat amiable et l'a mis de côté sur son bureau. Elle m'a regardée droit dans les yeux et m'a dit : « Conte-moi ça, ma belle Francine! ». Son air enjoué me surprenait. Je lui ai dit que j'allais tout lui raconter même si tout était là sur le constat, ajoutant seulement en préambule que cet accident-là m'avait « jetée par terre » et j'ai tout de suite commencé à décrire le lieu et le moment de l'impact, de façon très détachée, presque journalistique. 

Elle m'a interrompue : « Arrête, attend une minute, tu dis que ça t'a jetée par terre? ». Elle s'est levée et elle a été fermer la porte de son bureau pour qu'on soit plus tranquilles... Elle n'avait jamais fait ça depuis que je la connais. Elle s'est mise à me parler, pas comme un courtier d'assurance mais comme une amie sincère. Je l'écoutais de toutes mes zoreilles et je me demandais comment elle savait tout ça de moi et pourquoi elle prenait la peine de me dire tout ce qu'elle me disait. 

« Tu me fais penser à moi il y a quelques années, tu sais les gros tapis en caoutchouc qu'ils mettent pour assourdir les bruits et absorber les explosions? C'est toi, ça. T'es pas fatiguée d'être responsable de tout et d'absorber les chocs pour tout le monde? Là, c'est ta voiture qui a absorbé le choc à ta place mais ça te tenterait pas de comprendre avant qu'il t'en arrive d'autres, de même? Puis, elle a changé de ton, elle est devenue très très douce avec moi, maintenant qu'elle avait toute mon attention et qu'elle sentait qu'elle m'avait saisie d'aplomb. Elle m'a défilé ma vie des derniers mois et des dernières années comme si elle m'avait suivie tout ce temps. J'en revenais pas. 

Je lui ai dit : « Mais t'es donc bien extraordinaire, toi, t'es comme un ange sur mon chemin aujourd'hui! » et elle m'a révélé qu'elle avait eu un jour un ange sur son chemin elle aussi et qu'elle se faisait aujourd'hui le messager de ce qu'il fallait que je réalise et au plus vite. Elle a ajouté que j'avais été moi aussi l'ange sur le chemin de beaucoup de monde et qu'elle m'en reparlerait un jour. Mais qu'il fallait absolument que je brise le cycle et que je prenne soin de moi. J'avais compris. Elle le savait. 

Je l'ai remerciée, on s'est serré la main, les yeux dans les yeux... pis j'ai été brailler dans mon char!